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Date : 5-12-2008

Avis sur le projet de loi pénitentiaire

Mise en ligne : 9 décembre 2008

Texte de l'article :

COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE
DES DROITS DE L’HOMME
Avis sur le projet de loi pénitentiaire
(Adopté par l’Assemblée plénière du 6 novembre 2008)

La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) a été saisie par le Gouvernement du projet de loi pénitentiaire et s’en félicite.

En effet, la CNCDH s’est investie de longue date sur les questions des conditions de détention et des sanctions pénales, mobilisant le pluralisme et la pluridisciplinarité de ses membres et notamment nombre de syndicats, associations et avocats intervenant en milieu pénitentiaire, ainsi que des représentants des autorités publiques - l’administration pénitentiaire en particulier [1]. Les travaux de la CNCDH ont conduit à des études approfondies assorties de recommandations concrètes qui ont vocation à constituer les orientations d’une loi pénitentiaire destinée à modifier en profondeur les conditions de vie en détention, ainsi que les peines alternatives à la prison et les aménagements de peine.

La CNCDH formule le présent avis au regard du projet de loi tel qu’adopté en Conseil des Ministres le 28 juillet 2008 et déposé le même jour sur le bureau du Sénat. Cependant, la CNCDH n’a pas manqué de noter que le projet se distingue significativement de l’avant-projet transmis pour avis au Conseil d’État sur la base duquel elle avait été saisie le 18 juin 2008.

Si certains des changements intervenus semblent avoir été motivés par les remarques formulées par le Conseil d’État, la CNCDH s’interroge sur la raison d’être d’autres modifications substantielles qui touchent à la structure et au contenu de la loi, et affectent dès lors sa nature. Par ailleurs, constatant que le projet de loi prévoit que de nombreuses dispositions seront prises par voie réglementaire, la CNCDH souhaite, d’une part, que les observations formulées dans le présent avis fassent l’objet de la plus grande attention lors de la rédaction des divers décrets d’application, et d’autre part, être consultée afin de pouvoir se prononcer ultérieurement sur ceux-ci.

Pour ces raisons, la CNCDH a fait le choix de structurer son avis au travers d’observations générales suivies d’une série d’observations et recommandations thématiques. Ces dernières considérations, qui s’appuient sur les travaux antérieurs de la CNCDH, feront l’objet d’un développement plus conséquent dans l’étude jointe au présent avis.

I. OBSERVATIONS GENERALES
La CNCDH note avec satisfaction la volonté du Gouvernement de « doter la France d’une loi fondamentale sur le service public pénitentiaire » [2], une telle réforme du droit pénitentiaire étant effectivement devenue impérative à l’aune des critiques récurrentes formulées par les instances nationales et internationales de protection des droits de l’homme, comme des attentes exprimées par l’ensemble des acteurs du monde carcéral. En effet, encore récemment, le Comité des droits de l’homme s’interrogeait sur le respect effectif des droits de l’homme des détenus en France à un moment où le phénomène de surpopulation carcérale est à un stade extrêmement critique, [3] ce qui ne manque pas d’avoir des conséquences graves sur les conditions de détention, souvent constitutives de traitements inhumains et dégradants. Le Comité dans ses observations finales datées du 22 juillet 2008 a notamment fait part de ses préoccupations concernant « la surpopulation et les conditions par ailleurs mauvaises qui règnent dans les prisons » tout en notant que « le plan visant à augmenter la capacité d’accueil des prisons pour atteindre 63 500 places d’ici 2012 sera néanmoins à l’évidence nettement insuffisant par rapport à l’augmentation de la population carcérale ». [4]

Ainsi, la réforme du droit de la prison doit être l’occasion pour la France de faire cesser ces critiques fortes et concordantes et de se mettre en conformité avec la réglementation internationale et européenne, notamment les Règles Pénitentiaires Européennes (RPE) [5], qui constituent le socle minimum commun en matière pénitentiaire pour les pays membres du Conseil de l’Europe.

Dans ce contexte, la CNCDH, qui a procédé à une analyse précise du projet de loi à la lumière de son exposé des motifs, constate et regrette fortement que le texte soumis au Parlement ne s’inscrive pas dans une telle approche qu’elle a pourtant elle-même longuement recommandée à l’occasion de ses échanges avec le Gouvernement, ainsi que dans ses nombreux travaux antérieurs. Elle tient donc à rappeler au Gouvernement que l’enjeu essentiel d’une démarche de réforme du droit pénitentiaire est de garantir le respect de l’État de droit en restituant à la loi le domaine qui est le sien dans le champ carcéral (1), en consacrant l’application du droit commun dans les établissements pénitentiaires (2) et en restaurant la personne détenue comme sujet de droit (3).

A. Restituer à la loi le domaine qui est le sien dans le champ carcéral
À l’instar du Premier président de la Cour de Cassation qui, dès mars 2000, a démontré la nécessité pour notre pays de se doter d’une loi pénitentiaire assurant la « reconstruction juridique de [la] société carcérale » [6], la CNCDH a estimé primordial en mars 2004 que le législateur vienne restituer à la loi le domaine qui est le sien [7], conformément à la répartition des compétences prévue par la Constitution [8].

Dans le cadre de ses travaux [9], la CNCDH avait dressé le constat, utilement rappelé par l’exposé des motifs du projet de loi, que les normes régissant le fonctionnement des établissements pénitentiaires tout comme celles relatives aux droits et obligations des détenus étaient « très majoritairement issues de dispositions réglementaires, de circulaires et de notes administratives » [10]. Ce faisant, elle avait estimé qu’une réforme du droit de la prison s’imposait, impliquant nécessairement de reprendre l’ensemble des règles actuelles, d’en étudier la pertinence, d’en déterminer le niveau juridique dans la hiérarchie des normes, tout en identifiant les besoins normatifs nouveaux. Dans ce cadre, la CNCDH avait souligné la nécessité de prévoir des dispositions législatives énoncées en des termes suffisamment clairs et précis sans reporter sur l’administration pénitentiaire la responsabilité de fixer les règles applicables aux personnes détenues, dans des matières relevant du domaine de compétence du Parlement. La CNCDH visait expressément l’article 728 du code de procédure pénale qui prévoit qu’ « un décret détermine l’organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires », disposition qu’elle considère comme contraire à l’État de droit [11].

Pour la CNCDH, le projet de loi ne contribue pas à résorber le déséquilibre de l’édifice actuel du droit pénitentiaire, laissant perdurer une situation, pourtant connue et controversée, qui donne toute latitude à l’autorité administrative pour régir par voie réglementaire l’essentiel de cette matière [12]. Déplorant la persistance d’un tel état de fait, la CNCDH entend rappeler avec insistance au Gouvernement à quel point l’organisation de la vie en détention et le régime de détention déterminent la condition de la personne détenue et, de là, l’exercice de ses droits fondamentaux. Leur encadrement législatif, raison d’être de la loi pénitentiaire, s’impose naturellement. Si le Gouvernement a pris soin d’évoquer la compétence exclusive que la Constitution réserve au législateur pour définir les règles concernant « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » [13], il convient de rappeler que la Constitution étend également cette compétence législative à « la procédure pénale » [14] et que les éléments déterminants d’une règle doivent figurer dans la loi.

Par ailleurs, si elle ne peut qu’abonder dans le sens du Gouvernement quand il fait référence « aux qualités d’accessibilité, de lisibilité et de prévisibilité que doit respecter tout arsenal juridique pour la sécurité juridique des citoyens » afin d’offrir un « cadre suffisamment clair pour définir et harmoniser les pratiques professionnelles » [15] des personnels de l’administration pénitentiaire, la CNCDH s’interroge sur la distinction opérée dans le projet de loi entre une partie codifiée et une partie non codifiée, ainsi que sur les critères qui ont été retenus pour la répartition des dispositions dans l’une ou l’autre des parties. La Commission s’inquiète en conséquence de l’effectivité, de la lisibilité et de l’accessibilité des dispositions dont la codification n’est pas envisagée, notamment celles traitant des droits fondamentaux des personnes détenues.

Forte de ces considérations, la CNCDH regrette l’approche trop restrictive faite finalement par le Gouvernement quand il affirme que son projet de loi vise à « mettre de l’ordre dans notre système normatif » en élevant au niveau législatif « les restrictions aux droits fondamentaux des personnes nécessairement imposées aux détenus pour des raisons de sécurité publique » [16]. En optant pour le statu quo, le projet de loi ne remet pas en cause la pertinence des règles actuelles et ne cherche pas les besoins normatifs nouveaux. Il consacre dans le cadre d’une réforme à droit constant la possibilité laissée à l’administration pénitentiaire de restreindre de manière discrétionnaire les droits des personnes détenues. La volonté affirmée de « doter la France d’une loi fondamentale sur le service public pénitentiaire » [17], essentiellement déclarative puisqu’elle ne s’engage pas dans une refonte du droit de l’univers carcéral, voit ainsi sa crédibilité considérablement réduite.

B. Consacrer l’application du droit commun dans les établissements pénitentiaires
Lorsqu’elle a préconisé, en 2004, une réforme du droit de la prison s’assignant l’objectif d’offrir à l’institution pénitentiaire un cadre normatif de qualité, la CNCDH a souligné la nécessité de consacrer l’application du droit commun dans les établissements pénitentiaires. Elle s’inscrivait ainsi dans le prolongement du constat de la Commission Canivet selon lequel la prison « faisant partie du territoire de la République, [elle] doit être régie selon le droit commun, y compris dans les adaptations qu’exige la privation de liberté » [18]. Ceci implique, à la lumière des principes d’universalité et d’indivisibilité des droits de l’homme, de reconnaître à la personne détenue tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, à la seule exception de la liberté d’aller et venir.

La CNCDH estime donc qu’il est essentiel que le projet de loi permette la normalisation de la société carcérale à l’aune des principes énoncés par le Conseil de l’Europe dans le cadre des RPE [19]. Ces règles stipulent d’une part que les personnes privées de liberté « conservent tous les droits qui ne leur ont pas été retirés selon la loi par la décision les condamnant à une peine d’emprisonnement ou les plaçant en détention provisoire » (R.2) ; d’autre part que « les restrictions imposées (...) doivent être réduites au strict nécessaire et doivent être proportionnelles aux objectifs légitimes pour lesquelles elles ont été imposées » (R.3) ; enfin que « la vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison » (R.5). Cet ensemble de prescriptions est accompagné de précisions utiles dans le document annexé aux RPE auquel il convient de se référer [20]. Ainsi, le commentaire de la Règle 2 souligne que « la perte du droit à la liberté que subissent les détenus ne doit pas être comprise comme impliquant automatiquement le retrait de leurs droits politiques, civils, sociaux, économiques et culturels » ; que les restrictions aux droits des détenus résultant de la privation de liberté « doivent être aussi peu nombreuses que possible » ; que « toute restriction supplémentaire doit être prévue par la loi et être introduite uniquement si elle est essentielle au maintien de l’ordre, de la sûreté et de la sécurité dans les prisons ».

Pourtant, force est de constater que l’approche du Gouvernement privilégie la consécration des restrictions aux droits en tant que principe, à celle des droits eux-mêmes ; l’exercice des droits par les personnes détenues en constituerait dès lors l’exception. A cet égard, la CNCDH constate dans le texte une évolution inquiétante, en comparant l’avant-projet dont elle a été saisie et le projet déposé au Parlement. Ainsi, la disposition initiant le chapitre consacré aux droits des détenus et énonçant que « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne » a été supprimée au profit d’une affirmation stipulant désormais que « les droits des détenus ne peuvent faire l’objet d’autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à leur détention (...) » [21]. Cette modification substantielle témoigne d’un inopportun renversement de perspective que la Commission déplore vivement.

Si l’exposé des motifs du projet de loi pénitentiaire reprend à son compte l’observation faite par la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale selon laquelle « on ne peut imaginer qu’il y ait deux qualités de normes selon qu’il s’agit d’un citoyen libre ou d’un citoyen détenu. La garantie des droits est la même, le détenu n’étant privé que « de sa liberté d’aller et de venir » [22], on ne retrouve aucunement dans le projet de loi la déclinaison de ce principe. La reconnaissance des droits de la personne détenue et l’affirmation des obligations de l’administration pénitentiaire qui devraient en découler ne sont pas consacrées. Ainsi, contrairement à ce qui a été réalisé en matière de santé au travers de la réforme de 1994 qui a permis l’entrée du droit de la santé publique en milieu carcéral, la personne détenue se voit toujours appliquer un droit d’exception a minima sur nombre d’aspects de sa vie quotidienne, notamment pour ce qui concerne son droit au travail, ses droits civiques, son droit au respect de la vie privée et familiale ou ses droits collectifs.

De fait, aucune obligation positive de l’administration pénitentiaire n’est affirmée pour garantir l’effectivité des droits de la personne détenue. La CNCDH s’inquiète fortement de ce que cette carence évidente de la réforme n’ait pour conséquence l’effet inverse de l’objectif affiché, à savoir que le pouvoir discrétionnaire de l’administration pénitentiaire en la matière soit entériné et élargi.

C. Restaurer la personne détenue comme sujet de droit
De même, la CNCDH a déjà estimé que la réforme du droit de la prison devait véritablement assurer la consécration de la condition juridique de la personne détenue [23]. Il est essentiel que le projet de loi permette à la personne privée de liberté d’être considérée autrement que comme « une personne subordonnée par voie réglementaire à la hiérarchie administrative » [24], en établissant le statut de personne détenue et en affirmant une nouvelle appréhension de la relation entre le service public pénitentiaire et son usager principal. Pour ne citer qu’elles, les Règles pénitentiaires européennes établissent clairement l’approche qui doit guider le législateur dans la définition de la condition juridique de la personne détenue. Les personnes privées de liberté « doivent être traitées dans le respect des droits de l’homme » (R.1), ce qui « implique à son tour la reconnaissance de leur dignité humaine fondamentale » [25].

Loin de suivre ces recommandations, le projet de loi ne s’inscrit pas davantage dans la démarche préconisée par la CNCDH. Ainsi, tout en indiquant vouloir « consacrer le principe selon lequel la personne détenue conserve le bénéfice de ses droits » [26], il entérine l’approche selon laquelle l’administration pénitentiaire fait prévaloir ses nécessités propres lorsqu’elle est amenée à édicter des règles. Dans ces conditions, le droit pénitentiaire ne prend toujours pas en compte la protection des libertés fondamentales de l’individu comme impératif. Au contraire, il aliène cet impératif en le subordonnant aux exigences de maintien de l’ordre et de la sécurité. Dès lors, la personne privée de sa liberté d’aller et de venir se trouvera presque toujours dépourvue de droits effectifs, faute d’effet contraignant de la norme pour les services de l’Etat. Pourtant, ce dernier est soumis à diverses obligations de garantir, en toutes circonstances, le respect des libertés individuelles. La CNCDH rappelle donc au Gouvernement que la garantie des droits de la personne incarcérée doit être une obligation constante de l’administration pénitentiaire. Le projet de loi se doit de consacrer le statut juridique de la personne détenue comme sujet de droit en tant que personne humaine, citoyen, justiciable et usager du service public à part entière.

Enfin, la CNCDH s’interroge sur les raisons qui ont poussé le Gouvernement à substituer systématiquement le terme de « droits des détenus » dans le projet de loi à celui de « droits fondamentaux des détenus » présent dans l’avant-projet [27]. Alors même que la France vient de créer l’institution du Contrôleur général des lieux de privation de liberté - autorité indépendante chargée de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté - il apparaît essentiel qu’une « loi fondamentale sur le service public pénitentiaire » [28] soit dénuée de toute ambiguïté sur le fait que les détenus demeurent titulaires des droits fondamentaux inhérents à la personne, que ces derniers ne souffrent d’aucunes restrictions et qu’une obligation pèse sur l’administration qui doit en garantir leur respect.

II. RECOMMANDATIONS
La CNCDH estime que la démarche de réforme en profondeur du droit de la prison doit s’appuyer sur trois principes directeurs essentiels qui correspondent aux recommandations des diverses instances qui ont eu à se pencher sur la situation des prisons françaises, et qu’elle avait estimé utile de formuler au Gouvernement pour guider son action réformatrice en ce qui concerne le champ et la nature de la peine privative de liberté. La CNCDH considère, en effet, que l’essence même des trois principes directeurs, explicités ci-dessous, doit être reflétée dans l’ensemble des dispositions de la loi pénitentiaire.

• Le premier d’entre eux concerne la nécessité d’appréhender l’emprisonnement comme une mesure de dernier recours, principe que la CNCDH a préconisé de façon constante [29]. Elle rappelle que si la prison est reconnue comme efficace pour mettre à l’écart et neutraliser, elle s’avère le plus souvent contre-productive en termes de réinsertion et de prévention de la récidive. Dès lors, une société souhaitant rapprocher son système pénal des principes fondamentaux des droits de l’homme, et visant à mieux protéger la sécurité publique en vertu d’une approche pragmatique, se doit de rechercher les moyens de développer et crédibiliser des mesures alternatives à la peine d’emprisonnement.

• Le deuxième principe directeur devant inspirer l’ensemble d’une loi pénitentiaire porte sur l’objectif de réinsertion que la CNCDH considère être l’objectif essentiel du service public pénitentiaire. La CNCDH a appelé de ses voeux, en 2004, ce qu’elle appelait un « renversement de perspective » susceptible de « renforcer l’importance de la mission de resocialisation dans tous les domaines de l’activité carcérale » [30]. En effet, « à défaut d’être affirmée avec suffisamment de force, la mission de préparation à la sortie de prison s’exerce dans le champ résiduel concédé par les impératifs de sécurité » [31]. La CNCDH ne peut que réaffirmer sa volonté que les sanctions disciplinaires, le régime de détention, les aménagements de peine soient proportionnés en fonction principalement du critère de réinsertion et non de sécurité. Là encore, il est du ressort de la loi pénitentiaire d’opérer un tel changement.

• Enfin, la CNCDH considère le respect des principes du droit répressif dans les établissements pénitentiaires comme principe directeur. Déjà en 1999, la CNCDH avait exprimé le souhait que la définition des principes fondamentaux relatifs à la détermination des infractions et des peines disciplinaires fasse l’objet d’une intervention législative [32]. Elle a également insisté sur la nécessité de mieux proportionner les sanctions aux fautes disciplinaires en évitant des rigueurs excessives. Elle a par ailleurs demandé que la procédure disciplinaire soit mise en conformité avec les principes d’indépendance et d’impartialité des organes de jugement et estimé indispensable qu’une voie de recours effective soit ouverte pour des mesures ayant une incidence lourde sur les détenus.

Au regard de ces principes directeurs, la CNCDH a formulé des recommandations thématiques en respectant le plan d’ensemble de la loi pénitentiaire, tout en soulignant les manques et lacunes de la loi.

A. Recommandations générales
1. Le service public pénitentiaire (chapitre I et II du projet de loi)
1.1. Les missions du service public pénitentiaire (chapitre I du projet de loi)

Recommandation n°1 : La CNCDH insiste sur la nécessité d’une clarification de la mission du service public pénitentiaire. Celui-ci doit concilier la mission première d’exécution des décisions et sentences pénales dans l’intérêt de la sécurité publique avec la mission essentielle d’insertion et de réinsertion du service public pénitentiaire, à laquelle les autres services de l’Etat sont tenus de participer.
Recommandation n°2 : La CNCDH souhaite que la loi énonce le principe selon lequel les fonctions d’insertion et de réinsertion sont assurées sous le contrôle des agents de droit public.
1.2. Les personnels pénitentiaires (chapitre II du projet de loi)
Recommandation n°3
 : La CNCDH souhaite une revalorisation des rôles et fonctions confiés aux personnels de l’administration pénitentiaire. Le principe d’une prise en charge de la population détenue sous la responsabilité d’une équipe pluridisciplinaire doit être placé au coeur de la politique de formation initiale et continue des personnels.
Recommandation n°4  : La CNCDH considère que l’amélioration des conditions de travail et des droits des personnels des prisons est un élément essentiel de la politique pénitentiaire qui impose de leur reconnaître un droit d’expression et de manifestation. La Commission souligne la nécessité que les garanties disciplinaires de la fonction publique s’appliquent sans restrictions aux agents de l’administration pénitentiaire, notamment en ce qui concerne les droits de la défense.
Recommandation n°5 : La CNCDH ne considère pas opportun d’appliquer aux intervenants en milieu carcéral, qui relèvent de règles différentes, le code de déontologie appelé à encadrer l’activité professionnelle des personnels pénitentiaires. Par ailleurs, considérant que les règles de déontologie doivent intégrer les principes liés aux droits de l’homme et au respect de la dignité humaine des personnes détenues, la Commission demande à être saisie du projet de code. Elle estime que la prestation de serment des personnels pénitentiaires doit s’accompagner d’une amélioration des conditions de détention et du règlement de la question de la surpopulation carcérale.

2. L’encadrement législatif de l’organisation et du régime intérieur des établissements pénitentiaires (absent du projet de loi)
Recommandation n°6  : La CNCDH réitère sa demande d’abrogation de l’article 728 du Code de procédure pénale. Elle recommande que la loi prévoie, dans le cadre des dispositions utiles à l’organisation et au régime intérieur des établissements pénitentiaires, tous les éléments déterminants du respect des garanties fondamentales des droits des détenus.

B. Recommandations sur le respect des droits fondamentaux de la personne détenue
Recommandation n°7
 : La CNCDH demande :
 ? le rétablissement de la mention selon laquelle « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne » ;
 ? la suppression de la disposition indiquant que « les restrictions [aux droits] tiennent compte de l’âge, de la personnalité et de la dangerosité des détenus ».

1. Le respect de la dignité et de l’intégrité physique et psychique
1.1. Les mesures de sécurité
1.1.1. Les fouilles corporelles (article 24)
Recommandation n°8
 : La CNCDH préconise l’interdiction de la fouille intégrale de la personne détenue et réaffirme la nécessité d’atteindre le même niveau de sécurité en recourant à des moyens de détection modernes garantissant le respect de la dignité de la personne et de son intégrité physique et psychique.

1.1.2. L’isolement administratif
Recommandation n°9
 : La CNCDH recommande d’encadrer le recours à l’isolement administratif, d’en limiter la durée, d’organiser le suivi de la mesure et de s’assurer du respect effectif des droits des personnes détenues qui en font l’objet. Par ailleurs, la CNCDH considère comme indispensable que les personnes placées à l’isolement bénéficient d’activités professionnelles, culturelles, éducatives et sportives.

1.1.3. Les affectations, orientations et transferts
Recommandation n°10 : La CNCDH recommande à nouveau que les décisions d’affectation des personnes détenues soient prioritairement édictées en considération des exigences de stabilité de leur situation familiale - spécialement s’ils ont des enfants - et au regard d’autres éléments de resocialisation comme la formation, l’emploi ou le contenu d’un plan d’exécution de la peine. Par ailleurs, la loi pénitentiaire doit prévoir que les décisions relatives à l’affectation et à ses changements relèvent de l’autorité judiciaire, ou soient prises sur son avis conforme, en raison de leurs conséquences en matière d’application des peines, n’intervenir qu’après un débat contradictoire et être nécessairement motivées. Enfin, la loi doit proscrire les transferts en cascade, en rappelant le caractère tout à fait exceptionnel du transfèrement imposé.

1.2. L’accès aux soins (section 5 chapitre III)
Recommandation n°11 : La CNCDH recommande que soient prises toutes dispositions nécessaires pour que l’administration pénitentiaire puisse s’organiser de sorte à garantir le plein respect des prescriptions du Code de la santé publique et assurer l’effectivité de l’accès aux soins des détenus.

1.2.1. La poursuite des soins prescrits avant incarcération (absent du projet de loi)
Recommandation n°12 : La CNCDH recommande la stricte application du principe de continuité des soins qui suppose que les traitements médicaux commencés à l’extérieur puissent être poursuivis sans délai en détention.

1.2.2. Les situations de handicap et de dépendance (absent du projet de loi)
Recommandation n°13 : La CNCDH recommande que les personnes détenues en situation de handicap et/ou de dépendance bénéficient de mesures alternatives à l’incarcération et, le cas échéant, d’aménagements de la peine.

1.2.3. La psychiatrie en milieu pénitentiaire (absent du projet de loi)
Recommandation n°14 : La CNCDH recommande de prendre toutes les mesures nécessaires afin qu’une procédure d’aménagement de peine adaptée soit organisée à l’égard de la population carcérale devant avoir accès à des soins psychiatriques.

1.2.4. Le secret médical (absent du projet de loi)
Recommandation n°15 : La CNCDH réaffirme qu’il ne saurait être dérogé au principe du secret médical.

1.2.5. Les extractions médicales (absent du projet de loi)
Recommandation n°16 : La CNCDH recommande que le principe de dignité soit pleinement respecté lors des soins administrés aux personnes détenues pendant les extractions médicales. Par ailleurs, elle réitère sa recommandation antérieure demandant que la loi prévoie des dispositions spécifiques à l’égard des prévenus et condamnés ne remplissant pas les conditions d’accès aux permissions de sortir.

1.3. La protection effective de l’intégrité physique
1.3.1. La protection contre les violences en détention

Recommandation n°17  : La CNCDH recommande que la loi introduise expressément le principe de protection de l’intégrité physique, ainsi que le critère de proportionnalité lors de l’usage de la force, en dernier recours, par les personnels pénitentiaires.

1.3.2. L’encellulement individuel (articles 49 et 59)
Recommandation n°18 : La CNCDH demande avec fermeté la réintroduction dans la loi du droit à toute personne détenue de disposer d’une cellule individuelle. Elle recommande que seule la demande ou l’autorisation expresse du détenu permette à l’administration pénitentiaire de déroger à ce principe dont l’application stricte, sans report possible, est l’unique façon d’empêcher l’incarcération dans des conditions constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant.

2. Le droit au respect de la vie privée et familiale (section 3 chapitre III)
2.1. La protection de la vie privée
2.1.1. Les fouilles des cellules
(article 24)
Recommandation n°19 : La CNCDH recommande à nouveau de définir strictement le régime juridique des fouilles de cellules, en le calquant autant que faire se peut sur celui des perquisitions, compte tenu de l’atteinte à la vie privée et à la propriété qu’elles engendrent. Elle préconise qu’une telle fouille n’intervienne que sur décision motivée du chef d’établissement, et demande que le détenu soit présent lors de sa mise en oeuvre. En outre, la Commission considère que les fouilles générales ne doivent être mises en oeuvre que sur décision de l’autorité judiciaire en cas de présomption sérieuse de crimes ou de délits. Il apparaît également nécessaire qu’elles ne soient pratiquées qu’en présence d’une autorité de contrôle indépendante disposant de moyens suffisants pour veiller au bon déroulement des opérations.

2.1.2. La correspondance (article 17)
Recommandation n°20 : La CNCDH réitère sa recommandation antérieure sur le contrôle des correspondances des personnes détenues : un tel contrôle devrait être limité à une vérification externe des lettres. Toutefois, si cela s’avérait nécessaire, le projet de loi pourrait prévoir que le courrier puisse être ouvert en présence du détenu.

2.1.3. Le téléphone (article 16)
Recommandation n°21 : La CNCDH se félicite que l’accès au téléphone soit enfin autorisé à l’ensemble des personnes détenues. Elle récuse cependant tout report d’application de la généralisation de ce droit et demande au législateur de veiller à ce que toute restriction à son exercice soit définie en des termes clairs et précis. Concernant les personnes condamnées, la Commission souhaite également l’assouplissement des limitations actuelles quant au nombre et à la fréquence des appels pouvant être émis vers l’extérieur, et réitère sa recommandation antérieure visant à permettre aux détenus de recevoir des appels de l’extérieur, limités le cas échéant à un nombre restreint de correspondants et suivant des rendez-vous fixés par avance.

2.2. Le maintien des liens familiaux (article 15)
Recommandation n°22 : La CNCDH souhaite que les critères de suspension et de retrait des permis de visite soient précisés dans la loi, de même que les droits et délais de recours ouverts aux personnes concernées par un refus de délivrance, une suspension ou un retrait de permis de visite. Elle recommande que les recours contre les décisions de suspension et de retrait puissent être exercés dans le cadre d’une procédure d’urgence, ou soient dotés d’un caractère suspensif.
Recommandation n°23  : La CNCDH regrette en outre que ses recommandations antérieures aient été ignorées, et les réitère :
- Les décisions d’affectation des condamnés doivent prioritairement être édictées en considération des exigences de stabilité de leur situation familiale - spécialement s’ils ont des enfants - et au regard d’autres éléments de resocialisation comme la formation, l’emploi ou le contenu d’un plan d’exécution de la peine.
- Les prévenus dont la procédure d’instruction est terminée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement doivent pouvoir bénéficier d’un rapprochement familial dans cet intervalle.
- Le système de parloirs en vigueur dans les établissements pour peine - permettant des rencontres de plusieurs heures voire de deux demi-journées successives en semaine comme en week-end - doit être étendu à toutes les prisons.
- Les conditions matérielles d’accueil des familles et des enfants doivent être adaptées et dignes, les visites doivent pouvoir se dérouler à l’abri des regards extérieurs, et les unités de vie familiale doivent être généralisées.
- Une obligation d’information des proches en cas de circonstances importantes doit être prévue dans la loi.
- Les modalités d’application de l’article 513-3 du Code civil relatif au pacte civil de solidarité doivent être modifiées afin de permettre au greffier du tribunal de grande instance de se déplacer dans l’établissement pénitentiaire, sur réquisitions du procureur de la République, afin d’enregistrer la déclaration conjointe des cocontractants.

3. L’insertion sociale et professionnelle
3.1. Le respect du droit à l’enseignement et à la formation
(absent du projet de loi)
Recommandation n°24 : La CNCDH estime indispensable que la loi consacre les droits à l’éducation et à la formation professionnelle et continue, tels que prévus dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle demande que les bourses d’enseignement soient accessibles à la personne détenue au même titre qu’à tout autre demandeur.

3.2. Droit au travail et droit du travail (article 14)
Recommandation n°25 : Réaffirmant la nécessité que le droit du travail s’applique en prison, la CNCDH réitère son souhait que l’application du Code du travail ne soit plus limitée au seul respect des conditions d’hygiène et de sécurité mais concerne à tout le moins les éléments essentiels de la relation individuelle de travail et le droit à la formation continue. De plus, la Commission estime que toute personne détenue doit pouvoir bénéficier d’une offre de travail suffisante en quantité, pour garantir un minimum de ressources, et, en qualité, pour inscrire le travail dans une démarche qualifiante et pédagogique préparant à la réinsertion.

3.3. Le droit à un niveau de vie suffisant (article 13)
Recommandation n°26 : La CNCDH recommande de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux personnes détenues de bénéficier du RMI. Elle préconise que cette allocation soit versée conformément au droit commun dans le cadre de la définition d’un contrat d’insertion, son montant pouvant être réduit à l’image de ce que prévoit la législation en cas d’admission d’un allocataire dans un établissement de santé. La CNCDH recommande également que les droits acquis au titre de l’assurance chômage soient maintenus au cours de la détention.

4. Le droit de vote (article 12)
Recommandation n°27  : La CNCDH réaffirme la nécessité de garantir l’effectivité et l’accessibilité du droit de vote aux personnes détenues, qui constitue une étape importante de la resocialisation. Compte tenu des difficultés observées pour la mise en oeuvre du vote par procuration en détention, elle recommande l’installation de bureaux de vote au sein des établissements pénitentiaires, ou l’alignement du régime de vote des personnes détenues sur celui des français installés à l’étranger. La CNCDH demande également que la possibilité de domiciliation soit étendue aux détenus étrangers afin de faciliter leurs démarches administratives pour l’obtention ou le renouvellement d’un titre de séjour.

5. Les droits collectifs
5.1. La liberté d’expression
(absent du projet de loi)
Recommandation n°28  : La CNCDH réitère son souhait que la liberté d’expression des personnes détenues puisse s’exercer dans les conditions du droit commun. Le principe de la libre communication des idées et des informations ne doit pas souffrir d’exceptions en milieu carcéral, autres que celles prévues par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

5.2. La liberté d’association (absent du projet de loi)
Recommandation n°29  : La CNCDH demande l’inscription de manière explicite dans la loi de l’existence de la liberté d’association pour les personnes détenues afin que celle-ci trouve à s’appliquer en prison.

6. La procédure disciplinaire (article 53)
Recommandation n°30 : La CNCDH réitère ses recommandations antérieures et demande que la loi :
- détermine précisément les actions passibles de sanction dans des termes clairs ;
- substitue le confinement en cellule à la sanction de placement en quartier disciplinaire ;
- garantisse l’indépendance et l’impartialité de la procédure disciplinaire ;
- énonce clairement que les sanctions disciplinaires infligées à un détenu ne peuvent pas influer sur l’octroi de réductions et aménagements de peine.

7. Les régimes de détention
7.1. Le maintien des condamnés en maison d’arrêt
(article 50)
Recommandation n°31 : La CNCDH recommande que la loi réaffirme le caractère exceptionnel du maintien de personnes condamnées en maison d’arrêt et garantisse le principe de leur affectation en établissement pour peine.

7.2. La différenciation des régimes (article 51)
Recommandation n°32 : La CNCDH recommande le maintien des critères actuels de répartition des condamnés figurant dans l’article 717-1 du Code de procédure pénale et la suppression du critère de dangerosité prévu par l’article 51 du projet de loi.

8. Les mineurs (articles 25 à 27 et article 53)
Recommandation n°33 :
1. La CNCDH demande que la loi reconnaisse la spécificité de traitement des mineurs détenus et consacre le principe fondamental suivant lequel la détention d’un mineur ne doit être qu’une mesure de dernier recours.
2. En outre, la Commission souhaite que les dispositions prévues pour les majeurs soient examinées en tenant compte des spécificités des détenus mineurs et fassent l’objet d’adaptations nécessaires.
3. Par ailleurs, la CNCDH souhaite que la loi s’inspire des principes énoncés dans les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et autres instruments internationaux en matière d’incarcération des mineurs.
4. La CNCDH rappelle ses travaux antérieurs sur les droits des mineurs détenus [33].
Recommandation n°34 : La CNCDH recommande que l’ensemble des personnels pénitentiaires soit sensibilisé à la spécificité de la situation administrative des mineurs étrangers. L’administration pénitentiaire doit prendre toute disposition nécessaire dans le but de les informer de leurs droits dans une langue compréhensible par eux et de leur permettre l’exercice effectif de leurs droits en matière de séjour.

9. La garantie des droits
9.1. La généralisation du droit au recours juridictionnel
(absent du projet de loi)
Recommandation n°35 : La CNCDH demande que la loi prévoie la possibilité pour tout détenu de bénéficier d’un droit de recours effectif contre toutes les décisions administratives individuelles affectant sa situation ou son régime de détention ; ce recours doit être audiencé dans un délai raisonnable.

9.2. La mise en oeuvre d’un contrôle extérieur indépendant (article 28)
Recommandation n°36 : La CNCDH recommande que la loi intègre les dispositions utiles de l’action du Contrôleur général des lieux privatifs de liberté et précise les obligations en découlant pour l’administration pénitentiaire.
Recommandation n°37 : La CNCDH demande que la composition des conseils d’évaluation (ancienne commission de surveillance), d’une part, et des commissions de suivi des politiques pénitentiaires, d’autre part, intègre la société civile.

9.3. L’accès au droit et le droit à l’information
Recommandation n°38 : La CNCDH recommande que soit affirmé dans la loi le droit de toute personne détenue à bénéficier de consultations et d’assistance juridiques en vue notamment de l’informer de ses droits et de l’aider à les faire valoir. Elle préconise le renforcement de structures d’accès au droit dans les établissements pénitentiaires existants et futurs.
Recommandation n°39 : La CNCDH souhaite que dans le cadre des formations dispensées au personnel pénitentiaire une attention particulière soit portée sur les problématiques liées aux détenus étrangers. Par ailleurs, outre la généralisation du livret d’accueil dans une langue que les détenus étrangers peuvent comprendre, elle recommande que toutes dispositions nécessaires soient prises pour les informer de leurs droits et leur assurer ainsi un accès effectif aux soins, au travail et aux activités culturelles, sportives et de loisirs.

C. Recommandations sur les alternatives à la détention et les aménagements de peine
1. Les alternatives à la détention
(articles 32 à 37)
1.1. L’emprisonnement, sanction de dernier recours (article 32)
Recommandation n°40 : La CNCDH demande que le projet de loi pénitentiaire précise explicitement que la procédure d’aménagement ab initio telle que décrite aux articles 32 et 33 s’applique aux procédures de comparution immédiate.
Recommandation n°41 : La CNCDH rappelle que le manque de lisibilité et de cohérence des politiques pénales représente un frein majeur à leur bonne application en particulier s’agissant du recours aux mesures alternatives à la détention. En ce sens, la Commission demande que les dispositions contraires au nouvel article 132-24 du Code pénal soient révisées ou supprimées. Ainsi en va-t-il notamment de l’article 132-19-1 du Code pénal instaurant des peines planchers d’un à quatre ans de prison pour des délits commis en état de récidive.
Recommandation n°42 : La CNCDH demande que les mesures alternatives ne soient pas dénommées dans les textes officiels comme « mesures de contrôle », mais comme « mesures de suivi » en milieu ouvert. Elle souhaite également que le contenu du suivi socio-éducatif de ces mesures soit développé et précisé dans la loi et ses décrets d’application. Il doit notamment être fait mention du caractère obligatoire d’un accompagnement socio-éducatif régulier dans le cadre de tout placement sous surveillance électronique (PSE).

1.2. Les aménagements de peine ab initio (article 33)
Recommandation n°43 : La CNCDH demande que soit inscrit dans la loi ou le règlement que l’absence de logement fixe ou de travail ne peut constituer des critères d’exclusion des aménagements de peine.
Recommandation n°44 : En raison du fort risque d’inapplicabilité d’une surveillance électronique avec bracelet fixe ou mobile pour des durées supérieures à six mois, la CNCDH demande que la loi pénitentiaire limite le PSE dans le cadre d’un aménagement ab initio à une durée de six mois. Le PSE devrait alors pouvoir être suivi d’un autre aménagement de peine de type placement extérieur ou probation (régime du sursis avec mise à l’épreuve). Le juge de l’application des peines pourrait prononcer immédiatement après le jugement un PSE de six mois et une mise à l’épreuve ou un placement extérieur jusqu’à 18 mois, les deux mesures impliquant un accompagnement et un contrôle par le SPIP.

1.3. Le travail d’intérêt général (article 34)
Recommandation n°45 : La CNCDH préconise de créer un travail d’intérêt général (TIG) probatoire dans la loi pénitentiaire, afin de faciliter le prononcé du TIG parmi d’autres obligations telles que l’indemnisation de la victime, le suivi d’un stage obligatoire et/ou le fait de répondre aux convocations du travailleur social, dans le cadre d’un délai d’épreuve pouvant être porté jusqu’à cinq ans. L’exécution du travail pourrait ainsi ne constituer qu’un élément d’une peine plus globale intervenant sur différentes problématiques criminogènes du condamné.

1.4. L’assignation à résidence avec surveillance électronique (article 37)
Recommandation n°46  : La CNCDH demande qu’il soit remédié à la confusion créée par le projet de loi pénitentiaire entre le contrôle judiciaire avec assignation à résidence et PSE et la mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique.
Recommandation n°47 : La CNCDH demande que le projet de loi pénitentiaire s’accompagne de solutions en termes de moyens d’hébergement social et de placement en milieu ouvert dans le cadre des mesures alternatives à la détention provisoire.
Recommandation n°48 : La CNCDH demande que la loi ou le décret décrive de quelle manière parvenir à rendre le principe d’une détention provisoire exceptionnelle applicable. Notamment, elle souhaite que soient définis plus précisément le contenu de la mesure de contrôle judiciaire et les obligations des structures chargées de sa mise en oeuvre (nature et fréquence du contrôle à effectuer, type d’accompagnement, qualification des contrôleurs judiciaires, obligation d’une permanence de travailleurs sociaux jusqu’à la fin des audiences...).
Recommandation n°49 : La CNCDH préconise de saisir l’occasion de la loi pénitentiaire pour remplacer les critères actuels de placement et prolongation de la détention provisoire par des critères objectifs. A cet effet, elle propose qu’une liste d’infractions qui pourraient seules donner lieu à une détention provisoire soit établie, en combinaison avec des seuils de peines encourus rehaussés.
Recommandation n°50 : Afin de garantir le droit à être jugé dans un délai raisonnable, la CNCDH propose que les durées maximales de détention provisoire soient ramenées à un an en matière correctionnelle et deux en matière criminelle, quelle que soit la nature des faits poursuivis.

2. Les aménagements de peine (articles 38 à 48)
2.1. L’aménagement comme mode privilégié d’exécution de la peine (article 38)
Recommandation n°51 : La CNCDH alerte les pouvoirs publics sur le risque d’un important décalage entre les principes édictés par la loi pénitentiaire concernant les alternatives à la détention et les aménagements des peines et les moyens de leur application sur le terrain. Alors que les services pénitentiaires d’insertion et de probation et les juges de l’application des peines rencontrent déjà toutes les difficultés pour mettre en oeuvre les dispositions existantes, l’extension souhaitée des mesures alternatives nécessite impérativement une prise en compte de la situation de ces professionnels et un accroissement de leurs moyens.

2.2. L’exécution immédiate des peines alternatives (article 39)
Recommandation n°52 : La CNCDH demande que les moyens nécessaires à l’exécution rapide de mesures de travail d’intérêt général soient prévus dans le décret d’application de la loi pénitentiaire. Il apparaît notamment nécessaire d’organiser la création de postes permanents au sein des collectivités territoriales et services de l’Etat. Une formation et un accompagnement des structures d’accueil et des personnes encadrant les personnes condamnées à une peine de travail d’intérêt général devraient également être développés.

2.3. La collégialité en cas d’affaires complexes (article 40)
Recommandation n°53 : La CNCDH approuve la possibilité de faire précéder une libération conditionnelle d’un placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) au lieu de la seule possibilité d’une semi-liberté à la suite d’une condamnation avec période de sûreté supérieure à quinze ans. En revanche, elle demande que la durée de PSEM soit limitée à six mois et qu’un système alternatif soit prévu dans la loi au-delà de cette période.

2.4. La possibilité pour les services pénitentiaires d’adapter les horaires imposés dans le cadre d’un aménagement de peine (article 41)
Recommandation n°54 : La CNCDH renouvelle son souhait d’un programme de développement de la mesure de placement extérieur incluant l’augmentation du nombre de places d’accueil. Elle demande au législateur de définir précisément le contenu de cette mesure en ce qui concerne son déroulement, la typologie des différents accompagnements, son financement et son évaluation.

2.5. La libération conditionnelle (article 47)
Recommandation n°55 : S’agissant d’ouvrir la possibilité d’une libération conditionnelle pour les condamnés âgés de plus de 75 ans à tout moment de l’exécution de la peine, la CNCDH demande que soit supprimée la mention « sauf si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public » au dernier alinéa de l’article 729 du Code de procédure pénale tel que rédigé dans le projet de loi pénitentiaire.

2.6. Les moyennes et longues peines
Recommandation n°56
 :
1 - La CNCDH demande qu’un volet sur l’aménagement des moyennes et longues peines soit ajouté au projet de loi pénitentiaire.
2 - La CNCDH souhaite notamment que le principe d’un aménagement progressif des moyennes et longues peines de prison soit inscrit dans la loi, impliquant une partie de l’exécution des peines en milieu fermé, l’autre en milieu ouvert. Le projet d’aménagement de peine devrait être entamé avec les travailleurs sociaux dès le début de l’exécution de la peine. Dans ce cadre, le condamné devrait passer par différentes phases, plus ou moins longues selon la durée de sa peine : une première phase d’élaboration d’un projet comportant des permissions de sortir, une seconde phase en semi-liberté ou placement extérieur et une troisième phase en libération conditionnelle.
3 - La CNCDH propose la mise en place d’un système de libération conditionnelle s’inspirant de celui de la Suède ou du Canada. Elle demande au ministère de la Justice d’examiner les modalités pratiques d’une telle réforme adaptée à la France.

2.7. Les étrangers détenus
Recommandation n°57
 : La CNCDH demande que la situation de séjour des détenus étrangers ne fasse pas obstacle à l’obtention d’un aménagement de peine ou d’une permission de sortie comme l’autorise le Code de procédure pénale.

Notes:

[1] CNCDH, Sanctionner dans le respect des droits de l’Homme, vol.1 Les droits de l’homme dans la prison, vol.2 Les alternatives à la détention, La Documentation Française, 2007

[2] Exposé des motifs du projet de loi pénitentiaire, p. 3

[3] 3 63783 détenus pour 50835 places au 1er août 2008 selon les chiffres publiés par la direction de l’administration pénitentiaire

[4] Observations finales du Comité des droits de l’homme 93ème session CCPR/C/FRA/CO/4 du 22 juillet 2008, paragraphe 17

[5] Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2006)2 du Comité des Ministres aux États membres sur les Règles pénitentiaires européennes, 11 janvier 2006

[6] Rapport sur l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, Commission présidée par Guy Canivet, Premier président de la Cour de Cassation, remis au Garde des Sceaux le 6 mars 2000

[7] CNCDH, Sanctionner dans le respect des droits de l’homme, vol.1 Les droits de l’homme dans la prison, La Documentation Française, 2007, p.29

[8] Voir 1er et 3ème alinéas article 34 Constitution française 1958

[9] CNCDH, Sanctionner dans le respect des droits de l’homme, vol.1 Les droits de l’homme dans la prison, La Documentation Française, 2007, p. 28

[10] Exposé des motifs du projet de loi pénitentiaire, p. 3

[11] CNCDH, Sanctionner dans le respect des droits de l’homme, vol.1 Les droits de l’homme dans la prison, La Documentation Française, 2007, p.29

[12] Le projet de loi laisse en effet en l’état la situation présente sous l’empire de laquelle le livre V du Code de procédure pénale (qui traite des procédures d’exécution) comporte une petite centaine d’articles inclus dans la partie législative (707 à 803-4), moins d’une quarantaine d’articles dans la partie règlementaire relative aux décrets en conseil d’États (R 55 à R 90), et plus de 500 articles dans la partie règlementaire relative aux décrets simples (D 50 à D 587)

[13] Exposé des motifs du projet de loi pénitentiaire, p. 3

[14] Article 34 alinéa 3 de la Constitution française

[15] Exposé des motifs du projet de loi pénitentiaire, p. 3

[16] Ibid., p. 4

[17] Ibid., p.3

[18] Rapport sur l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, Commission présidée par Guy Canivet, Premier président de la Cour de Cassation, remis au Garde des Sceaux le 6 mars 2000

[19] Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2006)2 du Comité des Ministres aux États membres sur les Règles pénitentiaires européennes, 11 janvier 2006

[20] Conseil de l’Europe, Commentaire de la Recommandation Rec(2006)2 du Comité des Ministres aux États membres sur les Règles pénitentiaires européennes, 11 janvier 2006

[21] Article 10 projet de loi pénitentiaire

[22] Exposé des motifs du projet de loi pénitentiaire, p.6

[23] CNCDH, Sanctionner dans le respect des droits de l’homme, vol.1 Les droits de l’homme dans la prison, La Documentation Française, 2007

[24] Rapport sur l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, Commission présidée par Guy Canivet, Premier président de la Cour de Cassation, remis au Garde des Sceaux le 6 mars 2000

[25] Conseil de l’Europe, Commentaire de la Recommandation Rec(2006)2 du Comité des Ministres aux États membres sur les RPE, 11 janvier 2006

[26] Exposé des motifs du projet de loi pénitentiaire, p.3

[27] Avant-projet de loi pénitentiaire chapitre 1

[28] Première phrase de l’exposé des motifs

[29] CNCDH, Sanctionner dans le respect des droits de l’Homme, vol.1 Les droits de l’homme dans la prison, vol.2 Les alternatives à la détention, La Documentation Française, 2007

[30] Ibid., p.31

[31] Ibid.

[32] CNCDH, Avis portant sur le régime disciplinaire des détenus, 17 juin 1999

[33] CNCDH, Etude sur les mineurs en milieu carcéral, 16 décembre 2004