TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS
7ème section, 2ème Chambre
N°0209322/7
M.Lionel G...
Mme MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur
M. TROUILLY
Commissaire du Gouvernement
Audience du 7 novembre 2002
Lecture du 5 décembre 2002
Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2002, présentée par M.Lionel G..., demeurant Centre de Détention de Melun -A 114-6968Z 10, quai de la Courtille, 77011 Melun Cedex, par Me Nicole Prevost-Bobillot, avocat à la Cour ; M.Lionel G... demande que le tribunal :
1°) annule la décision implicite de rejet opposée par le ministre de la justice à la demande de communication de sa fiche d’écrou ;
2°) ordonne au ministre de la justice de lui communiquer sa fiche d’écrou dans un délai d’une semaine à compter du prononcé du jugement sous astreinte, en application des articles L.911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
3°) condamne le ministre de la justice à lui rembourser les frais irrépétibles exposés ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’avis de la commission d’accès aux documents administratifs
Vu la loi n°78-723 du 17 juillet 1978 modifiée ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 novembre 2002 ;
- le rapport de Mme MIELNIK-MEDDAH, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. TROUILLY, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 modifiée susvisée : « …Sont considérés comme documents administratifs, au sens du présent titre, tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, avis, prévisions et décisions, qui émanent de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public. Ces documents peuvent revêtir la forme d’écrits, d’enregistrements sonores ou visuels, de documents existant sur support informatique ou pouvant être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant (…) ».
Considérant qu’aux termes de 1’article D.148 du code de procédure pénale . "Tout établissement pénitentiaire est pourvu d’un registre d’écrou. Le chef de l’établissement, ou sous son autorité le fonctionnaire chargé du greffe, tient ce registre et veille à la légalité de la détention des individus incarcérés ainsi qu’à l’élargissement des libérables. Le registre d’écrou est constitué de feuillets mobiles sur lesquelles figurent le numéro d’écrou initial ainsi que le numéro d’écrou actuel classées dans un fichier. Il doit être présenté aux fins de contrôle et de visa, aux différentes autorités judiciaires à chacune de leurs visites, ainsi qu’aux autorités administratives qui procèdent à l’inspection générale de l’établissement ." ; qu’aux termes de l’article D. 149 du même code : « Lors de la conduite de toute personne dans un établissement pénitentiaire par l’exécuteur d’un arrêt ou jugement de condamnation, d’une ordonnance de prise de corps, d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, d’un mandat d’amener lorsque ce mandat doit être suivi d’incarcération provisoire, ou d’un ordre d’arrestation établi conformément à la loi, un acte d’écrou est dressé sur le registre visé à l’article D.148. Le chef de l’établissement constate par cet acte la remise de la personne et inscrit la nature et la date du titre de détention, ainsi que l’autorité dont il émane. L’acte d’écrou est signé par le chef d’établissement et par le chef d’escorte. (…) » ; et qu’aux termes de l’article D.150 dudit code : « Outre les écritures exigées pour l’incarcération ou la libération et la mention des ordonnances vues aux articles ainsi que des jugements ou arrêts prévus aux articles (…), ainsi que des jugements ou arrêts prévus aux articles (…), des indications doivent être portées pour prévenir les fraudes, fixer l’identité des détenus et faire connaître les modifications subies par la situation pénale ou administrative de ceux-ci pendant leur détention ou au moment de leur mise en liberté," ;
Considérant que le document dont M.G... demande la communication, à savoir la fiche d’écrou, est conformément aux disposition sus rappelées, tenu par le chef d’établissement pénitentiaire, lequel n’est pas une autorité judiciaire ; que ce document, qui se distingue du dossier individuel du détenu prévu par l’article D.155 du code de procédure pénale, alors même qu’il retrace les décisions prises par l’autorité judiciaire à l’égard du détenu, ne constitue pas un pièce de procédure judiciaire ; que, dès lors, M.G... est fondé à en demander la communication au Garde des Sceaux, ministre de la justice, en application des dispositions sus rappelées de la loi du 17.iuillet 1978 modifiée ; qu’il suit de là que la décision implicite de rejet opposée à la demande de communication de M.G... de la fiche d’écrou le concernant doit être annulée ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Considérant qu’aux termes de l’article L.911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. » ;
Considérant que l’exécution du présent jugement, lequel annule la décision implicite de rejet opposée par le Garde des Sceaux, ministre de la justice, à la demande de communication de M.G... de la fiche d’écrou le concernant, implique nécessairement qu’il soit procédé à cette communication ; qu’il y a lieu d’ordonner au Garde des Sceaux, ministre de la justice, de communiquer à M.G..., dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement, le document en cause ; que, toutefois, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L.761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépends ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées non chiffrées de M.G... ;
DECIDE
Article 1er : la décision implicite de rejet opposée par le Garde des Sceaux, ministre de la justice à la demande de communication de M.G... de la fiche d’écrou le concernant est annulée.
Article 2 : Le Garde des Sceaux, ministre de la justice, procèdera à la communication de la fiche d’écrou de M.G... dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : Les conclusions de M.G... tendant à la condamnation de l’Etat au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M.Lionel G... et au Garde des Sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l’issue de l’audience du 7 novembre 2002, où siégeaient :
MPERRIER, président ;
Mme MIELNIK-MEDDAH et M.LAPOUZADE, assesseurs, assistés de Mme ALLAIN, greffier.
Prononcé en audience publique le 5 décembre 2002
Le rapporteur A.MIELNIK-MEDDAH
Le président A.PERRIER
Le greffier M-A.ALLAIN