AVANT PROPOS
La Commission de suivi de la détention provisoire a commencé ses travaux au printemps 2002. Elle devait donc en rendre compte publiquement, comme l’y invitent ses textes institutifs, au terme d’une année de travail.
La question de la détention provisoire donne lieu à des appréciations parfois abruptes. De telles réactions sont bien normales, s’agissant d’une question qui relève à la fois de l’exercice concret des libertés, de la présomption d’innocence, des conditions de l’incarcération, mais aussi des impératifs de l’ordre public et du respect de la loi. Plus que d’avoir à choisir entre un supposé laxisme à l’égard de la sécurité et une excessive rigueur à l’encontre des personnes, il importe à notre société de définir de manière renouvelée les moyens de concilier des exigences d’apparence opposée.
La Commission voulait d’abord voir clair. C’est pourquoi ce premier rapport se concentre avant tout sur l’analyse de la situation. Rappel du cadre juridique de la procédure pénale, plutôt ductile depuis trente ans (comme souvent ailleurs en Europe), mais qui tend ainsi à un meilleur équilibre entre les intérêts en présence ; valeur de considérations pratiques dans l’exercice du contradictoire ; examen des données factuelles, mettant en garde contre des conclusions trop rapides, comme par exemple une considération superficielle de cet indicateur souvent privilégié à l’excès qu’est le pourcentage de prévenus dans la population carcérale ; description des conditions de détention (après les rapports parlementaires récemment consacrés à la situation dans les prisons) ; enfin premier aperçu des mesures de réparation de détentions provisoires infondées.
Ce faisant, la Commission est loin d’avoir épuisé le sujet. Mais elle espère avoir donné quelques fondements incontestables à ses réflexions et aussi à celles que doivent avoir, en France, tous ceux qui se préoccupent de justice et qui sont en nombre croissant.
Pour y parvenir, la Commission, sans préjugé ni passion, s’est efforcée de recenser les sources disponibles et d’écouter ceux qui ont des responsabilités en la matière. Elle devra accentuer cet effort, notamment en se rendant davantage dans les juridictions et dans les établissements pénitentiaires qu’elle n’a pu le faire jusqu’alors. Mais elle veut remercier d’ores et déjà ceux qui ont pris de leur temps pour l’instruire et l’aider, du même coup, à forger ses convictions. En particulier le directeur des affaires criminelles et des grâces, M. Marin, et le directeur de l’administration pénitentiaire, M. Lallement, qui n’ont pas ménagé, ainsi que leurs collaborateurs, leur effort pour éclairer ce rapport de leur grande compétence.
Celui-ci, on l’a compris, doit cependant l’essentiel au travail inlassable des membres de la Commission qui ont dispensé généreusement leur temps comme leur réflexion, et qui ont conjugué très heureusement la richesse de leur diversité d’origine et d’activité. Je veux ici dire ma particulière gratitude à chacun d’eux : M. Bruno Aubusson de Cavarlay, chercheur au CESDIP, Mme Sylvie Cimamonti, professeur à l’université d’Aix-Marseille, Me François Faugère, ancien bâtonnier, avocat à Cahors, M Jean-Jacques Hyest, sénateur de Seine-et-Marne, Mme Elisabeth Ponroy, conseiller à la Cour de cassation (chambre criminelle) et M. Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes [1]. Je souhaite aussi remercier tout particulièrement la disponibilité et la vigilance de M. Stéphane Lacaille, secrétaire de la Commission, mis par le directeur des affaires criminelles et des grâces à sa disposition. Chacun d’eux doit être convaincu que ce travail n’aurait pu exister sans son fructueux apport personnel.
Jean-Marie Delarue
Conseiller d’Etat
Président de la Commission