2. Le placement sous surveillance électronique mobile doit
s’inscrire dans un cadre judiciaire
2.1. - Le caractère pénal du placement sous surveillance
électronique mobile
2.1.1. - Le placement sous surveillance électronique mobile ne peut pas être conçu comme une simple mesure de sûreté
2.1.1.1. - Le point de départ de la réflexion : la mission parlementaire d’information de Messieurs Pascal CLEMENT et Gérard LEONARD
La proposition n° 15 du rapport de la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale de juillet 2004, relative à la lutte contre la récidive, préconisait un vaste débat national sur la mise en œuvre du placement sous surveillance électronique mobile des criminels les plus dangereux ayant purgé leur peine.
Les auteurs du rapport ajoutaient que la mise en œuvre d’un tel dispositif devait être assortie de toutes les garanties nécessaires et strictement contrôlée par un juge.
Cette conception d’une mesure de sûreté judiciarisée était reprise par la proposition de loi de Messieurs Pascal CLEMENT et Gérard LEONARD, relative au traitement de la récidive des infractions pénales, votée par l’Assemblée nationale en première lecture le 16 décembre 2004.
Ce texte proposait d’introduire dans le code de procédure pénale une nouvelle section relative aux " mesures de sûreté " applicables aux délinquants sexuels.
Le dispositif proposé prévoyait que la question de l’opportunité du placement d’un délinquant sexuel sous surveillance électronique mobile devait être examinée par le juge de l’application des peines au moins deux ans avant la levée d’écrou.
A l’issue d’un processus d’évaluation de la dangerosité du condamné comprenant notamment la consultation par le juge des avis du procureur de la République, du directeur de l’établissement pénitentiaire, du directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, des médecins et des médecins psychiatres, le juge de l’application des peines déterminait si la libération du condamné présentait un danger pour l’ordre public en raison des risques de renouvellement de l’infraction.
En cas de danger pour l’ordre public, il saisissait le tribunal de l’application des peines aux fins de placement sous surveillance électronique mobile du condamné à titre de mesure de sûreté.
La proposition de loi prévoyait ensuite le recueil par le tribunal de l’application des peines de l’avis d’une commission des mesures de sûreté, organe pluridisciplinaire présidé par un juge et composé du préfet de région, du général commandant la région de gendarmerie, du directeur régional de l’administration pénitentiaire, d’un directeur de service pénitentiaire d’insertion et de probation, d’un médecin coordonnateur, d’un psychologue et d’un représentant des associations nationales d’aide aux victimes.
Le tribunal de l’application des peines pouvait passer outre l’avis de la commission par décision spécialement motivée.
La durée maximale de placement prévue était de 20 ans en matière correctionnelle (par périodes de 3 ans maximum renouvelables) et de 30 ans en matière criminelle (par périodes de 5 ans maximum renouvelables).
Le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture ayant été transmis au Sénat, la commission des lois de la Chambre Haute décidait à l’unanimité le 2 février 2005 de supprimer les articles 7 et 8 de la proposition de loi instituant le placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté destinée à s’appliquer après l’accomplissement de la peine. Elle supprimait l’article 16 qui en prévoyait la rétroactivité.
En effet, sans rejeter le principe même de ce système de surveillance, il lui apparaissait préférable d’attendre les conclusions de la présente mission (communiqué de presse du 2 février 2005). Elle ménageait néanmoins la possibilité de recourir, sous certaines conditions, au placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre de la libération conditionnelle -cette mesure d’aménagement de la peine devant être acceptée par le condamné-.
Le texte modifié était voté par le Sénat le 9 février 2005 et retransmis à l’Assemblée nationale le 10 février.
2.1.1.2. - Peine ou mesure de sûreté
La mission s’est d’abord attachée à déterminer quelle devait être la nature
juridique du PSEM : doit-il être envisagé en tant que mesure de sûreté ou s’analyser comme une peine ?
Rappelons que la notion de sûreté revêt deux acceptions.
Elle est d’une part le droit à la sécurité matérielle. Les citoyens sont en droit d’attendre de l’Etat qu’il les protège des agressions de toutes sortes contre leur personne et leurs biens. Les mesures de sûreté ont donc pour objectif d’assurer de manière préventive la protection des personnes et des biens et celle de l’ordre public.
La sûreté est, d’autre part, le droit à la sécurité juridique contre l’arbitraire de l’Etat.
Elle est définie par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 comme le droit de tout individu de n’être " accusé, arrêté et détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites ". Elle est en outre garantie par l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, intitulé " droit à la liberté et à la sûreté ".
Ces deux acceptions du terme de " sûreté " sont intimement liées.
En effet, les hommes, qui sont justement attachés à leurs libertés, aspirent à la sécurité juridique face au pouvoir et sont prompts à s’insurger contre l’arbitraire.
Parallèlement, lorsque leur sécurité est compromise, ils sont enclins à dénoncer les faiblesses de la répression et à demander de nouvelles mesures de protection contre les agressions.
Dans leur ouvrage sur les libertés publiques (Libertés Publiques, Tome 2, Thémis Droit Public, Presses universitaires de France), les professeurs Jean RIVERO et Hugues MOUTOUH font justement remarquer que " les données du problème, et l’équilibre qui les reflète, varient donc selon que la menace la plus vivement ressentie dans un pays en un temps donné est celle que fait peser sur l’individu l’arbitraire de la répression organisée, ou celle qui naît de la délinquance ".
Par rejet de l’arbitraire monarchique, c’est le système libéral, hérité des Lumières, qui s’est imposé en France pour concilier sécurité et liberté. Le libéralisme politique a ainsi donné la préférence au régime répressif pour régir l’exercice des libertés. C’est la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 qui a jeté les bases de ce régime répressif qui est aujourd’hui le nôtre, parmi lesquelles figurent le principe de la légalité des délits et des peines, la dévolution du monopole de l’action répressive à l’autorité judiciaire et les droits de la défense.
En dépit de cette primauté donnée au répressif, le droit français a toujours conservé à l’exécutif un pouvoir d’intervention dans le domaine de la sûreté.
L’administration disposa longtemps d’un pouvoir de police judiciaire, de nature répressive. Il était fondé sur l’article 10 du code d’instruction criminelle de 1810, qui donnait au préfet des pouvoirs d’arrestation identiques à ceux du magistrat instructeur, devenu, sous une forme plus libérale, l’article 30 du code de procédure pénale de 1957, abrogé par la loi du 4 janvier 1993. De nos jours, les interventions de l’administration dans le domaine de la sûreté relèvent uniquement de la protection de l’ordre public et prennent notamment la forme des sanctions administratives (suspensions administratives du permis de conduire, fermetures administratives ...), de l’hospitalisation d’office des malades mentaux et de la police des étrangers (assignations à résidence, expulsions ...).
En outre, l’autorité judiciaire elle-même dispose de la possibilité de prononcer des mesures de sûreté.
Il s’agit d’une part des mesures pré-sentencielles prononcées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, telles que la détention provisoire, les mesures de contrôle judiciaire, les saisies et les fermetures.
Il s’agit d’autre part de certaines peines qui ont en même temps le caractère d’une mesure de sûreté : les confiscations, les fermetures, la liberté surveillée pour les mineurs.
Il s’agit en outre des mesures de sûreté découlant automatiquement de l’application de la loi pénale. On peut citer notamment l’obligation de signaler périodiquement son adresse et de répondre aux convocations de police auxquelles sont astreintes les personnes inscrites au fichier national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles.
On constate donc que certaines peines sont également des mesures de sûreté.
A cet égard, Messieurs Frédéric DESPORTES et Francis LE GUNEHEC, dans leur ouvrage intitulé Le Nouveau Droit Pénal (Tome 1, Ed. Economica), rappellent qu’il n’existe pas en principe de peine par nature et qu’un même type de mesure peut revêtir plusieurs qualifications différentes : peine, sanction administrative ou mesure de sûreté. C’est la loi qui détermine les cas et conditions dans lesquels l’une ou l’autre de ces qualifications doit être appliquée.
Néanmoins, par souci de simplification, le nouveau code pénal a rassemblé toutes les sanctions pénales dans une seule catégorie : les peines.
Les auteurs notent cependant que, au-delà de la volonté du législateur, la véritable nature de la mesure considérée ne peut être totalement ignorée. Ainsi, la confiscation d’armes ou de substances nuisibles et la suspension de permis de conduire, qui constituent indéniablement des mesures de sûreté tendant à faire cesser une situation dangereuse, sont partiellement soustraites au régime général des peines. Par ailleurs, la peine de suivi socio-judiciaire applicable aux délinquants sexuels a un objet essentiellement curatif et préventif qui la rapproche d’une mesure de sûreté.
C’est ainsi que l’on a pu parler d’une renaissance de la notion de sûreté en droit pénal.
Toutefois, les mesures de sûreté introduites ces dernières années dans notre droit pénal ont jusqu’ici épousé la forme et le régime juridique d’une peine (suivi socio-judiciaire), ou se sont inscrites dans le cadre des effets automatiques de la peine (fichier des délinquants sexuels), ou dans le cadre de l’exécution de la peine.
Force est de constater que le PSEM constitue une mesure fortement restrictive de la liberté d’aller et venir. Il a en outre un impact sur la vie de famille et de ce fait présente le caractère d’une peine, non seulement au regard des principes du droit français mais également au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Il résulte de la plupart des auditions réalisées par la mission que le PSEM, bien qu’ayant un aspect préventif, ne peut pas être conçu comme une simple mesure de sûreté et qu’il doit être clairement rattaché à la notion de peine.
Ainsi, Monsieur Jean BERKANI, procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Evreux, Monsieur Bruno THOUZELLIER, représentant de l’Union Syndicale des Magistrats, Maître David LIGER, président de la commission des libertés et des droits de l’Homme du Conseil National du Barreau et Maître Jean-Louis PELLETIER membre de la commission pénale de l’ordre des avocats de Paris, ont unanimement considéré que le placement sous surveillance électronique mobile conçu comme une mesure de sûreté s’appliquant après l’exécution de la peine serait contraire à la tradition juridique française.
Dans le même sens, Monsieur Jean-Yves MONFORT, Président de la sous-commission des affaires nationales de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles, a manifesté de sérieuses réserves face à une mesure de sûreté prévue pour durer un temps très long, une fois la peine d’emprisonnement exécutée. Il a invoqué la disproportion entre la restriction à la liberté d’aller et venir, la liberté d’avoir une vie privée et le respect de la dignité humaine d’une part, et d’autre part le gain en matière de protection de la société, c’est-à-dire de l’ordre public et des victimes.
Dans le même esprit, Monsieur Patrick DELNATTE, député du Nord, et Monsieur Christophe PALLEZ, respectivement membre titulaire et secrétaire général de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (C.N.I.L.), estiment qu’il peut paraître disproportionné de surveiller de façon continue des individus dans un but de prévention de la récidive alors que l’efficacité d’une telle mesure n’est pas suffisamment démontrée. Ils affirment en outre leur opposition à une mesure de sûreté imposée à des condamnés ayant purgé leur peine, qui procèderait d’un déterminisme contraire à la capacité des individus à s’amender. Les représentants de la C.N.I.L. rappellent à cet égard que " le droit à l’oubli " édicté par la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 n’apparaît pas compatible avec une surveillance électronique pendant trente ans.
Pour autant, comme le rappelle Madame Nicole GUEDJ, Secrétaire d’Etat aux droits des victimes, le PSEM représente une atteinte limitée à la liberté individuelle puisqu’il ne fait pas totalement obstacle à la liberté d’aller et venir et qu’il n’empêche pas la poursuite d’une vie normale. Il paraît donc constituer un contrôle minimum que les citoyens peuvent attendre de l’autorité judiciaire. En ce sens, si son attribution à tel ou tel délinquant est fondée sur des éléments objectifs tirés du passé pénal ou du profil psychologique mettant en évidence le fait qu’il représente un danger permanent pour la sécurité des personnes, le PSEM ne contrevient pas au principe de nécessité et de proportionnalité des peines qui découle de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
Comme le soulignent Maître David LIGER, Maître Jean-Louis PELLETIER, Madame Danielle RAINGEARD de la BLETTIERE, première présidente de la cour d’appel de Dijon, présidente de la Conférence des premiers présidents, et Madame Elisabeth LINDEN, première présidente de la cour d’appel d’Angers, le fait de contraindre un condamné, après l’exécution de sa peine, à une mesure restrictive de liberté supplémentaire non prévue par le jugement de condamnation s’analyserait en une double peine.
En outre, le projet de prolongations successives du placement tous les trois ou cinq ans dans la limite de 20 ou 30 années introduit une insécurité juridique qui paraît trop éloignée des principes du droit pénal et du principe de sûreté.
En définitive, le PSEM apparaît comme une mesure acceptable dans l’ordre juridique français s’il est prononcé à titre de peine ou s’il s’inscrit dans le cadre de l’exécution d’une peine.
A cet égard, il y a lieu de noter que la proposition de loi de Messieurs Pascal CLEMENT et Gérard LEONARD prévoit précisément en son article 11, à côté du mécanisme de la mesure de sûreté, le prononcé du placement sous surveillance électronique mobile par la juridiction de jugement ou le juge de l’application des peines à titre de modalité de la peine de suivi socio-judiciaire.
Il convient à ce stade de rappeler qu’aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, le PSEM n’est jamais conçu comme une mesure de sûreté imposée après l’expiration de la peine d’emprisonnement, mais bien comme une peine à part entière ou un mode d’aménagement de peine.
2.1.1.3. - La question particulière de la mesure de sûreté concernant les malades mentaux auteurs d’infractions pénales
Consciente du problème spécifique posé par la dangerosité de certains malades mentaux, la mission a tenu à examiner la possibilité que le PSEM puisse être prononcé à titre de stricte mesure de sûreté pour les auteurs d’infractions pénales déclarés pénalement irresponsables pour troubles mentaux. A leur sortie d’hospitalisation d’office, sous réserve de l’évaluation de leur dangerosité et de leur personnalité et sous réserve également de l’intervention du juge judiciaire, garant de la protection des libertés individuelles aux termes de l’article 66 de la Constitution, le PSEM pourrait être un utile relais à l’hospitalisation d’office.
Prononcé par le juge des libertés et de la détention, il viendrait abréger la privation de liberté résultant de l’hospitalisation d’office.
Cette mesure de sûreté concernant les irresponsables pénaux correspond à un vrai besoin en termes de sécurité. La psychiatrie constitue en outre un domaine où les mesures de sûreté ont traditionnellement leur place. L’hospitalisation d’office est ainsi dévolue à l’autorité préfectorale sous le contrôle du juge judiciaire garant des libertés individuelles.
Néanmoins, la mission insiste sur les limites d’une telle mesure au regard, d’une part, de sa compréhension et de son acceptation par l’irresponsable pénal et d’autre part, de son aptitude à se soumettre aux règles strictes qu’elle implique.
Elle s’interroge en outre sur les modalités de la coordination entre autorité administrative et autorité judiciaire.
Elle est donc conduite à conclure qu’une telle mesure doit, en tout état de cause, être subordonnée au consentement de l’intéressé et qu’elle ne pourrait être applicable, en pratique, que pour certains individus atteints au moment de la commission de leur crime, d’un trouble psychiatrique passager ou d’une simple responsabilité pénale atténuée.
Cette question faisant actuellement l’objet d’une réflexion confiée à une commission Santé-Justice conduite par M. Jean-François BURGELIN, procureur général honoraire près la Cour de cassation, à la demande du ministre de la justice et du ministre des solidarités, de la santé et de la famille, la mission laissera la question ouverte et ne formulera pas de proposition sur ce point.
2.1.2. - Le placement sous surveillance électronique mobile doit être limité dans la durée et si possible évolutif
2.1.2.1. - Une durée limitée
Les enseignements de l’expérience française du placement sous surveillance électronique statique et ceux des expériences anglaise et américaine de placement sous surveillance électronique mobile ont conduit la mission à conclure que le port du bracelet électronique n’est supportable que pendant une durée limitée.
Compte tenu des contraintes physiques que constitue le port permanent du bracelet et de ses accessoires encore relativement volumineux, et compte tenu de la contrainte matérielle générée par la surveillance, tel que le respect des horaires d’assignation et des zones d’exclusion, il serait irréaliste d’envisager cette mesure pendant une durée de 10 ou 20 ans.
En effet, au-delà d’une certaine durée, variable suivant les individus et suivant le régime d’assignation et de surveillance imposé par le juge, le risque d’incidents augmente.
Rappelons que la durée maximum de placement sous surveillance électronique fixe est actuellement fixée par la loi française à 1 an. Or, en pratique, la durée moyenne du placement est de 2 mois et demi et sa durée maximale excède rarement 6 mois.
Comme le soulignent Monsieur Mickaël JANAS, juge de l’application des peines du tribunal de grande instance de Draguignan, président de l’Association Nationale des Juges de l’Application des Peines (A.N.J.A.P.) et Monsieur Michel FLAUDER, secrétaire général du Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration Pénitentiaire (S.N.E.P.A.P.), le port du bracelet mobile sur une trop longue durée risque même d’être contreproductif en termes de réinsertion et de réadaptation sociale.
Monsieur Jean-Marie HUET, directeur des affaires criminelles et des grâces, rappelle que l’état actuel du dispositif apparaît peu compatible avec un placement de longue durée, et que cette situation semble avoir été prise en compte à l’étranger où il est limité à 2 ans.
Compte tenu de tous ces éléments recueillis tant en France qu’à l’étranger, la mission estime que la durée maximum du placement sous surveillance électronique mobile ne saurait excéder 2 années, même s’il offre plus de liberté de mouvement au condamné que le PSE statique, notamment grâce à la géo-localisation.
2.1.2.2. - Un caractère évolutif
Les fonctionnalités du PSEM lui confèrent une souplesse d’utilisation qui permet d’adapter le régime coercitif à la personnalité de l’individu et à son environnement.
Afin de rendre le PSEM supportable dans la durée, cette souplesse doit être utilisée pour donner un caractère évolutif au déroulement de la mesure.
Au fur et à mesure de son exécution de la mesure, les horaires d’assignation et les zones d’exclusion fixés par la décision initiale peuvent être ultérieurement assouplis lorsque le condamné a respecté les règles.
De la même manière le contrôle à distance, par téléphone et messages SMS, peut être allégé lorsque l’individu a prouvé qu’une certaine confiance pouvait lui être accordée.
Le contrôle a posteriori permettra, de toutes façons, de vérifier les déplacements du condamné.
En tout état de cause, le PSEM sera d’autant mieux supporté s’il présente non seulement un aspect coercitif mais également une vertu éducative. L’intérêt est d’associer l’individu à l’exécution de sa mesure, en tirant avec lui les conséquences de l’amélioration de son comportement en société.
Ainsi, l’assouplissement progressif du PSEM répond à l’objectif d’accompagnement du condamné vers la fin de la restriction de liberté et d’autonomie en aidant l’individu à changer de mode de vie et à se déshabituer de certains comportements à risque.
Un PSEM réussi doit en effet permettre au condamné d’intégrer progressivement certaines normes sociales et de résister à la tentation des transgressions.
A l’inverse, les manquements, aussi minimes soient-ils, et a fortiori les alertes plus sérieuses, pourront être aussitôt sanctionnés et corrigés par un renforcement du régime de coercition et de surveillance avant qu’ils n’aboutissent à une violation grave des obligations fixées ou à la commission d’une nouvelle infraction.
Par son comportement, le condamné pourra ainsi influer de manière perceptible sur le régime d’exécution de sa peine. En devenant acteur de l’exécution de sa peine, il conservera en même temps sa dignité.
A cet égard, Madame Isabelle FERRIER, directrice d’établissement pénitentiaire à la sous-direction de l’état major de sécurité de la direction de l’administration pénitentiaire, ancienne directrice du centre pénitentiaire de Lannemezan, a estimé que le PSEM pourrait participer à la progressivité de la réinsertion.
C’est pourquoi la mission proposera que le PSEM revête un caractère évolutif en fonction de la personnalité du condamné et de sa propre progression.
Cette progressivité est une des clés de la réussite du placement.
Elle s’inscrit en outre dans l’esprit même de la notion d’individualisation de la peine.
2.1.3. - La réussite du placement sous surveillance électronique mobile suppose l’adhésion du condamné
La mission s’est interrogée sur la possibilité d’imposer unilatéralement le PSEM aux auteurs d’infraction, notamment à ceux présentant un réel danger pour autrui. A cet égard, les représentants d’associations de victimes, partant du principe respectable que les victimes potentielles des criminels dangereux doivent être protégées, ont proposé un PSEM dès la sortie de prison, sans même qu’il y ait lieu de recueillir le consentement de l’intéressé.
Cependant, la mission constate que le régime juridique français du PSE statique prévoit déjà l’accord obligatoire du prévenu ou du condamné. Ainsi, l’article 132-26-1 du code pénal dispose que la juridiction de jugement ne peut décider ab initio que la peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an qu’elle prononce s’exécutera sous le régime du PSE qu’avec l’accord du prévenu. Ultérieurement, le PSE, comme tout aménagement de peine, n’est prononcé qu’avec l’accord du condamné.
Ce principe se justifie par la nécessaire participation de l’individu à l’exercice de la mesure. En effet, la personne placée sous surveillance électronique reste en partie libre de ses mouvements et pourrait à loisir se défaire d’un bracelet en matière plastique. Imposer le PSE à un individu récalcitrant conduirait donc à un échec certain et rapide.
A cet égard, dès 1995, le rapport CABANEL sur la prévention de la récidive concluait à la nécessité de recueillir le consentement de l’intéressé avant de le placer sous surveillance électronique statique, après avoir constaté que telle était la règle dans l’ensemble des pays ayant mis en œuvre cette technologie.
Dans le cadre de la surveillance électronique mobile, la collaboration requise de la part de la personne placée est encore plus grande que dans le cadre du PSE fixe. En effet, outre le respect des horaires d’assignation et les contrôles téléphoniques réalisés par le personnel pénitentiaire au domicile de l’intéressé en cas d’alarme, la personne placée sous surveillance mobile est amenée à transporter le récepteur dès qu’elle sort de chez elle et à répondre à tout moment aux messages ou aux appels du personnel de surveillance, notamment pour lui demander de s’éloigner d’une zone d’exclusion ou pour lui demander des comptes sur un déplacement litigieux.
En outre, le nécessaire rechargement périodique de la batterie suppose par hypothèse l’implication personnelle et permanente de l’individu.
Le caractère très interactif de la surveillance mobile renforce la nécessité de l’adhésion de la personne et du même coup est indissociable de l’aspect éducatif qu’elle doit revêtir et du projet de réadaptation sociale qui doit être au cœur de cette mesure coercitive.
De fait, la mission a pu constater lors de ses déplacements à l’étranger que l’accord de la personne y est unanimement considéré comme indispensable.
De même, à l’occasion des auditions réalisées par la mission, la nécessité du recueil préalable du consentement a été soulignée par les représentants de la profession d’avocat et par ceux de l’association nationale des juges de l’application des peines.
Enfin, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme a considéré que le recueil du consentement était plus conforme au respect des droits de la personne humaine.
2.1.4. - Le PSEM n’étant pas adapté à toutes les personnalités, son attribution doit résulter d’un examen individuel et s’accompagner d’un suivi personnalisé
2.1.4.1. - Des personnalités inaptes au bénéfice de la mesure (les déficients mentaux, les pathologies psychiatriques lourdes, les personnalités insuffisamment structurées)
Le placement sous surveillance électronique mobile des criminels les plus
dangereux, notamment des meurtriers, des auteurs de viols aggravés (commis avec arme, sur mineurs ...) et de viols multiples, et des auteurs de tortures et d’actes de barbarie, apparaît hautement souhaitable.
Toutefois, cet objectif se heurte à l’incompatibilité de certains profils de criminels avec l’usage du PSEM.
Ainsi, la mission a étudié la proposition de Monsieur BOULAY, président de l’A.P.E.V, d’imposer le PSEM aux criminels déclarés pénalement irresponsables pour troubles psychiques ou neuropsychiques ayant aboli leur discernement ou le contrôle de leurs actes (article 122-1 al 1er du code pénal) et plus généralement à toutes les personnes potentiellement dangereuses en raison de troubles mentaux ayant justifié un placement d’office en milieu psychiatrique.
Or, indépendamment du débat sur la mesure de sûreté, il apparaît que les profils psychiatriques les plus lourds, notamment les personnes atteintes de déficience mentale ou de pathologies psychiatriques sévères, sont manifestement incompatibles avec la collaboration active et l’autodiscipline constante qu’exige le placement sous surveillance électronique.
En revanche, en cas de simple atténuation de responsabilité résultant d’un trouble ayant altéré le discernement ou entravé le contrôle des actes (article 122-1 al 2 du code pénal), un placement sous surveillance électronique mobile paraît envisageable sous réserve d’une évaluation psychologique ou psychiatrique de la capacité de l’intéressé à comprendre le fonctionnement du dispositif et à s’astreindre avec régularité aux obligations fixées. Cette mesure devra cependant être accompagnée d’un soutien psychologique et social renforcé.
Par ailleurs, compte tenu des contraintes inhérentes au bracelet électronique mobile, d’autres profils de délinquants paraissent devoir être écartés du bénéfice de la mesure. Il s’agit de ceux qui, sans relever de la psychiatrie, ont une personnalité insuffisamment structurée ou qui sont atteints de troubles du comportement ou de l’humeur.
Ainsi, la mission doit constater que les objectifs du placement sous surveillance électronique mobile appliqué aux criminels les plus dangereux ont leurs limites.
A l’inverse, à la lumière des expériences étrangères précédemment évoquées, le PSEM est apparu adapté à d’autres catégories de délinquants.
C’est ainsi qu’en Floride des auteurs de vols, de violences notamment intrafamiliales ou d’agressions sexuelles, sont placés sous bracelet électronique mobile.
En Angleterre, trois expérimentations visent actuellement les individus auteurs de violences conjugales, les récidivistes multi-délinquants (vols, cambriolages, vols de véhicules...), certains mineurs aux comportements anti-sociaux et des délinquants sexuels.
2.1.4.2. - Un nécessaire et préalable examen individuel de personnalité
Compte tenu de l’inaptitude de certains individus au port du bracelet électronique mobile, l’évaluation préalable de la personnalité des individus est apparue cruciale.
Elle peut être conduite par des travailleurs sociaux ou par des psychologues. En revanche, le recours à l’expertise psychiatrique ne sera pas toujours nécessaire. Il ne doit pas être systématique, en raison notamment de la pénurie d’experts psychiatres soulignée par le Docteur Daniel ZAGURY. Cet expert indique néanmoins que l’expertise psychiatrique s’avèrera utile dans le cadre d’un contrôle judiciaire et indispensable dans le cadre d’une demande de libération conditionnelle.
Les représentants de l’A.N.J.A.P. soulignent la nécessité qu’une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité de certains condamnés soit réalisée à un niveau régional.
La mission proposera que cette évaluation soit confiée aux centres de ressources régionaux prévus par le plan “ psychiatrie et santé mentale “ du ministère de la santé.
2.1.4.3. Un suivi personnalisé (soins psychologiques, psychiatriques, accompagnement professionnel et social, probation) - Une prise en charge globale.
La technique de surveillance du PSEM, aussi performante soit-elle, ne saurait remplacer l’étayage humain et les repères moraux dont les criminels ont besoin au moment de leur sortie de prison.
Le PSEM, qui est une véritable peine, constitue une expérience prégnante pour les individus qui y sont soumis et qui ne doivent donc pas être livrés à eux-mêmes. Un suivi individuel, défini au cas par cas suivant la personnalité et les besoins du délinquant, doit être mis en oeuvre.
Il pourra prendre la forme de soins psychiatriques ou psychologiques, d’un traitement de désintoxication, d’un accompagnement social, ou d’une formation professionnelle.
Cette prise en charge globale doit s’inspirer de celle qui est déjà pratiquée dans le cadre du PSE statique.
Le caractère indispensable de ce suivi est souligné par l’ensemble des professionnels entendus par la mission, notamment les représentants de l’Association Nationale des Juges de l’Application des Peines.
Madame Danielle RAINGEARD de la BLETTIERE, première présidente de la cour d’appel de Dijon, présidente de la Conférence des premiers présidents, et Madame Elisabeth LINDEN, première présidente de la cour d’appel d’Angers, ajoutent que le rôle de ce suivi socio-éducatif serait de préparer " l’après bracelet ".
Durée limitée, caractère évolutif et accompagnement socio-éducatif apparaissent dès lors étroitement liés.
Le suivi socio-éducatif est bien la traduction du projet de réadaptation et de réinsertion des condamnés, au cœur de la notion de peine.
En ce qui concerne les mineurs, ce soutien éducatif est encore plus nécessaire.
Ainsi, Monsieur Michel DUVETTE, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice, insiste sur la spécificité de la personnalité en construction des mineurs. Il rappelle que les mineurs peuvent d’ores et déjà être placés sous surveillance électronique statique, même si les cas sont encore rares.
Il n’est pas hostile au placement des mineurs sous surveillance électronique mobile si celui-ci s’inscrit dans une démarche éducative cohérente. La mesure de surveillance ne serait qu’un des éléments de la rééducation, à la condition que soient prises en compte les contraintes particulières liées à la prise en charge des mineurs.
Sur ce dernier point, Monsieur DUVETTE fait remarquer que la cohabitation dans un même foyer éducatif avec des mineurs placés sous surveillance pourrait entraîner une stigmatisation, avec pour effet de les survaloriser (phénomène de caïdat) ou au contraire de les désigner comme boucs émissaires. Le soutien du mineur par une famille structurée lui apparaît dès lors indispensable à la réussite du PSEM.
S’agissant du traitement des violations de la mesure, Monsieur DUVETTE souligne que le principe rigide d’une sanction immédiate et radicale serait mal ressenti par des adolescents en pleine phase de structuration et de recherche de leurs limites.
Ils pourraient être conduits selon lui à réagir par le défi et la provocation. Le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse ajoute enfin que le suivi éducatif du mineur placé sous bracelet mobile devrait comporter des bilans réguliers destinés à déterminer si le PSEM apporte un réel bénéfice au mineur.
La mission fait siennes toutes ces considérations et estime que le placement sous surveillance électronique mobile des mineurs devra intégrer ces paramètres et s’articuler autour d’un projet éducatif renforcé.
En conclusion, le PSEM, véritable mesure de restriction des libertés, présente un caractère pénal indiscutable et doit dès lors s’inscrire dans un cadre strictement judiciaire.
2.2. - Un nécessaire cadre judiciaire
2.2.1. L’exigence d’un cadre judiciaire résulte des auditions menées par
la mission
Chacun s’accorde à considérer que le succès du PSEM n’est possible que s’il s’inscrit dans un cadre judiciaire pénal classique.
Monsieur André RIDE, procureur général près la cour d’appel de Limoges, président de la Conférence des procureurs généraux, exprime l’attachement des procureurs généraux au principe que le PSEM ne puisse être prononcé que par l’autorité judiciaire. Les procureurs généraux sont favorables au prononcé du PSEM par la juridiction de jugement à titre de suivi socio-judiciaire et par le juge de l’application des peines en tant que modalité de la libération conditionnelle.
Monsieur Jean-Marie HUET, directeur des affaires criminelles et des grâces, considère que le PSEM pourrait revêtir la forme d’une peine alternative à l’emprisonnement, d’un aménagement de peine, ou s’inscrire dans le cadre du suivi socio-judiciaire.
Les représentants d’associations de victimes, qui comptent parmi les plus fervents partisans du PSEM, sans manifester une hostilité particulière à l’égard de la notion de mesure de sûreté, marquent néanmoins leur préférence pour un cadre pénal, et plus précisément pour la peine de suivi socio-judiciaire (audition de Monsieur Jean-Pierre ESCARFAIL, président de l’A.P.A.C.S. et de Maître Didier SEBAN, avocat de la fédération d’associations de victimes CRISTAL, et audition de Monsieur BOULAY, président de l’A.P.E.V.).
De même, Madame Julie CLEMENT et Monsieur Patrick MAUDUIT, représentants du syndicat d’officiers de police SYNERGIE, estiment que le PSEM devrait s’inscrire dans le cadre de la peine de suivi socio judiciaire. Dans le cadre de cette peine concernant les criminels et délinquants sexuels, les condamnés seraient placés sous PSEM à leur sortie de prison. En revanche, ils n’estiment pas que le PSEM puisse constituer une peine alternative à l’emprisonnement des détenus les plus dangereux.
Monsieur Jean DELPECH, directeur d’établissement pénitentiaire, ancien directeur du centre pénitentiaire de Liancourt spécialisé pour les délinquants sexuels, estime que la peine de suivi socio-judiciaire offre le cadre le plus adapté à la mise en œuvre du PSEM, la surveillance électronique n’étant pas à même d’empêcher la récidive sans un suivi médico-social parallèle.
Les représentants du Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration Pénitentiaire (S.N.E.P.A.P.), qui ne cachent pas leur réticence vis-à-vis de la surveillance électronique, expriment leur conviction que le PSEM ne peut être qu’un outil électronique au service du travail social, qui doit rester prioritaire. Cette réflexion les conduit à privilégier le cadre de la peine de suivi socio-judiciaire pour la mise en œuvre du PSEM.
Monsieur Bruno THOUZELIER, représentant de l’Union Syndicale des Magistrats, affirme également une préférence pour le cadre du suivi socio-judiciaire.
Pour Monsieur Jean BERKANI, procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Evreux, où est situé le centre de détention de Val de Reuil bénéficiant d’une solide expérience du PSE statique, le PSEM devrait pouvoir être prononcé par le juge d’instruction, à titre d’alternative à la détention provisoire, comme outil du contrôle judiciaire. Il devrait aussi pouvoir être prononcé par la juridiction de jugement en tant qu’alternative à l’emprisonnement et par le juge de l’application des peines en tant qu’aménagement des courtes peines.
Monsieur BERKANI précise que le PSEM pourrait être utilement prononcé dans le cadre du suivi socio-judiciaire et aussi dans celui des réductions de peines conditionnelles instaurées par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (article 721-2 du code de procédure pénale).
Les juges de l’application des peines pourraient ainsi soumettre les détenus libérés en fin de peine à une mesure de PSEM pendant une durée égale au total des réductions de peines accordées.
L’Association Nationale des Juges de l’Application des Peines (A.N.J.A.P.) évoque également la possibilité de prononcer le PSEM dans le cadre des réductions de peines conditionnelles.
Pour Madame Danielle RAINGEARD de la BLETTIERE, première présidente de la cour d’appel de Dijon, présidente de la Conférence des premiers présidents, et Madame Elisabeth LINDEN, première présidente de la cour d’appel d’Angers, le PSEM pourrait utilement être prononcé dans le cadre d’une libération conditionnelle. En outre, son prononcé dans le cadre des permissions de sortir permettrait d’envisager des sorties plus longues, ce qui faciliterait la préparation à la réinsertion des détenus désocialisés par une longue incarcération.
Très critique vis-à-vis du dispositif technique et très opposée à la notion de mesure de sûreté de très longue durée ajoutée à la peine, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, en la personne de Monsieur MONFORT, a fait savoir que le projet de PSEM conçu comme une peine de suivi socio-judiciaire serait à ses yeux plus acceptable, notamment s’il prévoyait le recueil du consentement de la personne.
Certains professionnels voient en outre dans le PSEM un instrument de nature à redynamiser ou re-crédibiliser l’exécution de certaines peines. C’est ainsi que Monsieur Jean-Yves BUGELLI, représentant du syndicat de fonctionnaires de police ALLIANCE, qui note les nombreuses failles du dispositif de la peine d’interdiction de séjour, dont la violation n’est souvent constatée qu’au hasard d’autres enquêtes, voit dans le PSEM le moyen de s’assurer du respect des zones d’interdiction.
Madame Nicole GUEDJ, Secrétaire d’Etat aux droits des victimes, voit également dans la surveillance électronique mobile un moyen de contribuer efficacement au respect d’une décision d’interdiction de séjour qui serait prononcée à titre de peine complémentaire dans l’intérêt de la victime. Elle précise, en effet, que nombre de victimes peinent à reprendre une vie normale après la commission de certaines infractions et vivent dans l’angoisse d’une rencontre avec leur agresseur.
Me Jacques MARTIN, avocat, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier, qui souligne le caractère restrictif de liberté du PSEM, demande que son prononcé soit réservé au juge judiciaire. Il ajoute que le PSEM doit s’inscrire dans le cadre de la procédure pénale, qui seul garantit l’exercice des droits de la défense.
Me LIGER, président de la commission des libertés et des droits de l’Homme du Conseil National du Barreau et Me PELLETIER, membre de la commission pénale de l’ordre des avocats de Paris, membre du conseil de l’ordre, indiquent que la préoccupation du barreau ne concerne pas tant le dispositif technique que l’encadrement juridique. Opposés à une mesure de sûreté, ils se prononcent en faveur du cadre pénal, et notamment de l’utilisation du PSEM comme alternative à l’emprisonnement. Le PSEM pourrait à leurs yeux être prononcé dans le cadre d’une peine de suivi socio-judiciaire ou d’une libération conditionnelle. Ils estiment également cohérent de permettre au juge de l’application des peines de placer certains détenus sous PSEM pendant la durée d’une permission de sortir.
Me PELLETIER précise que le cadre pénal offre notamment aux individus des garanties en matière d’application dans le temps. En effet, il estime qu’en vertu du principe de non rétroactivité des lois pénales de fond plus sévères, le PSEM devrait être appliqué uniquement aux faits commis après son entrée en vigueur. A l’opposé, une mesure de sûreté s’applique quelle que soit la date de commission des faits.
Me LIGER et Me PELLETIER souhaitent donc que la mesure soit définie comme une peine ou comme un modalité d’exécution de peine.
La mission constate ainsi un réel consensus pour adopter le cadre judiciaire pénal.
2.2.2. La procédure judiciaire
Au terme de sa réflexion, la mission a acquis la conviction que la procédure pénale offrait les meilleures garanties pour que, dans la phase pré-sentencielle, sentencielle et post-sentencielle, le PSEM soit prononcé à bon escient, de manière efficace, dans le respect des droits de la défense ou du condamné, et en prenant en compte la parole et l’intérêt des victimes.
2.2.2.1. Les garanties
Le PSEM doit tout d’abord être ordonné par un juge, qui doit définir en même temps les principales modalités du déroulement de la mesure, notamment les zones d’inclusion (généralement le domicile), les horaires d’assignation à domicile, l’emploi du temps professionnel de l’intéressé, les zones d’exclusion...
Ces modalités ne doivent pouvoir être modifiées que par un juge. Le durcissement ou au contraire l’allègement des horaires d’assignation, l’extension ou la suppression des zones d’exclusion, qui touchent directement à la liberté de mouvement de la personne, doivent en effet être soumis au contrôle de l’autorité judiciaire au même titre que la décision initiale.
Enfin, le retrait ou la révocation de la mesure doivent de toute évidence relever du juge.
En effet, le statut accordé par la Constitution à l’autorité judiciaire, garante des libertés individuelles, permet au juge de décider, en toute indépendance et à l’abri des pressions, de la nécessité du placement sous surveillance électronique d’un individu. L’impartialité du juge garantit, d’une part, que le principe de proportionnalité de la restriction de la liberté au regard de la gravité des faits et de la menace pour l’ordre public et la sécurité des personnes sera respecté. Elle garantit, en outre, que la mesure ne sera pas galvaudée et employée par l’effet d’un principe de précaution excessif dans des cas où l’individu concerné ne présente pas de véritable et durable dangerosité nécessitant un contrôle permanent de ses déplacements.
Il est en effet de la responsabilité de l’Etat de ne pas gaspiller les deniers publics et d’éviter un développement abusif du contrôle électronique. Le PSEM doit servir à la fois d’alternative à l’emprisonnement et d’instrument de prévention de la récidive. Il ne doit pas aboutir à un accroissement de la répression sans réel bénéfice pour la société.
La décision judiciaire doit être prise au terme d’un débat contradictoire où sont entendus l’intéressé, assisté le cas échéant de son avocat, et le représentant du ministère public.
Lors de l’audience de jugement au fond, l’avocat de la partie civile est également entendu, qui fait valoir directement les observations et les demandes de la victime.
Le débat contradictoire assure le respect des droits de la défense et éclaire utilement le juge en faisant émerger la problématique de chaque affaire, notamment concernant la personnalité de l’auteur et le besoin de protection des victimes et de la société.
Enfin, la décision est susceptible d’appel de la part de l’intéressé et du ministère public. Le double degré de juridiction contribue à la qualité de la décision finale.
Ainsi, de l’instruction préparatoire à l’application des peines, la procédure pénale est de nature à assurer une bonne utilisation du PSEM.
2.2.2.2. - L’enquête préalable et le suivi par les travailleurs sociaux du ministère de la justice
L’enquête préalable est indispensable au bon déroulement de la mesure car elle seule permet une appréciation globale du profil de l’intéressé et une évaluation in situ des conditions d’application du placement sous surveillance électronique mobile. Elle est une aide à la décision pour le magistrat qui prononcera la mesure.
Les agents de l’administration pénitentiaire seront partie prenante dans la mise en œuvre de la mesure de placement sous surveillance électronique mobile car le service pénitentiaire d’insertion et de probation sera chargé de l’enquête de faisabilité par le magistrat mandant.
L’enquête déterminera si la mesure de placement sous surveillance électronique mobile semble adaptée au profil du condamné et quels doivent être le degré d’implication du suivi et les contraintes à respecter.
Le travailleur social évaluera l’opportunité du placement sous surveillance électronique mobile ainsi que la compréhension du sens et de la portée de la mesure par l’intéressé.
Il devra étudier la faisabilité technique de la mesure et le sérieux du projet de réinsertion.
Il précisera, le cas échéant, la situation de la (ou des) victime(s) et proposera des lieux d’exclusion et des horaires d’assignation.
Il est souhaitable que le travailleur social rencontre l’entourage du placé afin d’expliquer la mesure, dissiper les craintes quant au fonctionnement du placement sous surveillance électronique mobile et se positionner comme l’interlocuteur référent.
Le service d’insertion et de probation devra être tenu informé régulièrement des déplacements du placé et des manquements au respect des obligations : il recevra régulièrement les données des déplacements des placés, recueillies par le prestataire, et les alarmes éventuelles en temps réel.
Il devra parallèlement, comme pour le placement sous surveillance électronique statique, effectuer un suivi socio-éducatif dans lequel l’aide technologique ne sera qu’un outil d’assistance au bon déroulement de la mesure.
Le travailleur social du service pénitentiaire d’insertion et de probation, chargé du suivi de la mesure, devra rencontrer le placé à une fréquence adaptée à la personnalité du condamné ou à la demande du magistrat. Il vérifiera le respect des obligations par des entretiens au service d’insertion et probation, au domicile ou par téléphone. Le travailleur social devra également favoriser l’insertion sociale du placé. En cas d’incident, le service d’insertion et de probation devra interroger le placé afin d’établir un rapport au magistrat compétent.