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1ère partie : Données générales

Mise en ligne : 16 mai 2007

Texte de l'article :

PREMIERE PARTIE : DONNEES GENERALES

CHAPITRE 1 MODIFICATION DES TEXTES NORMATIFS RELATIFS A LA DETENTION PROVISOIRE

Depuis la rédaction du précédent rapport de la Commission de suivi de la détention provisoire, et plus précisément depuis le mois de janvier 2005 quelques textes sont intervenus ayant une incidence sur la détention provisoire, mais aussi le contrôle judiciaire.
Le premier texte est la loi n°2005-149 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Les dispositions les plus importantes ayant trait à la détention provisoire sont les suivantes, étant précisé que son décret d’application 2006- 385 du 30 mars 2006 ne concerne pas en lui-même la détention provisoire.
L’article 33 de la loi modifie l’article 144 1° du code de procédure pénale en insérant à l’expression "...d’empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes", les mots, "et leur famille", et modifie ainsi les critères du placement en détention provisoire ou de prolongation de celle-ci.
Ainsi, l’article 144 1° du code de procédure pénale devient « de conserver les preuves ou les indices matériels ou d’empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes et leur famille, soit une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices ».
Le texte complète, (article 39) l’article 135-2 du code de procédure pénale par deux alinéas, ainsi que l’article 498-1 (article 39-IV), par un alinéa. L’article 135-2 du code de procédure pénale a été créé par la loi 2004-204 du 9 mars 2004 (Perben II) et concerne le mandat d’arrêt sur jugement. L’article 498-1, lui aussi créé par la loi 2004-204 du 9 mars 2004 (Perben II) concerne le prévenu non comparant devant le tribunal
correctionnel.
A ces articles sont ainsi ajoutées les dispositions suivantes :
- article 135-2 : « La présentation devant le juge des libertés et de la
détention prévue par les dispositions ci-dessus n’est pas nécessaire si, dans les délais prévus pour cette présentation, la personne peut comparaître devant la juridiction de jugement saisie des faits.
Les dispositions du présent article sont également applicables aux mandats d’arrêt délivrés après l’ordonnance de règlement. Elles ne sont toutefois pas applicables lorsque, postérieurement à la délivrance du mandat d’arrêt décerné au cours de l’instruction ou après son règlement, la personne a été condamnée à une peine privative de liberté, soit en matière correctionnelle par un jugement contradictoire ou réputé contradictoire, soit en matière criminelle par un arrêt rendu par défaut ; elles ne sont de même pas applicables lorsque le mandat a été délivré à la suite d’une telle condamnation. Dans ces cas, sans qu’il soit nécessaire de la présenter devant le juge des libertés et de la détention, la personne arrêtée est placée en détention provisoire jusqu’à l’expiration des délais de recours et, en cas de recours, jusqu’à sa comparution devant la juridiction de jugement, sans préjudice de son droit de former des demandes de mise en liberté. »
- article 498-1 : « Si la personne a été écrouée en exécution de la condamnation après l’expiration du délai de dix jours prévu par le premier alinéa et qu’elle forme appel conformément aux dispositions du deuxième alinéa, elle demeure toutefois détenue, sous le régime de la détention provisoire et sans préjudice de son droit de former des demandes de mise en liberté, jusqu’à l’audience devant la cour d’appel.
Les dispositions du présent article sont également applicables en cas d’itératif défaut ».
Cette loi du 12 décembre 2005 modifie aussi l’article 138 du code de procédure pénale sur le contrôle judiciaire, ajoutant un 17° (article 35 -III de la loi) dont les dispositions sont les suivantes :
« 17° En cas d’infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple, et, le cas échéant, s’abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 17° sont également applicables lorsque l’infraction est commise par l’ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. »
Enfin, ce texte modifie l’article 434-7-2 du code pénal, texte qui réprime les entraves à l’exercice de la justice. Créé par la loi du 9 mars 2004 (dite Perben II) il prévoyait un seuil de peine d’emprisonnement de cinq ans permettant ainsi la détention provisoire.
Compte tenu des risques pour l’exercice notamment des droits de la défense, le législateur de 2005 a réduit le seuil d’emprisonnement à deux ans, empêchant ainsi le placement en détention provisoire, précisant en outre les conditions de commission de l’infraction.
Le second texte est le décret 2006-337 du 21 mars 2006 modifiant la troisième partie du code de procédure pénale et relatif aux décisions prises par l’administration pénitentiaire.
Il précise les conditions d’application de l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 aux décisions prises par l’administration pénitentiaire.
Ce texte concerne aussi bien le détenu condamné que le détenu provisoire. Il institue notamment le mandataire du détenu.
Ainsi désormais, en application de l’article R. 57-9-1 du code de procédure pénale, "lorsque l’administration pénitentiaire envisage de prendre une décision individuelle défavorable au détenu qui doit être motivée conformément aux dispositions des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, le détenu peut se faire représenter ou assister par un conseil ou, dans les conditions prévues aux articles R. 57-9-2 à R. 57-9-8, par un mandataire de son choix".
Le décret précise les modalités d’intervention de celui-ci et détermine la procédure applicable (que le détenu soit assisté par un conseil ou par le mandataire).
Le troisième texte est le décret 2006-338 du 21 mars 2006 modifiant la troisième partie du code de procédure pénale et relatif à l’isolement des détenus.
Ce décret insère après l’article D. 56, deux articles D. 56-1 et D. 56-2 ainsi rédigés :
« Art. D. 56-1. - Lorsque le magistrat saisi du dossier de l’information ordonne la mise à l’isolement d’une personne placée en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention en raison des nécessités de l’information, il en précise la durée, qui ne peut excéder celle du titre de détention. A défaut de précision, cette durée est celle du titre de détention. Ces instructions sont précisées dans la notice prévue par l’article D. 32-1 ou, si la mesure est décidée ultérieurement, dans tout
autre document transmis au chef d’établissement.
« Le magistrat saisi du dossier de l’information peut ordonner le maintien de l’isolement à chaque prolongation de la détention provisoire.
« Le magistrat saisi du dossier de l’information peut mettre fin à la mesure
d’isolement à tout moment, d’office, sur réquisitions du procureur de la République, à la requête du chef d’établissement pénitentiaire ou à la demande du détenu.
« Le détenu placé à l’isolement par le magistrat saisi du dossier de l’information est soumis au régime de détention prévu par les articles D. 283-1-2 à D. 283-1-4. »
« Art. D. 56-2. - Lorsque le magistrat saisi du dossier de l’information ordonne la séparation des détenus en raison des nécessités de l’information, ses instructions sont précisées dans la notice individuelle prévue à l’article D. 32-1 ou, si la mesure est décidée ultérieurement, dans tout autre document transmis au chef d’établissement. »
Le quatrième texte est la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Il modifie certaines dispositions sur le contrôle judiciaire.
Il est ajouté aux dispositions des articles 394, 396, 397-3 du code de procédure pénale, l’alinéa suivant :
« Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 141-2 sont applicables. »
Enfin l’article 471 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si le tribunal a ordonné le maintien du contrôle judiciaire et que la personne se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 141-2 sont applicables. Lorsque le jugement est exécutoire et que le condamné est placé sous le régime de la mise à l’épreuve, le juge de l’application des peines peut désigner, pour veiller au respect des obligations, la personne physique ou morale qui était chargée de suivre l’intéressé dans le cadre du contrôle judiciaire. »
Le cinquième texte est l’ordonnance n° 2006-637 du 1er juin 2006 portant refonte du code de justice militaire (partie législative). Il prévoit, en matière de détention provisoire que, sauf exception le code de procédure pénale est applicable à la justice militaire.
Le sixième texte est l’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 portant refonte du code de l’organisation judiciaire et modifiant le code de commerce, le code rural et le code de procédure pénale (partie législative).
Ainsi, l’article L. 311-7 du code de l’organisation judiciaire rappelle désormais, en son troisièmement, la compétence du premier président de la cour d’appel pour "la réparation à raison d’une détention provisoire, conformément au code de procédure pénale".
Enfin, le septième texte est le décret n°2006-1430 du 22 novembre 2006 relatif aux conditions de rétablissement des droits aux prestations en espèces à l’issue d’une période d’incarcération et modifiant le code de la sécurité sociale.
L’article R 161-4-1 précise que la durée maximale d’incarcération prévue à l’article L 161-13-1, (inséré dans le code de la sécurité sociale par la loi N°2005-1579 du 19 décembre 2005), est fixée à 12 mois. Il prévoit qu’en cas de non reprise d’une activité professionnelle à l’issue de la période d’incarcération, le droit aux prestations en espèces est maintenu pendant 3 mois.
On constate que relativement peu de textes sont intervenus récemment sur le sujet de la détention provisoire et le contrôle judiciaire.
Cette pause textuelle souhaitée par tous et notamment par la Commission de suivi de la détention provisoire est incontestablement opportune.
Au moment de la rédaction du rapport, des débats parlementaires sont en cours, à la suite des travaux de la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale qui ont donné lieu à un rapport n° 31.25 de juin 2006 [1].
Ce rapport propose des modifications importantes, pour ce qui préoccupe la Commission de suivi de la détention provisoire, la détention provisoire, le JLD, l’information judiciaire (et le juge d’instruction), le contrôle judiciaire.
Ainsi sont en cours, en cette fin d’année 2006 des débats sur un projet de loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, un projet de loi modifiant la loi de 1973 instituant un Médiateur, un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

CHAPITRE 2 L’ EVOLUTION STATISTIQUE DU RECOURS A LA DETENTION PROVISOIRE

Les données statistiques rassemblées par la Commission de suivi de la détention provisoire sont des données annuelles. Ceci résulte du choix de dégager principalement, en suivant les séries chiffrées sur une période suffisante, des tendances marquant de façon assez durable le recours à la détention provisoire, quel qu’en soit le cadre procédural. En la matière les variations conjoncturelles de plus court terme sont en général d’interprétation très délicate. La raison en est simple : si certaines données, et en particulier les données pénitentiaires, sont rendues disponibles pour des périodes infra annuelles de façon rapide, pour d’autres données aussi fondamentales, comme par exemple celles qui concernent l’instruction et les juges des libertés ou les condamnations, la collecte est annuelle et la mise à disposition plus tardive. Or le suivi des seules données pénitentiaires ne permet pas d’établir un bilan d’ensemble des pratiques en matière de détention provisoire.
Sur ce point, le premier rapport de la Commission avait exposé en détail le
caractère tout à fait insuffisant d’évaluations basées sur les seules données relatives à la population incarcérée à un jour donné (prévenus en nombre absolu ou part des prévenus dans la population sous écrou). Ces comptages en « stocks » sont toujours sous l’influence d’une part de décisions remontant parfois loin dans le passé (par exemple pour les condamnés à de longues peines) et, d’autre part, de décisions très ponctuelles comme les grâces et amnisties. Les données relatives aux entrées dans les établissements pénitentiaires sont, en première lecture, moins soumises à de tels effets.
En y regardant de plus près, les mêmes difficultés d’interprétation peuvent se retrouver : on peut concevoir par exemple que l’allongement des durées de détention provisoire conduise, compte tenu des délais d’audiencement de certaines juridictions, à remettre en liberté des personnes mises en examen pour respecter les délais légaux, alors même que la probabilité d’une peine de durée supérieure à la détention déjà effectuée implique vraisemblablement une nouvelle incarcération après jugement. Ce fractionnement des périodes de détention n’est évidemment pas sans conséquence sur la mesure des entrées et sorties de prison. De plus, sans élément de comparaison, il est tout à fait impossible de déduire de l’évolution des entrées en prison, et en particulier des entrées de prévenus, des modifications durables des décisions prises dans la phase d’instruction ou de jugement des affaires pénales.
Ces considérations n’invalident pas l’attention qui doit être portée, y compris de façon conjoncturelle, aux données établies par l’administration pénitentiaire. En un jour donné, l’effectif de la population pénitentiaire est un élément fondamental pour apprécier la situation carcérale. Quel que soit le rapport ou le lien de cet indicateur avec d’autres données décrivant le flux des affaires pénales et les décisions individuelles (poursuite, mandat de dépôt, jugement...), il constitue un élément incontournable d’appréciation des conditions de détention dans un contexte global de surpopulation carcérale.
À cet égard, tant les données statistiques mensuelles ou trimestrielles que les témoignages recueillis par la Commission font état d’un possible retournement de tendance : après quatre années d’augmentation des flux d’entrées de prévenus, un léger reflux pourrait être observé. Certains commentateurs pensent pouvoir le relier à une diminution du recours à la détention provisoire pendant l’instruction provoquée par l’impact médiatique de l’affaire dite « d’Outreau » et des auditions de la commission parlementaire d’enquête sur cette affaire au printemps 2006. Un examen plus attentif des données de moyen terme montrera que si de tels retournements significatifs peuvent se produire -le parallèle avec l’impact de l’affaire dite « du Chinois » serait alors pertinentles évolutions constatées depuis 2002 attribuent un rôle important aux déplacements procéduraux qui continuent de se produire entre l’instruction et la comparution immédiate.
Il ne faudrait pas oublier non plus que dès l’entrée du système pénal, des fluctuations significatives sont repérables : le nombre de personnes mise en cause par les services de police judiciaire et les décisions en matière de liberté prises à leur égard pendant et à l’issue de la phase d’enquête (garde à vue, défèrement) doivent être soigneusement examinées avant de conclure à des changements profonds dans la pratique des magistrats.
Ce faisant, la Commission tient à souligner une fois encore le caractère très incomplet et insuffisant du dispositif statistique en matière de détention provisoire.
L’absence de données exhaustives sur les cas de détention provisoire non suivis de condamnation est le symptôme le plus visible de cette situation. Le décalage complet entre l’importance accordée à la détention provisoire dans les débats publics et politiques et la faiblesse des outils d’évaluation quantitative de la détention provisoire et de ses réformes répétées, laisse craindre qu’une nouvelle fois des modifications substantielles de son régime juridique soient mises en discussion sans examen bien informé de ce qu’il conviendrait de réformer. Les améliorations de ce dispositif sont certes difficiles à mettre en oeuvre car elles concernent toutes les applications statistiques existantes et leur mise en cohérence. Mais plus de trois ans après son premier rapport et le bilan inquiétant fait sur les sources statistiques en matière de détention provisoire, la Commission relèvera cette année encore que la situation tend plutôt à s’aggraver, avec le constat d’une interruption durable de l’exploitation du fichier national des détenus. Cette source avait pourtant permis, à partir de 1994, d’enrichir les analyses concernant les mouvements pénitentiaires (catégories de mandats à l’incarcération, types d’infractions poursuivies, mises en liberté avant jugement).
Les données commentées dans ce chapitre sont présentées de la même façon que dans les rapports précédents. Le lecteur est invité à s’y reporter pour la présentation générale des sources et les précautions méthodologiques qui s’imposent [2].

1 - Le contexte judiciaire du recours à la détention provisoire
Lorsqu’on analyse l’ensemble des données relatives à la détention provisoire depuis l’arrestation d’auteurs d’infractions pénales jusqu’à leur éventuelle condamnation, il s’avère que la période qui débute à la fin de 2001 montre une transformation forte du régime de fonctionnement de la justice pénale. Les années 2002 à 2004 sont marquées par la hausse de certains indicateurs (personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie, condamnations à de l’emprisonnement ferme, incarcérations).
Mais de forts déplacements internes sont observés : nouvelle baisse des affaires orientées par les parquets vers les juges d’instruction, hausse corollaire des comparutions immédiates, diminution de la part des prévenus « instruction » parmi les personnes incarcérées. Chacun de ces points sera précisé. L’année 2005, pour ce qu’on en connaît [3], est encore marquée par la hausse de certains de ces indicateurs, tandis que d’autres pourraient s’inverser. Mais le tableau pour cette année est loin d’être complet. La situation actuelle, en 2006, ne peut donc a fortiori être évaluée complètement en ce qui concerne l’usage de la détention provisoire.

1.1- Résultats des enquêtes policières et emploi de la garde à vue
Entre 2001 et 2004 la croissance du nombre de personnes mises en cause au stade de la police judiciaire a été importante (+ 22%) et elle se poursuit en 2005, ce qui porte la variation à + 28 % depuis 2001. On peut s’attendre alors à une augmentation du nombre de personnes comptées par la statistique de police comme écrouées [4] par un effet de volume, du moins si l’on peut raisonner « toutes choses égales par ailleurs ». Or ce nombre augmente de 33 % entre 2001 et 2005, ce qui tend montrer un recours accru à l’incarcération à l’issue de la phase policière d’enquête et de garde à vue éventuelle. Mais ce raisonnement n’est pas entièrement valable pour plusieurs raisons.
L’augmentation sensible de la part des majeurs mis en cause entraîne en lui-même une augmentation du nombre de personnes écrouées car les mineurs sont nettement moins soumis à ces mesures [5].
Cet effet joue probablement significativement entre 2001 et 2004 puisque dans cet intervalle, le nombre de mineurs mis en cause n’augmente que de 4 % au lieu de 27 % pour les majeurs.
C’est pendant cette période un facteur possible d’accroissement global apparent du taux d’écrou. Entre 2004 et 2005, le même phénomène peut jouer à l’inverse car la progression du nombre de mineurs mis en cause est plus forte (environ + 5 %) pour les mineurs que pour les majeurs (environ + 2,5%). Et, de fait, le taux global d’écrou baisse légèrement entre 2004 et 2005, passant de 6,6 % à 6,3 %. Mais ce recul n’efface pas totalement la forte élévation du taux d’écrou survenue entre 2001 et 2002 (de 6,1 % à 6,8 %).
Pour caractériser plus finement l’évolution des taux d’écrou, il faut tenir compte des résultats par types d’infractions, certains conduisant à un écrou bien plus fréquemment que d’autres. Ceci est possible à partir des données policières. Les calculs menés pour tenir compte d’une éventuelle transformation de la structure par types d’infractions de la population des personnes mises en cause, montrent qu’il y a bien une intensification du recours à l’écrou qui se surajoute à l’effet de volume [6].
Entre 2004 et 2005, il est plus difficile de faire ces calculs puisque joue alors l’effet de la proportion croissante des mineurs. L’examen des mouvements par types d’infraction montre des évolutions qui ne vont pas toutes dans le même sens. Pour certains postes, l’augmentation du nombre et de la part des mineurs mis en cause va de pair avec une baisse du taux d’écrou (infractions au séjour des étrangers [7], vols avec violence, vols à l’étalage), mais cette baisse est aussi observée pour des postes pour lesquels une telle modification de la composition par âge de la population des mis en cause ne semble pas devoir être invoquée (agressions sexuelles, autres vols simples...). Et pour certains types d’infractions les taux d’écrou sont plutôt en augmentation (coups et blessures, infractions en matière de stupéfiants, cambriolages, vols de véhicules), même si la part des mineurs est en augmentation, comme pour les destructions par incendies ou explosifs, les autres destructions et dégradations, les outrages et violences à agent de la force publique. Pour ces derniers postes, les évènements survenus en novembre 2005 dans certaines zones urbaines sont probablement à l’origine de variations inusuelles dans les nombres absolus d’écroués.
Il est donc difficile d’affirmer que l’année 2005 est marquée, au niveau des données policières, par un reflux du recours à l’écrou dès le début de la procédure. Il faut probablement plus de recul pour avoir une évaluation plus fiable de l’orientation de cet indicateur. Notons quand même que s’il y a reflux, cela voudra dire qu’après l’épisode de forte augmentation entre 2001 et 2002, on aura retrouvé progressivement le mouvement général de diminution à long terme du taux d’écrou visible sur le graphique 2. Il peut être noté que la différence est de plus en plus frappante avec l’évolution de la garde à vue dont la fréquence augmente depuis 2001.
Cette divergence se traduit par une baisse très régulière de la fréquence de l’écrou à l’issue de la garde à vue et pourrait trouver son origine dans le renforcement des procédures de comparution immédiate.

1.2 - Les décisions du parquet : voies de poursuite
Le nombre d’affaires dites « poursuivables », c’est-à-dire d’affaires pour lesquelles le parquet estime qu’une infraction est juridiquement constituée et pour lesquelles un ou des suspects peuvent être impliqués, augmente fortement depuis 2001. Ces données, qui ne sont pas présentées, concordent avec les données policières qui viennent d’être commentées. Les affaires poursuivies connaissent d’abord le même mouvement mais de
façon moins rapide avec le développement des alternatives aux poursuites. En 2004, une forte baisse des poursuites de contraventions de cinquième classe devant le tribunal de police (citation directe ou ordonnance pénale) est largement compensée par une augmentation des poursuites délictuelles et le mouvement se prolonge en 2005. Ces variations importantes découlent principalement de la mise en place de l’ordonnance pénale pour les délits routiers. Pour l’ensemble, le solde fait apparaître une augmentation d’environ 3 % du total des poursuites par rapport à 2003. La présentation usuelle des « réponses pénales » n’inclut pas les compositions pénales dans ce total. En 2004, ce sont ainsi environ 26 000 affaires terminées par une composition pénale (contre environ 15 000 en 2003) qui ne figurent pas dans le tableau 1. La stagnation du nombre de
saisines du juge des enfants correspond en bonne part aux indications de la statistique policière jusqu’en 2004 et là encore les alternatives décidées par les parquets gagnent en proportion.
Les poursuites correctionnelles de majeurs qui, sous leur forme traditionnelle (poursuite après instruction, comparution immédiate, convocation par procès-verbal, citation directe) ont connu une hausse entre 2001 et 2004 n’augmentent que modérément en 2005. Mais les voies de poursuites susceptibles d’entraîner une détention avant jugement continuent d’évoluer sensiblement.
La hausse des affaires mises à l’instruction observée en 2002, n’a été que passagère. Les résultats de 2004 et 2005 confirment que le nombre d’affaires pour lesquelles une instruction est ouverte connaît une baisse de long terme en chiffres absolus et en proportion des affaires poursuivies. A l’inverse, pour les comparutions immédiates, les années 2004 et 2005 connaissent encore une hausse, quoique moins marquée que pour les deux années précédentes. Ces poursuites rapides, impliquant un défèrement et une restriction de liberté avant jugement, connaissent un accroissement de
47 % entre 2001 et 2005. En chiffres absolus, cette croissance est significativement plus importante que la baisse du nombre d’affaires mises à l’instruction.
Le mouvement de substitution des comparutions immédiates aux affaires transmises aux juges d’instruction est une tendance de long terme visible dans le tableau 1. Depuis la fin des années 1990, c’est un principe affiché de la politique pénale des parquets. Cependant, de façon un peu plus précise, on observe qu’entre 1994 et 2001, la somme des affaires soumises à l’instruction et des comparutions immédiates représentait un ensemble en baisse relative parmi les poursuites et en baisse en chiffres absolus. En 2002 ce mouvement s’est inversé et en 2003 et 2004, au moins en chiffres absolus, l’ensemble est en hausse. Ceci signifie que l’ensemble des poursuites pouvant donner lieu à une détention provisoire est en hausse depuis 2001 (environ + 16 %).

Tableau 1 : Évolution des poursuites décidées par le parquet [8]

Ce constat, comme celui fait à propos des données policières, rend de plus en plus nécessaire l’établissement de données fiables concernant les mesures de détention provisoire décidées dans le cadre d’une comparution immédiate. Les rares données disponibles ne permettent pas de mesurer la fréquence de ces mesures. Les estimations proposées à partir du casier judiciaire ne peuvent combler cette lacune et, comme on le verra plus loin, les données pénitentiaires sont rendues incertaines dans la catégorisation des prévenus.
L’étude des indicateurs de détention provisoire est donc centrée par la force des choses sur la détention provisoire « instruction » mais il faut bien admettre que cela ne représente plus qu’un aspect de la détention provisoire.

2 - Mesures prises dans le cadre de l’instruction
2.1 - Mandats de dépôt

Pour l’année 2002, une légère croissance de l’ouverture d’informations (+2,9 %) a été accompagnée d’une augmentation plus substantielle du nombre de personnes mises en examen (+11 %). On pouvait donc s’attendre « mécaniquement » à une augmentation de celui des mandats de dépôt. Mais celle-ci est allée encore au-delà : +21,8 %. Pour les années 2003 et 2004, les résultats sont plus complexes : alors que le nombre d’affaires transmises aux juges d’instruction diminue, le nombre de personnes mises en examen augmente.
Du coup, alors que le nombre de mandats de dépôt se stabilise autour de 24 000 par an, la proportion de personnes placées sous mandat de dépôt après leur mise en examen diminue, sans que toutefois la forte hausse de 2002 soit encore annulée. Enfin, en 2005, tandis que le nombre absolu des mandats de dépôt diminue très légèrement, une baisse du nombre des mis en examen fait apparaître une nouvelle hausse de leur fréquence relative.

Tableau 2 : Mesures provisoires décidées au cours de l’instruction [9]

Plusieurs modes de calcul peuvent d’ailleurs être envisagés pour évaluer cette fréquence du recours à la détention provisoire. Tout d’abord, il faut rappeler que le cadre juridique a changé en 2001 avec l’application de la loi du 15 juin 2000. En suivant à la lettre ce nouveau cadre le nombre de mandats de dépôt est rapporté au nombre de mis en examen, ce qui exclut du dénominateur les témoins assistés. Le résultat obtenu est donné dans le tableau 2 et atteint 49 % en 2002, donc un taux qui n’avait jamais été observé depuis que ce calcul peut être fait (soit 1982). Le maximum avait auparavant été observé pour l’année 1984, à la veille de réformes restreignant le recours à la détention provisoire. Mais la comparaison est en partie faussée par le changement de dénominateur.
On peut alors choisir un autre dénominateur incluant les témoins assistés : ceci revient à supposer que ceux-ci auraient été mis en examen avant la loi du 15 juin 2000, ce qui évidemment ne peut être prouvé. De cette façon, on obtient un taux de mandats de dépôt de 40 % en 2001, 45,2 % en 2002, 43,4 % en 2003, 38,8 % en 2004 et 39,6 % en 2005. Avec ce mode de calcul, qui place l’année 2001 au même niveau que l’année 2000, la baisse observée de 2002 à 2004 annule la brusque hausse de 2001 à 2002 et la fréquence du mandat de dépôt revient à son niveau moyen de la période 1992-2001.
Cependant quel que soit le mode de calcul, les variations du taux de mandats de dépôt sont sensibles aux variations du nombre de mis en examen (ou de personnes impliquées).
Une autre approche est aussi possible en rapprochant le nombre de mandats de dépôt du nombre d’affaires reçues par les juges d’instruction. Le nombre de personnes concernées semble plus pertinent, mais à certaines périodes, il est probable que la nature des affaires ou les pratiques policières ont fait augmenter le nombre moyen de personnes mises en examen par affaire : celui-ci oscille entre 1,8 en 1994 à 1,5 en 2000. Il n’est que de 1,2 en 2001 avec l’exclusion des témoins assistés du calcul (1,3 sinon) pour remonter ensuite à 1,6. Au cours des années 1990, l’importance des instructions pour trafic de stupéfiants pouvait conduire à des affaires impliquant de très nombreuses personnes parfois mises en examen seulement pour usage de stupéfiants. Une telle hausse du nombre de personnes mises en cause pour infractions à la législation des stupéfiants [10] a pu reproduire le même phénomène entre 2002 et 2004. Ceci montre bien l’intérêt qu’auraient des données ventilées par types d’infractions au niveau de l’instruction. Mais, en tout état de cause, si l’on rapporte le nombre de mandats de dépôt aux nombre d’affaires plutôt qu’au nombre de mis en examen, on obtient un ratio qui croît fortement de 2001 (0,54) à 2005 (0,71).
Malgré les difficultés d’évaluation statistiques rencontrées, il semble donc avéré qu’en intensité, le recours à la détention provisoire au niveau de l’instruction est revenu en 2002 et 2003 à un niveau sensiblement supérieur à celui de la décennie 1990. Les fluctuations observées en 2004 et 2005 en proportion du nombre de mis en examen correspondent à un nombre absolu de mandats de dépôt plutôt stable. Par la suite, son évolution dépendra au moins en partie de l’évolution par type d’infractions des affaires mises à l’instruction.
Pour partie, le maintien d’une sorte de « plancher » -au moins en nombres absolus, autour de 24 000 mandats de dépôt annuels- pourrait être lié à la concentration plus forte d’affaires « graves et complexes ». Ce serait alors la conséquence d’une politique pénale réservant la voie de l’instruction à ce type d’affaires, du moins si gravité et complexité sont, toutes choses égales par ailleurs, des caractéristiques des affaires pour lesquelles la détention provisoire est d’usage plus fréquent. La seule source donnant une indication en termes d’infractions pour les affaires instruites est le répertoire de l’instruction.

L’exploitation statistique concerne les affaires terminées (tableau 3), d’où un décalage avec le mouvement des affaires transmises aux juges d’instruction que dénombrent les cadres des parquets (tableau 2) : en 2004, le nombre d’affaires terminées à l’instruction augmente, alors que selon les données du parquet le nombre d’affaires nouvelles diminue. Cette source donne la répartition des affaires selon que le réquisitoire introductif visait des crimes, des délits ou des contraventions. Les résultats de 2004 se situent dans une tendance de long terme de croissance des réquisitoires criminels. Ce mouvement s’accentue depuis l’année 2001. Cependant comme la croissance sur trois ans produit une différence d’environ 1 700 affaires (de 6 900 à 8 600), il est difficile d’y trouver la seule base d’un accroissement net de 3 700 mandats de dépôts dans le même temps [11] (de 16 800 à 20 500). On relèvera par ailleurs que dans le même temps, le nombre de mis en examen renvoyés devant une cour d’assises (majeurs et mineurs) passe de 2 750 à 3 700 et que le nombre de détentions provisoires concernant ces personnes passe de 2 170 à 2 730 : la croissance est également forte mais l’écart toujours largement en dessous de la variation du nombre total de mandats de dépôt. Pour une bonne part, celle-ci concerne des personnes mises en examen et renvoyées devant le tribunal correctionnel (de 12 050 à 15 670). L’explication par la gravité relative croissante des affaires n’est pas évidente. Néanmoins, il conviendra de se rappeler de ce facteur lors de l’examen des durées de détention provisoire.

Tableau 3 : Qualification de l’infraction au moment du réquisitoire introductif [12]

En revenant aux données fournies par les cadres des parquets, on peut observer une stabilité dans les résultats du débat contradictoire (tableau 4). Globalement, à peu près neuf fois sur dix le résultat est la délivrance d’un mandat de dépôt par le juge des libertés ce qui ne s’écarte pas significativement des résultats observés avant l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000.

Tableau 4 : Résultats du débat contradictoire [13]

Le résultat atypique de 2000 (augmentation sensible du nombre de débats
contradictoires, baisse des mandats de dépôt décernés) peut être interprété comme une divergence accrue entre les réquisitions du parquet et les décisions des juges d’instruction. Mais après les ajustements liés à l’application de la loi du 15 juin 2000, la mise en place des juges des libertés et de la détention et la mise en oeuvre de nouvelles orientations de politique pénale, le résultat des débats contradictoires est aussi prévisible qu’il l’était à la fin des années 1990. La seule évolution qui mérite mention est celle du débat contradictoire différé. Cette possibilité concerne un nombre décroissant de cas : 3,5 % des débats contradictoires en 2005 contre 6 à 7 % entre 1994 et 1998. Les chances de ne pas être placé sous mandat de dépôt à l’issue d’un débat contradictoire différé augmentent quant à elles régulièrement. Alors que le résultat était en gros identique au début des années 1990 ou même plus défavorable à la personne mise en examen pour le débat différé, il est maintenant nettement plus favorable. Mais la baisse des débats différés peut signifier que les reports ne sont plus demandés que pour les cas où des éléments sont réellement susceptibles d’être apportés par la défense pour éviter le mandat de dépôt. Il serait intéressant de disposer d’évaluations plus précises sur ce point évoqué par les praticiens comme une voie possible de recours accru aux alternatives à la détention provisoire, en accordant plus de temps au recueil d’informations vérifiées sur la situation de la personne mise en examen.

2.2 - Contrôle judiciaire
L’évolution du contrôle judiciaire a fait l’objet d’analyses détaillées dans le rapport 2003-2004. On observait alors que le recours accru à la détention en 2002 n’avait pas fait diminuer d’autant le recours au contrôle judiciaire ab initio. On relèvera que de 2002 à 2004, l’augmentation des placements sous contrôle judiciaire ab initio en chiffres absolus ne correspond pas à une baisse des mandats de dépôt. Au-delà de l’épisode de croissance des mandats de dépôt en 2002, la proportion de personnes mises en examen pour qui une restriction de liberté est décidée obtenue en additionnant les deux mesures (mandat de dépôt, contrôle judiciaire) [14], il apparaît que d’un point de vue statistique, la règle est devenue d’accompagner la mise en examen d’une restriction de liberté puisque c’est ce qui se passe maintenant dans plus de 80 % des cas.
Le contrôle judiciaire est par ailleurs une mesure qui peut accompagner une mise en liberté après placement sous mandat de dépôt. Cette solution a longtemps été une voie de développement du contrôle judiciaire, au moins autant et sinon plus que le contrôle judiciaire ab initio. Elle a donc probablement favorisé le développement des mises en liberté. Mais le résultat observé pour les dernières années pourrait inverser cette tendance : après une baisse en chiffres absolus et en proportion des mandats de dépôt pour 2003 (colonne 6 et 7 du tableau 2), le même niveau est observé en 2004 puis une nouvelle baisse apparaît en 2005. Ce résultat est un peu étonnant car l’ensemble des mises en liberté connaît une augmentation absolue et relative qui rompt avec une décroissance de plusieurs années. L’analyse est ici rendue délicate par des effets combinés de calendrier et de variations importantes des chiffres absolus dans le temps (les mises en liberté de 2003 et surtout de 2004 peuvent correspondre à des mandats de dépôt de 2002 qui étaient en forte augmentation). Si cette tendance se confirme, il s’agira d’une rupture avec l’évolution antérieure qui avait vu se développer plus rapidement les mises en liberté sous contrôle judiciaire.
Tous ces éléments relativisent donc le rôle d’alternative à la détention provisoire que devrait constituer le contrôle judiciaire. Il apparaît d’ailleurs que le recours accru au contrôle judiciaire dans le cadre de l’instruction se développe encore ces dernières années en suivant la tendance relevée les années précédentes : la croissance la plus forte concerne les mesures de contrôle judiciaire sans autorité de contrôle désignée ou confiées à un service ou une personne physique. Ce sont donc des mesures autres que les contrôles judiciaires socio-éducatifs confiés à des associations ou au SPIP (graphique 3). Le contrôle judiciaire avec placement sous surveillance électronique fait son apparition dans la nomenclature statistique en 2003. Ce dispositif a été appliqué dans 316 cas pour cette année, ce qui représente 1 % des mesures de contrôle judiciaire (et 1,3 cas pour 100 mandats de dépôt instruction). Les résultats pour 2004 et 2005 ne semblent pas annoncer un développement rapide de cette mesure. Le seul point positif dans ces indications statistiques est l’apparition en 2003 et 2004 d’un nombre plus important de mesures de contrôle judiciaire confiées à une association parmi les mesures décidées par le tribunal correctionnel.

Tableau 5 : Répartition des mesures de contrôle judiciaire selon le mode de prise en charge

Graphique 3 Contrôle judiciaire instruction selon la prise en charge [15]

2.3 - Situation à la fin de l’instruction
Les cadres des parquets fournissent des comptages relatifs à l’issue des décisions de détention provisoire telle qu’elle se présente à la fin de l’instruction. Les personnes mises en examen et placées sous mandat de dépôt peuvent être maintenues en détention lors du renvoi devant une juridiction de jugement, elles peuvent au contraire avoir été mises en liberté avant la fin de l’instruction ou bien encore être mises en liberté par la décision finale du juge d’instruction (non lieu, renvoi devant une juridiction de jugement sans maintien en détention). Le tableau suivant ajoute à ces catégories une rubrique « autres » dont le contenu n’est pas tout à fait clair.
Ces séries font apparaître globalement à la fin des années 1990 une diminution de la part des cas de maintien en détention jusqu’au jugement [16]. Ceci semble principalement lié à la diminution des renvois devant le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants avec maintien en détention. La loi du 15 juin 2000 a probablement amplifié ce mouvement, encore qu’il soit difficile de faire la part d’un changement réel de pratique et de contraintes plus conjoncturelles liées à l’ancienneté des affaires en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi [17]. Ceci pourrait expliquer la remontée observée en 2002.
Mais en 2003 et en 2004, le niveau relatif reste équivalent, le nombre absolu étant croissant comme le nombre total de décisions comptabilisées. Les mises en liberté avant la fin de l’instruction sont également croissantes en nombres absolus au moins jusqu’en 2004 comme il a été dit plus haut, et la proportion se situe maintenant au-dessus de 50 %.
Ces données deviennent à vrai dire difficiles à interpréter dans la mesure où la rubrique des autres causes d’achèvement de la détention provisoire vient perturber la distribution observée. L’intitulé des rubriques ne permet pas de savoir avec certitude où sont comptées les mises en liberté décidées par la chambre de l’instruction. Ceci est d’autant plus regrettable que le cadre relatif à cette juridiction n’indique pas non plus le sens des décisions. Il se borne à comptabiliser le nombre total d’arrêts rendus en matière de détention provisoire.
Plus fondamentalement, on rencontre ici une des principales lacunes du dispositif statistique en matière de détention provisoire. Si plusieurs sources (pas forcément concordantes comme le montre l’annexe 1) décomptent les placements et entrées en détention provisoire, ce qu’il advient ensuite n’est que très partiellement connu. A côté des cadres des parquets dont les principaux enseignements viennent d’être évoqués, le répertoire de l’instruction ventile les cas de détention provisoire selon la décision d’orientation à la fin de l’instruction. Aucune des deux sources ne donne d’information sur la période allant de la fin de l’instruction au jugement. Aucune ne permet de faire le lien avec les décisions prises finalement au terme de la phase de jugement.

Tableau 6 : Détentions provisoires à la fin de l’instruction  [18]

3 - Place de la détention provisoire dans les incarcérations
Le nombre total d’incarcérations en 2005 était encore en légère hausse par rapport à l’année précédente. Il reste donc encore à un niveau élevé après la forte hausse de 2002 (graphique 4). Le régime de la démographie carcérale reste ainsi caractérisé, au moins pour cette année, par une situation où l’augmentation de la population pénitentiaire est en partie due à une augmentation des flux d’entrées. Les décrets de grâce de 2005 et 2006 sont venus limiter cet effet.

Graphique 4 Incarcérations en France métropolitaine : nombre annuel d’entrées [19]

Dans l’édition précédente de ce rapport, il était relevé que même pour les entrées en prison se posent des problèmes de source statistique. De nouveau, il faut constater que des difficultés subsistent dans l’utilisation du fichier national des détenus (application GIDE) pour les étudier correctement. L’application informatique n’est plus en mesure depuis l’année 2003 de fournir une ventilation des entrées par motif d’incarcération et par type d’infractions, ce qui était le cas auparavant. Face à ces difficultés techniques, seules les séries issues de la statistique trimestrielle peuvent être utilisées.
Ceci est regrettable car la ventilation des entrées par catégories juridiques reste assez frustre, voire approximative. Les trois principaux postes de cette ventilation concernent les entrées enregistrées dans le cadre d’une instruction (donc avant jugement), les entrées enregistrées dans le cadre d’une comparution immédiate (donc avant ou après un premier jugement, ceci n’est pas précisé) et les entrées de condamnés (donc après un premier jugement, sinon après un jugement définitif). La dernière catégorie concerne les contraintes par corps (devenues contraintes judiciaires) qui sont très peu nombreuses (4 en 2005 après une régulière diminution). Les séries reconstituées pour la métropole depuis 1969 sont reproduites en annexe. Non seulement les catégories d’entrants manquent de précision mais, de plus, le résultat obtenu pour les prévenus « instruction » est sensiblement supérieur à ce que les autres sources indiquent pour les mandats de dépôt (cadres des parquets, répertoire de l’instruction). Il se pourrait que des prévenus non jugés et incarcérés sur mandat du juge délégué avant comparution immédiate figurent à tort dans cette rubrique [20].

Graphique 5 Entrées en prison par catégories pénales [21]

Le graphique 5 représente en chiffres absolus les trois principales catégories. La diminution des entrées sur la période qui va de 1984 à 2001 (graphique 4) est directement liée à la baisse des incarcérations dans le cadre d’une instruction, elle-même principalement liée à la baisse du nombre de personnes mise en examen et d’affaires soumises à cette voie de poursuite [22]. Un déplacement a lieu vers les comparutions immédiates et, dans une moindre mesure, les condamnations jusqu’au début des années 1990. A partir de l’année 2000, les mouvements de hausse vont apparaître dans les trois sous séries mais de façon décalée.
Les entrées correspondant à des mandats de dépôt « instruction » connaissent leur point le plus bas en 2001. Ceci correspond bien aux données évoquées à propos des juges d’instruction puis des juges des libertés et de la détention. La hausse de 2002 annule la baisse de 2001, mais ensuite une légère diminution reprend.
Les entrées correspondant à des comparutions immédiates (condamnés non définitifs ou mandats de dépôt en attente de jugement) connaissent en revanche une augmentation qui se poursuit encore en 2005. Cette hausse, d’abord brusque puis d’un rythme plus modéré, ne représente plus pour cette période un transfert des cas de détention provisoire « instruction » vers des incarcérations « comparution immédiate ».
Les données du FND indiquaient avant 2003 la répartition de ces entrées dans le cadre d’une comparution immédiate : en ordre de grandeur, elles se répartissaient en deux parts équivalentes pour les entrées avant le jugement de première instance et pour les entrées après ce jugement. Il n’est pour le moment pas possible d’affirmer que cette répartition s’est maintenue avec l’accroissement des entrées en comparution immédiate.
Les entrées en prison après une condamnation autre qu’en comparution immédiate qui ont connu un point bas en 2000, ont augmenté fortement entre 2001 et 2004. Pour cette année 2004, la croissance des entrées en prison vient entièrement des entrées de ces condamnés qui ne sont pas nécessairement des condamnés définitifs [23]. Mais cette croissance ne s’est pas poursuivie en 2005.
Le rapport précédent indiquait, par comparaison avec les statistiques de condamnation issues du casier judiciaire, que le mouvement observé pouvait s’expliquer par une augmentation du taux d’exécution des peines d’emprisonnement ferme. Ces considérations ne seront pas actualisées et d’ailleurs, l’effet des grâces collectives rendrait cet exercice difficile. Mais il est opportun de rappeler et de souligner ici le caractère très incomplet d’une approche statistique qui ne se base que sur la nature des titres d’incarcération. Dans cette statistique, l’unité de compte est l’incarcération et non pas l’individu. Un même individu peut avoir été incarcéré une première fois sous mandat de dépôt d’un JLD, puis être remis en liberté et à nouveau incarcéré après une condamnation définitive à peine privative de liberté d’une durée supérieure celle de la détention provisoire.

Probablement plus de la moitié des individus jugés après détention provisoire vont comparaître libres [24]. Tous n’auront pas à retourner en prison pour la même affaire comme on va le voir.
L’absence de données régulières et fiables sur le suivi des personnes placées en détention provisoire se fait à nouveau sentir. Il est souvent affirmé que les juges se contentent de « couvrir » la période de détention provisoire lorsque comparaissent des prévenus remis en liberté avant leur jugement. Ceci ne correspond pas aux quelques informations disponibles à ce propos. La période de détention provisoire est inscrite au casier judiciaire pour des raisons de gestion de la peine. La condamnation prise en compte est la condamnation définitive. En 2004, selon l’évaluation fournie dans l’Annuaire statistique de la Justice [25], 36 183 condamnations ont été précédées d’une période de détention provisoire (mineurs inclus). Dans 3 837 cas, la condamnation n’a emporté aucune peine ferme privative de liberté. La détention provisoire n’a pas été « couverte ».
Dans 2 646 cas, la période de détention provisoire a été plus longue que la peine ferme prononcée (environ la moitié de ces cas présente un différentiel de 15 jours au plus).
Enfin, dans les autres cas (29 700) la détention provisoire a bien été couverte : ce qui représente 82 % des condamnations après détention provisoire. Mais l’Annuaire n’indique pas dans quelle proportion ces condamnés étaient libres ou détenus au moment du jugement. Rappelons qu’en 2004, selon les statistiques des parquets concernant l’instruction, environ 15 000 détentions provisoires instruction prennent fin au plus tard à la clôture de l’instruction [26]. En laissant de côté la question des délais de jugement, à supposer que tous les condamnés dont la détention provisoire n’a pas été couverte (environ 6 500) ont bénéficié d’une remise en liberté avant jugement, à supposer qu’il en va de même pour quelques centaines de détenus provisoires qui bénéficieront d’un non lieu ou d’un acquittement, il reste, en ordre de grandeur, au moins 7 000 anciens détenus provisoires condamnés ensuite à une peine supérieure ou égale à la période d’incarcération déjà subie. Pour comprendre correctement l’évolution du recours à la détention provisoire, il serait tout à fait nécessaire de savoir de quel poids ils pèsent parmi les quelques 25 000 cas d’incarcération de condamnés recensés par la statistique pénitentiaire. Il n’est pas possible, au risque de sous-estimer la place de la détention provisoire dans les entrées, d’assimiler ces cas d’incarcérations multiples pour une même affaire à des incarcérations sans détention avant jugement.

CHAPITRE 3 LA REPARATION DE LA DETENTION PROVISOIRE INJUSTIFIEE JANVIER 2005 - JUIN 2006

L’analyse des décisions rendues par la Commission nationale de réparation des détentions, traditionnelle dans le rapport de la Commission de suivi de la détention provisoire [27] en vertu de la mission confiée par le législateur [28], s’étend cette année sur une période de dix-huit mois soit de janvier 2005 à juin 2006 et porte sur un total de 184 décisions (84 en 2005 et 50 pour le premier semestre 2006) ce qui traduit déjà, par comparaison aux 65 décisions rendues en 2004, une augmentation sensible de l’activité de la juridiction de second degré en matière de réparation de la détention provisoire injustifiée. Celle-ci peut s’expliquer par une augmentation du nombre de recours dont la juridiction se trouve saisie [29], trouvant elle-même son fondement dans une plus grande largesse ou générosité dans l’appréciation des préjudices que celle des premiers présidents de cour d’appel en première instance [30] peut-être aujourd’hui mieux connue des requérants et de leurs conseils au fil du temps.
Ainsi délimitée, l’étude apparaît marquée du sceau de la rigueur sur le terrain de la procédure de réparation et par une évolution sensible de la jurisprudence quant au droit à réparation.

1- La procédure de réparation
Sur la période étudiée, la Commission nationale a eu l’occasion de mettre particulièrement en relief l’autonomie de la procédure de réparation des détentions provisoires injustifiées suivie devant elle par rapport à celle reposant sur le fonctionnement défectueux du service public de la justice et les exigences liées au respect du principe de la contradiction.

1.1- L’autonomie de la procédure
L’on sait [31] que le droit à réparation intégrale de la détention provisoire injustifiée a été institué dans l’article 149 du code de procédure pénale « sans préjudice de l’application des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire » sur la mise en oeuvre de la responsabilité des magistrats à raison de leur faute personnelle, ni plus largement de la responsabilité de l’Etat du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice qui nécessite toutefois la démonstration d’une faute lourde [32].
Les lois des 15 juin et 30 septembre 2000 ont en effet opté pour la coexistence de la nouvelle procédure de réparation de la détention provisoire injustifiée avec des mécanismes de responsabilité plus anciens mais aussi plus restrictifs - même s’ils ont été depuis assouplis [33] - dans leurs conditions d’accès ou d’ouverture.
La Commission nationale a donc du préciser les règles gouvernant cette éventuelle coexistence, ce qu’elle a fait dans un double sens.
D’une part, seul le préjudice causé par la détention provisoire peut être réparé dans le cadre de la procédure des articles 149 et suivants du code de procédure pénale à l’exclusion de celui qui résulterait d’un mauvais fonctionnement de l’institution judiciaire. Il en résulte qu’un certain nombre d’éléments de préjudice invoqués devant elle par les requérants ne peuvent être indemnisés que dans le cadre d’une procédure intentée sur le fondement de l’article L.781-1 du code de l’organisation judiciaire relatif à la réparation des dommages causés par le fonctionnement défectueux du service de la justice en cas de faute lourde.
Il en va ainsi du préjudice résultant :
- de la mise en examen, du déroulement de la procédure judiciaire ou encore du contrôle judiciaire [34] ;
- du rejet des demandes de mise en liberté, des prolongations de la détention et des retards mis à l’exécution d’une peine d’emprisonnement [35] ;
- du « discrédit » résultant de la nature de la prévention dont le requérant a fait l’objet [36] ;
- du délai anormalement long entre le procès de première instance ayant donné lieu au prononcé d’une condamnation afflictive par la cour d’assises et le procès d’appel s’étant conclu par un acquittement [37] ;
- des mauvais traitements dont le requérant aurait fait l’objet en détention [38].
En sens inverse, cette dualité de fondement a surtout été mise en avant par la Commission nationale pour couper court à toute velléité - grandissante sur la période étudiée - de comparaison et de discussion devant elle du montant des réparations, à la suite des sommes octroyées par le ministère de la justice aux « acquittés d’Outreau », en soulignant que les provisions accordées à ces derniers étaient destinées à les indemniser également du préjudice résultant du dysfonctionnement du service de la justice et non du seul préjudice subi du fait d’une détention seul objet de la procédure devant elle et ne pouvaient, en conséquence, constituer des références utiles [39].
La complexité ainsi révélée liée à la dualité de fondements et de procédures de réparation de préjudices trouvant leur source dans une seule et même procédure pénale ayant donné lieu à mise en oeuvre de la détention provisoire injustifiée conduit à se demander s’il ne serait pas opportun, dans un double souci de cohérence et de simplification, de s’orienter vers l’institution d’une procédure unique de réparation qui engloberait devant le même juge l’ensemble des préjudices de la mise en examen jusqu’à la décision finale.

1.2- La contradiction dans la procédure
L’on sait que peuvent être l’auteur d’un recours devant la Commission nationale de réparation des détentions le demandeur en réparation, l’agent judiciaire du Trésor et le procureur général près la cour d’appel dont le premier président a rendu la décision d’indemnisation en première instance [40]. Les articles R. 40-8 et suivants du code de procédure pénale organisent alors le dépôt et l’échange des conclusions par et entre ces trois personnes. Lorsque, cas le plus fréquent, l’auteur du recours est le demandeur en réparation ou l’agent judiciaire du Trésor il est invité dans les quinze jours de la réception du dossier par le secrétaire de la commission nationale à lui adresser ses conclusions dans le délai d’un mois [41]. Ces conclusions sont alors transmises par le secrétaire au défendeur puis au procureur général près la Cour de cassation qui sont invités à faire valoir leurs observations [42] ; l’auteur du recours ayant la possibilité d’y répondre dans le délai d’un mois de leur réception [43].
La Commission nationale s’était déjà fréquemment prononcée en faveur de
l’irrecevabilité des conclusions tardives de l’auteur du recours ç’est à dire déposées après l’expiration du délai d’un mois de l’article R. 40-8 [44]. Elle poursuit dans sa jurisprudence la plus récente, au nom du respect du principe de la contradiction, une application du dispositif précédent menée avec une rigueur que n’imposaient peut-être pas totalement les textes.
Elle a ainsi déclaré irrecevables les conclusions du requérant adressées en
réponse aux écritures de l’agent judiciaire du Trésor et du procureur général mais en dehors du délai d’un mois de l’article R. 40-8 alors que la déclaration de recours ne formulait aucune critique contre la décision attaquée [45]. Autrement dit, les prétentions de l’auteur du recours auxquelles le défendeur et le procureur général près la Cour de cassation doivent être en mesure de répondre, doivent être formulées par des conclusions en demande déposées dans ledit délai et non par voie d’observations en réponse [46].
Mais la Commission nationale est allée plus loin dans cette rigueur puisqu’elle a également déclaré irrecevables des demandes additionnelles formulées par voie d’observations en réponse aux conclusions de l’agent judiciaire du Trésor et du procureur général venant s’ajouter aux demandes initiales du requérant auteur du recours dûment
formulées dans le délai d’un mois au motif que les parties n’ont pas été en mesure d’en discuter [47]. Ainsi, par exemple, si les conclusions initiales portaient sur la réparation du seul préjudice moral causé par la détention il n’est pas possible de leur adjoindre par voie de conclusions en réponse des demandes portant sur la réparation du préjudice moral.
Si l’on peut comprendre - bien qu’elle ne soit pas formellement prévue par les textes - la sanction de l’irrecevabilité dans le premier cas de figure où, en tout état de cause, aucun jeu de conclusions n’a été déposé dans le délai d’un mois contrairement aux prescriptions de l’article R.40-8, il en va différemment dans le second cas où les prévisions du texte ont bien été respectées et alors qu’aucun des articles suivants n’interdit formellement la formulation de demandes nouvelles ou additionnelles ; l’article R.40-12 déclarant même expressément que les dispositions du second alinéa de l’article R. 33 sont applicables permettant ainsi à l’agent judiciaire du Trésor et au procureur général de répliquer aux dernières conclusions du requérant auteur du recours et donc d’en discuter.
Conclusion : le nombre et l’issue des recours devant la Commission nationale de réparation des détentions.

Tableau n° 1 : nombre des recours
En 2005 :
A partir de 83 des 84 décisions rendues au cours de dix audiences par la
Commission nationale en 2005 [48], ont été pris en considération 97 recours formés contre des décisions de premiers présidents de cour d’appel en l’état de 14 recours conjoints du demandeur en réparation et de l’agent judiciaire du Trésor.
Recours = 97 - 100%
Demandeur en réparation = 65 - 67,01%
AJT = 32 - 32,98%
Procureur général cour appel = 0

Janvier - juin 2006 :
Sur les 50 décisions rendues au cours de six audiences entre janvier et juin 2006, ont été pris en considération 60 recours dont 10 conjoints du demandeur et de l’agent judiciaire du Trésor.
Recours = 60 - 100%
Demandeur en réparation = 43 - 71,66%
AJT = 17 - 28,33%
Procureur général cour appel = 0

Se confirment donc, en s’accentuant, sur cette période de dix-huit mois un certain nombre de tendances déjà relevées antérieurement [49] :
- l’augmentation du nombre de recours dont se trouve saisie la Commission nationale de réparation des détentions conduisant corrélativement à celle du nombre des décisions par elles rendues et des audiences tenues ;
- le caractère toujours plus exceptionnel du recours du procureur général près une cour d’appel qui disparaît sur cette période de dix-huit mois, aboutissant à une saisine exclusive de la Commission à l’initiative du demandeur en réparation et/ou de l’agent judiciaire du Trésor ;
- la progression du caractère largement majoritaire de l’initiative des détenus provisoires requérants dans cette saisine.
Il en va de même en ce qui concerne l’issue des recours formés.

Tableau n° 2 : issue des recours [50]

En effet, se confirme également la tendance, relevée dans les deux précédents rapports [51], de l’issue nettement plus favorable réservée aux recours émanant du demandeur en réparation (accueil : 67,69% en 2005 et 74,41% de janvier à juin 2006 ; rejet : 21,53% et 20,93%) par rapport à ceux formés par l’agent judiciaire du Trésor (accueil : 34,37% et 23,52% ; rejet : 56,25% et 64,70%).
L’encouragement au recours du détenu provisoire qui peut d’une certaine façon en résulter peut encore se trouver amplifié lorsqu’il est formé par une augmentation sensible par la Commission nationale du montant des réparations accordées.

2. Le droit à réparation
Sur le fond du droit à réparation intégrale de la détention provisoire injustifiée, il ressort des décisions rendues sur la période de référence que si nombre d’entre elles complètent la jurisprudence antérieure en apportant de nouvelles précisions, d’autres recèlent de véritables inflexions jurisprudentielles confinant parfois au revirement.

2.1- Les précisions jurisprudentielles
Elles portent tant sur les conditions du droit à réparation que sur l’étendue de la réparation [52].

2.1.1- Les conditions du droit à réparation
Il s’agit de l’existence d’une détention provisoire suivie d’une décision définitive de non-lieu relaxe ou acquittement et de l’absence de cas d’exclusion de la réparation.

a) L’existence d’une détention provisoire suivie d’une décision définitive de non-lieu de relaxe ou d’acquittement
S’agissant, en premier lieu, de la notion de détention provisoire injustifiée, une décision du 20 février 2006 a eu à se prononcer sur l’hypothèse inédite devant la Commission nationale [53] où le demandeur en réparation avait dans un premier temps été détenu à l’étranger dans le cadre d’une procédure d’extradition avant d’être remis aux autorités françaises et incarcéré en France [54]. Pouvait-on inclure cette période de privation de liberté dans la durée de la détention provisoire injustifiée ouvrant droit à réparation ?
Relevant que le requérant avait fait l’objet d’un mandat d’arrêt visant l’infraction pour laquelle il avait été relaxé et que la demande d’extradition des autorités françaises impliquait son placement en détention, elle a estimé que la période de détention liée à la procédure d’extradition devait être prise en compte ainsi que toutes les conséquences financières en résultant pour l’intéressé.
La solution apparaît logique. La question peut tout d’abord se poser pour les différentes formes d’incarcération provisoire que l’article 716-4 alinéa 2 du code de procédure pénale assimile à la détention provisoire quant à l’imputation sur la durée de la peine. La Commission nationale de réparation des détentions poursuit donc cette assimilation de régime en termes de réparation en considérant que la période d’incarcération subie à l’étranger liée à la procédure d’extradition demandée par la France doit être prise en compte ainsi que toutes les conséquences financières en résultant pour l’intéressé dans le cadre de sa demande de réparation de la détention provisoire injustifiée. La solution doit être reliée à la recommandation du 16 septembre 1986 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe concernant l’application pratique de la convention européenne d’extradition relative à la détention aux fins d’extradition qui invitait les Etats-membres parties à la convention non seulement à veiller à ce que la détention aux fins d’extradition soit imputée sur la peine de la même manière que la détention provisoire, mais aussi à examiner leur législation de manière à permettre aux personnes détenues de manière injustifiée aux fins d’extradition de réclamer une indemnité aux mêmes conditions que celles qui régissent l’indemnisation pour détention provisoire injustifiée. Elle vaudrait à l’identique pour l’incarcération subie hors de France en exécution d’un mandat d’arrêt européen depuis la loi « Perben II » du 9 mars 2004 portant transposition de la décision- cadre du Conseil du 13 juin 2002 qui ne comportait, au-delà de la déduction de la période de détention subie dans l’Etat-membre d’exécution, aucune disposition relative à la réparation de l’incarcération injustifiée [55].
S’agissant, en second lieu, de l’exigence consécutive d’une décision définitive de non-lieu, relaxe ou acquittement, une décision du 14 décembre 2005 est venue préciser la distinction entre requalification et non-lieu [56]. En l’espèce, un mineur de moins de seize ans avait été mis en examen par le juge d’instruction des chefs du crime de tentative d’homicide volontaire sur son beau-père et du délit de violences volontaires sur sa mère et placé en détention provisoire pendant trois mois et dix-huit jours. Le juge d’instruction l’avait ensuite renvoyé pour délits de violences volontaires sur les deux victimes devant le tribunal pour enfants qui, le retenant dans les liens de la prévention, devait le condamner à six mois d’emprisonnement dont un ferme.
Pouvait-on considérer l’ordonnance du juge d’instruction comme une ordonnance de non-lieu partiel du chef de la qualification criminelle autorisant seule la détention provisoire d’un mineur de moins de seize ans ou la décision de condamnation intervenue faisait-elle obstacle à toute prétention de réparation sur le fondement de l’article 149 du code de procédure pénale, quand bien même les qualifications correctionnelles la
justifiant n’autorisaient pas le placement du mineur en détention provisoire ?
La Commission nationale a considéré que lorsque le magistrat instructeur procède à une requalification des faits incriminés pour lesquels il renvoie le mis en examen devant la juridiction de jugement, cette décision ne présente pas les caractères d’une ordonnance de non-lieu ni n’en produit les effets. La solution procède d’une décision de la chambre criminelle du 23 juin 1992 [57] selon laquelle ne possède pas l’autorité de la chose jugée une ordonnance du juge d’instruction qui, sous le couvert, d’une part d’un non-lieu, d’autre part d’un renvoi devant le tribunal correctionnel, a en réalité procédé à une requalification ; les juges du fond conservant dans ce cas leur pleine liberté d’appréciation et restant maîtres de statuer sur la compétence.
L’exclusion du non-lieu par la requalification atteste, tout d’abord, l’incidence de cette dernière opération sur la durée de la détention provisoire.
Elle illustre ensuite la distinction entre détention provisoire injustifiée d’une part, détention illégale ou arbitraire et abusive ou excessive d’autre part. La condamnation finale en l’absence d’un non-lieu partiel suffit à exclure la notion de détention provisoire injustifiée au sens de l’article 149 du code de procédure pénale et partant sa réparation.
Le requérant pouvait néanmoins considérer avoir subi une détention excessive - la peine d’emprisonnement ferme d’un mois ne « couvrant » pas la durée de la détention provisoire de plus de trois mois -, voire illégale - les qualifications correctionnelles pour lesquelles il avait été définitivement condamné ne permettant pas son placement en détention provisoire-. Mais ces deux types de détentions ne relèvent pas de la procédure de réparation de l’article 149 du code de procédure pénale mais éventuellement de celle de l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire, ce qui pose à nouveau la question de l’opportunité d’une procédure unique de réparation [58].

b) L’absence de cas d’exclusion de la réparation
Quelques décisions sont venues pour la première fois fournir une illustration de certains des cinq cas d’exclusion de la réparation prévus par l’article 149 alinéa 2 du code de procédure pénale dont la Commission nationale continue [59] à rappeler le caractère limitatif particulièrement quant à la violation des obligations d’un contrôle judiciaire qui ne peut dès lors être regardée ni comme une exception légale, ni comme une faute de
nature à influer sur le principe et le montant du droit à réparation dans une espèce où la fuite du requérant à l’étranger en violation des obligations du contrôle judiciaire dont il était résulté sa condamnation par contumace au maximum de la peine encourue avait été retenue par un premier président comme facteur d’atténuation du préjudice moral causé par la détention provisoire [60].
Une décision du 26 juin 2006 [61] vient faire application du premier cas d’exclusion, l’ordonnance définitive de non-lieu ayant été rendue sur le fondement de la reconnaissance de l’irresponsabilité pénale du requérant au sens de l’article 122-1 du code pénal soit pour troubles mentaux.
De même, une décision du 10 janvier 2006 [62] fournit la première illustration du cinquième cas d’exclusion selon lequel aucune réparation n’est due lorsque la personne a fait l’objet d’une détention provisoire pour s’être librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites.
En l’espèce, le requérant avait reconnu en garde-à-vue être l’auteur de coups mortels et mis hors de cause les personnes qui l’accompagnaient lors d’une altercation.
Quelques mois plus tard, il était revenu sur ses aveux devant le juge d’instruction expliquant qu’il s’était accusé à tort pour protéger le véritable auteur entre-temps parti à l’étranger où il n’avait pu être arrêté et avait ensuite confirmé sa rétractation. Maintenu sous mandat de dépôt, il devait finalement être renvoyé devant la cour d’assises puis acquitté après plus de trois ans et demi de détention provisoire. L’espèce relevait à l’évidence du cas d’exclusion précité. Pouvait toutefois se poser la question de savoir si la détention provisoire particulièrement longue n’était pas partiellement injustifiée et n’ouvrait pas droit à réparation pour la période de maintien en détention postérieure à la rétractation du requérant. Telle avait été l’analyse retenue en première instance pour aboutir à ce titre à une réparation de 63 000 euros. Elle a été écartée par la Commission nationale au profit de l’exclusion totale du droit à réparation en dépit de la rétractation ultérieure des aveux du requérant qui n’a pas à être prise en compte, ce qui paraît
conforme à la fois d’une part au texte qui ne distingue pas suivant que l’auto- accusation était ou n’était plus le seul fondement de la détention provisoire et d’autre part au refus traditionnel des juridictions en charge de la réparation de contrôler le bien fondé du placement comme de la prolongation de la détention provisoire [63].
Plusieurs décisions illustrent enfin le troisième cas d’exclusion de la réparation lorsque la personne était dans le même temps détenue pour autre cause introduit par la loi dite « Perben II » du 9 mars 2004.
Dans une décision du 1er avril 2005 [64] faisant une première application du nouveau cas d’exclusion, la Commission nationale devait opérer la déduction de la totalité de la détention provisoire subie, omise en première instance en juillet 2004 [65], de la durée pendant laquelle l’intéressé avait exécuté deux peines d’emprisonnement au titre de condamnations devenues définitives ramenant ainsi la durée de la détention provisoire
injustifiée ouvrant droit à réparation de dix mois et demi à cinq mois et demi. La période de détention pour autre cause ne peut aboutir qu’à une soustraction et à une exclusion pure et simple du droit à réparation sur la durée déduite [66] et ne saurait donner lieu à une minoration de moitié du montant de la réparation accordée sur la période d’exécution d’une peine d’emprisonnement ainsi que l’avait décidé un premier président dans une
autre décision [67].
On observera que la réduction de la période indemnisable ne s’est pas pour autant traduite dans la décision précitée par une diminution du montant de la réparation accordée, la Commission nationale acceptant d’une part la réparation d’un préjudice matériel que le premier président avait écarté [68] et accordant d’autre part au titre du préjudice moral, bien que pour une durée de détention provisoire quasiment réduite de moitié, le triple de la réparation accordée en première instance [69]. La décision fournit ainsi l’illustration concrète que la réparation de la détention provisoire injustifiée dépend non seulement de la délimitation de sa durée mais aussi de la définition du préjudice réparable qu’elle a causé puis de la plus ou moins grande largesse dans l’appréciation de son montant.

2.1.2- L’étendue de la réparation
Une seule décision portant sur la réparation consécutive à une demande de
révision d’une condamnation pénale définitive sur le fondement de l’article 626 du code de procédure pénale [70], les précisions jurisprudentielles portent pour l’essentiel sur la réparation du préjudice matériel et du préjudice moral causé par la détention provisoire injustifiée sur le fondement de l’article 149 du même code.

a) Réparation du préjudice matériel
S’agissant de la détermination du préjudice matériel causé par la détention
provisoire, la Commission nationale a pour l’essentiel mis en oeuvre sur la période écoulée sa jurisprudence antérieure aujourd’hui amplement développée [71]. On peut toutefois souligner l’affirmation d’une ligne directrice et quelques précisions sur des chefs de préjudice particuliers.
Apparaît tout d’abord l’affirmation générale que l’évaluation du préjudice matériel ne peut procéder du cumul de méthodes alternatives de réparation s’opposant à ce qu’un premier président retienne à la fois le préjudice issu du non versement des indemnités Assedic et celui causé par la perte d’une chance de trouver un emploi [72].
Dans le même sens, l’indemnité qui répare la perte des salaires étant de nature à remettre le requérant dans la situation où il se serait trouvé s’il n’avait pas été incarcéré, il ne peut cumulativement prétendre à une indemnité correspondant au montant des loyers [73], ou des charges de la vie courante [74], dont il aurait dû s’acquitter s’il n’avait été détenu.
La méthode exclusive retenue pour la réparation du préjudice économique doit donc parfois être encore rappelée ou précisée. Ainsi, dès lors que le requérant avait avant son placement en détention provisoire conclu un contrat de travail, le préjudice économique doit être réparé sur la base couvrant toute la période de détention de la perte des salaires nets prévus au contrat, quand bien même celui-ci n’avait pas commencé à être exécuté, et non au titre de la perte d’une chance de trouver un emploi [75]. De même, dès lors que la détention est la cause directe et exclusive de la perte de son emploi par le requérant, licencié pour faute grave en raison d’un abandon de poste du fait de son incarcération, la réparation du préjudice matériel doit prendre en compte les pertes de salaires subies depuis l’incarcération et, après la libération, pendant la période nécessaire à la recherche d’un emploi [76].
Aux pertes de salaires, doivent s’ajouter la perte des cotisations nécessaires à la constitution de points de retraite [77] voire celle des droits à la retraite lorsqu’un régime spécial (tel celui du code des pensions de retraite des marins français du commerce de pêche ou de plaisance) ne prévoit pas, à la différence du régime général du code de la sécurité sociale, la prise en considération des périodes de détention provisoire en vue de l’ouverture du droit à pension [78]. Et n’ont pas à être déduites, de l’indemnité allouée en réparation du préjudice économique, les sommes n’ayant pas un caractère indemnitaire qui sont payées par une compagnie d’assurance au titre d’un contrat d’assurance de personnes [79].

b) Réparation du préjudice moral
L’on sait que si l’âge du demandeur en réparation au moment de l’incarcération, la durée de la détention provisoire injustifiée et l’absence d’antécédent carcéral constituent les trois facteurs ou paramètres de base de l’évaluation du préjudice moral, un certain nombre d’éléments peuvent être retenus à titre de facteurs d’aggravation ou de majoration [80].
La jurisprudence rendue sur la période de référence renferme à cet égard des confirmations mais aussi quelques avancées.
Les confirmations tiennent à la prise en compte de la personnalité du demandeur d’une part, de l’insalubrité et de la surpopulation carcérales d’autre part.
Différentes particularités liées à la personnalité de l’intéressé, que la Commission nationale s’emploie à cerner au plus près, sont de nature à amplifier parfois considérablement le choc psychologique occasionné par la détention ou à rendre encore plus éprouvantes les conditions de détention. Il peut ainsi s’agir d’une sensibilité particulière [81], comme de troubles de santé entraînant le respect d’une hygiène alimentaire [82] un suivi médical [83] ou des soins adaptés [84] qui n’ont pu être observés.

L’insalubrité, la vétusté et le surpeuplement de la maison d’arrêt au moment où la détention provisoire a été subie ont par ailleurs, à nouveau [85], été retenus à trois reprises comme facteur d’aggravation du préjudice moral [86].
Les avancées jurisprudentielles portent sur des éléments que la Commission nationale qualifie pour la première fois de facteurs d’aggravation. On peut en retenir trois.
Alors que la question était sous-jacente depuis pas mal de temps, la Commission nationale de réparation des détentions accepte tout d’abord désormais de considérer que la nature des faits ou de l’infraction reprochés peut constituer un facteur d’aggravation dès lors du moins qu’elle a eu des répercussions sur les conditions de détention de l’intéressé.
Certes, le préjudice lié à la qualification des faits objet de la poursuite ne résulte pas de la détention provisoire [87]. Mais la nature des faits ou de l’infraction dont le requérant était accusé doit être prise en considération lorsqu’elle a été à l’origine de conditions de détention particulièrement éprouvantes [88], notamment quand elle s’est traduite par des menaces [89] ou autres réactions d’hostilité [90] des autres détenus. L’on songe à ce titre en premier lieu aux accusations d’infractions sexuelles et à la situation faite aux « pointeurs » en prison et cette nature précise des faits reprochés est effectivement mentionnée par quelques décisions [91].
Mais la nouvelle jurisprudence va au-delà puisqu’elle a été appliquée à des faits de corruption passive imputés à un surveillant de l’administration pénitentiaire [92] ou encore à des faits de terrorisme ayant entraîné une détention dans quatre établissements pénitentiaires successifs [93].
La deuxième avancée prend en considération une évolution juridictionnelle
récente, l’instauration du double degré en matière criminelle, qui n’est pas dépourvu d’effet sur la durée de la détention provisoire lorsque le juge d’instruction entend que l’accusé comparaisse détenu et en l’état actuel des délais d’audiencement devant les cours d’assises, ce qui peut aboutir à une détention provisoire très longue en cas de condamnation par la cour d’assises en première instance suivie d’un acquittement en appel. La Commission nationale a en quelque sorte pris en considération cet état de fait depuis 2006 en érigeant en facteur d’aggravation du choc psychologique subi par le requérant la condamnation prononcée par la première cour d’assises [94] et cette nouvelle jurisprudence a ensuite été étendue à la condamnation en première instance prononcée en matière correctionnelle suivie d’une relaxe en appel [95].
Cette nouvelle jurisprudence pourrait de prime abord surprendre sachant que les juridictions de la réparation de la détention provisoire injustifiée ont pour principe de refuser de contrôler le bien fondé des décisions juridictionnelles rendues dans l’affaire qui leur est soumise [96]. Mais ce refus de contrôle se circonscrit aux deux types de décisions dont la conjonction dans une affaire donnée peut conduire à leur saisine parce qu’elles constituent chacune une condition du droit à réparation intégrale de l’article 149 du code de procédure pénale à savoir les décisions de placement ou de maintien provisoire d’une part, la décision définitive de non-lieu de relaxe ou d’acquittement d’autre part. La décision de condamnation intervenue le cas échéant en première instance y échappe en revanche, ce qui a en quelque sorte permis à la Commission nationale de s’en emparer pour en faire un nouveau facteur d’aggravation du préjudice moral et ce d’autant plus, qu’à la différence de la décision finale de relaxe ou d’acquittement intervenue ensuite en appel, elle n’était pas revêtue de l’autorité de la chose jugée.
La perte du bénéfice d’une mesure de libération conditionnelle qui avait été
accordée au demandeur a enfin été retenue pour la première fois par une décision comme facteur de majoration du préjudice moral [97].

2.2- Les inflexions jurisprudentielles
Sur un certain nombre de points liés aux précédents car touchant également aux conditions du droit à réparation ou au préjudice réparable, la Commission nationale a jugé utile pour différentes raisons de modifier sa jurisprudence antérieure.
Ces inflexions jurisprudentielles sont plus ou moins marquées. On peut considérer que sont intervenus entre janvier 2005 et juin 2006 un revirement de jurisprudence sur le droit à réparation en présence d’une condamnation partielle du requérant, une atténuation de la jurisprudence antérieure faisant des antécédents carcéraux du requérant un facteur de minoration de son préjudice moral et enfin l’adoption à titre palliatif d’une solution d’attente quant à la réparation du préjudice des tiers ou victimes par ricochet de la détention provisoire injustifiée.

2.2.1- Revirement de jurisprudence sur le droit à réparation en présence d’une condamnation partielle
L’existence d’une condamnation définitive exclut a priori que la détention provisoire subie puisse être qualifiée d’injustifiée, une condition essentielle du droit à réparation intégrale faisant défaut [98]. La solution mérite toutefois d’être nuancée en présence d’un non-lieu partiel ou d’une condamnation partielle.

Avant les réformes de 2000, cette dernière circonstance suffisait à exclure l’indemnisation quelle que soit la durée de la détention provisoire subie [99].
Depuis, l’hypothèse peut laisser une place à une détention provisoire injustifiée ouvrant droit à réparation. La Commission nationale de réparation des détentions recherche en effet si l’infraction pour laquelle le requérant a été condamné était (irrecevabilité) [100] ou n’était pas (ouverture du droit à réparation) [101] susceptible à elle seule de fonder la mesure de placement et maintien en détention pour tout ou partie de la durée par lui subie. Autrement dit [102], elle contrôle [103] la compatibilité entre les infractions qui ont donné lieu à condamnation et la détention provisoire subie objet de la demande en réparation.
Ainsi, dans le cas d’un mis en examen pour abus de confiance, faux et usage de faux placé en détention provisoire pour une durée de six mois, ayant bénéficié d’uneordonnance de non-lieu partiel des chefs de faux et usage de faux puis été condamné définitivement du chef d’abus de confiance à une peine d’emprisonnement avec sursis, la circonstance qu’il ait été condamné du chef d’abus de confiance, infraction qui était à elle
seule susceptible d’entraîner son placement en détention provisoire pour la durée subie en application de l’article 144 du code de procédure pénale dans sa rédaction applicable à la cause, fait qu’il ne peut prétendre à la réparation de sa détention sur le fondement de l’article 149 du même code, peu important que la peine d’emprisonnement prononcée à son égard ait été assortie d’un sursis et que les peines encourues pour les infractions pour lesquelles il a été relaxé étaient plus importantes que celles prévues pour l’infraction pour laquelle il a été condamné [104]. La détention provisoire subie était donc entièrement compatible avec l’infraction ayant donné lieu à condamnation. N’étant pas injustifiée elle ne saurait ouvrir droit à réparation.
Le cas de figure inverse relatif à l’hypothèse où la durée de la détention provisoire effectuée au titre de l’infraction qui a donné lieu à un non-lieu, à une relaxe ou à un acquittement est, non plus inférieure ou égale, mais supérieure à celle que le demandeur a subie au titre de l’infraction pour laquelle il a été condamné vient de donner lieu à un revirement de jurisprudence.
Un détenu provisoire pendant 17 mois et 23 jours avait bénéficié d’un non-lieu partiel des chefs de viol et tentative de viol avant d’être condamné par le tribunal correctionnel pour agressions sexuelles à un an d’emprisonnement avec sursis avec mise à l’épreuve. En première instance, sa requête en réparation avait abouti, seuls les faits criminels ayant pu justifier conformément à la jurisprudence antérieure le placement et le maintien en détention provisoire pour la totalité subie. Rappelant que le mandat de dépôt décerné pour des faits de nature criminelle et correctionnelle suit le régime le plus élevé, la Commission nationale devait infirmer la décision en énonçant que si, en raison du non-lieu partiel prononcé pour les faits de nature criminelle, la durée de la détention effectuée excède le délai maximum de six mois de détention provisoire prévu en matière correctionnelle par l’article 145-1 du code de procédure pénale dans sa version applicable pour un délit passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et pour une personne n’ayant pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun à une peine ferme d’une durée supérieure à un an, il apparaît que les délits pour lesquels il a été condamné ne sont pas incompatibles avec un placement et un maintien en détention pour une durée de six mois [105]. La détention provisoire n’était donc que partiellement injustifiée à hauteur de 11 mois et 23 jours après déduction de la durée de 6 mois.
Cette évolution jurisprudentielle restrictive est présentée comme reposant sur une approche plus fine de la réalité, la Commission nationale vérifiant dans chaque espèce si les ordonnances relatives à la détention provisoire visaient bien également les chefs de prévention pour lesquels le requérant a été condamné [106], ce qui devrait être le plus souvent le cas [107]. Cette déduction, que n’opérait pas la jurisprudence antérieure, paraît néanmoins contestable dans la mesure où elle aboutit à tronçonner artificiellement une détention provisoire pour méconnaître que la mesure, prise dans sa globalité, n’a pu être prononcée et prolongée qu’en raison des faits criminels n’ayant pas donné lieu à condamnation. La solution n’est évidemment pas négligeable dans la mesure où la durée de la détention provisoire injustifiée est un critère essentiel de sa réparation.

2.2.2- Atténuation de la jurisprudence relative au passé carcéral
comme facteur de minoration du préjudice moral
L’existence de précédentes incarcérations, révélées par le bulletin n° 1 du casier judiciaire [108] était traditionnellement considérée comme le facteur type de minoration du préjudice moral dans la mesure où elles « ont nécessairement eu pour incidence de minorer les répercussions morales d’un nouveau placement en détention » [109].
Cette solution vient de connaître en 2005/ 2006 une évolution significative pour prendre en compte d’une part les travaux, initiés par le premier président Canivet, menés depuis 2003 par la Commission nationale avec un collège d’experts psychiatres sur la souffrance morale liée à la détention, d’autre part, les observations recueillies au cours des audiences. Il en résulte que, désormais, la jurisprudence considère, en présence de certaines circonstances dont l’action peut se conjuguer, que le choc psychologique ou carcéral éprouvé n’a pas forcément été amoindri. Le facteur d’atténuation peut donc se trouver écarté ou à tout le moins pondéré [110].
Cette neutralisation peut tout d’abord tenir à l’ancienneté de la précédente expérience carcérale [111] a fortiori si elle avait été de courte durée [112].
Elle peut aussi être justifiée par l’importance de la peine encourue à l’occasion de la nouvelle incarcération sous le régime de la détention provisoire [113], en particulier lorsque les incarcérations antérieures résultaient de procédures correctionnelles alors que la peine encourue est criminelle [114]. Il en va encore ainsi lorsque, à la suite des condamnations antérieures à emprisonnement ou réclusion, le détenu provisoire étant complètement et durablement réinséré [115] ou, ayant manifesté des efforts de réinsertion [116], s’est trouvé confronté pour des raisons qu’il savait injustifiées au milieu carcéral dont il avait réussi à s’éloigner.
La portée de l’évolution doit néanmoins être précisée. L’absence d’antécédents carcéraux demeure bien un facteur de base de la réparation du préjudice moral et corrélativement le passé carcéral un facteur de diminution [117]. Il appartient dès lors au détenu provisoire d’établir les circonstances particulières à même de le faire bénéficier de la nouvelle évolution jurisprudentielle.
Ainsi, à défaut de justifier d’un travail spécifique de réinsertion, les incarcérations par lui subies dans un passé proche doivent être retenues comme un facteur d’atténuation, élément spécifique du préjudice moral [118].

2.2.3- Adoption d’une solution d’attente sur la réparation du préjudice des victimes par ricochet de la détention provisoire injustifiée
La jurisprudence rendue sur la période de référence continue à rappeler que le préjudice réparable est nécessairement un préjudice personnel à la personne qui a fait l’objet de la détention provisoire, seule visée par l’article 149 du code de procédure pénale [119].
Si bien que les victimes par ricochet au premier rang desquelles les membres de sa famille et les proches, ne peuvent obtenir réparation de différents chefs de préjudice qui leur sont propres « même s’ils sont en relation avec la détention » [120], qu’ils soient d’ordre matériel (soutien financier [121], frais de déménagement [122], dépense d’un héritage par l’épouse pour subvenir aux besoins familiaux [123]...), ou moral (troubles de santé de l’épouse [124], souffrance des enfants [125]...).
Cette solution restrictive, que l’affaire « d’Outreau » a mise en lumière, devrait être abandonnée.
Elle ne vaut pas ainsi dans le cadre de l’article 626 du code de procédure pénale sur la réparation consécutive à la révision d’une condamnation pénale. Certes, le texte prévoit alors expressément, en parallèle du droit à réparation intégrale du préjudice matériel et moral causé par la condamnation ouvert au condamné reconnu innocent, que peut également demander une réparation, dans les mêmes conditions, toute personne justifiant du préjudice que lui a causé la condamnation. Mais, on ne voit pas ce qui peut justifier au fond cette distorsion, même si le cas de figure de la condamnation est évidemment encore plus grave que celui de la détention injustifiée, d’autant que les deux textes sont partiellement issus de la même loi du 30 décembre 2000.
On peut même se demander si, en dehors d’une modification législative qui viendrait aligner à cet égard l’article 149 sur l’article 626 et pourrait faire l’objet d’une suggestion dans le rapport annuel de la Cour de cassation et qui vient d’ailleurs d’entraîner le dépôt récent d’une proposition de loi [126], la jurisprudence ne pourrait pas proprio motu aboutir à ce résultat sur la base du droit commun de la responsabilité civile extra-contractuelle qui ouvre l’action en réparation à la victime directe ou principale comme à la victime par ricochet. Certes, pourrait alors se poser la question de l’opposabilité de la faute de la première à la seconde. Mais il faudrait alors constater que cette opposabilité est, en l’espèce, singulièrement limitée par l’article 149 qui ne prend en compte en quelque sorte une faute du détenu provisoire que dans le cinquième cas d’exclusion de la réparation lorsqu’il s’est librement et volontairement accusé ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites [127].
La Commission nationale de réparation des détentions, à l’instar du premier président Canivet qui en assure toujours partiellement la présidence [128], semble sensible à la nécessité d’une telle évolution, qu’il s’agisse de la réparation du préjudice matériel ou moral des victimes par ricochet.
En témoigne pour le préjudice matériel une décision du 29 mai 2006 [129] réformant celle d’un premier président de cour d’appel qui avait rejeté la demande de réparation relative aux frais de déplacement de l’épouse du requérant à la maison d’arrêt pendant sa détention en estimant, conformément à la jurisprudence établie, qu’il ne s’agissait pas d’un chef de préjudice personnel. La Commission nationale a, en sens contraire, considéré que dès lors que les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale et que les frais nécessités par les déplacements de l’épouse à la maison d’arrêt ont été supportés par la communauté, le détenu provisoire est fondé à se prévaloir d’un préjudice personnel à hauteur de la moitié des frais engagés. Mais il ne s’agit là, nous semble-t-il, que d’un palliatif consistant à étendre le préjudice personnel de la victime directe de la détention provisoire injustifiée pour y inclure une partie de celui subi en réalité par des tiers. La solution ne peut que faire l’impasse de la réparation du préjudice moral de ces derniers et apparaît tributaire, quant à la réparation du préjudice matériel, de la double opportunité non maîtrisée liée d’une part au mariage, d’autre part au choix du régime matrimonial du détenu provisoire [130], même si l’on comprend que la jurisprudence utilise toutes les ressources offertes par le dispositif juridique dans des situations dissemblables. Lorsque l’aide matérielle a été apportée pendant la détention par un ami, la réparation semble tributaire d’une demande de remboursement des frais engagés au requérant [131].
Un identique mouvement de transfert de la non réparation de la souffrance ressentie par les enfants à l’extension de la réparation du préjudice personnel de leur père victime directe de la détention provisoire injustifiée semble parallèlement s’ébaucher quant au préjudice moral dans la jurisprudence récente lorsqu’elle prend en compte dans son évaluation les souffrances morales résultant des difficultés rencontrées par ses enfants durant son incarcération [132]. Mais ne s’agit-il pas là encore d’un expédient ? La formulation retenue dénote l’adoption d’une solution d’attente : « si le préjudice subi par les proches n’est pas indemnisable, la souffrance supplémentaire du détenu causée par le désarroi de savoir sa compagne et son bébé seuls sans pouvoir leur apporter le soutien nécessaire constitue bien un préjudice indemnisable » [133].
Conclusion : réparation du préjudice moral et durée de la détention provisoire Conformément aux tableaux établis dans les précédents rapports [134], la réparation oscille entre les bornes minimale et maximale suivantes :

Tableau n° 3 : au regard de la durée de la détention provisoire [135]

Tableau n° 4 : au regard du ratio réparation allouée par jour de détention [136]

Il faut souligner, comme l’indique le rapport de la Cour de cassation pour 2005, que la plupart des réformations sont liées à une réparation jugée insuffisante du préjudice moral en première instance. En 2005, la Commission a ainsi augmenté à 33 reprises l’indemnité allouée au demandeur (en moyenne de 60 %) et a réduit celle-ci 2 fois seulement [137].
Sur les cinquante décisions rendues de janvier à juin 2006, cette indemnité n’a été réduite qu’une seule fois dans une espèce particulière déjà mentionnée relative à un cas d’exclusion de la réparation [138] et augmentée à 28 reprises. L’augmentation de la réparation du préjudice est parfois considérable, l’indemnité accordée en première instance étant plus que doublée [139] voire bien au-delà [140].
Conclusion générale : la charge de la réparation de la détention provisoire
injustifiée Elle a atteint les sommes record de 5,48 Mo d’euros pour l’année 2004 et 6,32 Mo d’euros pour l’année 2005 [141].
L’on sait qu’en application de l’article 150 du code de procédure pénale, cette réparation est à la charge de l’Etat. La mise en application de la LOLF [142] a finalement conduit la Chancellerie, après quelques difficultés, à accepter de prendre en charge le paiement des indemnités accordées par la Commission nationale à compter du 1er janvier 2006 et de celles accordées par les premiers présidents de cour d’appel à compter du 1er juillet suivant [143]. A ainsi pu être évitée la solution, à même de porter atteinte à l’impartialité du juge, consistant à imputer respectivement le montant des réparations accordées par les premiers présidents aux services administratifs régionaux des cours
d’appel et celles allouées par la Commission nationale au budget de la Cour de cassation au titre des frais de justice.

Tableau 5 : Evaluation globale et procédures d’indemnisation [144]

Notes:

[1] XII LEGISLATURE RAPPORT N° 3125 "Au nom du peuple français Juger après Outreau" Commission d’enquête juin 2006

[2] On trouvera dans l’annexe 2 du présent rapport l’ensemble des données relatives à la détention provisoire pour l’année 2004

[3] L’information statistique sur la détention provisoire devient disponible avec des délais variables selon les sources. Les premières données accessibles sont les données pénitentiaires établies peu de temps après la période décrite et les résultats annuels de la statistique dite de police sont maintenant également diffusés rapidement avec le détail souhaitable. Les statistiques annuelles du parquet ne sont en revanche établies de façon définitive qu’après douze mois environ et les données issues du casier judiciaire sont diffusées sous forme d’estimation seulement au début de l’année n+2. Ce n’est donc que pour l’année 2004 que toutes les données statistiques peuvent être rassemblées. Les différents tableaux de ce chapitre ne sont pas homogènes quant à la dernière année disponible.

[4] Pour le ressort de Paris la statistique policière compte comme écrouées les personnes conduites au dépôt.

[5] La statistique de police ne fait pas la distinction entre mineurs et majeurs pour les personnes écrouées. Mais ce moindre recours se déduit des données judiciaires (voir rapport 2004 de la Commission) et découle des restrictions de droit de la garde à vue et de la détention provisoire pour les mineurs

[6] Aubusson de Cavarlay, B., « La détention provisoire, mise en perspective et lacunes statistiques », Questions pénales, Bulletin d’informations du CESDIP, XIX.3, juin 2006 (disponible sur le site www.cesdip.com)

[7] On relève un doublement du nombre de mineurs mis en cause pour ce poste dont le taux d’écrou (majeurs et mineurs confondus) est d’ailleurs faible, les rétentions administratives n’étant pas comptabilisées ici.

[8] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[9] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[10] Cette hausse est observée au niveau des statistiques de police : entre 2002 et 2004, le nombre de faits élucidées (affaires transmises aux parquets) augmente de 24 % et le nombre de mis en cause de 30 %. A l’augmentation du nombre d’affaires (un millier d’affaires supplémentaires), se combine une croissance du nombre de mis en cause par fait élucidé (de 1,65 en 2002 à 1,73 en 2004), ceci sans tenir compte des personnes qui, dans les dossiers de trafic de stupéfiants, ne sont considérées que comme usagers-revendeurs, voire simples usagers. Mais ceux-ci peuvent être mis en examen dans le cadre de l’instruction

[11] Il s’agit ici des décisions de détention provisoire prises dans le cadre des affaires terminées, ce qui peut entraîner une différence avec le comptage des mandats de dépôts décernés dans l’année inclus dans les cadres des parquets. Il faut noter cependant que le répertoire de l’instruction donne de façon permanente un chiffre inférieur aux autres sources (cf. Annexe 2)

[12] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[13] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[14] En toute rigueur, on ne peut procéder ainsi car certaines mesures de contrôle judiciaire ab initio sont suivies d’un mandat de dépôt. Mais l’ordre de grandeur obtenu au niveau national est bien celui que donne ce calcul

[15] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[16] Il se peut même que la proportion soit plus faible car les mises en liberté des détenus en attente d’audiencement ne sont probablement pas comptées ici

[17] Ceci est suggéré par le nombre inhabituellement élevé en 2000 de détentions prenant fin par un renvoi sans maintien en détention : compte tenu des délais d’audiencement, les juges d’instruction ont peut-être dû anticiper les délais maximum de détention applicables à partir du 1er janvier 2001

[18] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[19] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[20] Ceci n’est qu’une hypothèse. Elle est suggérée par le fait que bien que donnant pour le total un nombre d’incarcérations inférieur, la source FND donnait plus d’entrées dans le cadre d’une comparution immédiate. Or cette source était réputée plus précise pour la ventilation des catégories de mandats, au moins en répartition.

[21] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[22] Cf. supra tableau 1 et 2

[23] Pour l’année 2002 par exemple, le FND comptabilisait environ un millier d’incarcérations sur mandat d’une juridiction de jugement mais avec le statut de prévenu : il s’agissait alors de condamnés en délai d’appel ou de pourvoi

[24] C’est un ordre de grandeur basé sur les données du tableau 6. Le nombre de mis en examen mis en liberté et bénéficiant d’un non lieu n’est pas connu avec précision et certaines personnes mises en liberté pourront être à nouveau incarcérées avant leur jugement. Mais ceci ne devrait invalider l’argument développé ici.

[25] Annuaire statistique de la Justice, édition 2006, page 122

[26] Les 3334 détentions terminées à l’instruction pour autre cause sont ici exclues, c’est donc une estimation par défaut. Les hypothèses qui suivent sont toutes choisies dans le même sens.

[27] Cf. précédents rapports de la Commission de suivi de la détention provisoire : mai 2003, p. 72 et s. ; juin 2004, p. 32 et s. ; novembre 2005, p. 28 et s.

[28] Article 72 de la loi n° 2000 - 516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

[29] Cf. Rapport annuel Cour de cassation 2005, cinquième partie, « Activité 2005 de la Commission nationale de réparation des détentions ».

[30] Cf. infra. p 33-34

[31] Rapport Commission de suivi de la détention provisoire mai 2003, p. 75-76

[32] Les dispositions de l’article 781-1 ont été scindées en deux article (L.141-1 et L.141-2) par l’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 portant refonte du code de l’organisation judiciaire et modifiant le code de commerce, le code rural et le code de procédure pénale.

[33] Olivier Renard-Payen et Yves Robineau « La responsabilité de l’Etat pour faute du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice judiciaire et administrative », Rapport de la cour de cassation 2002, p. 59 et s. ; Florence Bussy « L’erreur judiciaire », D. 2005, p. 2552

[34] 20 février 2006 : 05 CRD 007

[35] 31 mars 2006 : 05 CRD 057, Bull. crim. 2006 CNRD n° 6 p. 18

[36] 29 mai 2006 : 05 CRD 075

[37] 29 mai 2006 : 05 CRD 082, cf. toutefois infra sur l’aggravation du choc psychologique par la condamnation prononcée en première instance

[38] 29 mai 2006 : 06 CRD 006, cf. toutefois infra sur le préjudice moral lié aux conditions difficiles de détention à raison du comportement des codétenus

[39] CNRD 23 septembre 2005 : 04 CRD 056, Bull. crim. 2005 CNRD n° 6 p. 23 ; 14 novembre 2005 : 05 CRD 019, Bull. crim. 2005 CNRD n°12 p.49, et 05 CRD 020 ; 5 décembre 2005 : 05 CRD 026, Bull. crim. 2005 CNRD n° 15 p. 63 ; 31 mars 2006 : 05 CRD 057 et 05 CRD 059, Bull. crim. 2006 CNRD n° 5 p.15

[40] Article R. 40-4 du code de procédure pénale. Rapport Commission de suivi de la détention provisoire, mai 2003, p.78-79

[41] Article R. 40-8

[42] Article R.40-9

[43] Article R.40-12

[44] Cf rapport Commission de suivi de la détention provisoire, novembre 2005, p. 31

[45] 14 novembre 2005 : 05 CRD 030, Bull. crim. 2005 CNRD n° 13 p. 53

[46] 14 décembre 2005 : 05 CRD 050, Bull. crm. 2005 CNRD n° 17 p.72

[47] 17 janvier 2005 : 05 CRD 033, Bull. crim. 2005 CNRD n° 3 p.7

[48] Une décision portant sur une requête en rectification du demandeur

[49] Rapport Commission de suivi de la détention provisoire, novembre 2005, p.31

[50] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[51] Rapport Commission de suivi de la détention provisoire juin 2004, p.35 et novembre 2005, p. 32

[52] Cf. rapport Commission de suivi de la détention provisoire novembre 2005 p. 32 et s.

[53] Cf. déjà dans la jurisprudence de l’ancienne Commission d’indemnisation : dans le même sens 17 août 2000, 99 IDP 195 et 99 IDP 235 et en sens contraire s’agissant d’une incarcération subie en France dans le cadre d’une extradition demandée par un Etat étranger 5 octobre 2000 98 IDP 072 ; D. N. Commaret « L’indemnisation de la détention provisoire », RSC 2001, p. 117 et s. Sur la jurisprudence italienne : Mario Pisani « Extradition et détention provisoire injustifiée » in La coopération pénale internationale, Hommage à Dominique Poncet, Revue internationale de droit pénal 2005, vol. 76, p. 49 et s.

[54] 20 février 2006 : 05 CRD 046, Bull. crim. 2006 CNRD n° 3 p.7

[55] Article 26

[56] 14 décembre 2005 : 05 CRD 053, Bull. crim. 2005 CNRD n° 19 p. 80

[57] Bull. crim. 1992 n° 248 p. 682

[58] Cf. supra. p.32

[59] Rapport Commission de suivi de la détention provisoire, novembre 2005, p. 33-34

[60] 5 décembre 2005 : 05 CRD 017, Bull. crim. 2005 CNRD n° 14 p. 57

[61] 26 juin 2006 : 05 CRD 068

[62] 10 janvier 2006 : 05 CRD 013, Bull. crim. 2006 CNRD n° 1 p.1

[63] Rapport Commission de suivi de la détention provisoire novembre 2005, « Contrôle de la détention provisoire et réparation de la détention provisoire injustifiée », p. 67 et s.

[64] 1er avril 2005 : 04 CRD 045

[65] Mais en présence d’une demande en réparation vraisemblablement antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2004. Sur la question de l’application dans le temps des nouveaux cas d’exclusion introduits par la loi cf. Rapport Commission de suivi de la détention provisoire, novembre 2005, p. 34 et s.

[66] 24 juin 2005 : 04 CRD 057

[67] 31 mars 2006 : 05 CRD 056

[68] Soit 2000 euros

[69] Soit 6000 euros.

[70] 5 décembre 2005 : 05 CRD 026, Bull. crim. 2005 CNRD n° 15 p.63

[71] Rapport Commission de suivi de la détention provisoire juin 2004, p. 42-43 ; novembre 2005, p. 38-39

[72] 2mai 2006 : 04 CRD 034

[73] 21 octobre 2005 : 04 CRD 013, Bull. crim. 2005 CNRD n° 8 p.31

[74] 14 décembre 2005 : 05 CRD 045, Bull. crim. 2005 CNRD n° 16 p.68

[75] 26 juin 2006 : 05 CRD 008

[76] 21 octobre 2005 : 05 CRD 005, Bull. crim. 2005 CNRD n° 9 p.36

[77] 20 février 2006 : 05 CRD 055, Bull. crim. 2006 CNRD n° 4 p. 10 ; 05 CRD 048 ; 29 mai 2006 : 05 CRD 082

[78] 14 décembre 2005 : 05 CRD 045, Bull. crim. 2005 CNRD n° 16 p.68

[79] 1er avril 2005 : 04 CRD 039 : Bull. crim. 2005 CNRD n° 4 p.11

[80] Rapport Commission de suivi de la détention provisoire, juin 2004, p. 43 à 46

[81] 21 octobre 2005 : 04 CRD 010, Bull. crim. 2005 CNRD n° 7 p.27

[82] 1er avril 2005 : 04 CRD 039, Bull. crim. 2005 CNRD n° 4 p. 11(perte de poids de 15 kgs) ; 5 décembre 2005 : 05 CRD 025

[83] 21 octobre 2005 : 04 CRD 051 (infarctus subi un mois avant le placement sous mandat de dépôt)

[84] 26 juin 2006 : 06 CRD 003 (pathologie psychique, probablement très ancienne, qui s’est décompensée lors de l’incarcération)

[85] Rapport Commission de suivi de la détention provisoire, juin 2004, p. 44 à 46

[86] 23 septembre 2005 : 05 CRD 004 (maison d’arrêt Saint-Michel à Toulouse), 20 février 2006 : 05 CRD 055, Bull. crim. 2006 CNRD n° 4 p. 10 (maison d’arrêt de Caen en 2003) ; 29 mai 2006 : 05 CRD 077 (maison d’arrêt de Nancy en 2000)

[87] 29 mai 2006 : 05 CRD 076

[88] 23 septembre 2005 : 04 CRD 056, 21 octobre 2005 : 04 CRD 054, 20 février 2006 : 05 CRD 007

[89] 20 février 2006 : 05 CRD 055, Bull. crim. 2006 CNRD n° 4 p.10

[90] 23 septembre 2005 : 04 CRD 004 ; 14 novembre 2005 : 05 CRD 018, 05 CRD 019, 05 CRD 020

[91] 14 novembre 2005 : 05 CRD 020, 2 mai 2006 : 05 CRD 070

[92] 14 décembre 2005 : 05 CRD 044

[93] 31 mars 2006 : 05 CRD 057

[94] 29 mai 2006 : 05 CRD 080 et 05 CRD 082, 26 juin 2006 : 06 CRD 009

[95] 26 juin 2006 : 06 CRD 002

[96] Rapport Commission de suivi de la détention provisoire, novembre 2005, « Contrôle de la détention provisoire et détention provisoire injustifiée », p. 67 et s.

[97] 23 septembre 2005 : 04 CRD 006

[98] Cf. supra. p. 35

[99] Jean-Paul Dupertuys « Les critères de calcul de l’indemnité dans la jurisprudence de l’ancienne Commission de l’indemnisation des détentions provisoires », Bull. inf. C. cass. 15 février 2002 p.20

[100] CNRD 11 juin 2004 : 03 CRD 071, Bull. crim. 2005 CNRD n° 4 p.9

[101] CNRD 6 mai 2003 : 02 CRD 082P, Bull. crim. 2005 CNRD n° 6 (2) p.13

[102] Rapport de la Cour de cassation 2005 : « Activité de la Commission nationale de réparation des détentions »

[103] Rapport de la Commission de suivi de la détention provisoire, novembre 2005, « Contrôle de la détention provisoire et réparation de la détention provisoire injustifiée », p.70

[104] 7 mars 2005 : 04 CRD 037

[105] 13 mai 2005 : 04 CRD 046, Bull. crim. 2005 CNRD n° 5 p.17

[106] Rapport de la Cour de cassation 2005 précité et audition de M. le conseiller Paul Chaumont par la Commission de suivi de la détention provisoire du 13 juin 2006

[107] Cf. toutefois 1er avril 2005 : 04 CRD 036 où le détenu provisoire n’avait pas fait l’objet d’un mandat de dépôt lors d’une mise en examen postérieure pour les faits ayant ensuite donné lieu à condamnation

[108] 6 octobre 2003 : 03 CRD 003

[109] 4 avril 2003 : 02 CRD 092, Bull. crim. 2003 CNRD n° 5 p. 10 ; rapports Commission de suivi de la détention provisoire, juin 2004, p. 43-44 et novembre 2005, p.40

[110] 2 mai 2006 : 05 CRD 065 et 05 CRD 066

[111] 26 juin 2006 : 06 CRD 008

[112] 21 octobre 2005 : 04 CRD 032 (détention d’un moi subie cinq ans auparavant)

[113] 17 janvier 2005 : 04 CRD 020, Bull. crim. 2004 CNRD n° 1 p.1

[114] 21 octobre 2005 : 04 CRD 001, Bull. crim. 2005 CNRD n° 10 p. 40 et 5 décembre 2005 : 05 CRD 017

[115] 26 juin 2006 : 06 CRD 008

[116] 2 mai 2006 : 05 CRD 065 (prise en charge par une association en vue d’une désintoxication) et 05 CRD 066 (diplômes passés en vue de la réinsertion)

[117] 23 septembre 2005 : 04 CRD 056 et 05 CRD 006 ; 21 octobre 2005 : 05 CRD 012 et 04 CRD 051 ; 5 décembre 2005 : 05 CRD 022 ; 14 décembre 2005 : 05 CRD 033

[118] 26 juin 2006 : 05 CRD 079

[119] Rapport de la Commission de suivi de la détention provisoire, juin 2004, p. 42 ; novembre 2005, p. 37-38

[120] 5 avril 2004 : 03 CRD 045

[121] 13 mai 2005 : 04 CRD 050 ; 21 octobre 2005 : 04 CRD 013, Bull. crim. 2005 CNRD n° 8 p.31

[122] 29 mai 2006 : 05 CRD 082

[123] 2 mai 2006 : 05 CRD 070

[124] 31 mars 2006 : 05 CRD 028

[125] 2 mai 2006 : 05 CRD 062

[126] Proposition de loi visant à assurer l’indemnisation par l’Etat des enfants mineurs de personnes victimes d’erreurs judiciaires déposée par M. Marc Laffineur et alii, enregistrée à l’Assemblée nationale le 28 juin 2006, qui envisage de compléter l’article 149 du code de procédure pénal par un alinéa ainsi rédigé : « Les enfants mineurs, au moment des faits, de la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive, ont droit, dans les mêmes formes et aux mêmes conditions, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que leur a causé la détention de l’un de leurs parents ou de l’une des personnes qui assurait leur entretien et leur éducation. »

[127] Cf supra sur les cas d’exclusion de la réparation : 10 janvier 2006 05 CRD 013 et 5 décembre 2005 : 05 CRD 017, Bull. crim. 2005 CNRD n° 14 p.57

[128] Le Monde du 3 juin 2006

[129] 29 mai 2006 : 05 CRD 072

[130] Une autre décision de la même date : 29 mai 2006, 05 CRD 073 en atteste à propos d’un détenu provisoire - frère du précédent - auquel a été refusée , comme n’étant pas personnel, la réparation du préjudice matériel lié au soutien financier apporté ...par son père

[131] 7 mars 2005 : 04 CRD 043

[132] 2 mai 2006 : 05 CRD 062

[133] 26 juin 2006 : 05 CRD 079

[134] Rapport Commission de suivi de la détention provisoire : juin 2004, p. 36 ; novembre 2005, p.43

[135] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[136] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[137] 5 décembre 2005 : 05 CRD 016 (19 000 euros contre 36 000 en première instance) ; 14 décembre 2005 : 05 CRD 053, Bull. crim. 2005 CNRD n° 19 p. 80 (irrecevabilité de la requête en réparation/3900 euros en première instance)

[138] 10 janvier 2006 : 05 CRD 013, Bull. crim. 2006 CNRD, n° 1 p.1

[139] 31 mars 2006 : 05 CRD 057 (50 000 euros contre 24 000 en première instance) ; 2 mai 2006 : 05 CRD 071 (6400/ 3000), 05 CRD 062 (11000/5340) ; 26 juin 2006 : 06 CRD 006 (70 000/30 000), 06 CRD 008 (11700/5400)

[140] 31 mars 2006 : 05 CRD 060 (23 800 euros contre 7000 en première instance) ; 2 mai 2006 : 05 CRD 067 (7700/1600) ; 29 mai 2006 : 05 CRD 078 (10 000/1000)

[141] Annuaire statistique de la Justice 2006 p. 128 Les chiffres clés de la Justice octobre 2006 p.35

[142] Loi organique relative aux lois de finances

[143] Notes du Secrétaire général du ministère de la justice du 24 mai 2006 et du Directeur des services judiciaires du 4 août 2006

[144] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral