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Date : 16-03-2004

Rapport CNCDH sur les droits de l’homme en prison

Mise en ligne : 17 mars 2004

Dernière modification : 17 mars 2004

Texte de l'article :

Etude sur les droits de l’homme en prison

Il y a trois ans, au terme de leurs commissions d’enquête sur la situation des prisons françaises, députés [1] et sénateurs [2] dressaient un constat sévère de la condition pénitentiaire. Soulevée dans le rapport sur l’« Amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires » [3] puis par les parlementaires, la question des droits fondamentaux devant être reconnus et garantis aux personnes privées de leur liberté est restée à ce jour sans réponse.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) estime que l’évolution de la société et le développement des droits de l’homme implique une profonde réforme dans le domaine des droits des personnes privées de leur liberté.

Comment sortir la prison d’un isolement juridique contraire aux exigences d’une société démocratique et garantir le respect des droits fondamentaux de la personne incarcérée ?

Pour répondre à cette interrogation, il est nécessaire que les pouvoirs publics adoptent vis-à-vis de la peine privative de liberté, comme de l’institution carcérale, une attitude cohérente. Même, et surtout, si l’opinion semble continuer à voir dans la prison une solution à tous les problèmes d’insécurité, il est essentiel que le législateur et le pouvoir exécutif soient porteurs d’une démarche exempte d’ambiguïtés.

La Commission réaffirme la nécessité de considérer la peine privative de liberté comme « une sanction du dernier recours » [4]. Cette approche du Comité des ministres du Conseil de l’Europe est partagée par le Parlement européen qui s’est déclaré « préoccupé par le fait que la détention est encore considérée exclusivement comme une sanction et non pas comme un moyen de réadapter et de réhabiliter le prisonnier en vue de sa réinsertion sociale ultérieure » [5].

L’environnement européen, par l’intermédiaire des recommandations du Conseil de l’Europe comme de l’action du Comité de prévention de la torture, incite la France à accompagner une évolution que la Commission Canivet a décrite en ces termes : « Ces recommandations ou déclarations ne remettent pas fondamentalement en cause la réalité de l’enfermement. Elles affirment seulement que la peine n’a plus une fonction expiatoire, mais répond à la réinsertion sociale que la société attend pour sa sécurité, en conciliant nécessité de punir et volonté de réintégrer socialement. Or, pour résoudre le paradoxe qui consiste à réinsérer une personne en la retirant de la société, il n’y a d’autre solution que de rapprocher autant que possible la vie en prison des conditions de vie à l’extérieur, la société carcérale de la société civile ».

La Commission a inscrit la présente étude dans cette approche qui correspond à la philosophie de ses précédents travaux concernant l’univers carcéral [6]. Au terme de ses « Réflexions sur le sens de la peine », la Commission a considéré que « le recours aux peines privatives de liberté traduit trop souvent l’incapacité à prendre efficacement en charge des désordres qui ne devraient pas relever d’un traitement pénal. ». Elle a également estimé que « la peine ne saurait retirer à celui qui la subit l’exercice de ses droits fondamentaux dès lors que cet exercice ne contrevient pas à l’exécution même de la sanction pénale. »

Si le choix de l’incarcération est préconisé par le législateur et finalement décidé par l’autorité judiciaire, la puissance publique doit se donner les moyens juridiques, matériels et humains de remplir ses obligations concernant le respect des droits fondamentaux.

Actuellement, le droit qui réglemente la période de privation de liberté est « encore inachevé » [7]. Ce constat, largement admis, conduit la Commission à préconiser une réflexion d’ensemble sur l’amélioration de la prise en considération des droits des personnes privées de liberté. En effet, les principaux supports des droits de l’homme que sont le bloc de constitutionnalité, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et dans une moindre mesure, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ont tous pris le parti de ne pas exclure a priori une catégorie d’individus ou une activité de leur champ d’application. Au contraire, comme le souligne expressément l’article 10 du Pacte relatif aux droits civils et politiques : toute personne privée de sa liberté doit être « traitée avec humanité et le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».

L’incarcération de la personne fait naître une responsabilité particulière à son égard à la charge de l’Etat. Pour que cette obligation puisse être respectée, il faut non seulement donner un sens à la période de privation de liberté, mais également reformuler de multiples dispositions normatives. Ce travail de réécriture du droit positif consiste pour l’essentiel à poser des limites précises au pouvoir discrétionnaire de l’administration et à assurer le respect du principe de légalité. Il ne s’agit pas de créer des comportements administratifs stéréotypés mais d’orienter systématiquement les prises de décisions réglementaires et individuelles vers des mesures respectant les droits fondamentaux de la personne.

L’étude qui suit propose dans un premier temps de requalifier dans la loi les missions de l’administration pénitentiaire ainsi que de l’ensemble des services de la Justice ayant à traiter de la privation de liberté dans sa phase d’exécution et, dans le même mouvement, de procéder à la mise à plat des lois et réglementations existantes. Dans un souci d’harmonisation des normes, il est en effet indispensable de prévoir conjointement les principes de valeur législative et les mesures de mises en œuvres réglementaires. Une fois la nécessité d’une réforme formelle réaffirmée, la CNCDH tient à mettre l’accent sur les différentes catégories de droits fondamentaux garantis au niveau constitutionnel et international. Il sera donc proposé une série de dispositions visant à garantir l’effectivité de ces droits durant toute la période de privation de liberté.

Une protection effective des droits et libertés en prison présuppose la consécration d’un statut juridique du détenu cohérent. Le principe de la prééminence du droit, dominant toute société démocratique, implique que soit clairement affirmé qu’à l’exception de la privation de la liberté d’aller et de venir, l’ensemble des droits et libertés sont garantis aux personnes détenues. Les nécessités du fonctionnement du service ne peuvent pas être systématiquement mises en avant pour restreindre des libertés. Les mesures proposées doivent permettre d’assurer l’intégration effective de la prison au sein de la République afin qu’elle ne soit plus considérée comme une entité à part. La Commission est par ailleurs convaincue que la protection des droits des détenus ne peut que faciliter les conditions de travail des agents pénitentiaires et valoriser leur action au sein de la société.
A. Sortir la prison de l’isolement juridique

Dans sa résolution du 17 décembre 1998 [8], le Parlement européen a invité tous les Etats membres à élaborer une « loi fondamentale sur les établissements pénitentiaires qui définisse un cadre réglementant à la fois le régime juridique, le droit de réclamation ainsi que les obligations des détenus et prévoie un organe de contrôle indépendant auquel les détenus puissent s’adresser en cas de violation de leurs droits ». Plus largement, tant les « Règles minima » des Nations Unies que les recommandations du Conseil de l’Europe (dont les Règles pénitentiaires) ou du Parlement européen incitent depuis plusieurs années les Etats à réviser leur législation pénitentiaire en ce qui concerne les conditions générales de détention mais aussi pour ce qui est des statuts de la personne détenue comme du personnel. Quant aux organes de la Convention européenne des droits de l’homme (dont le Comité de prévention de la torture), ils souhaitent que le droit commun vienne à s’appliquer dans les établissements pénitentiaires.

Le respect de l’Etat de droit implique la restauration de la hiérarchie des normes qui encadrent l’intervention de la puissance publique. L’adage classique selon lequel « le législateur fixe les peines, le juge les prononce, l’administration les exécute », entendu comme laissant au pouvoir exécutif le soin de déterminer les règles applicables à la prison, n’est pas conforme à notre droit. Il est indispensable que le législateur fixe un cadre précis et cohérent à l’intervention de l’administration pénitentiaire. La Constitution de 1958 réserve une compétence exclusive au législateur pour définir « les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Cette compétence concerne également « la procédure pénale » [9]. La volonté du pouvoir constituant est parfaitement explicite : seule la loi peut fixer le cadre juridique organisant l’usage des libertés. La portée de cette prescription ne saurait varier selon le service public concerné.

Actuellement, trop de dispositions affectant les droits fondamentaux des personnes incarcérées sont réglementées par des normes ayant une valeur juridique insuffisante (décrets, circulaires, notes de services, règlements intérieurs des établissements). En particulier, la détermination par voie d’instructions de service de règles en matière d’exécution des peines, alors même que ces dispositions sont dépourvues d’autorité à l’égard des juridictions compétentes, doit être prohibée. Au plan matériel, trop nombreuses sont les dispositions édictées par l’administration qui méconnaissent les principes fondamentaux, ainsi qu’il sera exposé infra.

Partant de ce constat, la Commission préconise la rédaction dans les plus brefs délais d’un ensemble de règles cohérent. Ces dispositions législatives devront être énoncées en des termes suffisamment clairs et précis et ne pas renvoyer à l’administration le soin de fixer les règles applicables aux personnes détenues, dans des matières relevant du domaine de compétence du Parlement, comme c’est le cas aujourd’hui [10].

Le principe de sécurité juridique nécessite que les normes présentent des caractéristiques d’accessibilité et d’intelligibilité suffisantes. A cet égard, l’élaboration d’un Code de l’exécution des peines apparaît aux yeux de la Commission comme la solution la plus adaptée pour garantir la cohérence du corpus des règles applicables à la prison et un accès au droit effectif aux justiciables.

Il paraît important que trois lignes directrices guident le législateur dans cette entreprise de refonte du droit applicable à la période de privation de liberté :

- la soumission de l’institution pénitentiaire au droit commun, faute de quoi les impératifs de sécurité risquent de prendre le pas sur la protection des droits et libertés [11].

- l’affirmation de la mission de restauration du lien social et de préparation des condamnés à un retour à la liberté comme fonction prioritaire du service public pénitentiaire.

- l’instauration d’un dispositif de contrôle indépendant et permanent, capable de garantir efficacement le respect des droits fondamentaux de la personne.

1. L’APPLICATION DU DROIT COMMUN DURANT LA PERIODE DE DETENTION

Depuis quelques années, le législateur procède à l’élaboration progressive d’un droit commun des services publics avec la volonté affirmée de renforcer les droits des citoyens [12]. L’émergence d’un statut commun à l’ensemble des citoyens dans leurs relations avec les services publics administratifs montre qu’il est parfaitement possible de définir un droit applicable au public quelles que soient les raisons pour lesquelles il est en relation avec l’administration. En unifiant les règles applicables à l’ensemble des services publics administratifs, le législateur renforce la place des droits fondamentaux de l’individu. Conformément à la jurisprudence constitutionnelle, il affirme clairement que ces derniers ne peuvent être minorés par le pouvoir réglementaire. Un mouvement analogue de respect du droit commun à la fois procédural et conventionnel s’est manifesté en droit de l’application des peines, d’abord avec la loi du 15 juin 2000 dite « présomption d’innocence », puis dans le cadre des débats parlementaires précédant le vote de la loi portant adaptation de la Justice aux évolutions de la criminalité.

La Commission recommande qu’une hiérarchisation des priorités soit respectée dans la définition du statut juridique de la personne privée de liberté.

- Une personne incarcérée est, et demeure en toute circonstance, une « personne humaine » à part entière dont les droits fondamentaux ne peuvent être méconnus.
Par conséquent, l’Etat est soumis à diverses obligations pour garantir, en toutes circonstances, le respect des droits individuels.

- A un deuxième niveau, une personne incarcérée demeure un « citoyen ». Cette qualification propre au droit interne permet de rappeler que les motifs de l’incarcération ne peuvent en aucun cas justifier une mise à l’écart du reste de la société. La prison ne doit plus être conçue comme une éviction. Le rapport à l’Etat doit être appréhendé de la même manière qu’à l’extérieur.

- A un troisième niveau, une personne incarcérée demeure un « justiciable » bénéficiant des droits procéduraux (principe du contradictoire, droit au recours juridictionnel) normalement prévus dans les matières considérées. Le droit de la prison, en effet, traite de questions de nature juridique mixte, concernant simultanément le droit administratif, le droit pénal, le droit civil ou le droit du travail. Les garanties organisées dans ces disciplines doivent trouver à s’appliquer à l’égard des détenus.

- A un quatrième niveau, une personne incarcérée doit être considérée comme un « usager » étant en relation avec un service public administratif. Il en résulte que les détenus peuvent se prévaloir d’un droit à un fonctionnement normal du service à leur égard et à la mise en oeuvre des missions fixées par la loi à la puissance publique.

Ces quatre degrés dans la qualification du rapport à l’Etat ne doivent en aucune façon être inversés. Jusqu’à présent, l’élaboration de la norme applicable durant la détention se faisait selon une logique inverse à celle préconisée dans la présente étude. Beaucoup trop souvent, l’administration pénitentiaire fait prévaloir ses nécessités propres lorsqu’elle est amenée à édicter des règles. Dans ces conditions, le droit applicable à la prison ne prend pas suffisamment en compte les impératifs essentiels de protection des libertés fondamentales de l’individu. En conséquence de quoi, les dispositions édictées dans l’intérêt du service s’intercalent trop souvent entre les normes de rang supérieur et les situations qu’elles ont vocation à régir. La personne privée de sa liberté d’aller et de venir se trouve presque toujours dépourvue de droits effectifs faute d’effets contraignants de la « norme » pour les services de l’Etat.

Le cas du droit à l’intimité en est une illustration caractéristique. L’article D 58 du Code de procédure pénale envisage les « hypothèses où il est dérogé au principe de l’encellulement individuel ». Il prévoit que « dans les maisons d’arrêt où par suite de la distribution des locaux ou de leur encombrement temporaire, le régime de l’emprisonnement individuel ne peut être appliqué à tous les prévenus, ceux à l’égard desquels l’autorité judiciaire aura prescrit l’interdiction de communiquer ou la mise à l’isolement doivent être placés par priorité en cellule individuelle ». Compte tenu de la surpopulation chronique, le principe de l’emprisonnement individuel des prévenus ne peut plus être considéré comme un droit, mais comme une faveur exceptionnellement accordée. La possibilité offerte à l’administration de déroger à un principe essentiel de la vie en détention, en invoquant un fait aussi peu exceptionnel que la surpopulation traduit bien le caractère peu contraignant de la norme en prison.

Le respect des libertés fondamentales ne peut être subordonné aux moyens dont dispose l’administration pénitentiaire. La décision de mise au banc de la société est un acte grave dont l’Etat doit assumer toutes les conséquences. Les aménagements liés aux nécessités du service ne peuvent être qu’exceptionnels et proportionnellement justifiés.

Pour parvenir à une application du droit commun en détention, il est donc indispensable que le service public pénitentiaire ne soit plus présenté comme jouissant d’une position d’exception au regard d’autres secteurs ou activités de l’Etat. Il est nécessaire de définir strictement les missions du service public pénitentiaire en évitant absolument l’énoncé d’objectifs antinomiques.

2. LA FORMULATION DES MISSIONS « POSITIVES » DU SERVICE PUBLIC PENITENTIAIRE

L’indétermination des objectifs assignés par la société à la prison conduit l’administration pénitentiaire à établir elle-même des priorités dans ses interventions. La mise en œuvre des dispositions de la loi du 22 juin 1987 démontre l’urgence d’une définition rigoureuse des missions du service public pénitentiaire. L’article 1er de la loi énonce que « Le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire. Il est organisé de manière à assurer l’individualisation des peines ».

Le sens de l’exécution de la peine n’est pas explicité dans notre législation. L’absolue primauté de la mission dite de sécurité observée dans la pratique, qui s’explique par des raisons historiques et sociologiques, aboutit à ce que la fonction de réinsertion est globalement perçue comme secondaire au sein de l’institution carcérale. Le Code de procédure pénale incite ainsi le personnel pénitentiaire à se préoccuper des risques d’évasion plus que toute autre considération. L’article D 265 rend le chef d’établissement « disciplinairement responsable des incidents ou des évasions imputables à sa négligence ou à l’inobservation des règlements, indépendamment des procédures disciplinaires susceptibles d’être engagées contre d’autres membres du personnel ». Quant à l’article D 268, il enjoint au chef d’établissement de prendre toutes dispositions « en vue de prévenir les évasions ».
A défaut d’être affirmée avec suffisamment de force, la mission de préparation à la sortie de prison s’exerce dans le champ résiduel concédé par les impératifs de sécurité.
En conséquence, les moyens matériels, humains et juridiques affectés aux agents en ce domaine sont très nettement insuffisants.

La Commission recommande de revenir sur de telles formulations. En prenant exemple sur certains droits étrangers [13], il convient de renforcer l’importance de la mission de resocialisation dans tous les domaines de l’activité carcérale. Outre qu’il est commandé par l’intérêt général, un tel renversement des perspectives permettra d’éviter que se nouent des rapports de confrontation entre détenus et surveillants, et bénéficiera tant aux premiers qu’aux seconds.

a. La restauration du lien social, objectif prioritaire du service pénitentiaire

Certains Etats ont pris le parti de considérer la mission de resocialisation comme primordiale. Pour la loi allemande, l’exécution de la peine privative de liberté doit permettre à l’individu incarcéré d’acquérir la capacité de mener dans le futur une vie socialement responsable, exempte d’actes délictueux. La Cour constitutionnelle fédérale a précisé cette notion de réinsertion (ou de resocialisation) en considérant que le détenu doit acquérir la capacité et la volonté de mener une vie responsable, de s’affirmer dans une société libre à l’avenir sans commettre de délit, de profiter de ses chances et de tenir compte de ses risques [14]. Elle affirme clairement que la sécurité publique ne saurait être un objectif de l’exécution de la peine, tout au plus doit-elle être prise en compte dans la mise en œuvre du traitement pénitentiaire [15].

Cette voie doit être suivie par le législateur, faute de quoi la protection des droits sera reléguée au second plan. L’essentiel de la mission du service pénitentiaire doit consister en la préparation d’une sortie de prison du condamné dans des conditions adéquates. Au demeurant, en minorant cet impératif, la société perd de vue tout objectif de protection de la sécurité publique à moyen et long termes [16]. Dans son rapport, la Commission Canivet relève d’ailleurs une « évidente contradiction entre ordre et réinsertion » [17] qui semble être un obstacle d’importance à la réalisation du second objectif. Les députés ont ainsi pu écrire, dans le rapport de la Commission d’enquête de juin 2000, que la prison est « un monde où le détenu est totalement déresponsabilisé et infantilisé ; poursuivre une mission d’insertion dans ce cadre-là relève du défi dans la mesure où aucune démarche volontaire n’est demandée et rien, si ce n’est l’obéissance aux règles, n’est imposé ». En France, l’objectif de resocialisation peut tout au plus être considéré comme un standard [18]. La protection des droits fondamentaux impose d’aller au-delà de cette qualification en prévoyant diverses obligations concrètes à la charge de la puissance publique. Le droit allemand a déjà franchi cette étape [19].

Les missions de l’administration pénitentiaire doivent être redéfinies pour faire de la période d’incarcération un moment organisé autour de la restauration du lien social, en prévision de la sortie de prison. Elle ne doit plus être envisagée comme une exclusion au nom d’une sécurité à court terme.

b. L’encadrement juridique de la mission dite de sécurité

Il convient de déterminer précisément les contours des notions d’ordre et de sécurité, pour éviter que toute difficulté de fonctionnement ne soit en pratique l’occasion d’une limitation des droits des personnes détenues. La notion fourre-tout d’ordre interne des établissements pénitentiaires, tout comme celle de sécurité, laquelle, dans ce contexte, lui est synonyme, est trop souvent mise en avant pour justifier le recours à des mesures de contrainte. A cet égard, la situation de détenus présentant des difficultés de positionnement vis-à-vis de l’autorité est caractéristique de la marge de manœuvre trop importante laissée à l’administration pénitentiaire. Ces personnes sont souvent condamnées à des courtes peines et sont donc appelées à recouvrer la liberté à bref délai. Le contenu de leur séjour en prison se résume fréquemment à une succession de mesures coercitives (transferts successifs, placements au quartier disciplinaire, etc.). La Commission ne mésestime pas les difficultés rencontrées quotidiennement par les personnels pénitentiaires dans leur travail, en particulier en période de surencombrement des prisons, comme c’est le cas actuellement. Toutefois, de telles pratiques créent un climat délétère dans les établissements et portent préjudice en définitive à l’ensemble des acteurs du monde carcéral. Elles empêchent par ailleurs le retour à la société libre dans de bonnes conditions.

De la même manière, l’application des peines privatives de liberté souffre de l’absence de définition claire des critères d’octroi des aménagements de peine [20]. Alors que la loi du 15 juin 2000 est venue clarifier ceux devant présider à l’admission à la libération conditionnelle, il reste à définir ceux de l’ensemble des autres aménagements de peine. Les critères comme la dangerosité, le risque de récidive, le trouble possible à l’ordre public, doivent être définis par des normes et ne sauraient, de manière arbitraire et imprévisible, l’emporter exclusivement sur ceux de resocialisation et d’indemnisation des victimes.

Dès lors, il apparaît nécessaire que soit réaffirmé le principe selon lequel les limitations aux droits et libertés doivent être strictement proportionnées au but légitime poursuivi. Dans cette perspective, le pouvoir normatif de la direction de l’administration pénitentiaire comme de la direction des affaires criminelles et des grâces doit être suffisamment encadré pour proscrire l’arbitraire et la violation des normes supérieures. La situation singulière de l’individu détenu, qui se trouve en permanence aux prises de la puissance publique, implique qu’il bénéficie de garanties adéquates. Le chef d’établissement ne doit en aucun cas pouvoir durcir les conditions de détention prévues par le législateur. La marge de manœuvre qui lui est accordée ne doit lui permettre que d’assouplir des mesures inadaptées à la population détenue dans l’établissement. La situation inverse conduit à créer une insécurité juridique parfaitement contraire au respect des droits fondamentaux de l’individu.

De par sa formulation très générale, l’article D 242 du Code de procédure pénale illustre bien la question. Il dispose que « l’ordre et la discipline doivent être maintenus avec fermeté, mais sans apporter plus de contraintes qu’il n’est nécessaire pour le maintien de la sécurité et d’une bonne organisation de la vie en collectivité ». Le terme de fermeté est parfaitement indéterminé et inusité dans les autres services publics. L’article ne mentionne en aucune manière les droits de l’individu incarcéré, il n’envisage que le fonctionnement interne du service. Une pareille rédaction est à l’origine de confusion juridique autour des notions d’ordre interne et d’ordre public, ou de sécurité de l’établissement et de sécurité publique.
Les difficultés d’interprétation de la loi du 12 avril 2000 au sein des établissements pénitentiaires sont une preuve supplémentaire de l’urgence d’encadrer de telles notions qui nuisent à l’application du droit commun en prison.

c. L’accès au droit

Le principe de l’accès au droit suppose des textes clairs, accessibles, à jour, capables de garantir l’égalité de traitement des individus. La loi du 12 avril 2000 en fait une nouvelle mission de service public. A cet égard, la situation du service pénitentiaire est tout à fait en retrait par rapport aux principes applicables en la matière.

Il existe aujourd’hui une profusion d’instructions de services qui régissent tous les aspects de la vie en détention. Cette juxtaposition de textes rend illusoire une mise en œuvre uniforme de la règle de droit en prison. La détermination des dispositions applicables s’avère très délicate, y compris pour les agents pénitentiaires. Le « mémento du surveillant » [21] ne donne qu’une vue limitée de textes en vigueur. Quant aux usagers du service, ils n’ont pas physiquement accès aux circulaires dont les dispositions leur sont pourtant quotidiennement opposées. Le seul document qui leur est théoriquement remis est un « guide du détenu arrivant » [22] intitulé « Je suis en prison ». Enfin, le défaut de publicité d’une part importante des normes édictées par l’administration centrale contribue à tenir les auxiliaires de justice à l’écart de l’univers carcéral. Cette opacité du droit applicable favorise le développement de pratiques professionnelles déconnectées des prescriptions textuelles et l’émergence de logiques de « favoritisme », les avantages accordés étant souvent réservés à un petit nombre de détenus.

La mise en place d’un code de l’exécution des peines doit permettre la clarification des tâches du personnel pénitentiaire, une réduction des risques d’arbitraire au profit des personnes détenues, et une participation des avocats et de la société civile en général à la phase post-sentencielle du procès pénal.

3. LA GARANTIE D’UN CONTROLE EFFICACE DE L’ACTIVITE PENITENTIAIRE

Reconnue pour la première fois par un garde des Sceaux le 8 juillet 1999 [23], « l’insuffisance des mécanismes de contrôle existants au regard des réalités pénitentiaires » a débouché sur la mis en place d’une commission chargée de réfléchir à l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. Au terme de ses travaux en mars 2000, le groupe d’experts animé par le Premier Président de la Cour de cassation a considéré « qu’il convenait d’instaurer dans un cadre juridique rénové, un contrôle extérieur qui permette de vérifier les conditions de détention, notamment en ce qui concerne l’état des locaux, et l’application effective du statut du détenu, d’examiner les requêtes de celui-ci et d’assurer la transparence recherchée, sans pour autant supprimer les contrôles techniques spéciaux existants, qui doivent même être renforcés. »

La CNCDH est favorable à la mise en œuvre du contrôle extérieur tel que préconisé par la commission Canivet. Elle insiste particulièrement sur le caractère cumulatif des trois types d’organes proposés :

- Au niveau national, un contrôleur général des prisons indépendant en charge de la fonction de « vérification » (« s’assurer du respect du droit dans la prison et de la réalisation par l’administration des objectifs de ses politiques, nationale et locale »).

- Au niveau régional un corps de médiateurs des prisons en charge de la fonction de « médiation » (« apporter une solution aux différends de toute nature entre le détenu et l’Administration, ainsi qu’à préciser les points de réglementation présentant des difficultés d’interprétation »).

- Au niveau local, des délégués du médiateur des prisons en charge d’une fonction d’ « observation » (« introduire dans l’établissement pénitentiaire un « regard extérieur » qui permette un contrôle quotidien identique à celui que pratique le citoyen dans la société libre, afin de parvenir à la transparence nécessaire au bon fonctionnement de l’institution »).

Appliqué dans son intégralité, le dispositif ajoute à la « concrétisation des droits » des personnes détenues, « la garantie d’une pratique professionnelle dégagée des tensions et l’assurance d’une référence incontestable » pour les membres du personnel. En ce sens, il constitue bien la protection attendue pour tous ceux qui vivent quotidiennement au sein de l’institution carcérale.

D’autre part, des voies procédurales d’urgence spécifiques doivent être aménagées, afin que les détenus puissent obtenir dans les plus brefs délais la suspension de l’exécution de décisions administratives qui leurs sont gravement préjudiciables. Les modalités de l’intervention de l’autorité judiciaire doivent par ailleurs être précisées dans la loi, en vue d’assurer une protection efficace de la liberté individuelle. A cet égard, il est urgent que toutes les mesures utiles soient édictées pour empêcher la survenance de situations de détention arbitraire, comme c’est beaucoup trop souvent le cas actuellement. Un Etat de droit comme le nôtre ne saurait s’accorder d’une telle violation des droits essentiels.

B. Garantir le respect des droits fondamentaux

Le 6 mars 2000, au terme de ses travaux, la Commission animée par M. Canivet a considéré qu’« admettre que la peine d’emprisonnement a pour finalité la réintégration, dans la société, d’une personne condamnée induit une autre logique juridique, celle d’un détenu qui, à l’exception de la liberté d’aller et de venir, conserve tous les droits puisés dans sa qualité de citoyen, qu’il n’a pas perdue du fait de sa condamnation, mais aussi celle d’un lieu, la prison qui, faisant partie du territoire de la République, doit être régi selon le droit commun, y compris dans les adaptations qu’exige la privation de liberté ».

La commission souscrit pleinement à l’approche proposée par le Premier Président de la Cour de cassation pour qui le détenu doit bénéficier d’un statut de citoyen seulement privé de sa liberté de mouvement et la prison être un lieu prenant en considération les exigences d’un Etat de droit. Cette philosophie est également celle développée par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence : « l’article 3 de la Convention impose à l’Etat de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate » [24].

La Commission rejoint les nombreuses analyses selon lesquelles les prisons souffrent d’une carence juridique dans le contenu des normes comme dans leur application. Elle estime, en outre, que cette déficience constitue l’obstacle majeur à la définition et la mise en œuvre d’une politique pénitentiaire conforme à l’intérêt général.

1. LA SAUVEGARDE DU DROIT AU RESPECT DE LA DIGNITE

Le Conseil constitutionnel considère que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’avilissement et de dégradation est un principe « indérogeable » en ce sens qu’il n’a pas à être concilié avec d’autres principes [25]. Pourtant, comme l’a noté la Commission Canivet, le principe de sécurité en milieu carcéral « conditionne largement l’exercice des droits et libertés à l’intérieur des établissements » [26]. C’est avant tout en son nom que sont utilisés moyens de contrôle et de contrainte dans les sites pénitentiaires.

a. Les fouilles corporelles

La réglementation en vigueur dispose que « les détenus doivent être fouillés fréquemment et aussi souvent que le chef d’établissement l’estime nécessaire » (art. D. 275 CPP). Cette fouille individuelle peut prendre la forme d’une simple fouille par palpation mais aussi d’une fouille intégrale au cours de laquelle le détenu est entièrement dénudé.

La circulaire du 14 mars 1986 relative à la fouille des détenus décrit dans le détail le déroulement d’une fouille à nu [27]. « L’agent, après avoir fait éloigner le détenu de ses effets, procède à sa fouille corporelle selon l’ordre suivant. Il examine les cheveux de l’intéressé, ses oreilles et éventuellement l’appareil auditif, puis sa bouche en le faisant tousser mais également en lui demandant de lever la langue et d’enlever, si nécessaire, la prothèse dentaire. Il effectue ensuite le contrôle des aisselles en faisant lever et baisser les bras avant d’inspecter les mains en lui demandant d’écarter les doigts. L’entrejambe d’un individu pouvant permettre de dissimuler divers objets, il importe que l’agent lui fasse écarter les jambes pour procéder au contrôle. Dans le cas précis des recherches d’objet ou de substance prohibés, il pourra être fait obligation au détenu de se pencher et de tousser. Il peut également être fait appel au médecin qui appréciera s’il convient de soumettre l’intéressé à une radiographie ou un examen médical afin de localiser d’éventuels corps étrangers. Il est procédé ensuite à l’examen des pieds du détenu et notamment de la voûte plantaire et des orteils. »

La même circulaire prévoit qu’une telle fouille est pratiquée systématiquement à l’occasion de l’entrée ou de la sortie des détenus de l’établissement pénitentiaire. Elle doit également être effectuée à l’issue de la visite de toute personne (parents, amis, avocats) ou avant tout placement en cellule d’isolement ou de punition. Enfin, des fouilles inopinées peuvent être décidées par le chef d’établissement.

Actuellement, les fouilles de détenus sont pratiquées de façon plus ou moins systématique selon l’importance que chaque chef d’établissement leur attache. De sorte que l’application de la circulaire varie sensiblement d’un établissement à un autre. Dans bon nombre de prisons, les agents soumettent à la fouille un détenu désigné de façon aléatoire à l’issue de chaque parloir. Cette fouille peut alors se limiter à un contrôle des sous-vêtements. Dans d’autres établissements, des fouilles poussées sont réalisées très régulièrement.

Les modalités d’accomplissement de la fouille intégrale suscitent un sentiment d’humiliation chez les personnes qui en font l’objet. Elles provoquent également un malaise important chez les agents chargés de la pratiquer. Si la pratique de la fouille intégrale est fortement inscrite dans les habitudes de l’administration pénitentiaire, il ne semble pas qu’elle présente une efficacité réelle en terme de sécurité.

Au terme de leur mission d’enquête, les sénateurs ont observé que « l’efficacité des fouilles reste pourtant limitée, comme le démontre la réalité des trafics de stupéfiants en prison : le détenu apprend vite les « ruses » pour échapper à la fouille ». Une analyse qui rejoint celle de Philippe Maître, ancien chef de l’Inspection des services pénitentiaires, pour qui « La réalité des règles est une des questions importantes. Certaines règles ne sont en réalité pas applicables ou alors dans des conditions extrêmement difficiles. Cela pose un problème quotidien aux personnels pénitentiaires : soit, ils appliquent la règle et il y a des incidents ; soit, ils ne l’appliquent pas, et ils ont ou auraient affaire à l’inspection. Le type même de cette règle est la fouille intégrale. Telle qu’elle est enseignée et pratiquée, elle est, sur un plan strictement moral, évidemment dégradante. Elle consiste à être nu, à s’agenouiller, à tousser, à subir des inspections extrêmement minutieuses, ce qui, vous l’imaginez, n’est absolument pas agréable. Les détenus protestent, créent des incidents et les surveillants, plus ou moins démunis, reculent progressivement. Je ne suis pas sûr disant cela, vous me comprendrez à demi-mot, que ces fouilles soient systématiquement réalisées comme elles le devraient. Faut-il un jour prendre le risque de les supprimer au prix de la sécurité des surveillants ou faut-il les valider, les encadrer très strictement et les faire subir aux détenus ? C’est un point de vue qui dépasse très largement le personnel pénitentiaire, c’est presque un point de vue de société : continue-t-on à tolérer de telles pratiques ou y oblige-t-on ? Il en va de cette règle comme d’un grand nombre de règles de sécurité. »

Il est à noter que l’actuel ministre de l’Intérieur a décidé [28] que la pratique des « fouilles de sécurité », en particulier celles qui prévoient un déshabillage, ne devaient être utilisées qu’en cas « d’absolue nécessité, et en concertation avec l’officier de police judiciaire », car « humiliante pour la personne et pour nous-mêmes [les fonctionnaires] ». 

La Commission considère que l’installation de moyens modernes de détection est susceptible de diminuer considérablement le nombre de fouilles corporelles nécessaires pour garantir le même niveau de sécurité. La mise en œuvre systématique de fouilles intégrales telle qu’elle résulte de la circulaire de 1986 s’avère incompatible avec les prescriptions de la Cour européenne des droits de l’homme qui a noté le caractère exceptionnel qui devait présider à son usage [29]. En tout état de cause, la Commission affirme son souhait que ce type de fouille ne puisse être ordonné sur simple décision administrative. Sur un plan concret, il est proposé de recourir aux fouilles par palpation en cas de présomptions sérieuses de crimes ou délits, ou lorsqu’un risque d’évasion est pressenti.

b. L’isolement administratif de longue durée

Le Code de procédure pénale prévoit que le chef d’établissement peut écarter un prisonnier du reste de la collectivité carcérale en le plaçant dans un quartier spécial par mesure de précaution et de sécurité (art. D. 283-1, CPP).

En dehors des règles de compétence concernant les décisions de prolongation de la mesure, aucune durée maximale de l’isolement n’est prévue par le Code. Les détenus peuvent, par conséquent, être soumis à ce régime pendant plusieurs années. En 2002, 161 détenus étaient ainsi maintenus au quartier d’isolement depuis plus d’un an.

Cette mesure produit notoirement des effets délétères sur l’état physique et psychique des détenus qu’elle vise. Elle se traduit par une absence quasi complète de contact avec autrui. Les praticiens hospitaliers exerçant en milieu pénitentiaire constatent sa nocivité sur le plan médical : altération des sens, déstabilisation des repères spatio-temporels, décompensation psychologique. A tel point que le personnel soignant la dénomme « torture blanche » [30].

La commission d’enquête de l’Assemblée nationale note à cet égard que « les conséquences désocialisations et psychiquement déstructurantes d’une décision de mise à l’isolement ont été à la fois dénoncées par les intervenants de l’administration pénitentiaire et constatées lors des visites » [31].

Ces considérations ont conduit le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) à formuler, dans son rapport de 2000, les observations suivantes : « Le CPT a de sérieuses réserves en ce qui concerne la situation de nombre de détenus placés à l’isolement administratif que sa délégation a rencontrés lors de sa visite ; ses réserves tiennent tant à la durée de l’isolement pendant des années d’affilée qu’au régime éminemment restrictif auxquels de tels détenus sont soumis en l’absence d’activités structurées et d’activités en commun ». En conséquence, le CPT a rappelé que « la mise à l’isolement peut, dans certaines circonstances, constituer un traitement inhumain et dégradant » et qu’« en tout état de cause, elle [devait] être de la durée la plus courte possible ».
La Commission partage cette analyse. Le principe du respect de la dignité de la personne humaine implique la prise en compte de sa dimension sociale et la préservation de la possibilité d’établir des relations avec ses semblables, « essentielles à son épanouissement libre et intégral » [32]. Concernant la durée de la mesure, la Chancellerie avait prévu, dans le premier état de l’avant projet de loi pénitentiaire de la limiter à un an. Pourtant, toute idée de modification du régime applicable en cette matière semble avoir été abandonnée. Il est tout à fait regrettable que, plus de trois ans après la communication du rapport du CPT, ses observations demeurent lettre morte.

La Commission recommande l’intervention du législateur sur cette question. D’autant plus que, s’agissant des conditions d’existence au sein du quartier d’isolement, il apparaît qu’elles se sont durcies depuis lors. Une note de l’administration pénitentiaire du 18 avril 2003 a remis en cause les adaptations que les chefs d’établissement avaient jusque-là souvent apportées au régime de l’isolement, pour humaniser le quotidien des isolés. La note rappelle « qu’aucune activité ne doit être organisée dans les cours de promenade. Aucun matériel ou équipement ne doit y être entreposé ». Elle affirme que « les détenus dangereux doivent impérativement être placés seuls dans une cour. [Ils] ne doivent pas être autorisés à se regrouper lors des activités. ». Le soin d’apprécier la dangerosité des individus est renvoyé aux chefs d’établissement. Cette appréciation s’effectue au vu, notamment, « de l’appartenance [du détenu] au grand banditisme ou à une mouvance terroriste ou de son passé judiciaire et pénitentiaire ».

Concernant les aménagements des cours de promenade du quartier d’isolement, la note prévoit « l’installation d’un barreaudage quadrillé en acier renforcé ; la mise en place sous le barreaudage d’un métal déployé à mailles suffisamment fines pour rendre difficile la récupération d’objets par le détenu isolé ; des rouleaux de concertina de type « detainer » disposés au dessus du barreaudage quadrillé en rangs serrés ». Dans ces conditions, le détenu isolé voit son champ de vision réduit à l’extrême, au-delà du supportable. Les portes, les murs, les grillages fixent des distances toujours courtes et toujours identiques. L’environnement et l’écoulement du temps, parfaitement monotones, contraignent le détenu à un « surplace » mortifiant. Il en résulte un sentiment d’écrasement fortement déstructurant.

c. Les transferts multiples

L’administration peut décider le transfert d’un détenu pour tout motif. Cette mesure intervient généralement pour le maintien de l’ordre et de la sécurité. La mesure peut également être prise pour assurer une meilleure répartition des détenus dans les établissements en période de surpopulation carcérale. Bien que ne constituant pas une sanction aux termes du Code de procédure pénale, le transfert est régulièrement utilisé à titre coercitif. En pratique, certains détenus considérés comme des perturbateurs font l’objet de transferts incessants. Lors de son audition devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, Michel Beuzon, secrétaire général de FO-Pénitentiaire/personnels de direction, indiquait ainsi que l’administration était conduite, vis-à-vis des détenus ayant un comportement difficile, « non pas à user de la procédure disciplinaire, mais à pratiquer le "tourisme pénitentiaire", c’est-à-dire le déplacement des détenus d’un établissement à l’autre ».

Le CPT a déjà signifié aux autorités françaises que de telles pratiques portaient atteinte aux droits fondamentaux des personnes détenues. Ainsi, dans son rapport, publié le 19 janvier 1993, le CPT affirmait qu’il « est pleinement conscient que certains détenus sont extrêmement difficiles et le transfèrement de certains d’entre eux vers un autre établissement peut parfois s’avérer nécessaire. Cependant, il se doit de souligner que le transfèrement continuel d’un détenu d’un établissement à l’autre peut engendrer des effets très néfastes sur son bien-être physique et psychique. Les conditions minimales pour l’existence dans un milieu de vie cohérent et suivi ne sont plus assurées. De plus, un détenu qui se trouve dans une telle situation aura de très sérieuses difficultés à maintenir des contacts avec sa famille, ses proches et son avocat. L’effet des transfèrements successifs sur un détenu pourrait, dans certaines circonstances, constituer un traitement inhumain et dégradant. »

L’utilisation de mesures d’éloignement en cascade pour briser la résistance psychologique du détenu face à l’administration doit absolument être proscrite. Le bouleversement continuel des repères induit par cette pratique soumet inévitablement son destinataire à une épreuve d’une intensité excessive. En conséquence, la CNCDH souhaite que la loi vienne fixer précisément les motifs pour lesquels un transfert peut être décidé et rappeler le caractère tout à fait exceptionnel de cette mesure.

d. L’hygiène et les conditions matérielles de détention

La Cour européenne des droits de l’homme condamne, sous l’angle de l’article 3, des conditions de détention objectivement inadaptées au bien-être des prisonniers. La Cour prend en compte l’aménagement des cellules [33] (l’aération et la luminosité, la température, la séparation des sanitaires) et la surpopulation et ses effets [34] (absence de matériel de couchage).

Le Code pénal incrimine le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine (art. 225-14).

Le Code de procédure pénale prévoit depuis 1958 l’emprisonnement individuel de jour comme de nuit tant pour les prévenus (art. D.58) que pour les condamnés (art. D. 83 et D.95). Il peut être dérogé, de façon exceptionnelle et provisoire, à ce principe « en raison de la distribution intérieure » des locaux de détention ou de leur « encombrement temporaire ».

Animé par la volonté de garantir le respect de la dignité de la personne poursuivie pénalement [35], le Parlement avait fixé, avec la loi du 15 juin 2000, une échéance de trois ans pour parvenir à l’encellulement individuel. La loi du 12 juin 2003 relative à la violence routière a prévu un nouveau délai de cinq ans pour atteindre cet objectif. La CNCDH regrette ce report d’une mesure saluée par le CPT et constate que celui-ci a organisé sa dernière visite sur les effets de la surpopulation sur une période coïncidant avec la date symbolique du 15 juin 2003 [36].

Pourtant, la situation de promiscuité imposée à la majorité des personnes incarcérées en maison d’arrêt représente l’un des aspects les plus problématiques des conditions de détention en France. Dans les maisons d’arrêt, la plupart des détenus restent enfermés à deux, trois, parfois quatre, dans des cellules dont l’espace libre, une fois déduite la place prise par les sanitaires, les lits et les quelques meubles, se limite à 3 ou 4 mètres carrés, et ce généralement pendant 22 à 23 heures par jour, compte tenu du nombre limité d’activités, de places de travail ou de formation. Dans ces conditions, un certain nombre de détenus couchent sur des matelas posés à même le sol. Ce surencombrement a des incidences dramatiques sur toutes les dimensions de la vie en prison. Comme le notait la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, « la surpopulation est à l’origine d’un traitement infligé aux détenus qui peut être considéré, à juste titre, comme inhumain et dégradant ; elle n’est pas non plus étrangère à la survenance de plus en plus fréquente d’actes d’auto-agression (automutilations, tentatives de suicides ou suicides), d’agressions entre détenus, de phénomènes de racket ou d’actes de violence envers les surveillants ». [37] Encore la situation décrite s’est-elle nettement dégradée depuis la publication de ce rapport.

Il convient de réaffirmer ici que le principe de l’encellulement individuel constitue un élément essentiel à la préservation de la dignité des personnes et à la protection de leur intégrité physique. Il revient au législateur et au pouvoir exécutif de créer les conditions pour que ce principe soit respecté. La loi devrait énoncer clairement qu’il ne peut y être dérogé que sur demande expresse du détenu ou pour des motifs tenant à sa personnalité.

En matière d’hygiène corporelle, la France est en retard par rapport à nombre d’Etats européens [38]. Le Code de procédure pénale prescrit que les détenus doivent pouvoir bénéficier de trois douches par semaine. Cette prescription n’est cependant effective que « dans toute la mesure du possible » (art. D358 du CPP). Cette règle, a fortiori assortie de ce tempérament, n’est plus admissible au vingt-et-unième siècle. Les détenus doivent pouvoir se doucher quotidiennement. D’autre part, l’obligation qui est de fait imposée dans la plupart des établissements de se doucher dans des locaux communs constitue non seulement une atteinte à la pudeur et à l’intimité de la personne, mais encore génère des risques en terme de sécurité. C’est pourquoi la réfection doit s’accompagner de la construction de cabines de douches individuelles, si possible en cellule.

Pour ce qui est des équipements des locaux d’hébergement, l’administration pénitentiaire a entrepris des travaux de réfection dans certains établissements, comprenant le cloisonnement des toilettes. Cet effort doit être poursuivi, afin que toutes les cellules soient rapidement équipées de sanitaires en parfait état de fonctionnement et isolées du regard tant des détenus les occupant, que des personnels pénitentiaires effectuant des rondes [39].

 

 

e. Le maintien en détention des personnes atteintes de troubles mentaux

Pour la Cour européenne des droits de l’homme, « le traitement infligé à un malade mental [en détention] peut se trouver incompatible avec les normes imposées par l’article 3 s’agissant de la protection de la dignité humaine » [40].

En juin 2000, la commission d’enquête du Sénat [41] constate que, « en raison d’une dérive psychiatrique et judiciaire, des milliers de détenus atteints de troubles psychiatriques errent sur le territoire national, ballottés entre les établissements pénitentiaires, leurs quartiers disciplinaires, les services médico-psychologiques régionaux (SMPR), les unités pour malades difficiles (UMD), les unités fermées des hôpitaux psychiatriques… » Un an plus tard, un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des services judiciaire (IGSJ), publié en octobre 2001, [42] souligne que « la proportion de détenus psychotiques suivis a considérablement augmenté dans certains SMPR ». En juillet 2002, une enquête rendue publique par le ministère de la Santé indique en effet que 55% des entrants en prison souffrent d’au moins un trouble psychiatrique et qu’un suivi est préconisé pour 52 %, soit la quasi-totalité de ceux pour lesquels un trouble a été repéré. L’évolution tant de la psychiatrie que de la justice aboutit ainsi à un déplacement de l’hôpital vers la prison et à un nombre croissant de malades mentaux en détention, alors même que, selon le rapport de l’IGAS et de l’IGSJ, « la prison, en soi, est un facteur d’aggravation des troubles mentaux ». Auditionné par la commission d’enquête du Sénat, le président de l’Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, Evry Archer, insiste sur l’effet « délétère », « anxiogène, déprimant et déstructurant de toute vie carcérale », qui n’est « pas vraiment de nature à améliorer l’équilibre psychique et la santé mentale » et entraîne « des conséquences psychiques dont l’ampleur et le prolongement sont faciles à comprendre ».

Mis en place en 1986, les SMPR sont la structure de base de la prise en charge psychiatrique en milieu pénitentiaire. Il en existe 26, uniquement dans les maisons d’arrêt et centres de détention. Le rapport annuel 2001 de l’administration pénitentiaire indique que, dans les établissements non dotés d’un SMPR, « seuls les soins courants sont assurés par des équipes réduites. Dans beaucoup d’établissements, le repérage précoce des troubles mentaux et la prise en charge psychiatrique sont insuffisants ». Dans les hôpitaux psychiatriques, non adaptés à l’accueil de personnes devant faire l’objet d’une surveillance particulière en raison de leur statut de détenu, les hospitalisations sont généralement de trop courte durée pour être efficaces et la personne s’y « retrouve attachée en permanence à son lit, interdite de visite et de promenade, privée d’accès à la cantine et à la télévision, reléguée dans une cellule d’isolement inadaptée », selon les services d’inspection médicale et judiciaire.
 
La Commission a déjà eu l’occasion de rappeler l’urgence de l’instauration d’aménagements de peine spécifiques aux malades mentaux, compte tenu de l’accentuation des pathologies psychiatriques résultant de la détention [43]. Une procédure de suspension de peine particulière devrait être organisée, à l’image de ce qui existe pour les détenus atteints de maladies somatiques graves. Dans ce cadre, les modalités de saisines des juridictions devraient être adaptées pour faire face à l’éventuelle incapacité des intéressés.

2. LA PROTECTION DE L’INTEGRITE PHYSIQUE ET PSYCHIQUE

a. La prévention des suicides

Une obligation positive de protection de la sécurité des personnes détenues pèse sur les autorités pénitentiaires. L’article 2 de la Convention met d’autre part à la charge des autorités « l’obligation positive de prendre préventivement des mesures pratiques pour protéger l’individu (…) dans certaines circonstances particulières contre lui-même. » Selon la Cour, « Les autorités pénitentiaires doivent s’acquitter de leurs tâches de manière compatibles avec les droits et libertés de l’individu concerné » ; il leur appartient de décider de « mesures et précautions générales (…) afin de diminuer les risques d’automutilation sans empiéter sur l’autonomie individuelle » [44].

Selon une circulaire du 29 mai 1998, une politique de prévention du suicide « n’est légitime et efficace que si elle cherche, non à contraindre le détenu à ne pas mourir, mais à le restaurer dans sa dimension de sujet et d’acteur de sa vie ». Issue de plusieurs études, dont un rapport sur la prévention des suicides remis en mai 1996 par une mission inter-disciplinaire qui avait conduit à la mise en place, en 1997, d’un programme expérimental sur onze site pilotes, cette circulaire vise à identifier les facteurs de risque, déconseiller certaines pratiques (dans le domaine disciplinaire par exemple), généraliser des méthodes de prise en charge (telles que le repérage des entrants), former les personnels. Elle insiste aussi sur une amélioration des conditions de détention (possibilité accrue des visites familiales par exemple). Elle a été complétée le 26 avril 2002 par une circulaire cosignée par les ministres de la Justice et de la Santé qui prévoit un ensemble de procédures à mettre en œuvre concernant la formation des personnels, le repérage du risque suicidaire, le soutien aux personnes présentant ce risque et l’information des proches du suicidé.

Pourtant, selon un récent rapport du professeur Jean-Louis Terra [45], remis aux ministres de la Justice et de la Santé le 10 décembre dernier, les réformes annoncées depuis 1996 peinent à être mises en œuvre. Les circulaires de mai 1998 et d’avril 2002 visaient notamment à modifier l’accueil des entrants en prison, à modérer le recours au quartier disciplinaire et à proposer des améliorations des conditions de détention. A ce jour, le programme d’accueil et de repérage des nouveaux détenus est loin d’être opérationnel. Au 1er juillet 2003, seules 75 maisons d’arrêt sur 139 disposaient d’un quartier arrivants et certains de ces quartiers étaient loin de présenter des caractéristiques satisfaisantes. Un rapport d’évaluation conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) [46] estimait pourtant en 2001 que « les quartiers arrivants sont encore insuffisamment nombreux et l’aménagement de leurs cellules n’est pas souvent de nature à atténuer le stress et la détresse éprouvée à l’entrée en prison ».

Le taux de suicide ne cesse d’augmenter depuis les années 1980. En 2002, 122 personnes se sont suicidées dans les prisons françaises contre 39 en 1980 (138 en 1996), soit un taux de suicide qui est passé de 100 en 1980 à 224 en 2002 (130 en 1990, 215 en 2001). Les tentatives de suicide ont connu une évolution analogue passant de 393 en 1980 à 918 en 2000. Quant à la sursuicidité carcérale, elle s’établit à 6,5 depuis la période 1992-1994. L’écart entre la prison et le monde extérieur s’est aussi accru au cours des 20 dernières années puisque ce coefficient était de 4 entre 1981 et 1991.

Par ailleurs, le risque suicidaire est sept fois plus important en ce lieu que dans le reste de la détention. En 2003, au moins 17 suicides se sont produits au quartier disciplinaire. Selon le rapport sur la prévention des suicides de 1996, « on ne peut pas expliquer la sursuicidité au quartier disciplinaire par un effet de sélection » puisque « les détenus qui se sont suicidés [en ce lieu] ne sont pas représentatifs des catégories de détenus présentant le plus de risque suicidaire ». Pour le socio-démographe Nicolas Bourgoin, auteur d’un ouvrage qui fait autorité en la matière [47], « le détenu a une probabilité d’autant plus élevée de se suicider qu’il est mis dans une situation d’inactivité forcée, la détention étant d’autant plus prégnante, donc plus coûteuse, et le suicide devenant alors pour lui un ultime moyen de réaffirmer son autonomie. Cette condition est complètement réalisée dans le cas de l’isolement disciplinaire. (…) L’isolement non disciplinaire prédispose aussi au suicide mais d’une façon moins nette car il laisse plus de liberté au détenu (en particulier la déprivation des biens n’est pas totale comme dans le cas de l’isolement disciplinaire). » Pour Jean-Louis Terra, « les personnes détenues en crise suicidaire ne doivent pas être placées au quartier disciplinaire ». Plus généralement, « la recherche d’alternatives au quartier disciplinaires est à développer ».

La culture de la surveillance renforcée, consistant à multiplier les rondes durant la nuit et à vérifier le plus souvent possible que le détenu est en vie, demeure bien présente. Le rapport interdisciplinaire de 1996 avait pourtant estimé que « la vigilance renforcée ne peut avoir les effets escomptés que dans un temps donné », ajoutant qu’un « tel système de prévention dans sa dimension totalitaire et déshumanisatrice, par la pression qu’il ferait régner, ne manquerait de générer en lui-même des comportements suicidaires. Il apparaît, non seulement paradoxal, mais encore inutile dans le long terme, de tenter d’empêcher la personne de vivre pour l’empêcher de mourir ». La circulaire d’avril 2002 prend acte de cette position en affirmant que si la vigilance « peut consister en une multiplication des rondes, même de nuit (…), il ne saurait être question de réduire la prise en charge d’une personne détenue en détresse à de seules mesures de surveillance qui, dans certains cas, peuvent aggraver son état ».

Les actes auto-agressifs, qui sont souvent un indice du risque suicidaire, sont fréquemment considérés comme des moyens de pression que l’institution pénitentiaire se doit de rejeter. La circulaire de 1998 souligne pourtant que, « s’il est constant que certains actes auto-agressifs constituent, de la part du détenu, un moyen de pression par rapport à l’institution carcérale, il n’en demeure pas moins vrai que celui-ci, qui ne peut être présumé par l’administration, n’est pas exclusif d’une souffrance et d’un risque suicidaire sérieux ». Dans son rapport publié le 19 juin 2001, le Comité européen pour la prévention de la torture estime d’ailleurs que « l’appréciation de gestes auto-agressifs ne peut être laissée à la discrétion de l’administration pénitentiaire. Celle-ci ne peut être valablement faite que par les services de santé qualifiés pour déterminer les causes de tels actes ainsi que leur gravité et proposer une prise en charge appropriée des détenus concernés. »
Le rapport Terra recommande de son côté d’améliorer les conditions de détention afin d’instaurer « un climat propice aux confidences sur leur souffrance pour tous les détenus. Une telle atmosphère impose de réduire au maximum le stress et l’anxiété des personnes détenues notamment grâce à de bonnes relations entre les détenus et le personnel pénitentiaire, à des conditions de vie décentes, à l’assurance de ne pas être brutalisé, au maintien de liens familiaux ». Ces progrès devraient concerner les conditions matérielles de détention (encellulement individuel, salubrité des locaux) mais aussi des actions plus spécifiques pour les personnes qui ont des difficultés psychologiques ou des pulsions suicidaires (possibilité d’accroître les visites familiales au delà des conditions normales, prise en charge des déplacements de la famille).

Le phénomène de sursuicidité en prison appelle de la part du gouvernement la mise en œuvre d’une politique de prévention déterminée, qui soit véritablement considérée comme prioritaire. Cette politique doit s’appuyer sur le rapprochement des conditions d’existence en prison de celles du milieu libre, seule façon de permettre aux personnes détenues les plus fragiles de limiter leur sentiment d’exclusion ou de disqualification et de maintenir une certaine maîtrise sur le cours de leur vie. Cette préoccupation doit guider les autorités dans la détermination des modalités de fonctionnement des établissements. En particulier, la sursuicidité au quartier disciplinaire implique que les autorités lui substituent d’autres formes de sanction, comme le confinement en cellule individuelle. Par ailleurs, l’accueil des détenus arrivants doit être organisé dans des conditions adéquates afin de permettre de limiter au maximum le « choc carcéral ». Le niveau de la prise en charge médico-psychologique spécialisée doit être considérablement rehaussé, afin que des permanences soient assurées dans les établissements. D’autre part, la possibilité doit être prévue de recourir à des mesures spécifiques de prise en charge des personnes suicidaires, de nature à restaurer l’estime de soi chez les intéressés, allant de l’adaptation des conditions individuelles de détention (relations avec l’extérieur et activités aménagées) à la prise en charge en milieu hospitalier extérieur.

b. La protection face aux actes hétéro-agressifs

L’article 3 de la Convention astreint les autorités à prendre préventivement les dispositions nécessaires à la protection de l’intégrité physique des personnes privées de liberté à l’égard de mauvais traitements infligés par des codétenus [48]. Par ailleurs, l’article 2 peut, dans certaines circonstances, mettre à la charge des autorités l’obligation positive de prendre préventivement des mesures d’ordre pratique pour protéger l’individu dont la vie est menacée par les agissements criminels d’autrui [49].

En dépit de ces obligations, la prison est le théâtre de violences importantes. Les actes d’agression contre autrui, détenus comme surveillants, sont quotidiens. Au vu des derniers recensements des fautes disciplinaires opérés par l’administration pénitentiaire, il apparaît d’une part que les fautes consécutives à une agression physique entre détenus [50] sont en augmentation : 6 013 en 2001 puis 6 806 en 2002. L’essentiel de ces actes se déroulent dans les maisons d’arrêt : 4 673 en 2001, 5 358 en 2002. Pour ce qui est des violences de détenus à l’encontre de personnels [51], les mêmes dénombrements font état de 1 311 fautes consécutives à une violence physique en 2001 et de 1 785 en 2002. Là encore, l’essentiel du phénomène a lieu en maison d’arrêt : 1 086 en 2001, 1 517 en 2002. Il est à noter l’absence de chiffres sur les violences ou agressions commises par des personnels à l’encontre de détenus.

Un constat dénoncé par les députés qui notait que la « surpopulation pénale est donc à l’origine d’un traitement infligé aux détenus qui peut être considéré, à juste titre, comme inhumain et dégradant ; elle n’est bien évidemment pas non plus étrangère à la survenance de plus en plus fréquente d’actes d’auto-agressions (automutilations, tentatives de suicides ou suicides), d’agressions entre détenus, de phénomènes de racket ou d’actes de violence envers les surveillants. » [52]

Les premières victimes des violences entre personnes détenues sont celles incarcérées pour des affaires de mœurs et les mineurs. La Commission d’enquête du Sénat a pu « constater que l’administration pénitentiaire était fréquemment incapable d’assurer la sécurité physique des « pointeurs », voire fermait les yeux sur les brimades dont ils font l’objet (insultes, crachats, racket, passages à tabac, viols…) » [53]. Concernant les mineurs, tous les interlocuteurs de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale ont également souligné que « L’administration pénitentiaire se trouve très désemparée en face de ces adolescents qui ont un comportement exacerbé en détention, qui ont leurs rites, leurs codes et qui reconstituent à l’intérieur des phénomènes de bandes. » [54]

Par ailleurs, à plusieurs reprises ces dernières années, des meurtres entre prisonniers ont eu lieu. Au moins six cas de décès dus des violences entre détenus ont été déplorés dans l’espace de cinq ans. Il convient de rappeler que les autorités dès qu’elles ont connaissance d’un risque certain et immédiat de mauvais traitement infligé à un détenu par ses codétenus, ont dans le cadre de leur devoir de surveillance de personnes privées de liberté, l’obligation de prendre des mesures visant à empêcher la matérialisation de ce risque.

Pour la Commission d’enquête du Sénat, « Certes, incarcérer des personnes contre leur gré est en soi une situation "violente". Pour autant, les manifestations de cette violence, les violences contre soi, les violences contre les autres ne sont pas une fatalité, et découlent directement de la surpopulation carcérale » [55]. D’autre part, selon des sociologues spécialisés dans le domaine carcéral et particulièrement sur l’univers des personnels de surveillance, « Les risques d’explosion interne, dramatiques dans leurs conséquences, croissent avec la dimension toujours plus contraignante et intrusive des dispositifs de sécurité et l’allongement du séjour en prison » [56].

La Commission réitère ici son souhait de voir rapidement mis en application le principe de l’encellulement individuel, seul à même d’assurer une protection suffisante aux personnes détenues. D’autre part, elle est d’avis qu’une meilleure préservation des droits des personnes incarcérées est de nature à réduire les phénomènes de violence au sein des prisons.

Face aux perturbations considérables liés au comportement imprévisible des personnes incarcérées atteintes de troubles mentaux, la Commission rejoint l’analyse selon laquelle « La stigmatisation provoquée par le maintien dans un établissement spécialisé paraît moins grave que le fait d’être dans un établissement pénitentiaire qui n’est pas du tout fait pour cela et où les gens vivent pendant deux ans, trois ans, dix ans dans des conditions effroyables. Ensuite, la réinsertion est encore plus difficile. Pour quelqu’un qui a passé dix ans au fond d’une cellule sans sortir, sans relations sociales, la réinsertion est quasiment impossible. Quand la personne sortira à 40 ou 50 ans après dix ans de claustration, au sens psychiatrique et non pas d’enfermement, elle aura subi un enfermement double : la prison plus l’enfermement psychologique » [57]. De tels constats doivent appeler des évolutions notables visant à développer des dispositifs de sortie tels qu’évoqués supra.

La Commission estime que les quartiers de détention doivent être aménagés en unités de taille humaine, en particulier s’agissant des quartiers réservés aux mineurs. Ceux-ci doivent en tous les cas être strictement séparés des adultes. L’affectation de majeurs dans des cellules situées au sein de quartiers réservés aux jeunes afin de pacifier les détentions ne paraît pas appropriée.

3. LA PROTECTION DU DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET FAMILIALE

a. La protection de la vie privée

i. La nécessité d’aménager un espace privatif au profit du détenu

Le droit au respect de la vie privée implique de garantir à tout individu une sphère d’intimité dans laquelle il doit pouvoir conduire son existence comme il l’entend. L’intimité doit être sauvegardée car elle constitue le cœur de l’identité personnelle et le fondement de la relation à autrui. Cette protection implique que l’individu ait la possibilité de se soustraire du regard d’autrui, et spécialement de celui de la puissance publique, à tout le moins à certains moments de la journée et en certains lieux qu’il puisse considérer comme privatifs [58]. En effet, « La personnalité se déploie nécessairement dans une portion d’espace dont l’appropriation - ne serait-elle que psychologique - lui est nécessaire. Ce territoire indispensable doit être respecté par les tiers » [59]. La Cour européenne considère au demeurant que le droit pour l’individu au respect de son domicile relève de « sa sécurité et de son bien-être personnels » [60].
 
En l’état du droit, la personne détenue est soumise à la surveillance constante du personnel pénitentiaire. L’article D 270 du Code de procédure pénale énonce en effet que ceux-ci « doivent être constamment en mesure de s’assurer de la présence effective des détenus. Pendant la nuit, les cellules doivent pouvoir être éclairées en cas de besoin. Personne ne doit y pénétrer en l’absence de raison grave ou d’un péril imminent. (…) ». Aux termes de l’article D 272, « des rondes sont faites après le coucher et au cours de la nuit, suivant un horaire fixé et quotidiennement modifié par le chef de détention, sous l’autorité du chef d’établissement ». L’intensité du contrôle opéré durant la nuit varie suivant les pratiques professionnelles ou selon que les détenus considérés ont fait ou non l’objet de consignes particulières. La nature du contrôle nocturne peut consister en un coup d’œil au travers de l’œilleton mais encore en l’éclairage inopiné de la cellule, accompagné d’un ordre intimé au détenu de faire un mouvement. L’espace privé ou intime concédé au détenu se résume alors à peu de chose : « Que l’on soit seul ou non en cellule, le surveillant peut passet à tout moment au hasard, ou dans le cadre de sa ronde. On a toujours présent à l’esprit le fait qu’il va passer, et qu’il peut revenir. Cette pratique induit un climat de persécution terrible. L’individu est mis dans un état de qui-vive permanent, de paranoïa, potentiellement coupable en permanence. » [61].

La Commission recommande l’aménagement de périodes durant lesquelles le détenu serait à l’abri des regards étrangers. Au demeurant, le ministère de la Justice avait prévu, lors de ses travaux préparatoires de l’avant projet de loi pénitentiaire en 2001, que la cellule soit considérée comme un « lieu clos », pendant la « nuit légale », délai pendant lequel la surveillance n’aurait plus été exercée, hormis sur sollicitation du détenu ou circonstances spéciales.

L’intimité du détenu se trouve également bafouée par la situation de promiscuité à laquelle il est le plus souvent soumis en maison d’arrêt. Le fait d’être exposé en permanence au regard de deux, trois, voire quatre autres personnes est fortement déstructurant et met inévitablement à mal toute action de réinsertion. Sur ce point, la Commission se doit de rappeler les améliorations qu’engendrerait le seul respect du principe de l’encellulement individuel.

ii. L’encadrement des fouilles des locaux

Les fouilles ordinaires des cellules sont prévues à l’article D 269 du Code de procédure pénale. Leur fréquence est laissée à la discrétion du chef d’établissement. Le Code se contente en effet de préciser que « l’inspection doit être fréquente et minutieuse ». Ce texte prescrit que la fouille de la cellule a lieu en l’absence de son occupant, sans en évoquer ni les causes ni les conditions. Ce dispositif peut se traduire en pratique par des abus. Il suscite en tous les cas de nombreuses contestations et provoque des tensions en détention.

La Commission préconise de définir strictement le régime juridique des fouilles de cellules, en le calquant autant que faire se peut sur celui des perquisitions, compte tenu de l’atteinte à la vie privée et à la propriété qu’elles supposent. Dans cette perspective, seuls des surveillants gradés, ayant reçu une habilitation pour réaliser ces actes, pourraient effectuer les fouilles des cellules, sur décision spécialement motivée du chef d’établissement. La fouille serait alors mise en œuvre en présence du détenu. Elle devrait en outre être effectuée en présence de témoins : un surveillant et un codétenu (nécessairement occupant d’une autre cellule).
Un procès-verbal devrait être réalisé à l’occasion de chaque fouille, signé par les deux parties. Le détenu pourrait y porter ses observations.

Des « fouilles générales » des locaux d’hébergement et des lieux de vie collective sont réalisées de façons ponctuelles, sur décision de l’administration centrale. Elles sont généralement opérées par des équipes volantes de l’administration pénitentiaire avec le concours des forces de l’ordre. Elles sont parfois l’occasion d’une dégradation ou de la dispersion de certains effets personnels de détenus. Les conditions dans lesquelles sont réalisées ces fouilles générales ne sont guère satisfaisantes. En particulier, le regroupement des détenus pendant des heures en cour de promenade dans l’attente de l’achèvement des opérations devrait être évité. En pratique, ces opérations visent essentiellement à affirmer l’autorité de l’administration, l’expérience démontrant que les bénéfices en termes de sécurité sont limités [62]. La disproportion entre les effets négatifs des fouilles sur la vie des détenus et les résultats qu’elles offrent est notoire. Selon la CGT pénitentiaire, « si ces fouilles d’établissement ont le mérite de « faire le ménage », quel est leur véritable intérêt pour la sécurité, peu ou pas de prises spectaculaires (essentiellement des téléphones portables et un peu de drogue), tension accrue dans les établissements, pour la plupart surpeuplés » [63].

La Commission est d’avis que ce type de fouille ne doit être mis en œuvre que sur décision de l’autorité judiciaire en cas de présomption sérieuse de crimes ou de délits. Il apparaît également nécessaire qu’il ne soit pratiqué qu’en présence d’une autorité de contrôle indépendante disposant de moyens suffisants pour veiller au bon déroulement des opérations.

iii. Le contrôle des correspondances

Les correspondances écrites et téléphoniques véhiculent l’intimité de la vie privée. Elles s’avèrent essentielles en prison, dans la mesure où elles permettent de préserver des relations affectives que l’espacement des visites et l’éloignement géographique du lieu d’incarcération viennent souvent contrarier.

Les prévenus peuvent écrire sans limitation aux personnes de leur choix (art. D 65 du CPP) sous réserve de disposition contraire émanant du juge d’instruction. S’agissant des condamnés, ils « peuvent écrire à toute personne de leur choix et recevoir des lettres de toutes personnes […] Le chef d’établissement peut toutefois interdire la correspondance occasionnelle ou périodique avec des personnes autres que le conjoint ou les membres de la famille d’un condamné lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement la réinsertion du détenu ou la sécurité et le bon ordre de l’établissement » (art. D 414 du CPP).

Les courriers doivent être lus par l’administration « tant à l’arrivée qu’au départ » (art. D 416 du CPP), à l’exception de la correspondance avec les autorités judiciaires et certaines autorités administratives ainsi qu’entre prévenus et avocat. Compte tenu de l’impossibilité pour l’administration de contrôler chaque lettre, la circulaire du 19 décembre 1986, après avoir indiqué que la lecture n’a pas à être systématique, précise que « ceux dont la personnalité fait craindre que leur courrier comporte des informations susceptibles de mettre en cause la sécurité des personnes ou celles des établissements » subissent « un contrôle régulier ». L’administration pénitentiaire peut décider de retenir les lettres « lorsqu’elles contiennent des menaces précises contre la sécurités des personnes ou celles des établissements pénitentiaires » (art. D 415 du CPP). S’agissant des conversations téléphoniques, elles sont en principe écoutées par le personnel pénitentiaire (art. D 417 du CPP) et sont parfois enregistrées.

Ce contrôle opéré sur la correspondance aboutit à une auto-censure de la part des détenus et de leurs proches dans leurs échanges. Les uns comme les autres s’abstiennent d’évoquer des sujets trop personnels. Cette autolimitation peut conduire à un appauvrissement des rapports affectifs et en définitive à un isolement sentimental de la personne détenue. La Commission préconise une limitation du contrôle des correspondances par l’administration à une vérification externe des lettres. Lorsque cette vérification laisserait présumer la présence d’un objet illicite, le courrier pourrait être ouvert en présence du détenu. Un contrôle plus approfondi du contenu du courrier ne pourrait être opéré que sur décision judiciaire.

 

iv. Le droit à la sexualité

Le droit à la sexualité trouve son fondement dans diverses règles : droit à l’intimité de la vie privée (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme), l’obligation de consommation du mariage (Code civil). Corrélativement, le droit de fonder une famille (v. infra) suppose la possibilité de procréer. Il est à noter à cet égard que si la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas encore, dans l’état actuel des choses, posé en principe que les autorités devaient assurer aux personnes détenues la possibilité d’avoir des relations sexuelles, elle a cependant énoncé dans l’arrêt Kalashnikov c. Russie, du 18 septembre 2001, qu’elle notait avec sympathie le mouvement de réforme dans différents pays européens visant à permettre des visites conjugales. Par ailleurs le Comité européen de prévention de la torture a demandé au gouvernement français, à trois reprises, de prévoir des visites conjugales [64].

Le Code de procédure pénale est muet s’agissant de la question de la sexualité des personnes détenues. Aucune autorisation ni aucune interdiction ne la concerne. L’attitude des services pénitentiaires à cet égard varie fortement d’un établissement pénitentiaire à l’autre. Dans un certain nombre de prisons, les relations sexuelles aux parloirs sont tolérées par le personnel. Dans d’autres, il est recouru à l’article D 249-2-5° du Code de procédure pénale, qui prohibe le fait « d’imposer à la vue d’autrui des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur », pour tenter d’y faire échec. Compte tenu de la configuration des parloirs, ces relations se déroulent toujours dans des conditions indécentes. Le CPT formulait à cet égard l’observation suivante : « Entretenir des relations sexuelles dans ces conditions est dégradant à la fois pour le couple en question et les spectateurs obligés (que ce soit d’autres détenus/visiteurs, ou des fonctionnaires pénitentiaires) » [65] . Par conséquent le Comité a invité le gouvernement français à organiser des visites qui « aient lieu dans des conditions aussi voisines que possible de la vie courante, favorisant le maintien de relations stables » [66].

A ce jour, trois sites expérimentaux ont ouverts (ou doivent ouvrir à brève échéance) au sein du centre pénitentiaire de Rennes, des maisons centrales de Poissy et de Saint Martin en Ré. Les unités expérimentales de visite familiale (UEVF) offrent aux détenus condamnés la possibilité de recevoir des membres de leur famille au sein de locaux spécialement aménagés dont l’organisation matérielle respecte la discrétion, l’intimité des échanges. Les unités sont des appartements implantés dans l’établissement pénitentiaire. Pour solliciter un accès en UEVF, les détenus doivent être condamnés définitifs (et affectés à l’un des trois sites). Ils ne doivent pas non plus bénéficier de permissions de sortir ou autre aménagement de peine garantissant le maintien des liens familiaux, qu’ils soient ou non dans les conditions légales pour en bénéficier. Peuvent demander un accès aux unités de vie, les membres de la famille proche ou élargie et les personnes justifiant d’un lien affectif solide avec la personne incarcérée dans le cadre d’un projet familial. Le chef d’établissement détermine la durée de la visite, qui s’échelonne entre 6 heures minimum et 48 heures maximum. Une fois par an, une visite de 72 heures peut être accordée. Des contrôles et des interventions des personnels pénitentiaires peuvent avoir lieu au cours de la visite [67].

La Commission recommande à titre principal la généralisation du système d’unités de vie familiale. Elle souhaite également que les visites ordinaires se déroulent à l’abri des regards extérieurs. Des boxes entièrement fermés, inaccessibles au regard d’autrui, doivent être instaurés. Au demeurant, le ministère de la Justice avait envisagé, dans le cadre de ses travaux d’élaboration de l’avant-projet de loi pénitentiaire, que les visites pourraient se dérouler sans surveillance des cabines de parloirs. Ce principe devrait désormais être inscrit dans les textes.

b. Le maintien des liens familiaux

v. Les visites au parloir

Les relations familiales des personnes détenues sont placées sous la protection de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Aux termes de cet article, les restrictions apportées par les autorités à ce droit constituent des ingérences qui doivent, dès lors, répondre à un besoin social impérieux et ne pas être disproportionnées au regard des nécessités de l’ordre public invoquées. En particulier, les organes de la Convention européenne estiment que « Le fait de détenir une personne dans une prison éloignée de sa famille à tel point que toute visite s’avère en fait très difficile peut constituer une ingérence dans sa vie familiale, la possibilité pour les membres de la famille de rendre visite au détenu étant un facteur pour le maintien de la vie de famille » [68]. L’article 8 astreint d’autre part l’Etat à prendre les mesures nécessaires pour permettre aux intéressés de mener une vie familiale normale. La Cour européenne considère à cet égard qu’il est essentiel « que l’administration pénitentiaire aide le détenu à maintenir un contact avec sa famille proche » [69].

Par ailleurs, la Convention internationale sur les droits de l’enfant énonce en son article 3-1 que « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Par conséquent, les autorités administratives ne doivent pas, par leurs décisions, porter atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, y compris lorsque ce dernier n’en est pas le destinataire direct [70]. L’autorité parentale, comme le droit pour un enfant à voir ses liens familiaux maintenus avec son parent et à voir celui-ci conserver envers lui une responsabilité effective, sont également protégés (art. 9, 16, 18). S’agissant de l’enfant privé de liberté, la Convention affirme qu’« il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et les visites, sauf circonstance exceptionnelle » (art. 37-c).

Le Code de procédure pénale énonce qu’« En vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération, il doit être particulièrement veillé au maintien et à l’amélioration de leurs relations avec leurs proches, pour autant que celles-ci paraissent souhaitables dans l’intérêt des uns et des autres » (art. D 402). Il prévoit un minimum d’une visite par semaine pour les condamnés et trois pour les prévenus (art. D 410).

Dans la pratique toutefois, « la réponse de l’administration pénitentiaire face à cet impératif de maintien des liens familiaux paraît, à bien des égards, peu satisfaisante » [71]. Les proches des détenus se heurtent fréquemment à des « obstacles matériels souvent démesurés pour des familles défavorisées » [72]. La difficulté la plus importante à laquelle elles peuvent être confrontées est l’éloignement du lieu de détention. S’agissant des prévenus, ils sont en principe incarcérés dans la maison d’arrêt du ressort du siège de la juridiction saisie de l’affaire pénale. Les condamnés, quant à eux, peuvent être affectés en établissement pour peines sur décision de l’« état-major de sécurité pénitentiaire » ou d’une direction régionale de l’administration pénitentiaire. Faute de disposition contraignante, le critère du lieu de résidence des proches des intéressés ne revêt qu’une importance relative au regard des considérations de sécurité, largement dominantes, ou encore des impératifs de gestion de places. La circulaire du 9 décembre 1998 relative aux procédures d’orientation et aux décisions d’affectation des condamnés affirme pourtant que les opérations de transferts en vue de désencombrer un établissement, « en dépit de l’urgence qui le plus souvent s’y attache, doivent être guidées par le même souci d’individualisation qui prévaut à toute affectation et se fonder, autant que possible, sur le volontariat des personnes concernées. Ainsi, doit être évité le transfert de détenus recevant des visites fréquentes. »

Le problème de l’éloignement peut également résulter d’un transfert imposé au détenu durant l’exécution de sa peine. Ce type de mesure demeure couramment utilisé à titre de sanction occulte à l’encontre d’individus jugés difficiles. Un responsable syndical indiquait ainsi devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale que l’administration avait pour habitude de « pratiquer le "tourisme pénitentiaire", c’est-à-dire le déplacement des détenus d’un établissement à l’autre » [73]. Dans la prise de ses décisions, l’administration pénitentiaire refuse encore aujourd’hui de recueillir les observations du détenu, comme le prévoit pourtant la loi du 12 avril 2000 [74]. Dans ces conditions, la situation familiale des destinataires est souvent ignorée par l’autorité administrative. Quel que soit le motif de l’éloignement du proche incarcéré, les coûts des déplacements pour se rendre au parloir peuvent s’avérer faramineux pour les familles. Certaines d’entre elles sont contraintes de parcourir la France entière dans les deux sens pour une visite effective d’une demi-heure.

Parallèlement, l’inaccessibilité d’un certain nombre d’établissements pénitentiaires et les horaires des parloirs peuvent également contraindre les familles à restreindre leurs visites. En maison d’arrêt, il n’est généralement possible de rencontrer les prévenus que durant la semaine, à l’exclusion du week-end. D’autre part, une partie des établissements ne sont pas accessibles en transports publics. Un tiers des prisons ne sont pas desservies par les transports en commun les jours de parloirs [75]. Enfin, de fortes disparités se font ressentir dans l’organisation des parloirs selon les établissements. La durée des visites varie fortement d’une prison à l’autre, même de catégorie identique. Quant aux modalités de réservations des parloirs, elles se révèlent souvent fort problématiques (bornes électroniques en panne, standards téléphoniques saturés, horaires de prise de rendez-vous absurdes).

Les conditions fort peu satisfaisantes dans lesquelles les détenus entretiennent actuellement des relations avec l’extérieur rendent indispensable une intervention législative en ce domaine. Il convient de garder à l’esprit que non seulement la famille ne doit pas être frappée par la sanction prononcée contre l’individu incarcéré, mais encore que le maintien des liens familiaux est une donnée essentielle pour le retour dans de bonnes conditions à la société libre. Ainsi que l’a souligné le CPT, « permettre aux détenus de maintenir des relations affectives avec leurs proches contribuerait à préserver leur bien-être psychologique et, partant, à alléger la tension inhérente à la privation de liberté, en particulier lorsque celle-ci se prolonge » [76]. Aussi bien, « le principe directeur [en cette matière] devrait être de promouvoir le contact avec le monde extérieur ; toute limitation de tels contacts devrait être fondée exclusivement sur des impératifs sérieux de sécurité ou sur des considérations liées aux ressources disponibles » [77].

Dans cette perspective, la Commission estime que les décisions d’affectation des condamnés doivent prioritairement être édictées en considération des exigences de stabilité de leur situation familiale - spécialement s’ils ont des enfants - et au regard d’autres éléments de resocialisation comme la formation, l’emploi ou le contenu d’un plan d’exécution de la peine. Les décisions devraient nécessairement être motivées en fonction de ce paramètre. D’autre part, une mesure administrative aboutissant à rompre une situation établie et éloignant un détenu de sa famille ne pourrait intervenir que pour un motif impérieux d’intérêt public. La Commission recommande également que les prévenus dont l’instruction est terminée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement puissent bénéficier d’un rapprochement familial dans cet intervalle. Les décisions relatives à l’affectation et à ses changements devraient relever de l’autorité judiciaire, ou être prises sur son avis conforme, en raison de leurs conséquences [78] en matière d’application des peines (art. D. 146 du CPP). Elle réitère ici sa demande que les autorités pénitentiaires organisent, avant la prise d’une décision d’affectation, un débat contradictoire avec l’intéressé [79].

S’agissant du régime des visites, la Commission est d’avis que le système de parloirs en vigueur dans les établissements pour peines - permettant des rencontres de plusieurs heures voire de deux demi-journées successives en semaine comme en week-end - soit étendu à toutes les prisons.

vi. Le pacte civil de solidarité

Il est impossible pour les personnes détenues de souscrire un pacte civil de solidarité (PACS) en raison de la nécessité pour les deux cocontractants d’en faire la déclaration conjointe - ce qui suppose leur présence concomitante au greffe du tribunal de grande instance - et parce que l’article 515-3 du Code civil exige une résidence commune.

La Commission recommande donc une modification de l’article 515-3 du Code civil de manière à permettre au greffier du tribunal de grande instance de se déplacer dans l’établissement pénitentiaire, sur réquisition du procureur de la République, afin d’enregistrer la déclaration conjointe des cocontractants. Il convient également de retenir une exception à la condition de résidence commune pour l’application de l’article 515-3 lorsque l’une ou les deux personnes sont détenues.

vii. L’enfant d’un parent détenu

Concernant l’ensemble des dispositions relatives au maintien des liens entre parents détenus et leurs enfants, l’intérêt de ces derniers doit prévaloir sur toutes autres considérations. Cette préoccupation doit être présente à l’esprit du législateur d’autant plus que « Chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’enfants, entre 70 et 80 000, sont confrontés à la séparation imposée par la détention d’un de leurs parents » [80]. En outre, l’incarcération des parents de jeunes mineurs, et particulièrement des mères de mineurs de cinq ou six ans, doit être exceptionnelle et, conformément aux recommandations européennes [81], limitée aux situations où la mère est considérée comme dangereuse pour son enfant ou lorsqu’elle a porté atteinte à ses propres enfants. La séparation de la mère et de l’enfant ne doit plus être fixée à l’âge de dix-huit mois, mais étendue, comme dans d’autres Etats [82], à trois ans, et être très progressive.

viii. L’accès au téléphone

Aujourd’hui, seuls les condamnés détenus en établissement pour peines peuvent téléphoner. La périodicité des communications autorisées est en théorie d’une fois par mois dans les centres de détention et exceptionnelle dans les maisons centrales. L’usage s’est cependant répandu de permettre aux détenus de téléphoner au moins une fois par semaine dans ces deux catégories d’établissements, même si les chefs d’établissement tendent actuellement à revenir sur cette tolérance. Pour le reste, en ce domaine comme dans bien d’autres, la pratique est fort variable selon les sites. Dans un certain nombre, les détenus peuvent téléphoner presque sans limitation. Dans d’autres, quelques-uns bénéficient d’un traitement de faveur vis-à-vis de l’ensemble de leurs codétenus.

En revanche, les détenus des maisons d’arrêt n’ont pas la possibilité de téléphoner. Cette interdiction est une aberration au regard des situations généralement en vigueur en Europe [83]. A quatre reprises (1991, 1994, 1996, 2000) le CPT a demandé aux autorités françaises de revenir sur cette interdiction. « Le CPT considère que le refus total [de contact téléphonique] est inacceptable, notamment à l’égard des détenus qui ne reçoivent pas de visites régulières de membres de leur famille, à cause de la distance séparant celle-ci de la prison » [84]. Le Comité européen relève également « qu’une telle approche s’éloigne de celle suivie dans d’autres pays européens ».

La Commission préconise une généralisation de l’accès au téléphone à l’ensemble des prisons. Elle recommande de s’affranchir des restrictions quant au nombre des appels vers l’extérieur tant elles apparaissent à la fois injustifiées et inégalement appliquées. Elle souhaite également que la possibilité pour les détenus de recevoir des appels de l’extérieur soit aménagée, au besoin limité à un nombre restreint de correspondants et suivant des rendez-vous fixés par avance.

4. LE RESPECT DU DROIT A L’ENSEIGNEMENT

Dans sa résolution du 17 décembre 1998 sur le respect des droits de l’homme dans l’union européenne, le parlement européen « déplorait et s’inquiétait […] de l’absence fréquente, à l’intérieur des structures carcérales, d’activités professionnelles, éducatives, culturelles et sportives indispensables pour préparer efficacement et véritablement le détenu à un retour à la vie civile ». Le même jour, il demandait [85] aux Etats membres « d’appliquer intégralement les dispositions des règles pénitentiaires du Conseil de l’Europe, notamment la participation au travail, à l’enseignement et à la formation ainsi qu’aux activités socio-éducatives, culturelles et sportives, tous éléments qui contribuent à la dignité et la réinsertion civile du prisonnier ».

La prise en charge éducative dans les prisons incombe aux ministères de l’Education nationale et de la Justice. Selon les termes de la convention interministérielle du 29 mars 2002, « L’enseignement correspond à un droit pour les personnes privées de liberté ». La proportion de détenus scolarisés est relativement stable sur les trois dernières années : 59,9 % en 2000, 60,1 % en 2001 et 59,3 % en 2002. A la rentrée de septembre 2002, 368 enseignants ont assuré la formation générale de l’ensemble de la population détenue (361 en septembre 2001). Malgré cette augmentation du nombre d’emploi d’enseignants à temps plein, le taux d’encadrement a baissé pour s’établir à 20,8 heures d’enseignements en moyenne pour 100 détenus en 2002 (23 heures en 2001). Cette « chute brutale du taux d’encadrement tient à la hausse de la population incarcérée que ne compensent pas les créations de postes et l’attribution d’heures supplémentaires » estime la Commission nationale de suivi de l’enseignement en milieu pénitentiaire. Elle souligne également que le budget des Unités pédagogiques régionales (UPR), qui ont en charge les formations initiales et diplômantes, a baissé en 2002 « en valeur absolue comme en valeur relative ». Cette baisse du taux d’encadrement s’est accompagnée d’une baisse du temps de scolarisation. « La tendance à la réduction du nombre d’heures repérée l’an passé se confirme : en 2001, 29 % des personnes étaient scolarisées avec moins de six heures de cours par semaine. En 2002, elles étaient 32,5 % et en 2003, elles sont 33,6 % », estime la Commission. La moyenne des heures de scolarisation (enseignement et activités transversales : langue, sport, informatique) est de 8, 6 par semaine en établissement pour peines et de 9 en maison d’arrêt.

Si l’obligation scolaire ne s’applique qu’à l’égard des mineurs de moins de seize ans, une politique incitative doit être menée à l’égard des autres jeunes détenus. Ils doivent bénéficier d’une prise en charge spécifique. L’encadrement scolaire de ces jeunes demeure pourtant sérieusement limité. Ainsi, pour ce qui est des heures d’enseignement, la moyenne nationale s’élève à 13,3 heures hebdomadaires. Le principe de « l’isolement complet » prévue par la loi du 9 septembre 2002 interdit dorénavant toute possibilité de faire participer les mineurs aux cours dispensés aux adultes. Ainsi, les effectifs d’enseignants nécessitent d’être doublés. A l’ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs prévue pour la fin de l’année 2005, la Commission nationale de suivi de l’enseignement estime que 32 postes d’enseignants à temps plein et 400 heures de vacations seront nécessaires.

Le 26 juin 2002, la commission d’enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs a tiré un bilan sévère de la prise en charge éducative des mineurs dans les établissements pénitentiaires. Pour elle, « malgré les efforts accomplis par l’Education nationale et la Justice, le temps de scolarisation des mineurs incarcérés ne dépasse guère dix à douze heures par semaine ». En outre, la commission « constate que cet enfermement est souvent pratiqué dans de mauvaises conditions et qu’il est synonyme de ruptures de prises en charge, de discontinuité ». Un avis qui rejoint celui du Parlement européen qui a estimé dès 1998 « que les mineurs d’âge n’ont pas leur place dans les établissements pénitentiaires » et qui a préconisé « l’instauration d’un droit pénal constructif et humain pour les jeunes, qui soit basé sur leur responsabilité et leurs aptitudes, prévoie des alternatives à leur incarcération et des mesures visant à combler, autant que possible, des lacunes affectives et éducatives souvent à l’origine des attitudes reprochées » [86].
 
L’enseignement en milieu carcéral est conçu comme une formation pour adultes, sauf lorsqu’il s’adresse aux mineurs détenus. Les niveaux scolaires très hétérogènes et l’importante proportion de situations d’échec scolaire imposent une pédagogie et un cursus scolaire adaptés. Les personnes en situation d’illettrisme ou d’analphabétisme doivent être considérés comme prioritaires dans l’accès à l’enseignement. Lors des évaluations de l’illettrisme faites par les enseignants au cours de l’année 2002, 18,3 % des détenus étaient en situation d’illettrisme ou d’analphabétisme et 13,9 % éprouvent des difficultés lors de la lecture. Lors de l’arrivée des personnes en détention, un repérage systématique de l’illettrisme doit être assuré auprès des détenus sans diplôme, de niveau inférieur au CAP ou ceux pour lesquels il existe un doute sur le diplôme déclaré. Néanmoins, le rapport en date 25 avril 2003 de la commission de suivi de l’enseignement souligne que le dispositif de repérage de l’illettrisme n’a touché que 54 % des détenus.

L’administration pénitentiaire rapporte qu’au cours de l’année 2002, 11 503 détenus ont été inscrits dans une formation de niveau primaire et 6 858 détenus ont été inscrits dans une formation de lutte contre l’illettrisme ou d’alphabétisation, ce qui représentent 58 % des détenus scolarisés. Il est cependant nécessaire de préciser qu’au cours de l’année 2002, une forte rotation des personnes au sein de ces formations a eu lieu. Les demandes de formation ont souvent été abandonnées au profit d’un emploi pénitentiaire rémunéré.

Convaincue que l’éducation est un moyen d’humaniser les conditions de vie au sein de la prison, qu’elle favorise la resocialisation, et qu’elle vient combler de nombreux besoins au sein de la population des personnes incarcérées, la commission considère que tous les détenus doivent être mis en situation, y compris sur le plan matériel par l’octroi de bourses, de pouvoir bénéficier d’un enseignement visant « au plein épanouissement de la personnalité humaine » [87].

5. L’APPLICATION DU DROIT DU TRAVAIL

Le Parlement européen [88] a demandé aux pouvoirs publics « de prévoir au sein des structures carcérales un maximum de possibilités de travail et de formation culturelle et sportive, indispensables pour préparer efficacement le retour du détenu à la vie civile ». Il a également estimé que toute personne incarcérée devait avoir « la possibilité d’effectuer un travail digne et dûment rétribué ». Pour sa part, dans le cadre de ses Règles pénitentiaires, le Conseil de l’Europe précise que « l’organisation et les méthodes de travail dans les établissements doivent se rapprocher autant que possible de celles qui régissent un travail analogue dans la communauté, afin de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre » [89]. De son côté, le CPT considère que « La situation de l’emploi au sein d’un établissement pénitentiaire ne devrait pas être dictée exclusivement par les forces du marché » [90].
En droit interne, l’article 34 de la Constitution prévoit que « la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail ». Le Code pénal réprime, en son article 225-13, « le fait d’obtenir d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, la fourniture de services non rétribués ou en échange d’un rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli ». Dans sa partie législative, le Code de procédure pénale dispose simplement que « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail ». Toutefois, les principes généraux du droit du travail doivent être considérés comme trouvant à s’appliquer, à condition qu’ils ne soient pas incompatibles avec les exigences du service public [91].

Depuis la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, l’obligation de travail pour le prisonnier a disparu en France pour laisser place à la nécessité pour les services pénitentiaires de prendre « toutes les dispositions pour assurer une activité professionnelle aux détenus qui le souhaitent » [92]. L’article 720 du Code de procédure pénale précise également que « les activités de travail sont prises en compte pour l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés ». Concrètement, la personne incarcérée peut occuper une fonction de manœuvre dans un atelier de sous-traitance industrielle ou participer à l’intendance de la prison (nettoyage, distribution des repas, gestion des stocks). Dans le premier cas, il s’agira d’une activité de production qui s’effectue pour le compte de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) ou au bénéfice d’une entreprise extérieure qui a passé un contrat de concession avec l’établissement pénitentiaire. Dans le second cas, il s’agira d’un service général pour le compte de l’administration pénitentiaire.

Les règles régissant les relations de travail sont déterminées par décret. Ainsi, l’article D 103 du Code de procédure pénale énonce que « sont exclusives de tout contrat de travail les relations qui s’établissent entre l’administration pénitentiaire et le détenu auquel elle procure un travail ainsi que les relations entre le concessionnaire et le détenu mis à la disposition selon les conditions d’une convention administrative qui fixe notamment les conditions de rémunération et d’emploi ».

A l’issue de ses travaux en juin 2000, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale [93] avait estimé que « l’absence de respect du droit du travail ruine la conception même du travail pénal comme outil d’insertion ». En guise de perspective, les députés estimaient que « l’introduction du droit du travail deviendra de toute façon incontournable et les obstacles juridiques doivent pouvoir être levés ». En juin 2002, un rapport du Sénat sur le travail en prison [94] a considéré que « le pragmatisme de l’administration pénitentiaire correspond à un bricolage permanent, qui amène à faire du travail pénitentiaire un « non-travail » : celui-ci est une occupation parmi d’autres, sans aucun des attributs que revêt le travail ».

En dépit de ces divers constats et recommandations, le dispositif législatif n’a pas connu d’évolution notable. L’absence de contrat de travail, outre qu’elle permet des rémunérations très faibles, induit de multiples dérogations au droit commun qui sont préjudiciables aux détenus. Ainsi, ils ne peuvent toujours pas bénéficier d’une durée du travail définie, de formation professionnelle liée à l’exercice d’une activité, d’une représentation auprès de l’employeur ou d’un droit à la syndicalisation, de congés payés et de prime de licenciement. Par le biais de la circulaire du 27 août 2001, l’administration a certes reconnu la nécessité de « rapprocher le travail pénitentiaire du droit commun », mais les actions menées dans ce sens restent embryonnaires. Dans le meilleur des cas, les services pénitentiaires se limitent à remettre au détenu un « support d’engagement professionnel », sans valeur juridique, qui fixe la durée et la nature de l’emploi, la formation qui lui est associée, la rémunération ainsi qu’un règlement intérieur des ateliers.

Depuis une dizaine d’années, le taux d’activité des détenus (part des détenus disposant d’une activité rémunérée) se stabilise autour de 40 %. Celui-ci était de 41,4 % en 1993, 40,9 % en 1997, 43,2 % en 1999, 46,5 % en 2000 et 43,1 % au premier semestre 2002. Ces fluctuations ne sont pas dues à l’évolution de l’offre de travail. En effet, le nombre de prisonnier bénéficiant d’un emploi stable ou intermittent continue de stagner : 21 820 détenus ont travaillé en 2000 contre 21 942 en 1996. Au regard de ces chiffres, il apparaît clairement que la hausse du taux d’activité entre 1997 et 2000 n’est pas due à une croissance de l’offre de travail mais à la diminution du nombre de personnes incarcérées (4 609 détenus en moins entre le 1er janvier 1996 et 2000). A l’issue de ses derniers travaux, le Sénat a constaté que « la hausse du nombre de détenus conduit à une détérioration inéluctable du taux d’activité » [95]. Un avis confirmé par les chiffres les plus récents faisant état d’une réduction du taux d’activité qui est passé de 46,5 % en 2000 à 43,1 % au premier semestre 2002. Selon les calculs sénatoriaux « en soustrayant du nombre de détenus n’ayant pas de travail ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent travailler, il manque plus de 10 000 emplois en prison ». Si l’on s’en tient aux définitions officielles de l’INSEE, la population active en milieu carcéral comprend 32 000 détenus environ (22 000 qui travaillent et 10 000 qui cherchent un emploi) et le taux de « chômage » (part des personnes à la recherche d’un emploi dans la population active) s’élève à 31 % dans les prisons françaises. Ce taux est donc plus de trois fois supérieur à la moyenne nationale. Il est à noter que ces détenus demandeurs d’emploi ne bénéficient d’aucune indemnité de chômage.

Au premier semestre 2002, les détenus affectés au service général percevaient en moyenne 178 euros par mois travaillé. Pour le travail en production, un salaire horaire minimum de l’administration pénitentiaire (SMAP) a été institué. Au 1er janvier 2002, il était fixé à 2.76 euros en maison d’arrêt et 2.99 euros en établissement pour peines. Au premier semestre 2002, un détenu gagne en principe, pour chaque mois travaillé en concession 373 euros (351 euros dans les prisons 13 000) et celui qui occupe un emploi à la RIEP reçoit 460 euros. Mais ces chiffres ne traduisent pas le niveau réel des rémunérations car ils s’appliquent pour un mois travaillé à temps plein alors que la période d’activité d’un détenu sur un an est très réduite. Ainsi, le rapport du Sénat évalue qu’au cours de l’année 2000, les détenus ont en moyenne travaillé 104 jours pour une rémunération moyenne annuelle nette de 1 950 euros, soit 162 euros par mois. Des données qui ont suscité ce commentaire de la part du Sénat : « Les rémunérations mensuelles moyennes restent donc faibles. Compte tenu des périodes d’inactivité, les rémunérations annuelles sont encore plus limitées ». Si l’on rapproche le niveau des rémunérations nettes du coût de la vie en prison, force est de constater que l’équilibre financier d’une personne détenue est précaire. On estime généralement qu’il faut entre 150 et 200 euros minimum pour vivre en prison en considérant les prix majorés de la cantine et la location très onéreuse de la télévision. La rémunération moyenne étant de 162 euros par mois, elle permet à peine au détenu d’assurer les dépenses essentielles et, en aucun cas, d’aider sa famille ou d’accroître le remboursement des parties civiles. A titre de comparaison, selon les informations recueillies par le Sénat [96], la rémunération du travail des détenus en Italie prévoit que leur « montant ne peut pas être inférieur aux deux tiers de ce qui est prévu par les conventions collectives correspondantes ».

La Commission s’associe bien volontiers à l’analyse développée par les acteurs locaux de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis qui, consultés sur ces questions par le ministère de la Justice le 21 mars 2001, ont jugé qu’« il est indispensable de donner enfin aux personnes incarcérées qui travaillent un salaire décent, dans le cadre d’un contrat de travail réglementant leurs rapports avec leur employeur, ceci afin de leur garantir des congés payés, l’indemnisation des arrêts de travail, des accidents du travail et des congés de maternité, ce qui n’est nullement le cas à l’heure actuelle. Il est manifestement possible de trouver des employeurs qui rémunèrent correctement les détenus, puisque cela se pratique déjà dans certains établissements ».

La Commission a pris acte du fait que le ministère de la Justice s’est déclaré favorable à une telle évolution [97] : « S’agissant du droit au travail, le projet de loi posera le principe d’un contrat de travail régissant l’exercice d’emplois rémunérés au sein des établissements pénitentiaires, passé directement entre le détenu et l’employeur ou bien entre le détenu et l’administration pénitentiaire. Dans tous les cas, le détenu bénéficiera de garanties comparables à celles que le droit commun aménage. Le montant de la rémunération sera fixé par référence au SMIC. »

La Commission estime que les pouvoirs publics doivent proposer une offre de travail suffisante à la fois en quantité, pour garantir un minimum de ressources, et en qualité, pour inscrire le travail dans une démarche qualifiante. Le prisonnier devra bénéficier d’un contrat de travail et l’application du code du travail ne devra plus se limiter au seul respect des conditions d’hygiène et de sécurité.

6. L’EFFECTIVITE DU DROIT DE VOTE

L’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques établit « le droit et la possibilité » de voter à tout citoyen, « sans restrictions déraisonnables ». En France, le droit de vote constitue un attribut de la citoyenneté et est consacré par le conseil Constitutionnel [98]. Pourtant, comme le soulignait en juin 2000 la commission d’enquête sénatoriale, « Il est quasiment inexistant en prison car aucune disposition n’est prévue pour en faciliter l’exercice » [99].

Les prévenus jouissent de la totalité de leurs droits électoraux. Seuls les personnes condamnées antérieurement au 1er mars 1994 en sont privés. Depuis cette date, la suppression du droit de vote n’est plus automatique. La seule obligation qui pèse actuellement sur le chef d’établissement est d’informer les personnes détenues suffisamment longtemps à l’avance de leur possibilité de voter par procuration. Mais il n’existe aucune mesure significative pour s’assurer de la bonne exécution de cette « obligation » (simple organisation par circulaire).

La Commission considère que tout ce qui favorise l’effectivité du droit de vote au sein de la population détenue contribue à renforcer l’intérêt des élus aux questions pénitentiaires. Dans cette perspective, diverses solutions pratiques peuvent facilement être mises en œuvre. Chacune de ces mesures constituant d’ailleurs une étape vers la resocialisation (au moins symboliquement). Il pourrait être proposé aux personnes détenues (notamment aux condamnés) de s’inscrire sur les listes électorales du lieu de leur incarcération. Les prévenus pourraient être recensés et approchés par un agent public chargé de les inscrire sur les listes de leur domicile (s’ils en possèdent un) ou de leur lieu de détention. Pour les personnes détenues qui ne peuvent quitter l’établissement, un bureau de vote pourrait être ouvert dans l’enceinte de la détention afin que ceux qui le souhaitent puissent s’exprimer personnellement (passage dans l’isoloir…). Pour tous les autres, une permission de sortir pourrait leur être accordée le jour des élections.

7. LA RECONNAISSANCE DES DROITS COLLECTIFS

a. La liberté d’association

La liberté d’association est inscrite dans notre bloc de constitutionnalité depuis une décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 [100]. Il s’agit de l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Elle a également une dimension internationale puisqu’elle est inscrite dans la Déclaration universelle de droit de l’homme de 1948 et la Convention européenne des droits de l’homme.

Actuellement, rien dans la loi n’interdit aux personnes détenues de revendiquer la possibilité de participer à une association ou même de déposer les statuts d’une nouvelle association. La loi du 1er juillet 1901 pose le principe que les associations peuvent se constituer librement sans autorisation préalable, à l’exception des congrégations. L’article premier de cette loi dispose que « l’association est une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, de façon permanente, leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager les bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicable aux contrats et aux obligations ». Les seules limites possibles à l’engagement des parties sont les dispositions d’ordre public posées par le Code civil. Il apparaît donc que les règles en vigueur qui ont pour conséquence d’empêcher la liberté d’association en prison sont contraires à la hiérarchie des normes car seul le législateur peut en restreindre l’amplitude.

Au Canada les prisonniers se voient garantir, depuis 1992, « la possibilité de s’associer ou de participer à des réunions pacifiques ». En outre, l’administration « doit permettre aux détenus de participer à ses décisions concernant tout ou partie de la population carcérale, sauf pour les questions de sécurité ». Pour ce faire existent depuis le début des années 1970 des « comités de détenus », représentants des personnes incarcérées qui font part des demandes et des avis de la population carcérale. Pour Guy Lemire, criminologue québécois, « l’administration a intérêt à ce que les détenus se choisissent des représentants le plus démocratiquement possible, afin d’avoir des interlocuteurs valables et de régler les problèmes » [101]. Ce qu’affirmait aussi, en 1992, un groupe de travail de l’administration pénitentiaire sur l’étude des longues peines [102] : « Il est désormais nécessaire de créer une parole reconnue et audible par l’institution […]. Il est indispensable de réfléchir à l’organisation de consultations individuelles et surtout collectives des détenus sur les diverses conditions d’exercice des activités et de l’organisation de la vie quotidienne en détention. »

La Commission partage cette opinion. La liberté d’association [103] fait partie de ces droits fondamentaux qui, sans rentrer en contradiction directe avec la mission de sécurité, sont généralement passés sous silence par la réglementation. En l’absence d’autorisation explicite, celle-ci ne trouve pas à s’appliquer en prison.

b. Le droit de grève et la liberté syndicale

Le Préambule de la Constitution de 1946 affirme que « tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Il proclame également que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Le Conseil constitutionnel considère par conséquent qu’il y a nécessité d’une loi formelle pour édicter des limitations à ce droit [104]. Pour la Haute instance, « le droit de grève doit être concilié avec la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte » . La continuité des services publics [105], la sauvegarde de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens [106] peuvent ainsi justifier une limitation des conditions d’exercice du droit de grève.

Aucune disposition légale ou réglementaire ne fait expressément référence à l’exercice du droit de grève en prison. Toutefois, l’article D.249-3, 7° du Code de procédure pénale incrimine le fait « d’entraver ou de tenter d’entraver les activités de travail (…) ». Cette disposition est en pratique utilisée pour sanctionner les arrêts de travail dans les ateliers.

La Commission estime que l’interdiction générale et absolue du droit de faire grève qui est de mise en prison doit être abandonnée. L’exercice pacifique de ce droit nécessite d’être formellement reconnu par les textes. Les restrictions qui pourraient y être apportées doivent être proportionnées au but poursuivi. Le législateur français doit également assurer aux détenus la possibilité de se regrouper pour la défense de leurs droits.

c. La liberté d’expression
 
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Tel est le principe posé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Par ailleurs, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme protège aussi le droit à la liberté d’expression, à la liberté d’opinion et à la liberté de recevoir ou de communiquer des informations.

En droit commun, la liberté d’expression bénéficie donc d’un régime dit répressif : la parole est libre mais l’abus (cas prévus par la loi tels que diffamation, incitation à la haine raciale…) peut conduire à des poursuites et des sanctions. En milieu pénitentiaire, le régime mis en place est préventif : l’administration dispose des moyens de contrôler l’expression des personnes dont elle a la garde. Les détenus ne peuvent pas, dans l’immense majorité des cas, publier de textes. La sortie d’écrits en vue de leur publication ou de leur divulgation sous quelque forme que ce soit ne peut être autorisée que par décision du directeur régional des services pénitentiaires [107]. L’administration conserve ainsi la capacité de censurer, partiellement ou en totalité, l’écrit d’un détenu en vue de sa publication. Une prérogative en contradiction avec la résolution de décembre 1998 du Parlement européen dans laquelle il a tenu à rappeler que « la privation de la liberté de mouvement n’est pas la privation de toutes les libertés fondamentales ; que les libertés de pensée, d’opinion, d’expression, d’appartenance politique ou religieuse doivent être, à cet égard, impérativement respectées » [108].

La Commission appelle au respect scrupuleux de cette préconisation par les pouvoirs publics. La liberté d’expression des personnes détenues doit pouvoir s’exercer dans les conditions du droit commun. Le principe de la libre communication des idées et des informations ne doit pas souffrir d’exception en milieu carcéral. Dans ce cadre, seuls les abus doivent pouvoir donner lieu à sanction.

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Notes:

[1] Assemblée Nationale, La France face à ses prisons, juin 2000

[2] Sénat, Prisons : une humiliation pour la République, juin 2000

[3] Commission présidée par le Premier Président de la Cour de cassation, Guy Canivet. Le rapport a été remis au garde des Sceaux le 6 mars 2000

[4] Recommandation du 30 septembre 1999 concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale

[5] Résolution du 17 février 1998 sur le respect des droits de l’homme dans l’Union européenne.

[6] Texte adopté par la CNCDH en Assemblée plénière le 24 janvier 2002.

[7] L’expression constitue le titre le la première partie du rapport de la Commission Canivet.

[8] Résolution sur les conditions carcérales dans l’Union européenne : aménagements et peines de substitution

[9] Article 34 de la Constitution.

[10] Article 728 du Code de procédure pénale.

[11] A cet égard, le travail accompli par le Sénat, dans le cadre de la discussion du projet de loi portant adaptation de la Justice aux évolutions de la criminalité montre qu’un effort peut être accompli en matière de hiérarchie des normes et de respect du droit commun.

[12] Loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

[13] Selon la loi relative à l’exécution des peines en Allemagne, le chef d’établissement est responsable de tout ce qui se passe dans l’établissement § 156 II StVollzG : Der Anstaltsleiter “trägt die Verantwortung für den gesamten Vollzug”. Dans ce paragraphe de la loi, le risque de suicide est placé au même niveau que l’évasion.

[14] “Dem Gefangenen soll die Fähigkeit und der Wille zu verantwortlicher Lebensführung vermittelt werden. Er soll sich in Zukunft unter den Bedingungen einer freien Gesellschaft ohne Rechtsbruch behaupten, ihre Chancen wahrnehmen und ihre Risiken bestehen können”, Cour constitutionnelle fédérale, 1er juillet 1998, NJW, 1998, p. 3337

[15] Cour constitutionnelle fédérale, 1er juillet 1998, BVerfGE, tome 98, p. 169

[16] Il faut noter ici que la commission sénatoriale chargée de la préparation du dossier avait proposé la suppression de la référence à la mission de sécurité de l’administration pénitentiaire afin de distinguer les personnels chargés du maintien de l’ordre (armée, police) de ceux chargés du bon déroulement de la détention, Rapport RUDLOFF, Sénat n° 102, Annexe au procès-verbal de la séance du 10 décembre 1986, p. 39

[17] Rapport Canivet ibid

[18] Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, sous “standard” : “une norme souple fondée sur un critère intentionnellement indéterminé, une notion-cadre”.

[19] Dans sa décision du 21 juin 1977 relative aux peines à perpétuité, la Cour constitutionnelle allemande déclare qu’en vertu de l’article 2 alinéa 1 de la Loi fondamentale (droit au libre développement de sa personnalité), en liaison avec l’article 1 de la Loi fondamentale (respect de la dignité humaine) et du principe de l’État social, l’administration a le devoir de mettre à la disposition du détenu tous les moyens nécessaires à sa resocialisation. Il semble donc possible de commencer à parler pour le détenu d’un véritable droit subjectif à la resocialisation.

[20] La Cour européenne des droits de l’homme considère que « le droit interne doit offrir une certaine protection aux droits garantis contre les atteintes arbitraires de la puissance publique (…) Or le danger d’arbitraire apparaît avec une netteté singulière là où le pouvoir exécutif s’exerce en secret » (CEDH, Malone c/ Royaume-Uni, 2 août 1984, série A, n° 82

[21] Ouvrage de 200 pages édité depuis 1998 par la Direction de l’AP et distribué aux personnels.

[22] Ouvrage de 60 pages édité depuis 1998 par la Direction de l’AP et distribué aux détenus.

[23] Dans le cadre d’une séance du Conseil supérieur de l’administration pénitentiaire.

[24] CEDH, Kudla c/ Pologne, 26 octobre 2000 (Grande Chambre), Rec. CEDH 2000-XI

[25] CC 94-343/344 DC.

[26] Guy CANIVET (dir.), L’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, op. cit., p. 55

[27] Circulaire DAP 86-29G

[28] Circ. 11 mars 2003

[29] CEDH, Valasinas c/ Lituanie, 24 juillet 2001, req. N°44558/98.

[30] Voir annexe.

[31] La France face à ses prisons, Assemblée nationale, juillet 2000. p.88

[32] Selon les termes de l’Acte final d’Helsinki sur la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe de 1975.

[33] CEDH, Peers c/ Grèce, 19 avril 2001, JCP 2001.I.342

[34] CEDH Dougoz c/ Grèce, 6 mars 2001, ibid.

[35] L’article préliminaire du Code de procédure pénale, issu de la loi du 15 juin 2000, prévoit que « Les mesures de contraintes dont [la personne suspectée ou poursuivie] peut faire l’objet (…) doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne ».

[36] La visite du CPT s’est déroulée entre le 11 et 17 juin 2003

[37] La France face à ses prisons, p. 38

[38] M.Herzog-Evans, L’intimité du détenu et ses proches en droit comparé, L’Harmattan, 2000, spe. p. 108 et s.

[39] C’est du reste ce qu’avait demandé le CPT à l’issue de sa visite en France en 2000

[40] CEDH, Keenan c/ Royaume-Uni, 3 avril 2001

[41] Sénat. "Prisons : une humiliation pour la République". Juin 2000.

[42] "L’organisation des soins aux détenus : rapport d’évaluation." La documentation française, 2001

[43] Avis du 15 juillet 2002

[44] CEDH, Keenan c/ Royaume-Uni, 3 avril 2001, JCP 2001.I.342

[45] Jean-Louis Terra, La prévention du suicide des personnes détenues, décembre 2003

[46] L’organisation des soins au détenu, juin 2001

[47] Le suicide en prison, L’Harmattan, coll. Logiques sociales, 1994, p.151-152

[48] CEDH, Pantea c/ Roumaine, 3 juin 2003, n°. 46477/99

[49] CEDH, Edwards c/ Royaume-Uni, 14 mars 2002, n° 46477/99

[50] Faute 1E : exercer des violences physiques à l’encontre d’un codétenu

[51] Faute 1A : exercer des violences physiques à l’encontre d’un personnel ou d’une personne en mission ou visite dans l’établissement

[52] Rapport n° 2521 « La France face à ses prisons » rendu par l’Assemblée Nationale le 28 juillet 2000

[53] Sénat, Prisons : une humiliation pour la République, juin 2000, p. 38

[54] Assemblée nationale, La France face à ses prisons, juin 2000, p. 67

[55] Sénat, Prisons : une humiliation pour la République, juin 2000, p. 120

[56] Antoinette Chauvenet, Françoise Orlic, Georges Benguigui, Le monde des surveillants de prison, PUF, 1994

[57] Betty Brahmy

[58] Constitue un domicile au sens de l’article 226-4 du Code pénal, une chambre d’hôpital occupée par un malade, où il a le droit, sous la seule réserve des nécessités du service, de se dire chez lui : Paris, 17 mars 1986, Gaz. Pal. 1986.2.429

[59] Jacques Robert et Jean Duffar, Droits de l’homme et libertés fondamentales, Montchrestien, 7ème éd. p.425

[60] CEDH, Gillow c/ Royaume-Uni, 24 novembre 1986, A. 109

[61] Jacques Lesage de La Haye, Dedans dehors, mai 1997, p. 10

[62] L’information du caractère imminent d’une fouille générale se répand très vite au sein de la détention comme l’ont admis divers responsables pénitentiaires à l’occasion de la fouille générale de la prison des Baumettes à Marseille le 14 mars 2003

[63] Bulletin d’information, 2 avril 2003

[64] rapport faisant suite à la visite du CPT en France du 6 au 18 oct. 1996, p. 60, n° 150 et sur sa visite du 14 au 26 mai 2000, p. 54, n° 116

[65] Rapport du CPT de la visite du 27/10 au 08/11/1991

[66] Rapport du CPT de la visite du 27/10 au 08/11/1991, p.52

[67] Circulaire du 18 mars 2003 relative à l’expérimentation d’unités de visites familiales

[68] Comm. EDH., D.23 241/94, 20 nov. 1994, DR 79-A, 125

[69] CEDH, Messina c/ Italie, 23 septembre 2000

[70] CE, 22 septembre 1997, Mlle Cinar, AJDA p. 815

[71] Assemblée nationale, La France face à ses prisons, juin 2000, p. 131

[72] Assemblée nationale, La France face à ses prisons, juin 2000, p. 130

[73] Michel Bezon, secrétaire général de FO-direction, La France face à ses prisons, annexes, juin 2000, p.227

[74] Loi portant sur les relations entre administrations et usagers

[75] Selon l’enquête réalisée en 2001 par le Collectif national des FRAMAFAD (Fédérations régionales des associations d’accueil des familles et amis de détenus).

[76] Rapport au gouvernement relatif à la visite du CPT effectuée du 6 au 18 octobre 1996, p. 62.

[77] Rapport de la visite en France en 1991, p.51

[78] Les centres de détention comportent une organisation davantage axée sur la réinsertion. Le régime des permissions de sortir y est plus favorable et les condamnés y sont globalement en meilleure situation pour solliciter un aménagement de peine

[79] Observations de la CNCDH sur l’avant-projet de loi d’orientation et de programmation de la Justice, 8 juillet 2002

[80] Fondation pour l’Enfance, La lettre, n°33, 2002

[81] Commission européenne des affaires sociales, de la santé et de la famille, Mères et bébés en prison, 9 juin 2000

[82] Martine Herzog-Evans, Droit civil commun, droit européen et incarcération, in Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, 2002, p. 241 et s

[83] Martine Herzog-Evans, L’intimité du détenu et de ses proches, op. cit., p. 57 et s

[84] Rapport au gouvernement relatif à la visite du CPT effectuée du 6 au 27 octobre au 8 novembre 1991, p. 51

[85] Résolution du 17 décembre 1998 sur les conditions carcérales dans l’Union européenne : aménagements et peines de substitution.

[86] Résolution du 17 décembre 1998 sur les conditions carcérales dans l’Union européenne : aménagements et peines de substitution

[87] Règle n°6 des Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus, Nations-Unies

[88] Résolution du 17 décembre 1998 sur les conditions carcérales dans l’Union européenne : aménagements et peines de substitution.

[89] Règle 72 (1) de la recommandation R (87) 3

[90] Rapport au gouvernement relatif à la visite du CPT effectuée du 6 au 18 octobre 1996, p. 48

[91] Suivant la position classique du Conseil d’Etat en la matière, cf. CE 7 juillet 1995, Damiens et autres, Petites affiches 1995, n° 131, p. 6, concl. J.-C. Bonichot.

[92] Article 720 du Code de procédure pénale.

[93] Assemblée nationale, La France face à ses prisons, juin 2000

[94] Sénat, Prisons : le travail à la peine, juin 2002

[95] Sénat, Prisons : le travail à la peine, juin 2002

[96] Sénat, Prisons : le travail à la peine, juin 2002

[97] Document de présentation générale de l’avant projet de « loi sur la peine et le service public pénitentiaire », Ministère de la Justice, juillet 2001

[98] 146 DC

[99] 146 DC

[100] 44 DC

[101] Dedans dehors n° 35, p. 11 à 13

[102] Rapport du groupe de travail sur l’étude des longues peines, La gestion des longues peines, Ministère de la Justice, novembre 1992

[103] Mais c’est aussi le cas pour le droit de grève, la liberté syndicale, la négociation collective, le droit de pétition…

[104] 79-105DC

[105] 79-105DC

[106] 80-117 DC

[107] Art. D 444-1 du Code de procédure pénale

[108] Résolution du 17 décembre 1998 sur les conditions carcérales dans l’Union européenne : aménagements et peines de substitution