Le contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a procédé à une visite du centre pénitentiaire (CP) de Vendin-le-Vieil du 6 au 10 mars 2017 ; il s’agissait d’une première visite.
Le 20 décembre 2017, un rapport de constat a été adressé au directeur de l’établissement ainsi qu’au procureur de la République et au président du tribunal de grande instance (TGI) de Béthune, en leur demandant d’adresser en retour leurs éventuelles observations. Malgré plusieurs relances, le CGLPL n’a reçu aucune réponse du CP ; en revanche, le TGI a formulé quelques observations, qui ont été prises en compte dans le présent rapport.
Le CP de Vendin-le-Vieil est un des deux CP – avec celui de Condé-sur-Sarthe (Orne) – ouverts en complément des neuf maisons centrales existantes, mais comportant des « quartiers maison centrale » (QMC) d’un niveau de prise en charge plus sécuritaire. Implanté en bordure de la commune de Vendin-le-Vieil, à 5 km de la gare de Lens, le CP de Vendin dispose de 203 places en QMC et 34 places dans un « quartier CD » destiné à recevoir des personnes en placement extérieur provenant de centres de détention de la région. L’établissement a été ouvert en 2015, avec une montée en puissance progressive notamment en termes de profil des personnes détenues ; au moment de la visite, la maison centrale hébergeait quatre-vingt-douze personnes et le quartier CD n’en recevait que quatre, ce qui est regrettable quand d’autres établissements sont sur-occupés.
L’établissement dispose de moyens matériels et humains exceptionnels en qualité et en nombre qui devraient permettre une prise en charge d’une qualité tout aussi exceptionnelle.
Cet établissement récent et en bon état offre de bonnes conditions matérielles d’hébergement.
L’effectif réel est de 261 agents pour un effectif de référence de 282, dont notamment 7 officiers au lieu de 8 prévus et 197 surveillants au lieu de 215 ; tous sont expérimentés et, étant pour la plupart originaires de la région, essentiellement motivés par la localisation de l’établissement. Cependant, certains, qui n’avaient encore jamais travaillé dans une maison centrale, ne sont pas à l’aise dans un régime de détention dur et face à des personnes détenues parfois dangereuses.
L’effectif du personnel d’insertion et de probation est tout aussi confortable avec un directeur et six conseillers. Il en est de même s’agissant des moyens scolaires dont la dotation en heures d’enseignement est le double de ce qui est affecté aux établissements comparables.
Mais le régime de détention, tout aussi exceptionnellement rigoureux, ne semble pas au service d’un projet qui ajouterait d’autres perspectives aux objectifs strictement sécuritaires et ne permet donc pas d’utiliser ces moyens dans leur plénitude.
Les premiers arrivants aux QMC étaient plutôt « faciles », au point qu’on peut s’interroger sur la justification du placement de certains d’entre eux, qui n’avaient d’ailleurs pas été informés, au moment où on leur avait proposé d’être transférés, des règles particulièrement strictes de cet établissement :
le régime de détention est « portes fermées » pour tout le monde ;
une seule cellule peut être ouverte au même moment sur les deux ailes d’un même étage car tout déplacement se fait en présence de deux agents c’est-à-dire l’agent de l’aile et celui de l’aile voisine ; autrement dit, en principe, lorsqu’une personne sort de sa cellule, ne serait-ce que pour téléphoner, deux ailes sont bloquées ;
les occupants d’un quartier ne rencontrent jamais ceux des deux autres quartiers, avec cependant une exception : les parloirs, où les trois quartiers sont mélangés, ce qui réduit les « avantages » de ce concept de quartiers étanches ;
les occupants d’une aile ne rencontrent ceux des trois autres ailes du même quartier qu’au moment de certaines activités : le travail en atelier, la formation professionnelle, les rares « activités socioculturelles » (bibliothèque) et le sport ; en effet, malgré l’existence d’un terrain de sport dans chaque QMC, il est impossible de constituer deux équipes complètes ce qui empêche toute pratique de sport collectif ; l’établissement ne possède pas de gymnase « par mesure d’économie car sa construction avait déjà coûté extrêmement cher », ce qui est particulièrement regrettable pour un établissement situé dans le Nord de la France.
Le travail proposé est sans grand intérêt : ensachage de sachets de sucre et de sachets de café, confection « d’éponges vaginales » destinées à favoriser la fécondité des brebis.
La « formation professionnelle », constituée d’activités purement occupationnelles, n’est ni validante ni qualifiante : confection d’objets ou de meubles en bois, cuisine, réalisation d’objets avec une imprimante 3D, appareil très coûteux en panne depuis plusieurs semaines.
L’accès aux soins des personnes détenues est limité par l’impossibilité de recevoir des patients issus de différents quartiers de maison centrale sur des créneaux horaires mutualisés. Seule la faiblesse de l’effectif de patients potentiels rend tolérable cette organisation, qui devrait être modifiée s’il atteint un niveau normal.
L’utilisation de l’offre scolaire est obérée par les mesures de sécurité (impossibilité de donner un cours pour des personnes de QMC différents et donc de former des groupes homogènes et suffisamment nombreux). Les activités socioculturelles sont limitées par les mêmes contraintes.
Le quartier d’isolement est continuellement saturé par des personnes détenues arrivant d’autres établissements suite à de graves incidents. Il devient alors impossible pour la direction d’assurer une gestion correcte de ce quartier, notamment de pouvoir isoler une personne détenue pour sa simple protection.
L’absence de perspectives ressentie fortement par les personnes détenues contribue à nourrir chez beaucoup d’entre elles un sentiment de stigmatisation peu favorable à amender leur comportement, avec les risques qu’un tel sentiment emporte.
L’établissement n’étant ouvert que depuis deux ans, il est encore tôt pour l’affirmer, mais il semble que la durée de placement ne peut pas être inférieure à deux ans, ce qui paraît très long à certaines personnes détenues – même si d’autres s’y sentent bien et ne souhaitent pas être transférées.
Les conditions de détention n’offrent aucune perspective d’évolution (absence de régime différencié). Les activités offertes sont totalement détachées de toute préoccupation de réinsertion, même à long terme.
Malgré l’implication des magistrats, la nature et de la durée des peines exécutées réduisent les possibilités d’aménagements, les conditions d’octroi étant rarement réunies. Les personnes détenues se persuadent que leur placement dans le CP les stigmatise vis-à-vis tant de l’administration pénitentiaire que des magistrats : « on est marqué quand on est passé par Vendin-le-Vieil ». De fait, il a été signalé aux contrôleurs que l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de Lille (Nord) refusait de recevoir des personnes détenues de Vendin au motif d’une dangerosité excessive.
L’établissement s’efforce d’aplanir les difficultés et frustrations qu’il génère par son régime de détention en offrant un accès particulièrement facile et fréquent aux unités de vie familiale, très agréablement aménagées, en octroyant un nombre conséquent de parloirs ou en soignant l’alimentation. De même prévient-il les mécontentements par une réponse singulièrement prompte et conciliante aux requêtes des personnes détenues. Ces aménagements, pour souhaitables qu’ils soient, confortent les personnes détenues dans le sentiment qu’ils constituent une compensation à une injuste absence de perspective et, s’ils ménagent à court terme les tensions, ils nourrissent les risques d’explosion à laquelle conduit toute perte de sens. L’affectation dans ce type d’établissement ultra-sécuritaire, fortement désocialisant, devrait être réservée à des profils présentant des risques importants, et être limitée dans le temps.