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La détention provisoire

Recommandation R(80)11 sur la détention provisoire

Publication originale : 27 juin 1980

Dernière modification : 31 août 2016

Texte de l'article :

CONSEIL DE L’EUROPE
COMITÉ DES MINISTRES

RECOMMANDATION N° R (80) 11
DU COMITÉ DES MINISTRES AUX ÉTATS MEMBRES
CONCERNANT LA DÉTENTION PROVISOIRE

(adoptée par le Comité des Ministres le 27 juin 1980
lors de la 321e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,

Compte tenu de la Résolution (65) 11 sur la détention préventive et eu égard à la Résolution (73) 5 sur l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus ;

Considérant qu’il est souhaitable que les recommandations figurant dans ces résolutions soient adaptées à l’évolution actuelle dans les domaines de la politique criminelle et de la procédure pénale ;

Considérant qu’il est souhaitable pour des raisons humanitaires et sociales de réduire l’application de la détention provisoire au minimum compatible avec les intérêts de la justice ;

Considérant qu’il est souhaitable d’instituer au niveau européen certaines normes applicables aux personnes en instance de jugement ;

Reconnaissant la nécessité de dégager les ressources nécessaires pour que tout prévenu soit jugé dans les meilleurs délais ;

Eu égard aux dispositions pertinentes de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 et à la jurisprudence de la Commission et de la Cour européennes des Droits de l’Homme y relative ;

Compte tenu de la Résolution n° 1 adoptée par la Conférence des ministres européens de la Justice à Vienne en mai 1974,

Recommande aux gouvernements des Etats membres de veiller à ce que leur législation et leur pratique en matière de détention provisoire soient inspirées des principes suivants.

 I. Principes généraux

 1. Etant présumé innocent tant que la preuve de sa culpabilité n’a pas été établie, aucun prévenu ne doit être placé en détention provisoire, à moins que les circonstances ne rendent cette détention strictement nécessaire. La détention provisoire doit ainsi être considérée comme une mesure exceptionnelle et ne jamais être obligatoire ni utilisée à des fins punitives.

 II. Principes applicables aux décisions relatives au placement en détention provisoire

 2. Tout prévenu privé de sa liberté doit être traduit aussitôt que possible devant un juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires (ci-après dénommé « l’autorité judiciaire »).

 Lorsque le prévenu est traduit devant l’autorité judiciaire, la décision de placement en détention sera prise dans les plus courts délais.

 3. La détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque l’intéressé est légitimement soupçonné d’avoir commis l’infraction alléguée et s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’un ou plusieurs des dangers suivants existent :

- danger de fuite,

  • danger d’obstruction du cours de la justice,
  • danger que la personne ne commette une infraction grave.

 4. Même si l’existence des dangers énoncés ci-dessus ne peut être établie, la détention provisoire peut néanmoins exceptionnellement se justifier dans certains cas d’infractions particulièrement graves.

 5. En recherchant si la détention devrait être ordonnée, l’autorité judiciaire tiendra compte

des circonstances de l’espèce et, en particulier, des éléments suivants selon le cas :

- la nature et la gravité de l’infraction reprochée,

  • l’importance des indices et la force des présomptions pesant contre la personne,
  • la peine qui est susceptible d’être infligée en cas de condamnation,
  • la personnalité, les antécédents judiciaires et la situation personnelle et sociale de la personne, et en particulier ses liens sociaux,
  • le comportement de la personne, notamment son respect des obligations qui ont pu lui être imposées lors d’une précédente procédure pénale.

 6. Il conviendra de veiller au développement des services chargés de fournir à l’autorité judiciaire des renseignements sur la situation personnelle et sociale du prévenu, en vue d’une meilleure information de cette autorité.

 7. La détention provisoire ne doit pas être ordonnée si la privation de liberté est disproportionnée par rapport à la nature de l’infraction alléguée et à la peine prévue pour cette infraction.

 8. Toute décision prescrivant la détention provisoire doit indiquer aussi précisément que possible l’objet de la prévention et être spécialement motivée. Elle doit être communiquée dans les plus courts délais à l’intéressé qui doit en recevoir une copie.

 9. Lorsque, au vu des principes énoncés ci-dessus, la détention provisoire parâit pouvoir être ordonnée, l’autorité judiciaire examinera si une des mesures alternatives telles que celles mentionnées au principe 15 ne peut pas être substituée à la détention.

 10. Toute personne a le droit d’être assistée par un avocat devant l’autorité judiciaire, chaque fois qu’avant le jugement la question de sa détention provisoire se pose ou peut se poser.

 Si la détention provisoire est ordonnée, il lui sera octroyé une assistance judiciaire si ses moyens financiers sont insuffisants.

 11. Toute personne qui a fait l’objet d’une décision de placement en détention provisoire doit pouvoir exercer une voie de recours contre cette décision et demander sa mise en liberté.

 12. Toute personne qui a fait l’objet d’une décision de placement en détention provisoire doit être informée de ses droits, notamment du droit d’être assistée par un avocat, du droit de demander l’assistance judiciaire, du droit d’exercer un recours et du droit de demander sa mise en liberté.

 13. La durée de la détention provisoire ne doit pas dépasser les limites qui résultent des objectifs fixés par le principe 3. Il doit être mis fin à cette détention lorsque sa durée devient disproportionnée par rapport à la peine susceptible d’être purgée en cas de condamnation.

 14. La détention provisoire doit être reconsidérée à des intervalles assez courts, fixés par la loi ou par l’autorité judiciaire. Il sera tenu compte de l’ensemble des modifications qui sont intervenues depuis la décision de placement en détention provisoire.

III. Principes applicables aux mesures alternatives

15. Lorsque l’autorité judiciaire examine si la détention provisoire peut être évitée, elle tiendra compte de la possibilité de recourir à des mesures alternatives, telles que les suivantes :

- promesse faite par la personne de répondre aux convocations de l’autorité judiciaire et de ne pas gêner le cours de la justice,

  • obligation de résidence à une adresse donnée (par exemple au domicile, dans un centre d’hébergement, dans une institution spécialisée pour des jeunes délinquants, etc.) dans des conditions fixées par l’autorité judiciaire,
  • interdiction de quitter ou de gagner sans autorisation un lieu ou une zone déterminée,
  • obligation de se présenter régulièrement à certaines autorités (par exemple au tribunal, à la police, etc.),
  • remise du passeport ou d’autres papiers d’identité,
  • remise d’un cautionnement ou d’autres garanties par la personne, en prenant en considération ses ressources,
  • remise d’une garantie par un tiers,
  • contrôle et assistance par un organe désigné par l’autorité judiciaire.

Ces mesures doivent être notifiées par écrit et clairement expliquées à l’intéressé qui est averti qu’il pourra être placé en détention s’il ne les respecte pas.

Toute personne qui a fait l’objet d’une mesure alternative bénéficiera, pour autant que cette mesure l’exige, des garanties qui sont accordées par la présente recommandation aux personnes placées en détention provisoire.

IV. Principes applicables à l’instruction et au jugement

16. Lorsque la personne est placée en détention provisoire, l’instruction doit toujours être menée dans les meilleurs délais pour réduire au minimum la durée de la détention. Toutes les mesures possibles devraient être prises pour atteindre cet objectif.

Tant au cours de l’instruction que lors de l’audiencement les autorités concernées doivent accorder une priorité aux affaires dans lesquelles une personne est en détention provisoire.

 17. La période passée en détention provisoire doit être déduite de la durée de la peine.

 18. Il convient d’envisager l’établissement ou l’extension d’une procédure d’indemnisation des personnes qui ont fait l’objet d’une détention provisoire et qui, par la suite, ne sont pas condamnées.