EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du jeudi 13 décembre 2007, la Commission a examiné les conclusions de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes majeures.
Après l’exposé du rapporteur, le Président Jean-Luc Warsmann a indiqué qu’après ce premier rapport d’étape, adopté à l’unanimité par la mission d’information, les travaux de cette dernière se poursuivront tout au long de la législature, notamment pour assurer le suivi des réponses qui seront apportées aux propositions présentées. Des thèmes d’étude méritent, par ailleurs, d’être approfondis, tels que les conditions d’exécution des suivis socio-judicaires, des mesures de travail d’intérêt général ou des sursis avec mise à l’épreuve. Dans ce cadre a été adressé aux différents départements un questionnaire visant à évaluer le fonctionnement des partenariats avec des instances privées, telles que les structures prenant en charge les stages de lutte contre les addictions. Il a relevé que certains centres d’alcoologie ne recevaient plus, par manque de moyens, de personnes condamnées par la justice et a regretté que des peines « intelligentes » deviennent en quelque sorte virtuelles, faute des moyens financiers nécessaires. Il a enfin rappelé qu’en janvier serait examiné le premier rapport du volet « mineurs » de la mission, établi par Mme Michèle Tabarot.
M. François Goulard a salué la qualité du rapport de M. Étienne Blanc dont les propositions nombreuses sont marquées par une démarche pragmatique et réaliste. Le rapport procède à une réelle évaluation du fonctionnement du service public de la Justice : il est en effet important que le législateur ne se contente pas de voter la loi pénale mais se soucie également des conditions dans lesquelles les peines prononcées sur le fondement de cette loi sont mises à exécution.
Trois points méritent d’être soulignés.
Le premier a trait au constat établi par le rapporteur de la défaillance du système informatique de la justice. M. François Goulard a rappelé que de telles difficultés ne sont malheureusement pas rares dans les grandes administrations. Les administrations publiques, telle celle du ministère des Finances qui a connu des soucis analogues, rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre de leurs programmes informatiques faute de pouvoir recruter des personnels parfaitement qualifiés pour piloter ces outils, du fait des rigidités des modes de recrutement dans la fonction publique qui font prévaloir des logiques de corps. Le développement d’outils informatiques est donc aujourd’hui confié à des prestataires privés, sans réel contrôle public et au prix d’un grand gaspillage des deniers publics. Il serait utile de réfléchir aux moyens d’associer, au sein d’un partenariat public-privé, l’administration et un prestataire privé qui serait chargé de la conception, de la mise en œuvre et de la maintenance des outils informatiques, avec des obligations de résultats.
La deuxième remarque a trait à la déficience des huissiers de justice, constatée par la mission, en matière de contradictoire à signifier. Il a suggéré que soient en ces matières rapprochés les services de la Justice de ceux du Trésor, dont les huissiers, certes distincts des huissiers de Justice, savent pour leur part très bien repérer les contribuables qui sont redevables envers l’État. Reconnaissant l’originalité de sa suggestion, M. François Goulard a souhaité qu’elle soit étudiée pour améliorer la procédure de contradictoire à signifier.
M. François Goulard a enfin souligné l’importance cruciale de la question de l’effectivité du recouvrement des dommages et intérêts par les victimes d’infraction ; il s’agit d’une question d’intérêt public, qui relève aussi d’une politique sociale : pour toutes les affaires courantes, telles les destructions de véhicules, il est indispensable d’aider les victimes qui n’en ont pas les moyens à faire assurer le recouvrement de l’indemnisation.
Mme Delphine Batho a souligné que l’exécution des décisions de justice pénale est un domaine dans lequel le Parlement a déjà eu une influence importante, notamment s’agissant de la mise en œuvre des BEX. Elle a souhaité que les propositions du rapport de la mission rencontrent l’écoute du Gouvernement. Elle a regretté que s’agissant des mineurs, les mêmes progrès n’aient pas encore été constatés, comme le montrera le rapport du volet « mineurs » de la mission, qui sera présenté en janvier.
S’agissant des questions informatiques, elle a souligné le fait que le projet Cassiopée consiste dans une numérisation des documents existant sous forme papier et non en une réelle informatisation des procédures. Contrairement à M. Goulard, elle ne souhaite pas voir confier à des prestataires privés le soin de mettre en œuvre des programmes informatiques car, non spécialistes des procédures suivies par l’administration, ces prestataires pourraient mettre en œuvre des programmes inadéquats, comme cela a pu être le cas dans les services de santé. Il faut aussi prendre garde à ne pas mettre en œuvre des outils fondés sur des techniques dépassées, source d’un gâchis d’argent. Il est en revanche indispensable de prévoir l’instauration d’un numéro de procédure unique, qui suivrait la procédure des services de police et de gendarmerie à l’exécution de la peine. Une telle mesure permettrait d’avoir une réelle vision d’ensemble de la chaîne pénale et donnerait enfin aux chercheurs des données autorisant une réelle analyse des faits commis et de la réponse pénale qui y est apportée.
S’agissant de l’indemnisation des victimes, Mme Delphine Batho a déclaré partager le souhait de voir mieux indemnisées les victimes de dégradations volontaires de véhicules. Elle a rappelé qu’à la suite des événements de novembre 2005, de nombreuses collectivités locales ont mis en place des fonds d’indemnisation spécifiques.
Revenant sur les propositions de la mission en matière d’amélioration des conditions du travail et de la formation professionnelle en détention, elle a souhaité que la réflexion s’étende à l’ensemble du contenu de la peine, plaidant pour le développement d’une prise en charge de nature comportementale, à l’image de ce qui est pratiqué au Canada, qui enregistre de très bons résultats en matière de prévention de la récidive.
Après s’être réjoui de la qualité du travail de la mission, M. Arnaud Montebourg s’est demandé si les propositions relevant du domaine de la loi feraient l’objet d’une proposition de loi dans de brefs délais.
Il a indiqué que les propositions tendant à améliorer l’effectivité des décisions de justice et du versement des dommages et intérêts, impliquaient de s’interroger sur le rôle des huissiers de justice, étant précisé qu’aujourd’hui, la personne condamnée qui change de département échappe, dans les faits, aux obligations décidées par une juridiction. Il a estimé qu’une perte de confiance dans la profession d’huissier de justice pouvait être constatée.
Il a ajouté que l’amélioration de la mise en œuvre des décisions de justice reposait notamment sur le décloisonnement des différents fichiers contenant des données individuelles et qu’il n’était pas certain que les huissiers de justice soient les mieux à même d’effectuer cette tâche.
Il a jugé très important que la mission d’information ait traité du cas des victimes d’infractions pénales disposant de peu de moyens financiers, pour lesquelles l’effectivité de l’indemnisation de leur préjudice est primordiale.
Pour que les décisions de justice ne demeurent pas inappliquées, il a enfin estimé qu’il convenait de décloisonner les données individuelles et de mettre en place des outils informatiques vraiment opérationnels, dans le respect des principes fondamentaux auxquels doit tout particulièrement veiller la commission des Lois.
Le Président Jean-Luc Warsmann a rappelé que la détermination de la Commission de mener à bien ces réformes ne faisait pas de doute. Elle a d’ailleurs constitué cette mission d’information pour la durée de la législature afin de pouvoir assurer le suivi de ses propositions. Il conviendra donc de déposer prochainement une proposition de loi reprenant les propositions de la mission de nature législative.
Il a souligné que la non-exécution, ou l’exécution différée dans le temps, des décisions de justice rendait parfois la justice « virtuelle ». Il arrive même que des huissiers de justice conseillent à des victimes de ne pas engager de frais car les perspectives d’obtenir un dédommagement effectif sont dans certains cas inexistantes.
Il s’est enfin félicité du soutien unanime de la Commission à la proposition de la mission d’information tendant à améliorer l’indemnisation des victimes de dégradations de véhicules.
Sur la question de l’informatique, le rapporteur a souligné que la mission avait mesuré toute l’ampleur du problème et constaté que les responsabilités dans le domaine du pilotage des projets informatiques au sein du ministère de la justice étaient trop diffuses. Il a formulé le souhait que le projet Cassiopée ait enfin un pilote unique. Il a également indiqué que la proposition de la mission sur le dossier judiciaire unique était claire : ce dossier devra permettre à l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale, des services de police à l’Administration pénitentiaire, non seulement de ne pas avoir à ressaisir à chaque étape de la procédure des informations déjà saisies en amont, mais aussi de disposer des pièces du dossier auxquelles ils doivent avoir accès.
En ce qui concerne les difficultés soulevées par l’absence de signification des décisions, le rapporteur a souligné que l’intérêt du justiciable commandait que la décision lui soit signifiée le plus rapidement possible et que la peine soit exécutée dans les meilleurs délais. Il est donc indispensable que des solutions, qui passeront notamment par la dématérialisation, soient trouvées pour que les significations de décisions ne soient plus différées comme elles le sont encore trop souvent actuellement.
Puis, conformément à l’article 145 du Règlement, la commission a autorisé le dépôt du rapport de la mission d’information en vue de sa publication.