La ministre de la justice, lors du Conseil supérieur de l’administration pénitentiaire de mars 1998, soucieuse la nécessité de doter l’administration pénitentiaire d’un dispositif déontologique, a demandé que soit élaboré un code de déontologie qui fournisse aux personnels des repères pour mieux s’orienter dans leurs pratiques professionnelles. L’adoption de ce code de déontologie dotera les personnels de l’administration pénitentiaire de règles éthiques de haut niveau, à l’image d’autres services publics, tant sur le plan national qu’européen.
Outre la réaffirmation de grands principes fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine, le code affiche son originalité par deux séries de dispositions innovantes :
La ministre a souhaité qu’une consultation la plus large possible soit mise en place. Les organisations syndicales de l’administration pénitentiaire ont été associées aux travaux d’élaboration du projet de texte. Le Conseil supérieur de l’Administration pénitentiaire a été saisi du texte, lors de sa réunion du 8 juillet dernier, présidée par la ministre de la Justice. Il a formulé des observations qui ont été en partie retenues dans la rédaction actuelle. Alors qu’actuellement les personnels pénitentiaires ne peuvent entretenir aucune relation avec les personnes ayant été placées sous main de justice, détenues ou non, dans leur établissement ou service, qui ne serait pas commandée par les seules nécessités de service, le code introduit une souplesse permetde telles relations, après avis du chef de service, si elle sont de nature à favoriser la réinsertion sociale des intéressées. La mise en place des règles déontologiques propres à l’administration pénitentiaire constitue une avancée fondamentale et une garantie essentielle pour les personnes détenues. Par ailleurs, la ministre de la Justice a souhaité qu’une réflexion approfondie soit engagée sur le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. Elle a confié à Monsieur Canivet, Premier Président de la Cour de Cassation, la présidence d’un groupe de travail qui doit faire des propositions à la fin du mois de janvier prochain.
Avant projet de code de déontologie de l’administration pénitentiaire actuellement soumis à la Commision Nationale Consultative des Droits de l’Homme
Titre Préliminaire
Article 1er
L’administration pénitentiaire exerce ses missions à l’égard des personnes qui lui sont confiées dans le respect des droits fondamentaux qui s’attachent à la personne humaine. Elle ne peut limiter l’exercice de ces droits qu’autant que l’exécution des décisions de justice et les nécessités de l’ordre public l’exigent.
Article 2
Les personnes visées par le présent décret exercent leurs missions conformément à la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, à la Constitution, aux conventions internationales et aux lois et règlements. Elles veillent au respect de l’intégrité et de la dignité des personnes qui leur sont confiées.
Article 3
Les dispositions du présent décret s’appliquent aux personnels des services pénitentiaires et, dans les conditions définies à l’article 25, aux intervenants qui participent de façon régulière à l’une des missions dévolues à l’administration pénitentiaire par la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 susvisée au sein de ces services.
Titre I : Dispositions relatives aux personnels des services pénitentiaires
Article 4
Les personnels des services pénitentiaires ont à l’égard des personnes qui leur sont confiées un comportement exemplaire de nature à susciter le respect.
Article 5
Les personnels des services pénitentiaires exercent leurs missions dans une stricte impartialité vis à vis des personnes qui leur sont confiées. Aucune discrimination ne doit être fondée à cet égard sur des considérations tenant à l’origine ethnique ou nationale, la langue, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, la condition physique ou mentale.
Article 6
Les personnels des services pénitentiaires ne doivent se livrer sur les personnes qui leur sont confiées à aucun traitement inhumain ou dégradant. Lorsqu’ils ont connaissance de tels actes, ils doivent s’efforcer de les faire cesser par tous les moyens dont ils disposent et les porter immédiatement à la connaissance de l’autorité hiérarchique compétente, qui en informe, le cas échéant, le procureur de la République, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale. S’ils n’ont pas connaissance des suites données par l’autorité hiérarchique compétente, les personnels des services pénitentiaires informent directement le procureur de la République, en application de l’article 40 précité. Les personnels des services pénitentiaires doivent, dans les limites de leurs compétences, prendre toute mesure tendant à la sauvegarde de la vie et de la santé des personnes qui leur sont confiées, notamment en faisant appel au personnel médical en tant que de besoin.
Article 7
Lorsqu’ils sont autorisés par la loi à utiliser la force, et en particulier à se servir des armes, les personnels des services pénitentiaires ne peuvent en faire qu’un usage strictement nécessaire et proportionné au but à atteindre.
Article 8
Les personnels pénitentiaires ne peuvent entretenir vis-à-vis des personnes placées sous main de justice sous l’autorité ou le contrôle de l’établissement ou du service dont ils relèvent, de relations qui ne seraient pas commandées par les strictes nécessités du service. Lorsqu’ils ont eu de telles relations avec ces personnes antérieurement à leur prise en charge par le service ou l’ établissement dont ils relèvent, ils doivent en informer dans les plus brefs délais le responsable du service ou de l’établissement. L’interdiction des relations mentionnées au premier alinéa du présent article s’impose également vis-à-vis des personnes ayant été placées sous main de justice sous l’autorité ou le contrôle de l’établissement ou du service dont relèvent les personnels concernés. Toutefois, si de telles relations sont de nature à favoriser la réinsertion des intéressées, elles peuvent être expressément autorisées par le chef de service ou d’établissement qui devra avoir été préalablement sollicité à cette fin.
Article 9
Les personnels des services pénitentiaires ne peuvent occuper les personnes qui leur sont confiées à des fins personnelles ni accepter d’elles directement ou indirectement des dons et avantages de quelque nature que ce soit. Ils ne peuvent se charger d’aucune commission, acheter ou vendre quoi que ce soit pour leur compte. Ils ne peuvent leur remettre ni recevoir d’elles des sommes d’argent, objets ou substances quelconques en dehors des cas prévus par la loi. Ils ne doivent permettre ni faciliter aucune communication irrégulière entre les détenus ou entre les détenus et l’extérieur.
Article 10
Les personnels des services pénitentiaires ne peuvent exercer contre les personnes placées sous main de justice aucune pression, de quelque nature que ce soit, en vue d’influer sur leurs moyens de défense, le dépôt de plaintes ou la présentation de requêtes ou recours contre l’administration pénitentiaire ou ses agents. De façon générale, ils ne doivent pas faire obstacle aux procédures judiciaires et sont tenus de faciliter, dans le respect des règlements, l’exercice par les personnes qu’ils ont en charge des droits de la défense.
Article 11
Les personnels des services pénitentiaires sont tenus de délivrer aux autorités habilitées à la recevoir une information objective et complète sur les personnes qui leur sont confiées, dans la limite des connaissances qu’ils peuvent tirer de leurs relations professionnelles avec elles et sous réserve du respect du secret professionnel auquel ils sont astreints dans les conditions prévues par les lois et règlements. Article 12- Les personnels des services pénitentiaires informent les personnes dont ils ont la charge de leurs droits et de leurs devoirs ainsi que des sanctions ou mesures dont elles peuvent faire l’objet. A ce titre, ils doivent répondre aux questions qui leur sont posées ou orienter les intéressées vers l’interlocuteur compétent.
Article 13
Dans le respect des dispositions du code de procédure pénale relatives au rôle de l’autorité judiciaire dans l’exécution des décisions de justice, les personnels des services pénitentiaires sont soumis au principe hiérarchique et placés sous l’autorité supérieure du Garde des Sceaux, ministre de la justice.
Article 14
Les personnels des services pénitentiaires doivent se conformer aux ordres de leurs supérieurs hiérarchiques. Tout agent est cependant dispensé de ce devoir d’obéissance dans l’hypothèse d’ordres manifestement illégaux et de nature à compromettre gravement un intérêt public. En cas de refus d’obéir, il doit exposer à l’auteur de l’ordre les raisons qui ont motivé son attitude. Toute réitération de l’ordre doit alors lui être notifiée par écrit. Lorsque, après réitération éventuelle de l’ordre, l’agent maintient son refus de l’exécuter, il doit en informer l’autorité supérieure hiérarchique la plus proche de l’auteur de l’ordre litigieux qui prend acte de son refus et y donne les suites qu’elle juge nécessaires.les raisons invoquées par l’agent ne correspondent pas aux conditions fixées au deuxième alinéa du présent article, il s’expose aux sanctions disciplinaires prévues par la loi en cas de manquement aux obligations professionnelles.
Article 15
Tout responsable hiérarchique doit s’assurer que ses subordonnés disposent des informations et des moyens matériels nécessaires à l’exécution des ordres qui leur sont donnés. Il engage sa responsabilité vis à vis de son administration si le défaut ou l’insuffisance des informations et moyens prévus à l’alinéa précédent et dont il disposait lui-même a concouru à la faute de ses subordonnés. Il veille à ce que l’organisation des services dont il a la charge contribue à la création de conditions de fonctionnement favorables, notamment par le développement de la communication et de la coopération entre les personnels qui concourent à l’application des régimes de détention et à la réinsertion des personnes placées sous main de justice.
Article 16
Les personnels des services pénitentiaires doivent parfaire et actualiser régulièrement leurs connaissances professionnelles, compte tenu notamment de l’évolution des missions, des métiers et des pratiques pénitentiaires. Ils doivent connaître les principales règles nationales et internationales relatives à la protection des droits de l’Homme. L’administration est également tenue de fournir à ses personnels les moyens de remplir leur devoir de formation.
Article 17
L’administration assure une formation spécifique aux personnels des services pénitentiaires susceptibles d’avoir recours, dans les conditions fixées à l’article 7 du présent décret, à l’usage de la force et des armes. Article 18 - La liberté d’expression est garantie aux personnels des services pénitentiaires sans préjudice du respect des obligations de réserve, discrétion et secret professionnels.
Article 19
Les personnels des services pénitentiaires doivent adopter dans l’exercice de leurs missions une attitude empreinte de dignité et de mesure. Ils doivent s’abstenir de tout acte ou propos visant de façon délibérée à déconsidérer publiquement l’administration pénitentiaire. Ils ne doivent divulguer aucune information confidentielle relative à la sécurité des établissements ou, en dehors des cas prévus par la loi, à l’état de santé ou à la vie privée des personnes qui leur sont confiées.
Article 20
Les personnels des services pénitentiaires veillent à n’absorber aucune substance de nature à altérer, dans l’exercice de leurs missions, leur comportement ou leur jugement.
Article 21
Les personnels des services pénitentiaires doivent faire preuve, dans l’exercice de leurs missions, de probité et de désintéressement.
Article 22
Les personnels des services pénitentiaires se doivent mutuellement respect, aide et assistance. A ce titre, il leur est interdit d’adopter une attitude ou de tenir des propos de nature à discréditer un collègue en présence d’une personne placée sous main de justice ou de membres de son entourage.
Article 23
En cas d’attaques ou de menaces, directes ou indirectes, d’un agent public des services pénitentiaires du fait de ses fonctions, l’administration lui garantit sa protection, dans les conditions prévues par la loi. La protection prévue au premier alinéa est étendue aux ayants-cause de l’agent des services pénitentiaires victimes d’attaques ou de menaces du fait des fonctions de celui-ci, lorsqu’ils ne peuvent prétendre au bénéfice des dispositions des articles 706-3 à 706-12 du code de procédure pénale. Tout dommage à sa personne subi par un agent des services pénitentiaires du fait de ses fonctions est réputé imputable au service. La protection de son administration est également due à l’agent des services pénitentiaires mis en cause en raison de son activité professionnelle, dès lors qu’aucune faute personnelle, grave ou intentionnelle n’est à retenir de sa part. L’administration doit proposer une assistance immédiate et personnalisée à tout agent rencontrant des difficultés particulières dans l’exercice de ses fonctions ou confronté à une situation traumatisante.
Article 24
Tout manquement d’un agent des services pénitentiaires aux devoirs définis par le présent titre constitue une faute passible d’une sanction disciplinaire, sans préjudice le cas échéant des peines prévues par la loi pénale.
Titre II : Dispositions relatives aux intervenants réguliers dans les services pénitentiaires
Article 25
Les personnes qui, sans être placées sous l’autorité hiérarchique du Garde des sceaux, participent régulièrement, à quelque titre que ce soit, à l’une des missions dévolues à l administration pénitentiaire par la loi n" 87-432 du 22 juin 1987 sont, à l’exception des personnels médicaux, soumises au principes fondamentaux du présent code et au obligations définie s par les articles 4 à 6, 8 (à l exception du dernier alina), 9, 10, le dernier alinéa de l’article 19 et les articles 20 et 21 du présent décret.
Article 26
Lorsque l’une des personnes visées à l’article précédent manque aux obligations prévues par le présent décret, elle peut se voir retirer le titre en vertu duquel elle intervenait dans les services pénitentiaires.
Article 27
Le garde des sceaux, ministre de la justice est chargé de l’exécution du présent décret qui sera publié au Journal Officiel de la République française.