par Serge SLAMA, maître de conférences en droit public à l’Université Evry-Val d’Essonne et rattaché au CREDOF -Paris 10 Nanterre et militant associatif.
Le Conseil d’Etat était saisi en cassation par le Garde des Sceaux en vue de l’annulation d’un arrêt de Cour administrative d’appel de Lyon de 2009 ayant annulé un jugement du tribunal administratif de Dijon de 2008 rejetant une demande d’annulation de la décision du directeur du centre pénitentiaire de Varennes-Le-Grand limitant à trois le nombre de personnes admises simultanément au parloir. En l’espèce, le requérant souhaitait obtenir une injonction autorisant la visite simultanée des six membres de sa famille.
Se fondant sur l’article D. 402 du code de procédure pénale (« En vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération, il doit être particulièrement veillé au maintien et à l’amélioration de leurs relations avec leurs proches (…) » et D. 410 du même code (« Les prévenus doivent pouvoir être visités au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine »), le Conseil d’Etat dégage le principe selon lequel « la décision par laquelle un chef d’établissement pénitentiaire fixe les modalités essentielles de l’organisation des visites aux détenus, et notamment le nombre de visiteurs admis simultanément à rencontrer le détenu, est indissociable de l’exercice effectif du droit de visite ». En l’espèce, il décide que « par sa nature » cette mesure « est insusceptible d’être regardée comme une mesure d’ordre intérieur et constitue toujours un acte de nature à faire grief » dès lors qu’elle « affecte directement le maintien des liens des détenus avec leur environnement extérieur » et compte tenu de « ses effets possibles sur la situation des détenus », notamment sur leur vie privée et familiale, et de la fondamentalité de ce droit. En conséquence, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la CAA et rejette le pourvoi du Garde des Sceaux.
Avec cette décision, le Conseil d’Etat apporte une nouvelle pierre à son édifice jurisprudentiel assurant un meilleur contrôle juridictionnel des décisions de l’administration pénitentiaire par la réduction du champ des mesures d’ordre d’intérieur dans les lieux de détention (CE Ass., 17 février 1995 Marie : Rec. CE p. 83. ; CE 30 juillet 2003, Ministre de la justice c/ Remli, n°252712), parfois la sous pression de la Cour de Strasbourg (CEDH 4 juillet 2006, Ramirez-Sanchez c/ France, n° 59450/00 ; CEDH 5e Sect. 9 juillet 2009, Khider c. France, n° 39364/05 - ADL du 10 juillet 2009). Sont désormais contrôlées les décisions en matière de transfèrement de détenus, de punitions disciplinaires, de refus ou de déclassement d’emploi (CE, Ass. 14 décembre 2007, Payet, Planchenault et Boussouar, req. no 306432 : Rec. CE p. 475), de gestion de compte nominatif des détenus (CE 6 juin 2007, Garnier : Rec. CE p. 128.), de placement sous le régime des fouilles corporelles à l’occasion notamment d’extractions judiciaires (CE 14 novembre 2008, El Shennawy et OIP, n°315622 : au Rec CE) et d’inscription sur la liste des détenus particulièrement signalés (CE 30 novembre 2009, Garde des Sceaux c/ M. K., n°318589, au Rec. CE : ADL du 9 décembre 2009. voir catégorie “condition carcérale”).
CE 6è et 1è sous-sections réunies, 26 novembre 2010, Garde des Sceaux c. M. Hervé A. n° 329564, au recueil Lebon