Rétention de sûreté et déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental :
Les mesures de sûreté ne sont pas des peines :
Le Conseil constitutionnel s’est hier prononcé sur la constitutionnalité de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Sur certaines dispositions controversées, il a censuré ou émis des réserves d’interprétation mais a validé le dispositif général de la loi.
Le Conseil constitutionnel s’est hier prononcé sur la constitutionnalité de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Sur certaines dispositions controversées, il a censuré ou émis des réserves d’interprétation mais a validé le dispositif général de la loi.
Sur le fondement d’une argumentation proche de celle utilisée pour le contrôle de la loi d’août 2007 sur lutte contre la récidive et de la question de la surveillance par bracelet électronique, le Conseil estime que ni la rétention de sûreté (« la prison après la prison »), ni la surveillance de sûreté prévues pour les individus condamnés à une peine de réclusion criminelle de quinze ou plus pour pédophilie ou pour tout crime d’assassinat, meurtre aggravé, torture ou acte de barbarie aggravés, viol aggravé, enlèvement ou séquestration aggravé sur toutes personnes ne sont « ni une peine, ni une sanction ayant le caractère d’une punition » (article 13 de la loi) ; « dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 » (nécessité, proportionnalité de la peine) et de l’article 9 (présomption d’innocence) sont inopérants.
Toutefois, le Conseil censure, sur le fondement du même article 8, le caractère rétroactif de la rétention de sûreté, « eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu’elle est prononcée après une condamnation par une juridiction ». Il émet également une importante réserve d’interprétation sur les conditions de rétention en exigeant, pour que la loi respecte le principe de sa nécessité au regard des objectifs poursuivis, que « la juridiction régionale de la rétention de sûreté » soit à même de « vérifier que la personne condamnée [postérieurement à la publication de la loi] a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre ». A défaut, on ne pourrait effectivement pas être en mesure d’affirmer que la rétention n’a pu être évitée par des soins et une prise en charge pendant l’exécution de la peine tels que l’exige la loi.
Le Conseil constitutionnel estime également que la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ne saurait, sous peine d’atteinte au principe du respect de la vie privée, être inscrite dans le casier judiciaire que si la personne a fait l’objet de mesure(s) de sûreté.
Le Conseil censure enfin le fait qu’une « « personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité » ne puisse « bénéficier d’une libération conditionnelle qu’après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté » (article 12 de la loi). Pour le Conseil constitutionnel, « en subordonnant à l’avis favorable d’une commission administrative le pouvoir du tribunal de l’application des peines d’accorder la libération conditionnelle, le législateur a méconnu tant le principe de la séparation des pouvoirs que celui de l’indépendance de l’autorité judiciaire ; qu’il s’ensuit qu’il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution le mot : ‘favorable ‘ ».
sources : CREDOF - Centre de recherche sur les droits fondamentaux - Paris X Nanterre
Actualités droits-libertés du 22 février 2008 par Véronique CHAMPEIL-DESPLATS