Les faits :
Le 03 Août 1999, le fils de la requérante fut arrêté et placé en détention provisoire.
En 2001, alors qu’il se trouvait à la prison de Kandra, de type F, il participa à un mouvement de grève de la faim pour protester contre l’instauration des prisons dites de type F. Ce mouvement se transforma par la suite en un « jeûne de la mort ». Les protagonistes de ces mouvements n’ingurgitaient que de l’eau sucrée et des vitamines.
Du 30 avril au 25 juillet 2001, M. Horoz fut examiné onze fois par le médecin de l’établissement pénitentiaire. Le 14 juin 2001 ainsi que les 13 et 19 juillet 2001, il fut transféré au service des urgences de l’hôpital civil de Kocaeli, et les 12 et 29 juin et 25 juillet 2001, il fut transféré au service de neurologie.
« Dans un rapport du 30 juillet 2001, l’Institut médicolégal diagnostiqua "une défaillance terminale due à une insuffisance nutritionnelle" et considéra l’état de santé du fils de la requérante incompatible avec les conditions carcérales. Il recommanda sa libération pour six mois.
L’avocate de M. Horoz introduisit une demande de libération, à laquelle elle joignit des décisions rendues par des cours de sûreté de l’Etat, dans lesquelles l’article 399 du code de procédure pénale (CPP), qui prévoyait la libération provisoire pour raison de santé, avait été appliqué par analogie aux personnes en "détention provisoire"
[Pourtant], le 1er août 2001, la cour de sûreté de l’Etat à Ankara rejeta la demande de libération au motif que l’article 399 du CPP était prévu pour les "condamnés", alors que l’intéressé se trouvait en « détention provisoire », et que son traitement pouvait être assuré dans l’unité carcérale d’un hôpital civil.
Le 3 août 2001, M. Horoz décéda à l’unité carcérale de l’hôpital civil de Kocaeli, où il se trouvait depuis le 27 juillet 2001.
Le 3 janvier 2002, son avocate demanda des poursuites disciplinaires et une autorisation de poursuites pénales à l’encontre du procureur et des juges qui étaient intervenus dans cette affaire. Elle allégua que les intéressés avaient réagi ou pris leurs décisions arbitrairement et avaient causé le décès de M. Horoz en refusant de le libérer. »
La requérante allègue donc devant la Cour une violation de l’article 2 de la Convention, sur le droit à la vie.
Le raisonnement de la Cour :
La Cour rappelle que « s’agissant de l’opportunité de maintenir une personne en détention provisoire, la Cour ne peut substituer son point de vue à celui des juridictions internes, encore moins quand, comme en l’occurrence, les autorités nationales ont largement satisfait à leur obligation de protéger l’intégrité physique de l’intéressé, notamment par l’administration de soins médicaux appropriés ».
Expliquant que « la requérante ne se plaint pas de la nature ou de l’insuffisance des soins médicaux en question mais se limite à alléguer, sans toutefois étayer ses arguments, que son fils aurait dû être mis en liberté » la Cour estime qu’aucun élément ne lui permet de dire que l’intéressé a été privé en milieu carcéral de certains soins médicaux qu’il aurait pu recevoir en liberté.
Elle ajoute qu’il lui est impossible « d’établir un lien de causalité entre le refus de libération et le décès. Dans ce contexte, elle souligne que le fils de la requérante était sans connaissance depuis le 27 juillet 2001 jusqu’à son décès qui eut lieu le 3 août 2001 et, de plus, qu’il se trouvait à l’hôpital pendant cette période, lieu où toute intervention aurait pu être effectuée immédiatement. »
La Cour termine « en se livrant à une appréciation globale des faits pertinents et gardant à l’esprit l’assurance donnée par le Gouvernement quant à l’administration des soins médicaux nécessaires dans les prisons ainsi que les constats de la délégation de la Cour qui a visité les établissements carcéraux dans le cadre de la mission effectuée pour [d’autres] affaires, la Cour conclut à l’absence de motifs sérieux et avérés de croire que les conditions de détention du requérant ont constitué en soi un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention. Pour les mêmes motifs ainsi que pour ceux évoqués plus haut, elle ne peut dire que le refus de libérer le fils de la requérante a emporté violation de l’article 2 de la Convention. »