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3ème partie : La pratique de la détention provisoire : tendances de long terme, évolutions conjoncturelles

Mise en ligne : 19 mai 2007

Texte de l'article :

TROISIEME PARTIE LA PRATIQUE DE LA DETENTION PROVISOIRE : TENDANCES DE LONG TERME, EVOLUTIONS CONJONCTURELLES

Le contexte des nombreuses réformes législatives de la détention provisoire évoquées précédemment a varié. Depuis le début des années 1970, chacune d’entre elles a cependant été, au moins en partie, justifiée par la situation pénitentiaire.
L’argument statistique le plus souvent évoqué s’appuie sur la proportion de prévenus au sein de la population carcérale à un moment donné. L’importance de cette proportion est alors considérée comme l’une des causes du niveau ou de l’évolution de la population incarcérée dans la période considérée.
Cette approche statistique de la détention provisoire est insuffisante. Simple d’apparence, l’indicateur utilisé peut avoir une signification bien différente de celle qu’on lui attribue de prime abord. Et, surtout, son défaut est de ne pas restituer la place de la détention provisoire dans l’ensemble du processus judiciaire.

1 - Sources statistiques pénitentiaires : une vue en trompe l’oeil
Au 1er janvier 2003, la proportion de prévenus dans l’ensemble de la population pénitentiaire était de 37,6 %. Au 1er janvier 2002, cette proportion était de 33,2 %, dix ans plus tôt, au 1er janvier 1992, elle était de 40,7 % et de 49,9% dix ans plus tôt encore, au 1er janvier 1982.
Le premier risque d’erreur dans l’interprétation de ces chiffres vient de la définition du détenu prévenu. Selon la catégorisation de la statistique pénitentiaire, est compté comme prévenu le détenu qui n’est pas encore condamné définitivement.
L’emploi de cette définition est justifié dans le cadre de la gestion de la population carcérale, puisque le statut de prévenu entraîne certaines conditions de détention. Juridiquement, ce statut est applicable au détenu tant que sa condamnation n’est pas définitive. Cet emploi est justifié aussi dans la perspective des comparaisons statistiques internationales -principalement européennes [1]- pour lesquelles ce critère de détenu non condamné définitivement semble être le seul à pouvoir dépasser les particularismes juridiques, importants en matière de détention avant jugement.
Du point de vue de la procédure pénale, cette façon de compter mélange ce qui relève de situations tout à fait distinctes : être détenu avant un premier jugement et être détenu pendant l’examen du recours contre un jugement ou arrêt de condamnation. Et en effet, l’importance de cette proportion de prévenus détenus est mise un peu trop facilement entièrement au passif du système français de l’instruction car pour une part non négligeable, le temps de détention provisoire est imputable à l’attente du jugement et non à la procédure d’instruction.
Ces arguments méritent d’être étudiés avec soin. Toutes choses égales par ailleurs, un allongement des délais de jugement, que ce soit pour un premier jugement après instruction ou pour un jugement en appel, provoquera bien un accroissement de la durée de détention sous le régime de détenu prévenu. Au 1er janvier 2003, pour les établissements pénitentiaires de métropole, près d’un détenu prévenu sur cinq était en attente de jugement soit après une instruction terminée (11,9 %) soit après appel d’un premier jugement ou pourvoi en cassation (8,4 %).
Une imprécision demeure quant à ceux qui font l’objet d’une procédure de comparution immédiate (7,3 %) dont on ne sait s’ils sont en attente de jugement ou déjà condamnés mais encore dans le délai d’appel. Restent donc quand même 72,3 % des détenus « prévenus » qui, à cette date, font l’objet d’une instruction en cours, ce qui représente donc 27,6 % des détenus à cette date. Même avec cette précision [2], une diminution ou une augmentation de cette proportion ne signifie pas en soi une diminution ou une augmentation du recours à la détention provisoire.
De façon générale, l’effet de perspective lié à la mesure du poids de la détention provisoire par la proportion de détenus prévenus dépasse la seule question de la définition du détenu prévenu. Il reflète la complexité de la dynamique de la population carcérale dont le volume et la composition à un moment donné résultent de la combinaison d’un nombre d’entrées et d’une répartition des détentions selon leur durée.
Ainsi, toutes choses égales par ailleurs - donc à utilisation égale de la détention avant jugement- une augmentation de la durée des peines prononcées et exécutées provoque avec un certain délai une augmentation du nombre de détenus condamnés et donc une diminution de la proportion de prévenus. La baisse évoquée plus haut (la moitié des détenus sont des prévenus en 1982, ils ne sont « plus » que le tiers en 2002) relève très largement de ce processus. Ou encore, la libération anticipée (grâces collectives, amnisties) de condamnés a l’effet inverse, ce qui est visible surtout sur les courbes mensuelles (le point « élevé » de 1982 suivait une amnistie). Pourtant ni dans un cas ni dans l’autre, la situation n’a changé -par hypothèse- quant à l’usage de la détention provisoire.
Une raison favorise sans doute l’utilisation de cet indicateur malgré ces inconvénients bien repérés : c’est la seule donnée disponible quasiment en temps réel sur le sujet. Diffusé tous les mois, cet indicateur pourrait l’être tous les jours ! Et de plus, même si cela ne signifie pas grand chose, un dénominateur (l’effectif de la population carcérale) existe auquel rapporter la série supposée décrire la détention provisoire (nombre de détenus prévenus). Et il va justement apparaître, avec la mobilisation d’autres sources, que la difficulté est bien souvent de trouver à quoi rapporter les indicateurs disponibles sur l’usage de la détention provisoire pour en apprécier l’intensité.
On peut penser alors que l’étude des « flux » d’entrées en prison lève en bonne partie ces objections. Le total des entrées donnerait une référence comme dénominateur décrivant l’ensemble des cas où on pourrait observer la détention provisoire [3]. On obtient alors la proportion de prévenus parmi les entrants. La statistique pénitentiaire dite trimestrielle permet de distinguer les prévenus entrant dans le cadre d’une instruction de ceux qui entrent dans le cadre d’une comparution immédiate (avant ou après jugement). Le mouvement observé pour les entrées (« flux ») sur le long terme n’est pas le même que celui indiqué par la série dite des « stocks ». En particulier, la forte diminution observée entre 1982 et 2002 laisse place à des variations plus cycliques (graphique 1). Le phénomène le plus marquant est la compensation qui s’opère entre les entrées découlant de mandats de dépôt instruction et les entrées décidées dans le cadre d’une instruction (graphique 2). On reviendra plus loin sur cette tendance, examinée du point de vue de l’orientation des affaires au parquet.

Graphique 1 Incarcérations en France métropolitaine : nombre annuel d’entrées

Graphique 2 Prisons françaises (métropole) : répartition des entrées annuelles selon le statut pénal [4]

Mais de nouveau les catégories statistiques -ou plutôt leur intitulé- risquent de conduire à des interprétations un peu abusives. Soit par exemple deux situations où le placement initial en détention provisoire se produit avec la même fréquence. Mais dans un cas les détenus restent tous en prison dans l’attente de leur jugement et n’en sortent qu’après avoir purgé leur peine, dans l’autre cas tous les détenus prévenus sont remis en liberté avant le jugement et ne sont incarcérés ensuite que si leur condamnation (devenue définitive) dépasse le temps de détention provisoire pour purger le reste de leur peine. Dans la seconde situation - toutes choses égales par ailleurs - il y aura plus d’entrées en prison (des condamnés étant entrés deux fois pour la même affaire) et proportionnellement plus d’entrées de condamnés. Une forme d’usage moindre de la détention provisoire ? Peut-être, mais en tout cas différente de ce qui serait obtenu avec moins d’incarcérations avant jugement.
Cet exemple n’a de nouveau pas été pris au hasard : la croissance significative des mises en liberté avant jugement dans le cadre de l’instruction ayant été un des traits marquants de l’évolution de long terme de la pratique des juges d’instruction comme on le verra. Ceci peut être à l’origine d’une augmentation des entrées de prévenus condamnés, sans que pour autant ces condamnés aient été préservés totalement des inconvénients de la détention provisoire.
Cette première esquisse réalisée selon l’optique des seules statistiques pénitentiaires permet de comprendre qu’une évaluation en profondeur de l’utilisation de la détention avant jugement ne peut pas faire l’économie d’une analyse beaucoup plus large. Le recours à la détention avant jugement doit être observé et resitué dans le cadre des décisions de poursuite, dont la dynamique d’évolution est visible seulement avec un certain recul dans le temps.

2 - Sources statistiques judiciaires : les choix de procédure au parquet
Le placement en détention avant jugement définitif d’une personne suspectée d’être l’auteur d’une infraction pénale est conditionné par les choix de procédure faits par le parquet au moment de l’engagement des poursuites. L’évolution de la fréquence de la détention avant jugement sera mise en perspective par rapport à ces choix.

2.1 - Une évolution durable : la baisse du recours à l’instruction
Tableau 1 : Evolution des poursuites décidées par le parquet [5]

La baisse de la part des affaires soumises à l’instruction dans l’ensemble des affaires poursuivies est une tendance de très long terme, commencée dès le milieu du XIXe siècle. Depuis le début des années 1960 et jusqu’au milieu des années 1980 (tableau 1), on peut dire que cette évolution résulte, au-delà des variations annuelles, du maintien du nombre des affaires soumises à l’instruction entre 65 000 et 70 000 affaires par an, alors que le nombre d’affaires poursuivies augmente. À partir du milieu des années 1980, on observe une baisse régulière du nombre absolu d’affaires soumises à l’instruction sur fond de stagnation ou de légère baisse des affaires poursuivies [6].
Cette évolution est d’autant plus remarquable qu’on assiste dans les trente dernières années à une croissance par paliers successifs des affaires poursuivies finalement devant les cours d’assises, donc nécessairement après instruction. Ces affaires restent bien moins fréquentes que les affaires poursuivies devant le tribunal correctionnel. Mais par l’effet de ces mouvements contradictoires (baisse des affaires soumises à l’instruction, hausse des jugements par les cours d’assises), du point de vue des juges d’instruction, ces affaires criminelles occupent maintenant de façon très nette une plus grande part de leur activité (cf. 3.1).

2.2 - Un mouvement corollaire : la hausse de la comparution immédiate
La baisse du nombre absolu d’affaires soumises à l’instruction est accompagné entre 1985 et 1994 d’une hausse en chiffres absolus des affaires poursuivies en comparution immédiate. Dans l’ensemble des affaires poursuivies par les parquets, ces procédures représentent une part croissante pendant la même période. De 1994 à 2001, un reflux est observé, mais cela ne remet pas en cause la substitution qui s’est produite pour certaines affaires entre l’instruction et la comparution immédiate. D’ailleurs, au niveau des entrées en prison, on a observé que cet effet de substitution se prolonge ensuite (voir tableau 6 en fin de partie).
Cette hausse participe de la mise en place du traitement en temps réel dans la plupart des parquets des juridictions de taille importante. Mais, au-delà de l’objectif de traitement rapide des affaires, le couple instruction avec mandat de dépôt / comparution immédiate reste la façon d’opérer une forme de présélection des personnes les plus susceptibles d’être condamnées à de l’emprisonnement ferme.
Les premières difficultés découlant de la pluralité des sources statistiques commencent ici : depuis 1993, le fichier national des détenus (FND) fournit une autre source pour les entrées dans les établissements pénitentiaires qui ne donne pas les mêmes résultats que la statistique trimestrielle de la population prise en charge en milieu fermé (voir encadré sur la comparution immédiate). Cependant les tendances sont convergentes. Ces difficultés statistiques mettent l’accent sur une lacune : alors qu’en matière de détention avant jugement le parquet joue un rôle fondamental de sélection des cas, il n’existe pas de suivi statistique direct de cet aspect de sa pratique. Ce qui manque est - au minimum - un comptage des personnes déférées au parquet et des décisions prises à leur égard et plus généralement, en complément du comptage des affaires, un comptage des personnes impliquées dans toutes ces affaires mentionnant les décisions prises à leur égard depuis la saisine policière.

Comparution immédiate et statistiques associées
La comparution immédiate ne fait pas l’objet d’une collecte statistique spécifique. Elle est mentionnée dans diverses sources qui laissent apparaître des lacunes.
Les cadres des parquets décrivent la première orientation des affaires : sont comptabilisées les affaires poursuivies en comparution immédiate (CI) et les affaires faisant l’objet d’un renvoi devant le tribunal correctionnel sur procès-verbal du procureur (CPVPR).
Une autre rubrique, toujours dans les cadres des parquets, décompte les affaires jugées par le tribunal correctionnel en CI ou en CPVPR. Entre les deux rubriques il n’y a qu’une différence liée au délai de procédure (en 2000, on compte 31 991 poursuites du parquet en CI et 31 427 jugements en CI). Dans les deux cas sont dénombrées des affaires et non des personnes jugées. Comme il peut y avoir plusieurs prévenus dans une même affaire, les deux unités de compte ne donneraient pas le même résultat. On ne connaît donc pas le nombre de personnes auquel devrait être rapporté le nombre de détentions provisoires décidées dans le cadre des comparutions immédiates.
Au niveau du tribunal correctionnel, toujours dans les cadres du parquet, a été introduit un comptage des mandats de dépôt décernés par la juridiction au cours d’une procédure de CI. La consigne donnée de ne compter que les mandats plaçant le prévenu en détention provisoire (et non les mandats mettant la peine à exécution provisoire) a longtemps été ignorée, ce qui rend la série à peu près inutilisable (on passe de 31 077 mandats de dépôt CI déclarés en 1992 à 14 753 en 2000, baisse qui n’est pas confirmée par les autres sources). L’intitulé de la rubrique précise maintenant qu’il s’agit de détention provisoire.
Les deux sources pénitentiaires indiquent pour les flux d’entrées le nombre de prévenus incarcérés dans le cadre d’une CI. La statistique trimestrielle indique un chiffre nettement plus bas que le Fichier National des Détenus - FND - (20 539 contre 26 147 en 2000) alors même qu’elle dénombre plus d’entrées au total (68 765 en 2000) que le FND (66 449). On peut penser que des mandats du juge délégué ont été omis dans cette rubrique par la statistique trimestrielle qui, en revanche, donnerait un chiffre probablement sur-estimé pour les prévenus faisant l’objet d’une information.
C’est finalement le FND qui donne, mais depuis 1993 seulement, l’indication la plus intéressante en isolant parmi les prévenus incarcérés dans le cadre d’une CI, ceux qui le sont avant le jugement de 1ère instance, soient environ 13 911 prévenus en 2000, ce qui n’est pas trop différent du chiffre des cadres des parquets. On peut retenir ainsi une estimation d’environ 14 000 placements en détention provisoire dans le cadre d’une CI en 2000. Mais sur la base de ces sources, on ne peut calculer la proportion de prévenus jugés en comparution immédiate subissant une détention provisoire avant jugement.
Depuis une étude menée par la direction des affaires criminelles et des grâces et la sous-direction de la statistique, des études et de la documentation, le casier judiciaire est mobilisé pour donner annuellement une estimation du nombre de condamnés en CI ayant subi une détention provisoire avant condamnation. Cette estimation repose sur la durée de procédure : pour les condamnations suivant une détention provisoire, un délai inférieur ou égal à deux mois entre infraction et jugement est supposé impliquer un jugement en CI, un délai plus long un jugement après instruction. Ce qui est probable dans le premier cas au moins. Mais l’estimation obtenue (10 664 en 2000) est notoirement inférieure à ce qu’indiquent les cadres du parquet et le FND (14 000). La différence vient probablement des condamnations en CI suivies d’un appel considérées à tort comme précédées d’une instruction puisque la procédure peut alors facilement dépasser deux mois. Cette estimation conduit à l’inverse à une valeur trop élevée pour les condamnations après détention provisoire instruction (21 662 en 2000, alors que le répertoire de l’instruction donne 16 124 ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel avec détention provisoire préalable).
Dans ces conditions, il est très difficile de dire comment évolue la fréquence du recours à la détention provisoire dans le cadre des comparutions immédiates.

2.3 - Retour vers l’amont : mise en cause, garde à vue et issue de la garde à vue
On peut trouver quelques indications à ce propos dans les statistiques de police qui concernent, rappelons-le, les affaires transmises au parquet pour crime ou délit (donc hors contraventions de 5ème classe comptabilisées au parquet) à l’exclusion des infractions de circulation routière et des infractions relevant d’administrations spécialisées (travail, fisc, douanes...).
A côté des faits constatés et des faits élucidés, cette source dénombre les personnes mises en cause dans ces affaires. Entrent dans cette catégorie les personnes suspectées par les services de police ou de gendarmerie d’être les auteurs des infractions signalées au parquet, à condition qu’elles aient été entendues par procès verbal. La statistique de police enregistre le nombre de gardes à vue décidées dans le cadre des procédures entrant dans son champ. Elle donne aussi le nombre de personnes écrouées après leur présentation à l’autorité judiciaire. Ce dernier indicateur pose des problèmes de définition : à Paris sont comptés comme écroués les mis en cause déférés et retenus au Dépôt, même s’ils sont remis en liberté ensuite. Mais, en l’absence d’autres données concernant la première phase de la procédure, il permet d’entrevoir les évolutions de moyen terme.
De ces séries de la statistique de police, on peut retirer quelques évolutions marquantes (graphiques 3 et 4). La hausse sensible du nombre de personnes mises en cause entre 1993 et 1999 ne concerne que les mineurs. On pourrait invoquer ce résultat pour expliquer la très nette baisse de la proportion de mis en cause comptés comme écroués à l’issue de la procédure policière puisque les mineurs ne peuvent pas - au moins pendant cette période - être placés en détention provisoire pour délit avant 16 ans et qu’il est affirmé que la hausse de la délinquance juvénile concerne les plus jeunes. Ceci ne suffit pas pour expliquer une tendance observée sur une bien plus longue période. La baisse du taux d’écrou qui se prolonge après la mise en application de la loi du 15 juin 2000 ne constitue pas un fait nouveau. En chiffres absolus, c’est une baisse de moitié qui est enregistrée entre 1985 et 2001.
En contraste, le recours à la garde à vue augmente jusqu’en 1998 en proportion des personnes mises en cause [7]. Ensuite la courbe est assez mouvementée, mais en tout état de cause ne descend pas sous le point initial et ne suit donc pas le même mouvement que l’écrou (et probablement le défèrement au parquet) et la proportion de personnes placées sous écrou à l’issue de la garde à vue est finalement en baisse tendancielle au moins jusqu’en 1999.

Statistiques de police [8]
Graphique 3 Mise en cause, gardes à vue, écroues depuis 1974
Graphique 4 Fréquence de la garde à vue et de l’écrou

Le développement de la garde à vue et la baisse du nombre de mis en cause « écroués » sont à relier au développement du traitement direct (ou traitement en temps réel). Selon le protocole usuel, la période de la garde à vue est gérée de façon à pouvoir signifier au prévenu, si le parquet en décide ainsi, une convocation par officier de police judiciaire (COPJ) devant le tribunal correctionnel. Ce mode de comparution a supplanté en quinze ans la traditionnelle citation directe par huissier.
L’un des objectifs, à côté de l’accélération de la réponse judiciaire, était la réduction de la proportion de jugements par défaut. Après une COPJ, si le prévenu ne se présente pas, il est jugé de façon réputée contradictoire et l’éventuelle condamnation peut être mise à exécution. Ce n’est pas le lieu de développer ce point, mais il devait être rappelé car, dans une certaine mesure, la réduction des jugements par défaut - qui a été effective - a pu diminuer les incitations pour le parquet à rechercher un placement en détention provisoire motivé par le manque de garanties de représentation ou à engager des poursuites en comparution immédiate selon la même logique. Si c’est bien le cas, cet effet a été obtenu au prix d’un recours très nettement accru à la garde à vue de 1985 à 1992, puis entre 1996 et 1998.
L’ensemble de ces rétrospectives statistiques indique assez clairement que les modes d’introduction des poursuites pénales depuis la phase policière ont été profondément transformés au cours des trente dernières années. Avant même d’étudier l’impact des réformes successives de la détention provisoire, il s’avère que leur périmètre d’application s’est probablement restreint (baisse des cas soumis à l’instruction) et que des transferts ont eu lieu vers les procédures rapides (comparutions immédiates) et vers l’amont de la procédure (développement des gardes à vue). L’information statistique est dans ce domaine assez lacunaire, surtout en ce qui concerne les décisions prises par le parquet quant aux personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie. Mais de telles évolutions ne doivent pas être perdues de vue lorsqu’on aborde le terrain plus fourni sur le plan statistique de l’activité des juges d’instruction.

3 - L’activité propre des juges d’instruction jusqu’à l’entrée en application de la loi du 15 juin 2000
Trop souvent, le défaut d’analyse soigneuse de la succession des décisions concernant les mesures provisoires conduit à tenir les juges d’instruction - au moins avant l’application de la loi du 15 juin 2000 - pour responsables d’une situation anormale. Or, comme on va le voir, si des lacunes regrettables demeurent dans le dispositif statistique, certaines données disponibles à propos de l’instruction sont relativement sous-utilisées dans les débats sur la détention et permettent de nuancer cette appréciation peu favorable aux juges d’instruction.

3.1 La transformation de la nature des affaires soumises à l’instruction
Il est reste impossible de savoir comment la transformation des contentieux traités, telle qu’elle peut se mesurer au niveau des services de police judiciaire, se traduit dans l’activité des juges d’instruction. Les sources statistiques disponibles à ce niveau ne détaillent pas les types d’affaires concernés au-delà de la distinction crime / délit / contravention. La baisse du nombre d’affaires soumises à l’instruction ne concerne sans doute pas toutes les catégories de la même façon. On peut présumer que les vols qualifiés ont largement cédé la place aux affaires de trafics de stupéfiants et que parmi les atteintes aux personnes, les viols prennent une place croissante [9]. Il est généralement affirmé qu’en matière correctionnelle, l’instruction est de plus en plus réservée aux affaires « complexes », ce qui ne fait pas de doute compte tenu de la définition de la « complexité » à un moment donné. L’alternative de la comparution immédiate est présente pour les affaires en état d’être jugées 48 heures après l’arrestation des auteurs et le critère de simplicité (ou de complexité) est évoqué par le code de procédure pénale lui-même (article 395). Mais, sur plus long terme, ceci entraîne une transformation des pratiques de police judiciaire et une tendance à « construire » des procédures se prêtant au cadre de la comparution immédiate (charges suffisantes, affaire en état d’être jugée), même dans des domaines réputés « complexes ».
D’autre part, alors que le nombre total des affaires instruites baisse, le nombre d’affaires jugées par les cours d’assises augmente. Cette hausse n’est pas très rapide, mais sensible sur le long terme. Ces affaires pour lesquelles l’instruction est obligatoire représentent donc une part croissante de l’activité des juges d’instruction.
Les informations statistiques disponibles à partir du répertoire de l’instruction pourraient le mesurer : elles permettent surtout de découvrir un nouveau phénomène lié à la transformation de la qualification des affaires entre le début et la fin de l’instruction.
En effet, c’est la première qualification qui est retenue par la statistique issue du répertoire de l’instruction et qui sert à répartir les affaires terminées et les personnes mises en examen selon la catégorie de l’infraction, crime ou délit [10]. Selon cette source [11], en 2000, environ 17 % des affaires terminées avaient été ouvertes sur la base d’un réquisitoire introductif pour crime. Si l’on compte en personnes mises en examen, cette proportion est de 15 %. Or finalement, les poursuites criminelles ne représentent que 7 % des mis en examen poursuivis à l’issue de
l’instruction. Cinq ans auparavant, en 1995, ces deux derniers pourcentages étaient respectivement 11 % et 6 %. Ces tendances, relevant de ce qu’on désigne par le terme de « correctionnalisation », ne sont pas sans conséquences sur les règles applicables en matière de détention provisoire : les affaires débutant avec une qualification criminelle impliquent des contraintes de durée de détention provisoire ou de délai de traitement moins restrictives. Si la requalification d’un crime vers un délit n’intervient qu’à la clôture de l’instruction, les délais « butoirs » valables en matière délictuelle auront pu être dépassés [12], ce qui ne sera pas sans conséquence sur les durées moyennes observées pour la détention provisoire (voir III.4.1). Cet exemple montre l’importance que revêt la qualification juridique des faits sur le régime de la détention provisoire.
Une autre conséquence de cette transformation des affaires est la durée moyenne de l’instruction. Toujours selon les données issues du répertoire de l’instruction, la durée moyenne des instructions (durée allant du réquisitoire introductif à la dernière ordonnance de clôture) est passée de 11,6 mois en 1990 à 17,1 mois en 2000. Pour les crimes (selon le réquisitoire introductif), elle est passée de 14,1 mois à 17,7 mois, tandis que pour les délits et contraventions, elle passe de 11,4 à 17,1 mois [13]. On trouve avec cette dernière variation, une conséquence directe du transfert vers la comparution immédiate : les affaires qui restent soumises à l’instruction sont celles qui durent le plus longtemps et la durée moyenne des instructions correctionnelles tend à rejoindre celle des instructions criminelles. Ce qui ne sera pas sans conséquences non plus sur les durées de détention provisoire.

3.2 - Les mesures provisoires décidées pendant l’instruction
Tableau 2 : mesures provisoires décidées au cours de l’instruction [14]

Les résultats statistiques disponibles (tableau 3) indiquent d’abord une très forte proportion de mandats de dépôts décernés par rapport aux demandes du parquet à l’issue de cette procédure. Par ailleurs la stabilité est le constat dominant de 1992 à 1998 pour l’ensemble des décisions. On observe seulement une légère divergence entre le débat contradictoire ab initio (taux de réponse « positive » à la demande du parquet légèrement croissant, jusqu’à plus de 90% en 1998) et le débat différé qui d’ailleurs est en diminution plus rapide (réponse « positive » dans environ 70 % des cas en 1998, mais plutôt décroissant). Il n’y a pas dans ces résultats de quoi confirmer l’hypothèse selon laquelle le débat différé est systématiquement défavorable aux personnes mises en examen, même si cela pouvait être le cas au début. Mais là encore l’instabilité juridique du dispositif à l’approche de la mise en application de la loi du 15 juin 2000 semble avoir des effets importants (cf. 5).
La pratique des juges d’instruction doit aussi être envisagée du point de vue des alternatives à la détention provisoire.
Le contrôle judiciaire ab initio reste significativement moins utilisé que le mandat de dépôt, mais sa proportion par rapport au nombre de mis en examen est en augmentation. En y regardant de plus près, il s’avère que la réduction du nombre de mis en examen n’entraîne pas de baisse durable du contrôle judiciaire ab initio.
Etant donné l’apparente stabilité du ratio de mandat de dépôt, il est difficile de voir dans la croissance du ratio de contrôle judiciaire ab initio la traduction d’une substitution massive du contrôle judiciaire à la détention provisoire.
Les données statistiques sur le contrôle judiciaire soulignent un aspect moins connu de l’application des mesures provisoires dans le cadre de l’instruction. On a relevé dès les années 1980 que cette mesure était de plus en plus utilisée lors de la mise en liberté (alors dite encore provisoire) après un placement en détention provisoire. Cette tendance s’est manifestement renforcée dans les années 1990. A la veille de l’entrée en application de la loi du 15 juin 2000, pratiquement toute ordonnance de mise en liberté accompagne cette décision d’un placement sous contrôle judiciaire.
Ce mouvement accompagne une croissance assez nette de la proportion, parmi les mis en examen placés en détention provisoire, de ceux qui sont remis en liberté au plus tard à la fin de l’instruction : à partir de 1998, plus de la moitié des mandats de dépôt sont suivis d’une mise en liberté. En 1999 et 2000, on relève une très nette diminution des cas de renvoi correctionnel avec maintien en détention (pour 2000, ceci peut relever de l’anticipation des nouveaux délais plus restrictifs, voir 5).
Pour une part, la stabilité semble donc dominer dans les décisions restrictives de liberté au niveau de l’instruction. En terme de fréquence relative, le recours à la détention provisoire reste assez stable. Mais pour une part probablement moins visible, les réformes successives semblent bien avoir eu un effet sur les mises en liberté après une phase de détention provisoire, surtout dans le cas d’un renvoi devant le tribunal correctionnel. Si les prévenus concernés sont ensuite condamnés à une peine d’emprisonnement ferme plus longue que la période de détention provisoire, ceci conduit à fractionner le temps de détention et, sur le plan comptable, à augmenter le nombre de personnes entrant en prison avec le statut de condamné.
Ce qui conduit à regarder de plus près ce qui peut être chiffré quant aux suites du placement en détention provisoire.

4 - Les suites du placement en détention provisoire
4.1 - La durée de la détention provisoire

Chacune des sources statistiques concernant la détention provisoire fournit des éléments à propos de sa durée. Les estimations fournies ne sont pas concordantes en niveau mais elles indiquent toutes un allongement des durées moyennes. Cependant cette multiplicité de données ne permet pas de faire un bilan précis des diverses modifications législatives réduisant les délais de détention provisoire.

Graphique 5 Durée moyenne de détention avant jugement définitif [15]

La statistique pénitentiaire peut être mobilisée pour obtenir une estimation de la durée moyenne de détention avant jugement définitif. Comme pour la durée moyenne totale de détention, on rapporte les stocks aux flux, ce qui donnerait une bonne estimation si la situation était assez stable. Or justement cette estimation ne conduit pas à un constat de stabilité, mais bien à celui d’un allongement significatif.
Selon ce calcul, la durée moyenne de détention avant jugement définitif passe de 2,9 mois en 1980 à 4,3 mois en 2000. Outre la méthode de calcul, ce qui rend imprécise cette évaluation est la définition de l’ensemble des détenus prévenus, puisqu’elle reprend bien sûr la définition pénitentiaire. En particulier, sont inclus dans cette catégorie les condamnés incarcérés immédiatement après un jugement en comparution immédiate (qui resteront « prévenus » au sens pénitentiaire jusqu’à la fin du délai ou de la procédure d’appel) et tous les condamnés attendant un jugement en appel.

La statistique des condamnations permet de calculer des durées moyennes de détention avant jugement avec plus de précision : pour chaque condamnation précédée d’un mandat de dépôt (instruction, comparution immédiate ou autre procédure) la durée de détention avant jugement est calculée par différence entre la date du mandat de dépôt et la date de mise en liberté ou la date de condamnation.
L’ensemble de référence n’est plus le même : les personnes placées en détention provisoire et finalement non condamnées ne sont pas comptées, pas plus que les condamnés incarcérés avant que la condamnation soit définitive. On obtient une durée moyenne de détention avant jugement généralement supérieure à la précédente : en 2000, la durée moyenne de détention avant jugement pour les condamnés définitifs ayant connu cette mesure serait de 5,5 mois selon cette source.
Au-delà de cette divergence, les deux tendances de long terme sont assez voisines et l’augmentation en quinze ans est attestée (graphique 5).
Doit-on conclure à l’inefficacité des réformes concernant la durée de la détention provisoire ? Un supplément d’analyse est nécessaire avant d’en arriver là.
Les données du casier judiciaire permettent déjà d’affiner un peu le constat. La durée moyenne de détention avant jugement est évidemment très différente pour les crimes (23,5 mois en 2000) et pour les délits (4 mois en 2000), surtout dès lors que les détentions avant jugement en comparution immédiate sont incluses pour ces derniers [16]. L’allongement des durées est encore net pour chacune des deux grandes catégories (tableau 4), mais moindre : entre 1984 et 2000, la variation est de +33 % pour les délits et de 12 % pour les crimes mais de 49 % pour le total. Ce résultat vient de la divergence d’évolution des nombres absolus entre crimes et délits et donc de la répartition entre les deux catégories. La durée de détention avant jugement pour les condamnés criminels augmente relativement peu mais leur nombre croît tandis que c’est l’inverse pour les condamnés correctionnels. Cet effet de structure (plus de détention avant jugement pour crime, moins de détention pour délit) explique en gros pour la moitié l’augmentation globale de la durée moyenne de détention avant condamnation définitive.
Par ailleurs, il convient de relier la baisse du nombre de condamnés correctionnels ayant subi une détention avant jugement aux observations concernant les voies de poursuite. Une partie (inconnue) de cette baisse résulte du transfert vers la comparution immédiate sans détention préalable. Si l’on ne peut chiffrer le montant de ce transfert, il y a tout lieu de penser quand même qu’il a porté sur les cas qui engendraient les plus courtes détentions avant jugement. Avec pour résultat une augmentation de la durée moyenne de détention avant jugement pour les délits.
Pour essayer d’en savoir un peu plus, on se tourne alors vers les sources statistiques propres à l’instruction. Les données issues du répertoire de l’instruction comportent des dates (mandat de dépôt, ordonnance de mise en liberté ou date de clôture de l’instruction) permettant en principe le calcul de durées de détention provisoire effectuée dans le seul cadre de l’instruction. Pour l’année 2000, on obtient une durée moyenne de 6,5 mois toutes catégories confondues, soit un niveau supérieur aux estimations précédentes, ce qui est normal puisque maintenant les comparutions immédiates sont exclues. Cette durée moyenne varie selon l’issue de l’instruction : 4,4 mois pour les mis en examen bénéficiant finalement d’une ordonnance de non lieu, 4,3 mois pour les mineurs renvoyés au juge ou au tribunal pour enfants, 5,5 mois pour les mis en examen majeurs renvoyés devant le tribunal correctionnel ; 10,6 mois pour les mineurs et 14,9 pour les majeurs ayant fait l’objet d’une transmission à la chambre d’accusation en vue d’un jugement par la cour d’assises.

Tableau 4 : Durée de la détention provisoire [17]

De ces résultats, on peut au moins déduire l’importance du temps d’attente du jugement pour les détenus provisoires renvoyés devant les cours d’assises : pour les majeurs et les mineurs, la durée moyenne de détention provisoire liée à l’instruction est de 14,7 mois en 2000 selon les données du répertoire de l’instruction et la durée moyenne de détention avant jugement est de 23,5 mois selon les données du casier judiciaire, soit une différence de près de 9 mois représentant - en moyenne - plus du tiers du temps de détention avant jugement.
Le même rapprochement n’est pas directement possible pour les condamnés correctionnels. Pour l’année 2000, l’Annuaire statistique de la Justice propose une estimation [18] de la durée moyenne de la détention avant jugement de 5,8 mois pour les condamnés correctionnels passés par l’instruction. Le rapprochement avec le résultat précédent (5,5 mois de détention provisoire instruction stricto sensu selon le répertoire de l’instruction) montre bien que cette estimation est douteuse [19], ne serait ce qu’en raison des délais d’appel pour certains cas. On pourrait cependant en déduire, vu la marge d’incertitude que présente cette estimation, que les délais d’attente de jugement pour les prévenus correctionnels détenus sont proportionnellement moindres que pour les accusés criminels.
Etablir un diagnostic sur le long terme quant à la durée de la détention provisoire attribuable à l’instruction est encore plus délicat. Le répertoire de l’instruction ne délivre ses résultats que moyennant des estimations dont il est fait mention dans les publications qui s’y réfèrent [20]. Peut-être en conséquence de cela, les séries rétrospectives sont partiellement révisées au fil des années. Si l’on essaie quand même de dessiner une évolution, on peut dire que depuis 1990 la durée moyenne de la détention provisoire instruction a bien augmenté (de 5,3 à 6,5 mois en 2000), mais que l’effet de structure mentionné précédemment joue fortement.
Pour les mis en examen renvoyés en assises, dont le nombre augmente, la durée moyenne est stable (fluctuations entre 14 et 15 mois). Pour les mis en examen renvoyés devant le tribunal correctionnel après ou avec maintien en détention provisoire, dont le nombre diminue, la durée moyenne augmente de 4,5 mois à 5,5 mois.
Sur ce dernier point, durée de la détention provisoire liée à l’instruction en cas de renvoi devant le tribunal correctionnel, les résultats statistiques semblent donc contredire la volonté du législateur. Une évaluation plus précise reste nécessaire étant donné la fragilité des estimations disponibles. Une telle étude devrait reprendre en particulier deux points sur lesquels on dispose d’indices statistiques. D’une part, au cours de cette période 1990-2000, les délais d’instruction ont nettement augmenté selon les indications du répertoire de l’instruction surtout pour les affaires visant initialement des délits (cf. ci-dessus). Une telle augmentation aurait pu avoir des conséquences bien plus lourdes sur la durée de la détention provisoire en l’absence de contraintes légales renforcées (ce dont témoigne probablement la croissance des mises en liberté avant jugement). D’autre part, on a relevé l’augmentation des instructions ouvertes avec une qualification criminelle débouchant sur des poursuites correctionnelles : à cette occasion on a évoqué la possibilité que cette pratique soit un moyen de contourner les seuils « butoirs ». Mais la situation entrevue quant aux délais d’audiencement devant les cours d’assises fournit une autre explication : la correctionnalisation d’affaires criminelles en fin d’instruction est un moyen d’éviter l’asphyxie complète de ces juridictions. En ce cas, l’allongement des durées de détention provisoire liée à l’instruction pour les renvois correctionnels serait une sorte d’artéfact, les affaires correspondantes n’étant pas comparables dans le temps [21].
Ce point précis montre avec force la limite d’une voie purement législative pour le contrôle des durées de détention provisoire. On ne peut déduire de l’allongement observé des durées de détention provisoire que les réformes imposant des délais de plus en plus courts sont restées sans effet. La sélection croissante des affaires soumises à l’instruction explique probablement en bonne part cette évolution et il est aussi manifeste - au-delà de l’incertitude des données statistiques - que la saturation des cabinets d’instruction et des cours d’assises joue un rôle majeur dans cette évolution.

4.2 - Détention provisoire et décision définitive
Deux aspects sont généralement évoqués : d’une part le fait que le placement en détention provisoire prédéterminerait la peine prononcée et, d’autre part, le fait que certaines détentions provisoires ne sont pas suivies de condamnation.
Sur ces deux questions, les sources statistiques restent très partielles (voir annexe 2).

4.2.1 - Pour ceux qui sont condamnés
La statistique issue du casier judiciaire permet en principe de comparer le temps de détention avant jugement avec la peine prononcée. Mais cette possibilité est à nouveau grandement restreinte par l’absence de renseignement sur la procédure suivie.
Les condamnations pour crime ont toutes été précédées d’une information. La majorité des condamnés a été placée en détention provisoire à cette occasion (2672 sur 3202 pour l’ensemble des condamnés en 2000, soit 83 %, et une proportion supérieure si on ne considère que les majeurs (88 % selon le rapport Condamnations 1999 et 2000) .
En 2000, tous ces condamnés criminels ayant subi une détention provisoire n’ont pas été condamnés à une peine privative de liberté : 59 ont bénéficié d’un sursis. Et de plus pour 122 condamnés, la détention provisoire a été plus longue que la peine privative de liberté prononcée. Donc 181 accusés (6,8 %) n’ont finalement pas vu leur détention provisoire « couverte » par la peine.
Les condamnations pour délits sont, dans l’ensemble, évidemment bien moins souvent précédées d’une détention provisoire [22]. Il est indispensable de distinguer les mineurs des majeurs, ce qui n’est pas toujours le cas dans les publications courantes des statistiques de condamnation. De plus, pour les majeurs, on a du mal à distinguer les comparutions immédiates.
Tous condamnés confondus et toutes procédures confondues, en 2000, on compte 32 313 condamnés correctionnels ayant subi une détention provisoire, soit 7,2 % des condamnés. Parmi eux, 13,8 % ne sont pas condamnés à une peine privative de liberté et 9,4 % reçoivent une peine d’emprisonnement ferme ne couvrant pas totalement la détention avant jugement. Donc plus d’une fois sur cinq, le tribunal ne s’estime pas lié par cette détention. Il est à noter cependant que pour les affaires dont on est sûr qu’elles sont jugées en comparution immédiate (durée de procédure inférieure à deux mois), la proportion de peines couvrant au moins la détention avant jugement est supérieure (85 %).
Ces résultats sont probablement une conséquence de la mise en liberté avant jugement des prévenus placés en détention à l’instruction. Les enquêtes ponctuelles montrent que c’est surtout la situation au jugement qui est liée au choix d’un type de peine : les prévenus détenus ou sous main de justice sont assez systématiquement condamnés à une peine ferme privative de liberté, ceux qui ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire après un mandat de dépôt instruction ont déjà plus de chances de se voir condamnés à une peine avec sursis (souvent avec mise à l’épreuve).
Ce point mérite d’être souligné car, même si les sources statistiques sont fragmentaires et manquent de cohérence sur ce point, il ne fait pas de doute que le nombre de prévenus correctionnels jugés détenus après une instruction est devenu récemment de loin inférieur au nombre de prévenus jugés détenus (strictement, c’est-à-dire sous mandat de dépôt) en comparution immédiate.

4.2.2 - Et pour ceux qui ne sont pas condamnés
Combien de personnes sont dans ce cas ? Ce chiffre est nécessaire pour évaluer l’importance relative des saisines des juridictions compétentes en matière d’indemnisation.
Les détentions provisoires suivies d’une ordonnance de non lieu sont dénombrées dans l’une des sources statistiques (répertoire de l’instruction) : en 2000, cette configuration représenterait 760 cas pour la métropole et les DOM. Une autre source (cadres du parquet, fichier de base) indique que dans 260 cas, c’est l’ordonnance de non lieu elle-même qui met fin à la détention provisoire. La statistique pénitentiaire (FND) donne sur ce point un chiffre un peu inférieur (200 libérations suite à un non lieu). Mais c’est bien le premier chiffre (un peu moins de 800) qui est à prendre en compte pour évaluer le nombre de bénéficiaires potentiels d’une réparation.
Pour les acquittements et relaxes, il n’y a tout simplement pas de données disponibles. Les sources relatives à l’instruction ne sont plus concernées et les statistiques pénitentiaires ne décomptent que les prévenus libérés à la suite d’un acquittement ou d’une relaxe : soit 289 en 2000 selon la source FND (annuaire 2002) et 397 selon la source statistique trimestrielle (rapport 2000 de l’administration pénitentiaire). Mais on peut être relaxé ou acquitté après avoir été remis en liberté avant jugement. Et là, il n’y a pas de chiffres disponibles...
La sous-direction de la statistique, des études et de la documentation de la direction de l’administration générale et de l’équipement de la Chancellerie se livre à une estimation, annuelle depuis l’étude sur la détention provisoire, et publiée dans l’annuaire statistique : pour 2000, sont proposées les estimations de 122 cas pour les crimes et 167 pour les délits, donc un total de 289 , ce qui coïncide donc avec le chiffre du FND, ce faisant on ignore purement et simplement le cas des acquittements et relaxes après mise en liberté. Connaissant la fréquence des ordonnances de mise en liberté et des renvois devant le tribunal correctionnel sans maintien et détention, cela ne doit pas être si rare que cela ne soit pas statistiquement intéressant.
Le millier de cas annuels ainsi recensés de détentions provisoires non suivies de condamnation (ordonnances de non lieu, libérations suite à un acquittement ou une relaxe) ne donne qu’une estimation par défaut du nombre de personnes susceptibles de demander une réparation. La comparaison des comptages au niveau des condamnations (environ 35 000 condamnations précédées d’une détention en 2000) et des comptages réalisés au niveau des entrées en prison (environ 39 000 entrées avant jugement selon le FND) laisse la possibilité d’un chiffre supérieur.

5 - Examen des effets à court terme de la loi du 15 juin 2000 en matière de détention provisoire
Le rythme de la production statistique est inégal selon les sources. Au début de l’année 2003, l’ensemble des données utilisées (en dehors de celles qui proviennent du répertoire de l’instruction) est disponible pour l’année 2001. En revanche, pour l’année 2002, seules les données issues de la statistique trimestrielle de la population pénale sont déjà établies. Les statistiques issues des cadres du parquet ne le sont pas encore. Les statistiques issues du casier judiciaire non plus, mais de toute façon celles-ci seront perturbées par l’amnistie présidentielle. Par ailleurs, un certain recul temporel est toujours nécessaire pour apprécier les changements quantitatifs entraînés par une nouvelle législation. Or les dispositions de la loi du 15 juin 2000 ont été significativement modifiées par la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. Cette instabilité juridique se traduit par des mouvements de court terme et des inversions successives dans les séries statistiques. Un peu plus de temps sera nécessaire pour observer d’éventuels changements durables.
Les dispositions de la loi du 15 juin 2000 relatives à la détention provisoire sont entrées en application le 1er janvier après une période de préparation active liée à la mise en place des juges des libertés. Cette période de préparation en 2000 porte la trace visible d’effets d’anticipation. Au cours du premier semestre 2001, la population carcérale a connu une baisse importante mais éphémère qui peut être rapprochée des résultats disponibles pour l’instruction et le jugement. Au cours de l’année 2002, la population pénitentiaire a connu une hausse importante que l’on ne peut encore comparer avec les autres séries statistiques.
Dès l’année 2000, une baisse des affaires mises à l’instruction et surtout des personnes mises en examen est observable encore plus nettement que les années précédentes. Sur l’ensemble de l’année, la proportion de mandats de dépôt reste à son niveau habituel de 40 % : finalement donc, le nombre de mandats de dépôt en 2000 est inférieur à celui de l’année précédente. Mais on observe surtout une forte baisse des renvois devant le tribunal correctionnel avec maintien en détention et inversement une très forte augmentation des renvois sans maintien en détention. En 2000, les mises en liberté par ordonnance spécifique ou à l’occasion du renvoi devant le tribunal correctionnel représentent 70 % des mandats de dépôt. Cette proportion revient ensuite en 2001 à un niveau voisin de celui de 1999.
On peut facilement imaginer que ceci relève de l’apurement d’une situation qui en fin d’année 2000 ne pouvait être prolongée en 2001 sans violer les nouvelles règles concernant les délais. Mais, comme il a été indiqué à propos du régime normal de la succession des décisions sur la liberté, ceci aura conduit à une augmentation du jugement de prévenus libres après une période de détention provisoire au « détriment » des prévenus détenus. Toutes choses égales par ailleurs, ceci aurait pu conduire à moins de condamnations correctionnelles à de l’emprisonnement ferme puisque la comparution libre du prévenu favorise en général le prononcé de peines n’impliquant pas le retour en prison. Ceci ne semble pas le cas puisqu’en 2001, tandis que le nombre de condamnations correctionnelles de majeurs baisse de 5,4 %, le nombre de peines d’emprisonnement ferme les concernant ne baisse que de 2,2 % : il y a donc pour cette année 2001 un léger accroissement de la proportion de peines fermes. Le nombre de condamnations correctionnelles (toutes peines confondues) suivant une détention provisoire baisse quant à lui d’environ 7 %.
L’évolution des décisions résultant des débats contradictoires à propos de la détention provisoire fait apparaître une situation curieuse en 2000. Alors que la fréquence relative des mandats de dépôt finalement décernés ne varie pas, sur fond de baisse du nombre de mis en examen, le nombre de débats contradictoires organisés semble en nette augmentation et les mis en examen laissés en liberté sont proportionnellement plus nombreux. Comme si le parquet anticipait la mise en application de la loi du 15 juin 2000 en demandant plus d’incarcérations et les juges d’instruction en restreignant le recours à cette mesure.
Sur l’ensemble de l’année 2001, la baisse des affaires soumises à l’instruction s’est poursuivi. Le nombre de mandats de dépôt décernés par les juges des libertés est aussi plus bas que le nombre de mandats de dépôt des juges d’instruction en 2000 (voir tableau 2). Comment apprécier la fréquence de ces mandats de dépôt ?
La loi a introduit aussi le statut de témoin assisté. Certaines personnes ayant été placées dans cette catégorie auraient peut-être été mises en examen auparavant. La baisse du nombre de mis en examen (ab initio ou après avoir été témoin assisté) va donc plus loin que celle liée au moindre nombre d’affaires transmises aux juges d’instruction. Le nombre moyen de mis en examen par affaire qui variait autour de 1,5 les années précédentes est réduit à 1,2 en 2001. D’où une apparente plus grande fréquence des mandats de dépôt décernés par les juges des libertés et de la détention en 2001 (près de 45 %). Mais si on rapporte le nombre de mandats de dépôt des juges des libertés et de la détention à l’ensemble des mis en examen et témoins assistés, cette fréquence des mandats de dépôt se retrouve au même niveau que pendant la période précédente, environ 40%. Donc de ce point de vue, l’introduction du juge des libertés et de la détention ne semble entraîner que la poursuite du mouvement antérieur : s’il y a effectivement moins de mandats de dépôt dans le cadre de l’instruction en chiffres absolus, c’est par suite d’une diminution du nombre d’affaires et de personnes susceptibles d’y être soumises, mais l’introduction du juge des libertés et de la détention n’a pas rendu proportionnellement moins fréquent le recours à la détention provisoire dès lors que le juge d’instruction est saisi. En tout cas pas de façon massive. D’ailleurs ceci est confirmé par le résultat des débats contradictoires : en 2001, la fréquence relative des mandats de dépôts à l’issue de ces débats devant le juge des libertés et de la détention revient au niveau des années antérieures observé pour les débats devant le juge d’instruction, après l’écart observé en 2000. Cette fréquence est légèrement plus élevée qu’avant pour le débat contradictoire ab initio, mais plus faible pour le débat différé.
Ce constat, comme celui fait quant à l’effet sur longue période des réformes de la détention provisoire serait plus assuré si l’on pouvait tenir compte des changements éventuels dans la nature des infractions et des affaires concernées.
Cumulés, les effets de long terme et les effets conjoncturels pèsent fortement à la baisse sur l’évolution de la population carcérale, et finalement plus en 2000 et début 2001 que par la suite. Ce qui peut, toutes choses égales par ailleurs, s’expliquer par l’introduction d’un report d’incarcérations : les mis en examen qui n’ont pas été incarcérés dès le début de l’instruction ou qui ont été libérés avant le jugement (renvoi sans maintien en détention) subissent, s’ils sont condamnés à des peines plus longues que la détention provisoire, un retardement dans l’exécution de leur peine. Ce report pourrait expliquer en partie que la baisse des incarcérations du début de l’année 2001 ait vite été compensée.
Les résultats statistiques ne sont disponibles pour l’année 2002 qu’en matière pénitentiaire avec statistique trimestrielle du milieu fermé. Cette source fait état d’une très brusque croissance de la population carcérale qui semble surtout liée à la croissance des entrées. Pour l’ensemble de l’année 2002, comparé à 2001, le nombre d’entrées augmente de 22 % globalement, de 26 % pour les prévenus « instruction » et 27,3 pour les comparutions immédiates. Les entrées de condamnés augmentent de 11,7 %. Il est difficile d’apprécier cette croissance en l’absence de résultats pour les voies de poursuite au parquet, pour l’instruction et pour les condamnations. Seule la statistique de police, pour laquelle quelques chiffres globaux ont été rendus publics [23], donne un terme de comparaison : le nombre de personnes mises en cause majeures a augmenté de 10,5% de 2001 à 2002 et le nombre mis en cause déclarés écroués a augmenté de 21 %. Il s’agit donc d’un retournement de tendance concernant au premier chef l’incarcération de prévenus, au sens pénitentiaire et judiciaire.
L’augmentation est du même ordre pour les prévenus « instruction » et les prévenus « comparution immédiate ». Mais pour les premiers, l’année 2001 représentait un niveau particulièrement bas comme on l’a vu, et surtout lié à la baisse du nombre d’instruction. Entre 2000 et 2002, le nombre d’incarcérations concernant des mis en examen (instruction) a augmenté de 4,5 %. En revanche, dans le même temps, le nombre d’incarcérations décidées dans le cadre d’une comparution immédiate a augmenté de 32,4 %. La succession des deux réformes législatives (celle du 15 juin 2000 et celle du 9 septembre 2002) a donc probablement favorisé un nouveau regain des comparutions immédiates et des incarcérations qui les accompagnent. En terme de flux pénitentiaires, l’année 2002 représente un record sur les trente dernières années pour cette catégorie.
Le 1er janvier 2003, la population pénitentiaire retrouve le niveau qu’elle avait au 1er janvier 1996. En un an, du 1er janvier 2002 au 1er janvier 2003, la croissance du nombre de prévenus détenus fait passer leur proportion dans la population carcérale de 33,2 % (minimum observé sur 20 ans) à 37,6 % et ce sont bien les prévenus en cours d’instruction (environ 3 800 détenus prévenus de plus entre le 01.01.2002 et le 01.01.2003, soit +33%) ou dans le cadre d’une comparution immédiate (+569 entre 2002 et 2003, soit +62 %) qui en sont la raison. Le nombre de condamnés détenus augmentent un peu moins rapidement sur cette période (environ 2100 détenus de plus soit + 6,4 %), l’augmentation étant concentrée sur des peines relativement courtes (+13% pour les peines de 6 mois à moins d’un an, +22% pour les peines de 1 à 3 ans). En revanche, les détenus prévenus en attente de comparution après une instruction sont en nombre stable, de même que les condamnés à des peines de 3 ans et plus [24]. L’ensemble de ces données converge vers le constat d’une reprise de la croissance de la population pénitentiaire par la croissance des flux d’entrée de détenus incarcérés avec le statut de prévenus (instruction et comparution immédiate).

Tableau 5 : Qualification de l’infraction au moment du réquisitoire introductif
Tableau 6 : Entrées en prison selon la catégorie pénale [25]

Notes:

[1] Voir rapports SPACE

[2] Cette catégorisation ne permet pas d’isoler le cas des détenus prévenus dans le cadre d’une affaire en cours mais purgeant par ailleurs une peine d’emprisonnement ferme prononcée par un jugement antérieur. Ils bénéficient du régime de prévenu au sens pénitentiaire mais sont comptabilisés par la statistique dans la catégorie des condamnés

[3] Même ici il y a une difficulté puisque toutes les incarcérations ne concernent pas des infractions pouvant justifier une détention avant jugement. Il faudrait donc pouvoir retirer du dénominateur (total des incarcérations) les mises à exécution de peines prononcées pour des infractions où la détention provisoire est impossible. Mais cette rigueur pourrait faire encore illusion car la qualification des infractions peut changer et change probablement en cours de procédure (cf. 3.1)

[4] Incarcérations en France métropolitaine : nombre annuel d’entrées

[5] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[6] Le nombre de citations directes devant le tribunal correctionnel baisse significativement en 1986 une première fois, puis en 1992-1993 une seconde fois. Ces baisses sont principalement dues à la dépénalisation de certaines infractions (chèques sans provision en 1992) ou à leur transformation en contraventions (infractions de circulation routière ou en matière de transports publics). La prise en compte de cette modification législative conduit à estimer que les poursuites correctionnelles restent à un niveau assez stable entre 1984 et 1994 (voir Burricand , Timbart O., Infractions sanctionnées, peines prononcées, dix ans d’évolution, Infostat Justice n°47, décembre 1996)

[7] Ce mode de calcul est approximatif car avant la loi du 15 juin 2000, la garde à vue peut concerner des personnes entendues comme témoin et donc non comptées parmi les mis en cause. On pourrait plus précisément parler de ratio de garde à vue

[8] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[9] Ceci étant supposé à partir des statistiques de police et des statistiques de condamnations qui montrent des mouvements parallèles. En revanche, on manque de toute indication pour l’évolution de la part des affaires économiques et financières dans l’activité des cabinets d’instruction

[10] Mais pas comme on l’a dit selon la nature d’infraction détaillée

[11] Les chiffres cités sont repris de l’Annuaire statistique de la Justice. Voir aussi le tableau 5 à la fin de cette partie

[12] Dans cette hypothèse d’un renvoi devant le tribunal correctionnel au terme d’une instruction criminelle, le maintien en détention reste possible tout en passant au régime applicable à partir de ce moment aux personnes poursuivies pour délit

[13] Quelques centaines d’instructions pour recherche des causes de la mort ont une durée moyenne moindre

[14] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral]

Sur le long terme, la baisse du nombre de personnes mises en examen s’accompagne de la baisse des mandats de dépôt instruction (tableau 2). On a pu dire à juste titre que c’est plutôt l’évitement de l’instruction qui a entraîné la baisse de ces mandats de dépôt. En effet, la proportion de mis en examen placés sous mandat de dépôt est étonnamment stable, ne s’écartant pas durablement de 40 % depuis le début des années 1990 et ceci jusqu’à l’année 2000.
Cette relative stabilité peut étonner en effet, car la limitation du recours à l’instruction pourrait réserver cette voie à des cas où le mandat de dépôt est plus probable. Une certaine prudence d’appréciation s’impose cependant, la transformation des contentieux pouvant avoir l’effet inverse : des affaires de plus en plus complexes, cela peut vouloir dire en particulier un nombre moyen de mis en examen par affaire en augmentation et donc une augmentation du nombre de complices ou de co-auteurs pour qui le mandat de dépôt n’est pas requis. Cet effet semble bien jouer pour certaines années où le ratio nombre de mis en examen par affaires est élevé et la proportion de mandats de dépôt plutôt basse (1993 et 1994 notamment). Et cette remarque pourra d’ailleurs être utile pour apprécier les chiffres de 2001 et les suites de la mise en oeuvre de la loi du 15 juin 2000.
La statistique issue des cadres du parquet permet d’étudier encore plus en détail l’application des réformes en matière de détention provisoire. L’introduction du débat contradictoire a été décrite par les personnes entendues par la commission comme une étape marquante dans cette longue histoire.

Tableau 3 : Résultats du débat contradictoire [[voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[15] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[16] On voit combien l’intérêt de cette source statistique est diminué par l’impossibilité de distinguer les condamnations selon la procédure de jugement et le gain que représenterait la possibilité de l’utiliser pour mesurer avec précision les durées de détention avant jugement pour les condamnations après instruction correctionnelle

[17] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral

[18] Estimation fondée à nouveau sur l’hypothèse que les condamnations montrant un délai de procédure inférieur ou égal à deux mois (et celles-là seulement) sont prononcées en comparution immédiate. Ceci conduit vraisemblablement à sous-estimer la durée moyenne des détentions avant jugement correctionnel pour les cas passés à l’instruction

[19] Elle suppose un délai moyen d’attente de jugement de neuf jours !

[20] Ces estimations sont rendues nécessaires pour compenser une collecte incomplète des données (informations transmises seulement partiellement par certaines juridictions et complètement manquantes pour quatre tribunaux de grande instance de la région parisienne)

[21] Ceci pourrait expliquer ainsi que selon le casier judiciaire pour l’année 2000, les détentions avant condamnation définitive d’une durée supérieure ou égale à un an sont plus nombreuses pour les condamnés pour délit (2 473) que pour les condamnés pour crime (2 180), ce qui n’était pas le cas en 1984 (1 413 pour les condamnés pour délits, 1 754 pour les condamnés pour crimes)

[22] Ici, comme pour les incarcérations, on devrait tenir compte (en les excluant) des infractions pour lesquelles la détention provisoire n’est pas possible. On observerait peut-être alors des condamnations précédées d’une détention pour des infractions qui ne le justifient pas, ce qui serait une nouvelle indication à propos du processus de qualification des poursuites

[23] Conférence de presse du 13 janvier 2003, ministère de l’Intérieur

[24] Cette stabilité pour la période 2002 peut n’être que provisoire et l’effet d’une croissance à l’entrée reporté en raison des durées moyennes de détention pour ces catégories

[25] voir les tableaux dans le sommaire - dossier intégral