La protection statutaire des agents mis en cause à l’occasion de leurs fonctions
AP 2001-02 RH2/27-04-2001
NOR : JUSE0140039C
POUR ATTRIBUTION
Directeurs régionaux des services pénitentiaires - Chef de la Mission des services pénitentiaires de l’outre-mer - Directeur de l’ENAP - Directeur du Service de l’emploi pénitentiaire
- 27 avril 2001 -
Sommaire :
I. - LE DOMAINE DE LA PROTECTION STATUTAIRE
II. - LES DIFFÉRENTES FORMES DE PROTECTION DE L’AGENT
III. - L’ACTION DE L’AGENT CONTRE L’ÉTAT
IV. - L’ACTION DE L’ÉTAT CONTRE L’AGRESSEUR
La protection juridique et statutaire des personnels des services pénitentiaires revêt aujourd’hui une importance particulière, compte tenu du nombre croissant d’agressions dont ils sont victimes à l’intérieur voire à l’extérieur des établissements.
Je souhaite que l’administration soit en mesure de faire rapidement face aux demandes légitimes qui lui sont présentées à cet égard.
Or, la mise en oeuvre des différentes formes de protection statutaire dont peuvent bénéficier les agents des services pénitentiaires à l’occasion de leurs fonctions suscite souvent des interrogations de la part des services déconcentrés qui en ont, pour partie, la charge depuis le 1er janvier 1998.
Ces interrogations, dont l’origine est à rechercher dans un manque d’information générale, engendrent très fréquemment des lenteurs et des retards dans la capacité de réaction des services et constituent ainsi un facteur d’aggravation de la situation déjà traumatisante des agents agressés.
C’est pourquoi, sans préjudice de la mise en place prochaine de structures locales adaptées aux besoins des personnels, il m’a paru d’ores et déjà opportun de préciser les règles qui définissent actuellement la protection qui leur est due et leurs modalités d’application.
Je vous précise que ces règles sont celles applicables en l’état actuel de la législation, sans préjudice d’éventuelles évolutions de cette dernière.
La présente circulaire a donc un double objet :
- préciser la répartition des compétences entre la direction de l’administration pénitentiaire et les directions régionales des services pénitentiaires pour les traitements des dossiers de protection statutaire ;
- définir ou rappeler les orientations devant guider les directions régionales pour l’exercice de leurs compétences dans ce domaine.
I. - LE DOMAINE DE LA PROTECTION STATUTAIRE
En application de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, l’administration est tenue d’assurer la protection de ses agents titulaires ou non titulaires et, le cas échéant, la réparation des préjudices subis dans deux hypothèses :
a) Lorsque l’agent est poursuivi pour des faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle, soit devant les juridictions civiles, soit devant les juridictions pénales.
b) Lorsque l’agent est victime d’une agression physique (coups et blessures), verbale ou écrite (injures, diffamations), ou d’une atteinte à ses biens, à l’occasion de ses fonctions.
Il faut à cet égard préciser qu’une première forme de protection des agents publics, qui n’incombe pas à l’administration mais est assurée par la législation pénale, résulte soit du caractère spécifique de certaines infractions les concernant, soit de l’aggravation des peines qui en sanctionnent d’autres, lorsqu’elles sont commises à leur encontre :
- la rébellion à l’encontre d’un agent dépositaire de l’autorité publique, punie de 6 mois d’emprisonnement et 50 000 F d’amendes (art. 433-6 et 433-7 du code pénal) ;
- les violences commises sur une personne dépositaire de l’autorité publique (et notamment un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire), punies d’une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 500 000 F d’amende, si elles ont entraîné une incapacité de travail, jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle en cas de mutilation ou d’infirmité permanente et jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle en cas de décès (art. 222-7 et s. du code pénal) ;
- l’outrage à toute personne dépositaire de l’autorité publique, puni de 6 mois d’emprisonnement et 50 000 F d’amendes (art. 433-5 du code pénal) ;
- les menaces et actes d’intimidation contre des personnes exerçant une fonction publique, punis d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement et 1 000 000 F d’amendes (art. 433-3 du code pénal) ;
- la diffamation commise envers un agent public en raison de ses fonctions, punie d’un emprisonnement d’un an et 300 000 F d’amendes ou de l’une de ces peines seulement (art. 31 de la loi du 29 juillet 1881).
L’article 11 du statut général est également applicable, dans les mêmes conditions, aux anciens agents publics (titulaires et non titulaires).
Lorsque les conditions en sont remplies, cette protection est due jusqu’au terme de la procédure judiciaire.
1° La nécessité d’un lien avec le service.
La protection de l’administration est tout d’abord due à l’agent mis en cause en raison de faits liés à l’exercice de ses fonctions.
La protection de l’administration est également due à l’agent agressé dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.
Il faut relever que l’article 11, en précisant que la protection statutaire est due aux agents victimes d’agression "à l’occasion de leurs fonctions", autorise tout fonctionnaire à demander la protection de l’administration alors même que l’agression aurait été subie en dehors des heures voire du lieu de travail mais en raison de ses fonctions (ce qui inclut les agressions sur le trajet du domicile au lieu de travail).
Toutefois, quand l’agression survient sur le trajet entre le domicile et le lieu du travail, l’existence de tels liens devra résulter de l’enquête judiciaire, s’ils ne se déduisent pas immédiatement des constatations, alors que, lorsque l’agression est subie sur les lieux habituels et durant les heures de service ou même à l’occasion d’une mission, elle est présumée, comme tout accident, imputable au service.
2° Le caractère personnel de la protection.
Actuellement, la protection statutaire définie par le statut général ne vise que l’agent public (ou l’ancien agent public) lui-même : elle présente ainsi un caractère personnel qui exclut son extension à d’autres personnes, notamment sa famille (parents, conjoint, enfants).
Toutefois, si l’agent est décédé des suites d’une agression ou si l’un ou l’autre membre de sa famille a subi lui-même un dommage ayant entraîné une incapacité permanente ou une incapacité temporaire de travail d’au moins un mois et si l’agresseur est insolvable, vous devrez informer la famille de l’agent ou l’agent lui-même des possibilités de recours ouvertes devant la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales (CIVI) instituée auprès de chaque tribunal de grande instance, en application des articles 706-3 à 706-12 du code de procédure pénale.
La famille du fonctionnaire peut aussi bénéficier des dispositions spécifiques suivantes :
- les enfants de magistrats civils et agents de l’Etat décédés ou mis dans l’incapacité de subvenir aux besoins de leur famille à la suite d’une agression dans l’accomplissement de leur mission bénéficient d’une protection particulière qui revêt essentiellement la forme d’aides financières destinées à assurer leur entretien et leur éducation (décret n° 81-329 du 3 avril 1981) ;
- la qualité de pupille de la Nation est reconnue aux enfants de fonctionnaires de l’administration pénitentiaire tués ou décédés des suites d’une blessure ou d’une maladie contractée ou aggravée du fait d’une agression subie au cours de l’accomplissement de leur mission (loi n° 93-915 du 19 juillet 1993) ;
- le total des pensions et rentes viagères d’invalidité attribuables aux conjoint et orphelins du fonctionnaire tué dans le cadre de l’exercice de ses fonctions est porté à 100 % de celui dont aurait bénéficié l’agent lui-même (loi n° 93-121 du 27 janvier 1993) ;
- enfin, le capital-décès dû aux héritiers de l’agent décédé des suites d’une agression subie à l’occasion de ses fonctions leur est versé trois années de suite, au moment du décès puis à la date anniversaire de celui-ci (art. D. 712-24 du code de la sécurité sociale).
3° L’absence de faute personnelle détachable du service.
La protection statutaire de l’administration n’est due à l’agent qu’en l’absence de faute personnelle détachable du service.
Il convient de rappeler que constitue une faute personnelle détachable du service :
- soit la faute dépourvue de tout lien avec le service (faute purement personnelle, commise en dehors du service) ;
- soit la faute commise en service mais que sa gravité ou son caractère délibéré rend détachable du service (faute intellectuellement détachable du service, par exemple : coups et blessures volontaires sur les lieux du travail) ;
- soit enfin la faute commise en dehors de l’exercice des fonctions mais non dépourvue de tout lien avec le service (faute matériellement détachable du service, ex. : accident provoqué par l’agent et résultant du détournement à des fins personnelles d’un véhicule confié par l’administration).
Elle s’oppose dans tous les cas à la faute de service commise sans intention dans l’exercice des fonctions.
Le caractère exclusivement personnel de la faute, s’il est établi, exonère toujours l’administration de son obligation de protection.
C’est ainsi que l’agent qui agresse un collègue sur les lieux et durant les heures de service ne peut prétendre, en cas de coups et blessures donnés ou reçus, à la protection statutaire de son administration.
De même, l’agent civilement ou pénalement poursuivi pour des faits présentant les caractères d’une faute que sa gravité, ou son caractère délibéré (ex. : vol, coups et blessures volontaires, etc.), rend détachable du service ne peut prétendre à aucune forme de protection de la part de son administration.
Je vous rappelle toutefois que le fait que les agissements d’un agent soient de nature à justifier l’engagement de poursuites pénales ne suffit pas à caractériser une faute personnelle (Conseil d’Etat, 14 janvier 1935, Thépaz) : la mise en examen d’un agent ne peut en soi suffire à fonder un refus de protection de l’administration (ex. : mise en examen d’un chef d’établissement à la suite d’un accident survenu à un détenu en atelier).
Le critère essentiel de la faute personnelle détachable du service demeure ainsi son caractère intentionnel ou d’extrême gravité.
II. - LES DIFFÉRENTES FORMES DE PROTECTION DE L’AGENT
Le traitement des dossiers de protection des agents mis en cause ou victimes d’une agression, à l’occasion de leurs fonctions, relève d’une compétence actuellement partagée : si les directions régionales ont en charge, depuis le 1er janvier 1998, l’assistance juridique des agents (avec notamment la prise en charge des honoraires d’avocat), la réparation du préjudice subi ou causé par ces derniers est assurée, suivant les cas, par l’administration centrale ou les directions régionales.
L’autorité qui doit assurer la protection est celle dont dépend l’agent au moment de l’engagement de la procédure, alors même qu’il dépendrait d’une autre autorité au moment des faits en cause (Conseil d’Etat, 14 février 1975, Teitgen).
En tout état de cause, lorsque les conditions en sont remplies, la protection doit être mise en oeuvre dans les plus brefs délais afin d’assurer à l’agent le soutien qui lui est dû.
1° En cas de mise en cause devant les juridictions judiciaires.
a) Evaluation préalable des charges retenues contre l’agent.
Pour chaque cas d’espèce, il vous appartient de vous livrer à une appréciation concrète des circonstances avant de proposer la protection de l’administration ou de faire droit à la demande présentée par l’agent en ce sens, afin d’apprécier si une faute personnelle peut lui être reprochée.
Il peut advenir que les éléments d’information dont vous disposez lors de la demande de protection ou que vous pouvez recueillir à l’occasion de cette demande ne suffisent pas à lever tout doute sérieux, au regard du principe de présomption d’innocence, quant à la réalité même des faits reprochés à l’agent ou quant au caractère de faute personnelle qu’ils pourraient revêtir : dans ce cas, le doute doit bénéficier à l’agent et la protection statutaire lui être accordée tant qu’aucun élément probant contraire n’aura été apporté par l’enquête administrative ou l’instruction judiciaire.
Mais il vous appartient alors d’informer l’agent que l’administration se réserve le droit de lui retirer ultérieurement sa protection si une faute personnelle détachable du service était finalement établie à son encontre, au cours de la procédure administrative ou judiciaire.
Le cas échéant, vous solliciterez l’avis du bureau des affaires statutaires des personnels pénitentiaires (RH2) de la direction de l’administration pénitentiaire.
b) Prise en charge des frais d’avocat.
Conformément aux dispositions du décret du 24 décembre 1997 susvisé, il revient désormais aux directeurs régionaux de proposer à l’agent poursuivi civilement ou pénalement devant les juridictions de l’ordre judiciaire, dès lors qu’aucune faute personnelle détachable du service ne semble devoir être retenue à son encontre, la mise à disposition d’un avocat figurant sur la liste établie par la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’économie et la prise en charge des honoraires de celui-ci.
J’insiste toutefois sur le fait qu’une telle mise à disposition n’a ni pour objet ni pour effet de limiter la liberté absolue dont dispose tout agent dans le choix de son avocat.
En outre, vous avez toujours la possibilité de conclure une convention d’honoraires avec un ou plusieurs cabinets d’avocats.
En tout état de cause, les notes d’honoraires transmises à vos services devront être réglées dans les meilleurs délais, sauf pour vous à établir qu’elles ne correspondraient manifestement pas à la réalité du travail accompli.
Je vous précise que, en votre qualité d’autorité délégataire de la signature du préfet de région pour le paiement des honoraires d’avocat, vous ne pouvez subdéléguer vous-mêmes cette compétence que dans le cadre des dispositions réglementaires vous y autorisant expressément, c’est-à-dire au profit des seuls fonctionnaires de catégorie A de votre service ou des établissements dotés de l’autonomie comptable de votre ressort (art. 3 de l’arrêté du 29 décembre 1998 portant règlement de comptabilité pour la désignation des ordonnateurs secondaires du budget du ministère de la justice et de leurs délégués).
Mais, une telle restriction juridique ne vous interdit bien évidemment pas de confier, en amont, la gestion matérielle (relations avec les avocats notamment) de ces dossiers à tout autre fonctionnaire de votre ressort afin d’en permettre le traitement au plus près des agents mis en cause.
c) Elévation de conflit et prise en charge des condamnations civiles de l’agent.
Lorsque l’agent est mis en cause devant une juridiction judiciaire pour des faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle, son administration doit saisir le préfet (ou le haut-commissaire de la République) du département où siège la juridiction concernée pour adresser à celle-ci un déclinatoire de compétence lui demandant de se déclarer incompétente pour statuer sur les intérêts civils de la victime et, le cas échéant, procéder à l’élévation de conflit pour suspendre la procédure.
Dans cette hypothèse, vous vous assurerez donc, en liaison avec la DAJ, que le préfet (ou le haut-commissaire de la République) est informé de la procédure judiciaire menée à l’encontre de l’un de vos agents.
Si, exceptionnellement, le conflit d’attribution n’a pas été élevé, si le juge judiciaire ne s’est pas déclaré incompétent et si un jugement a condamné l’agent au paiement de réparations civiles (dommages-intérêts), l’administration doit prendre en charge ces dernières : il vous appartiendra alors de transmettre la demande présentée en ce sens par l’agent aux services centraux (bureau RH2) qui se chargeront du règlement.
Je vous rappelle que, en revanche, même en cas de faute de service reconnue, l’administration ne peut pas payer les éventuelles amendes pénales auxquelles un agent pourrait être condamné par les juridictions répressives, même si elle a accordé sa protection ; en effet, le principe de personnalité des peines selon lequel toute personne condamnée doit exécuter elle-même sa peine limite ici la mise en oeuvre de la protection statutaire des fonctionnaires.
2° En cas d’agression.
Lorsqu’un agent est victime à l’occasion de ses fonctions d’une agression verbale (menaces, injures, diffamation) ou physique, plusieurs moyens d’assurer sa protection sont à votre disposition, qu’il s’agisse de l’assistance de l’agent ou de l’indemnisation de son préjudice.
a) L’assistance de l’agent.
Dès lors qu’une agression à l’encontre d’un de vos agents sera établie par les moyens habituels (déclarations, procès-verbaux, témoignages), vous devrez tout d’abord lui proposer en tant que de besoin un soutien psychologique par l’intermédiaire du psychologue ou de l’assistant social attaché à vos services ou, à défaut, par une structure externe appropriée.
Simultanément, vous informerez le procureur de la République des faits commis, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale.
En outre, si vous ne pouvez pas, au nom de l’administration, vous substituer à la victime pour déposer plainte entre les mains du procureur ni même procéder à un dépôt de plainte conjoint, vous devrez lui accorder l’assistance juridique nécessaire à l’exercice de ses droits.
Cette assistance consiste d’abord à informer l’agent sur les modalités de dépôt de plainte auprès du parquet (procureur de la République) ou du commissariat.
Elle doit aussi revêtir la forme d’une prise en charge des frais d’avocats (voire, si l’agent le souhaite, de la mise à sa disposition d’un avocat du Trésor), dans des conditions identiques à celles prévues supra lorsque l’agent est mis en cause en raison de ses fonctions.
Mais je vous rappelle que, au-delà des honoraires d’avocat, la protection juridique prévue par le statut général comprend également la prise en charge de l’ensemble des frais de procédures occasionnés par l’action civile (tels notamment que les frais de consignation, d’expertise ou d’huissiers), dont il vous appartient d’assurer également le règlement sur le chapitre 37-91.
Le caractère obligatoire de la protection implique que le fait que les atteintes portées à l’agent ont pu, par la suite, s’atténuer ou même cesser au moment où est demandée la protection de l’administration n’est pas de nature à justifier un refus.
En cas d’injures ou de diffamation, il vous appartiendra plus particulièrement d’appeler aussitôt l’attention de l’agent sur la brièveté des délais (3 mois à compter des faits) dont il dispose pour porter plainte.
Plus généralement, lorsque l’agent est mis en cause par voie de presse, vous lui rappellerez qu’il dispose comme tout citoyen d’un droit de réponse pour l’exercice duquel vous devrez, le cas échéant, l’assister (notamment en lui fournissant tous éléments utiles à la rédaction de sa réponse).
b) L’indemnisation de l’agent.
En cas de préjudices matériels :
Si l’agression s’est traduite par des dommages matériels (vandalisme ou destruction de véhicule, d’effets ou d’objets personnels, etc.), l’administration doit procéder à l’indemnisation immédiate de l’agent sur justificatifs de la réalité du préjudice et de son évaluation (attestations sur l’honneur, procès-verbaux et témoignages, factures initiales ou de réparation, franchise, etc.).
A défaut de justificatifs du montant du dommage, l’indemnisation sera effectuée sur la base des tarifs forfaitaires fixés par la circulaire AP du 26 février 1990 relative à la réparation pécuniaire des objets et effets personnels détériorés ou perdus en service (ces tarifs feront prochainement l’objet d’une réactualisation).
Il vous appartient de procéder, sur demande de l’agent, à l’indemnisation du préjudice sur les crédits prévus à cet effet (chapitre 37-91 : réparations civiles).
Je vous précise à cet égard que les demandes émanant des agents statutairement affectés au siège de chaque direction régionale, de la Mission des services pénitentiaires de l’outre-mer, de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire ou du Service de l’emploi pénitentiaire qui étaient jusqu’à présent gérées par l’administration centrale devront désormais l’être au niveau régional : il vous appartiendra donc de réparer, le cas échéant, les dommages matériels subis par ces agents et dûment justifiés, sur les crédits du chapitre 37-91.
Seule l’indemnisation des préjudices matériels que vous pourriez vous-mêmes personnellement subir continuera de relever de l’administration centrale (bureau RH2).
En cas de préjudices corporels :
Si l’agression a entraîné une incapacité permanente supérieure ou égale à 10 %, outre la prise en charge des frais médicaux, l’agent pourra, sur demande et après consolidation de son état, prétendre, selon qu’il sera ou non en mesure de reprendre son service, soit à une allocation temporaire, soit à une rente viagère d’invalidité. L’une ou l’autre sera alors considérée comme ayant réparé l’intégralité des préjudices autres que matériels qu’il aura subis (préjudice corporel mais aussi troubles dans les conditions d’existence, douleur morale, préjudice esthétique, préjudice d’agrément).
Il en résultera qu’aucune indemnisation complémentaire ne pourra être réclamée à l’administration par l’agent (ou son assureur).
Mais celui-ci restera bien évidemment fondé à agir en justice contre son agresseur ou, en cas d’insolvabilité de celui-ci, auprès de la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) en vue d’obtenir réparation complémentaire du préjudice réellement subi.
Si l’agression a entraîné une incapacité permanente de moins de 10 %, il vous appartiendra d’indemniser sur les crédits de réparations civiles du chapitre 37-91 le préjudice subi par l’agent qui en fera la demande, en cas d’insolvabilité de son agresseur et compte tenu de l’évaluation qu’en aura faite le juge statuant sur les intérêts civils.
En cas de préjudices moraux (injures, diffamation, harcèlement, etc.) :
L’indemnisation de tout préjudice moral obéit à des règles analogues à celles d’un préjudice corporel ayant entraîné une incapacité permanente de moins de 10 % : lorsque l’agent estimera avoir subi un tel préjudice moral à l’occasion de ses fonctions, vous l’inviterez à déposer plainte en vue de faire établir et évaluer par le juge statuant sur les intérêts civils la réalité du préjudice.
Lorsque le préjudice aura été reconnu et évalué par le juge, et dès lors que l’agent en aura, notamment en raison de l’insolvabilité de son agresseur, demandé réparation à l’administration, il vous appartiendra de l’indemniser sur le chapitre 37-91.
Toutefois, l’indemnisation des éventuels préjudices moraux subis par les directeurs régionaux eux-mêmes continuera de relever de l’administration centrale (bureau RH2).
III. - L’ACTION DE L’AGENT CONTRE L’ÉTAT
L’agent peut agir directement contre l’Etat avant ou après jugement.
1° Avant jugement.
Cette première hypothèse correspond au cas où l’agent conteste, avant tout jugement, le refus de protection qui lui aurait été opposé par l’administration.
Il vous appartiendra donc de lui notifier par écrit les considérations de droit et de fait pour lesquelles vous aurez estimé que les faits lui étant reprochés ou survenus vous paraissent détachables du service et par voie de conséquence insusceptibles de donner lieu à la protection statutaire.
Vous n’omettrez pas de lui indiquer à cette occasion qu’il dispose d’un délai de deux mois pour contester la décision de rejet qui lui est ainsi opposée devant le juge administratif, sans préjudice d’un recours administratif préalable auprès du garde des sceaux.
2° Après jugement.
Cette seconde hypothèse correspond à deux situations : soit l’agent mis en cause a été condamné, soit c’est l’auteur des attaques ou menaces subies par l’agent qui a fait l’objet d’une condamnation devenue définitive (en l’absence de recours ou les voies de recours ayant été épuisées).
a) L’agent a été condamné.
La première situation est celle de l’agent condamné devant les juridictions civiles ou répressives, sans que le conflit d’attribution ait été préalablement élevé, et qui réclame à l’administration la prise en charge des sommes qu’il aura versées ou qu’il devrait verser à la victime de sa faute.
Dans ce cas, vous transmettrez à l’administration centrale la demande de l’agent accompagnée d’un rapport circonstancié dans lequel vous exposerez les suites qui vous sembleront devoir être données à sa demande de prise en charge.
Vous préciserez notamment si les éléments constitutifs d’une faute de service vous paraissent en l’espèce réunis ou, pour le moins, si la faute personnelle de l’agent s’est accompagnée d’une faute de service (ex. : défaut de surveillance) susceptible de justifier une prise en charge au moins partielle par l’administration de la condamnation civile prononcée à l’encontre de l’agent.
b) L’agresseur est condamné.
L’alinéa 3 de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que, en cas d’agressions subies par l’agent à l’occasion de ses fonctions, "la collectivité publique est tenue (...) de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté."
Il s’agit donc d’une obligation absolue qui s’impose à l’administration.
C’est pourquoi, lorsque la nature du préjudice n’a pas permis d’indemniser l’agent préalablement à toute décision de justice (ex. : injures ou diffamation) et que l’agresseur de l’agent a été condamné à lui verser des dommages-intérêts, l’administration est tenue en tout état de cause (que l’agresseur soit ou non insolvable ou que l’agent remplisse ou non les conditions d’une saisine de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions) d’indemniser l’agent qui en fait la demande : dans cette hypothèse, vous procéderez donc, sur simple présentation du jugement, à la réparation du dommage subi par la victime sur le chapitre 37-91.
IV. - L’ACTION DE L’ÉTAT CONTRE L’AGRESSEUR
Tout d’abord, l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 permet à l’administration d’agir directement contre l’auteur de l’agression, y compris en déposant plainte avec constitution de partie civile, pour obtenir le recouvrement des créances de l’Etat.
Mais, l’Etat se voit également reconnaître depuis quelques années la faculté de déposer plainte contre l’agresseur de l’un de ses agents en se constituant partie civile pour corroborer l’action publique.
1° L’action civile en vue du recouvrement des créances dues à l’Etat.
En application de l’alinéa 4 de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, l’administration est habilitée à se substituer à l’agent afin d’obtenir de son agresseur la restitution de l’ensemble des sommes dont elle a assuré le versement (frais médicaux et pharmaceutiques, rémunérations versées à l’agent durant son immobilisation, charges patronales, réparation des dommages corporels et matériels, condamnations prononcées au profit de l’agent au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale, etc.).
En outre, l’administration est en droit de réclamer, en se constituant partie civile, des dommages-intérêts en cas de préjudice propre résultant de l’agression de ses agents (ex. : dégradations de biens meubles ou immeubles lui appartenant).
Cette action civile contre l’agresseur en vue du recouvrement des créances de l’Etat relève de la compétence de la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’économie.
Il vous appartiendra donc de transmettre à cette dernière, à l’appui du formulaire type prévu à cet effet qui vous a été adressé par note de service du 9 janvier dernier, tout justificatif de dépenses afin de lui permettre d’évaluer le montant des créances qu’elle sera en droit de recouvrer à l’encontre de l’agresseur, ainsi qu’une quittance subrogatoire signée de l’agent agressé et par laquelle celui-ci reconnaîtra avoir été indemnisé de la totalité de son préjudice par l’Etat.
J’insiste sur le caractère systématique que devra revêtir cette transmission commandée par le souci d’une saine gestion des créances de l’Etat.
2° L’action civile en vue de corroborer l’action publique.
Cette action essentiellement symbolique a avant tout pour but de manifester publiquement la solidarité de l’administration envers ses agents agressés.
La possibilité en est apparue récemment, certaines cours d’assises l’ayant déclaré recevable lorsque l’administration dont relevait l’agent agressé établissait avoir subi, du fait de cette agression, un préjudice moral distinct du préjudice matériel pour la réparation duquel l’agent judiciaire du Trésor dispose d’un monopole de représentation de l’Etat devant les juridictions judiciaires.
Vous apprécierez donc en lien avec le procureur de la République près le tribunal compétent la possibilité et l’opportunité d’une telle action civile dont la mise en oeuvre relève de la compétence exclusive de l’administration centrale.
En conséquence, lorsqu’une telle constitution vous paraîtra opportune, vous en informerez l’administration centrale (bureau RH2) qui se chargera des suites à donner à votre proposition.
Je vous demande de veiller à la mise en oeuvre de la présente circulaire et me tenir informée, sous le présent timbre, des difficultés éventuelles d’application qu’elle pourrait susciter.
Pour la garde des sceaux, ministre de la justice,
par délégation :
La directrice de l’administration pénitentiaire, M. Viallet
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