CONSEIL DE L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES
EXPOSE DES MOTIFS de la Recommandation N° R (92) 17 du Comite des Ministres aux etats membres
La cohérence dans le prononcé des peines
(adoptée par le Comité des Ministres le 19 octobre 1992, lors de la 482e réunion des Délégués des Ministres)
I. Introduction
1. Le Conseil de l’Europe s’est déjà intéressé à la question des facteurs qui influent sur les peines infligées aux délinquants, parfois de telle manière que des chercheurs scientifiques ont été en mesure de distinguer des cas de disparités injustifiées dans le prononcé des peines. Un sous-comité du Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) a étudié le prononcé des peines il y a près de vingt ans et rédigé un rapport qui a été publié en 1974 (“Le prononcé des peines”, CDPC, Strasbourg 1974).
2. Le 8e Colloque criminologique du Conseil de l’Europe, tenu en 1987, a étudié le thème “Disparités dans le prononcé des peines : causes et solutions”. Le colloque, à l’occasion duquel ont été entendus trois rapports concernant l’inégalité dans la détermination de la peine, le contexte des disparités dans l’administration de la justice pénale et les techniques de réduction des disparités subjectives dans le prononcé des peines, ainsi qu’un rapport général, a recommandé ce qui suit (voir “Etudes relatives à la recherche criminologique”, Volume XXVI, CDPC, Strasbourg 1989) : “la création d’un groupe de travail chargé de formuler des recommandations concernant les questions suivantes : – la formation et la recherche empirique en matière de prononcé des peines, y compris la formation juridique initiale et la diffusion et l’échange d’informations entre les juges ; – l’identification de principes généraux applicables au prononcé des peines, y compris l’examen des facteurs pertinents et des facteurs sans intérêt en la matière ; – la systématisation des décisions rendues”.
3. A la suite de cette initiative, le CDPC a proposé, lors de sa 37e Session plénière en juin 1988, la constitution du Comité restreint d’experts sur le prononcé des peines (PC-R-SN), qui a été autorisée par le Comité des Ministres en décembre 1988.
4. Le mandat du PC-R-SN consistait à examiner, à la lumière des conclusions du colloque, les résultats de la recherche empirique en matière de prononcé des peines, l’élaboration de principes généraux applicables au prononcé des peines qui permettraient le développement d’une politique de prononcé des peines cohérente et harmonieuse en Europe, avec la coopération du corps judiciaire, compte tenu de la liberté d’appréciation du juge, et à étudier la formation juridique des juges, y compris la formation initiale et la diffusion et l’échange d’informations entre les juges et les autres personnes concernées. Le PC-R-SN devait formuler des recommandations en la matière.
5. Le PC-R-SN était composé à l’origine d’experts de douze Etats membres du Conseil de l’Europe (Chypre, France, République fédérale d’Allemagne, Grèce, Islande, Malte, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Suède, Turquie et Royaume-Uni). La Finlande, qui avait été désignée au départ comme observateur, est devenue membre du comité à la suite de son adhésion au Conseil de l’Europe en mai 1989. La Hongrie a rejoint le comité à la suite de son adhésion au Conseil de l’Europe en novembre 1990. Le Canada et les Etats-Unis d’Amérique, ainsi que l’Association internationale de droit pénal, la Fondation internationale pénale et pénitentiaire et l’Association pour la réforme du droit pénal “Society for the Reform of Criminal Law” étaient représentées par des observateurs. Le Professeur A. Ashworth (Royaume-Uni) avait été élu président du comité restreint. En outre, deux experts scientifiques ont aidé le comité à différents stades de ses travaux : le professeur N. Jareborg (Suède) et M. B. Aubusson de Cavarlay (France). Le secrétariat était assuré par la Direction des affaires juridiques du Conseil de l’Europe.
6. Le PC-R-SN a tenu sept réunions entre juin 1989 et mars 1992. Un avant-projet de recommandation élaboré au cours de ces réunions, notamment à partir de réponses à un questionnaire [1] envoyé aux Chefs de délégations au CDPC, a fait l’objet d’un premier examen par le CDPC lors de sa 40e Session plénière en juin 1991. En outre, l’avant-projet a été mis à la disposition de la réunion informelle des ministres de la Justice, qui s’est déroulée à Ottawa en juin 1991. A la suite de ces discussions, le PC-R-SN s’est réuni en décembre 1991 pour réviser ses recommandations et, en mars 1992, pour mettre la dernière main au projet de recommandation et à l’exposé des motifs. Lors de sa 41e Session plénière, en juin 1992, le CDPC a approuvé le texte du projet de recommandation et l’a transmis au Comité des Ministres qui l’a adopté à l’occasion de la 482e réunion de ses Délégués, le 19 octobre 1992. Cette recommandation constitue, avec l’exposé des motifs, le premier rapport d’une étude de plus grande envergure entreprise par le Conseil de l’Europe sur “l’efficacité et l’équité de la justice pénale”. II. Considérations générales (commentaire relatif au préambule)
7. Les questions relatives au prononcé des peines sont devenues de plus en plus importantes ces dernières années, non seulement au sein du Conseil de l’Europe mais aussi dans d’autres instances internationales et parmi les législateurs. La réunion des ministres de la Justice du Commonwealth en avril 1990 a étudié la cohérence dans le prononcé des peines à partir d’un document élaboré par des membres de l’Association pour la réforme du droit pénal – Society for the Reform of Criminal Law – (Secrétariat du Commonwealth, LMM (90) 6, Londres, 1990). Le prononcé des peines a aussi été étudié dans le cadre des Nations Unies au cours du 8e Congrès sur la prévention de la criminalité et le traitement des délinquants, qui s’est déroulé à La Havane en août 1990. La réunion des ministres de la Justice qui s’est tenue à Ottawa en juin 1991 a déjà été mentionnée.
8. On dispose de preuves considérables d’un certain nombre de disparités dans le prononcé des peines dans les Etats membres du Conseil de l’Europe ainsi que dans d’autres pays. L’enquête menée pour le 8e Colloque criminologique a donné à penser que des disparités injustifiées constituaient un problème grave, tant en apparence que dans la réalité, ce dont le comité n’a pas tardé à convenir. Par “disparités injustifiées”, on entend des différences dans le prononcé des peines qui résultent de conceptions variables ne faisant pas partie de la politique déclarée de la juridiction en matière de prononcé des peines – par exemple, des variations provenant d’avis personnels, de traditions locales ou régionales qui se perpétuent sans justification, ou des variations influencées par les médias. La gravité des disparités injustifiées découle non seulement de l’importance sociale des peines prononcées par les tribunaux, mais aussi des répercussions de certaines peines (surtout de celles qui sont privatives de liberté) sur les prévenus. Le comité reconnaît, sans pour autant vouloir le surestimer, le rôle que peuvent jouer certaines peines ou certaines politiques en matière de prononcé des peines à l’égard de l’objectif de prévention générale : le prononcé des peines est l’un des différents facteurs qui tend vers cet objectif, de même que l’éducation, les politiques sociales, les stratégies de prévention de la criminalité, etc. Il importe aussi que les peines soient reconnues comme étant équitables et cohérentes. Des cas analogues doivent être traités de manière analogue, et des cas différents de manière différente, à condition que les différences soient scrupuleusement justifiées. Cela facilitera le respect de la justice à l’égard des prévenus et des victimes. Cela permettra aussi de renforcer la confiance du public dans le système de justice pénale : bien que les préoccupations du public concernant des disparités dans le prononcé des peines reposent parfois sur des informations imparfaites ou incomplètes, il existe certainement des cas dans lesquels ces préoccupations sont fondées. Cependant, le comité a relevé que les disparités dans le prononcé des peines ne sont pas toujours injustifiées. En raison d’intérêts supérieurs, les disparités peuvent être un résultat incontournable du changement à mesure que se développent de nouvelles répartitions plus adaptées des peines prononcées. En Allemagne, par exemple, une diminution récente des peines d’emprisonnement, surtout pour les jeunes, a été réalisée par les juges, en particulier au sein des juridictions de première instance, sans intervention du législateur ni orientation donnée par les cours d’appel. L’innovation judiciaire implique que certaines cours jouent un rôle pionnier ; et ceci implique une disparité au moins temporaire.
9. De plus en plus de pays ont envisagé récemment de modifier leur législation ou ont bel et bien adopté de nouvelles lois en matière de prononcé de peines. Les réformes les plus importantes en la matière ont eu lieu en Autriche, en Finlande, en Suède, en Turquie et au Royaume-Uni. Des propositions de réforme sont à l’étude en France, en Irlande, au Portugal et en Espagne. La Finlande a réformé en 1976 le prononcé des peines en remplaçant les dispositions relatives à la récidive par un ensemble complètement nouveau de règles concernant le prononcé des peines mettant l’accent sur la proportionnalité. En vue d’atteindre une cohérence, la loi exige ensuite que le juge porte une attention particulière à l’uniformité dans le prononcé des peines. Une législation faisant le tour de la question en matière de prononcé des peines a été promulguée en Suède le 1er janvier 1989. Aux termes du chapitre 29, paragraphe 1, du code pénal, la sanction sera infligée dans les limites légales en fonction de la “valeur pénale” du ou des crimes ou délits, l’intérêt de l’uniformité dans le prononcé des peines étant pris en considération. On détermine la “valeur pénale” en tenant compte particulièrement du préjudice, de l’infraction ou du risque qu’impliquait le comportement en question, de ce dont l’accusé était ou aurait dû être conscient à son sujet et des intentions et motivations de l’accusé. Cette loi énumère un certain nombre de circonstances qui peuvent augmenter ou diminuer la “valeur pénale”. En Angleterre et au Pays de Galles, la loi de 1991 relative à la justice pénale (Royaume-Uni) Criminal Justice Act 1991 (United Kingdom) fait de la notion de “gravité de l’infraction” la condition préalable au prononcé de peines privatives de liberté et instaure quelques nouvelles peines d’intérêt général “pénibles”. La France, qui est en train de réaliser une réforme complète du droit pénal, va instaurer des jours-amendes et des peines d’intérêt général, faisant ainsi de l’emprisonnement une sanction parmi d’autres. Lorsqu’une peine d’emprisonnement ferme sera prononcée, elle devra être particulièrement motivée. On est en train d’élargir les possibilités de déterminer les conditions de l’exécution de la peine (aménagement de la peine). En Allemagne, la loi prévoit le prononcé d’une peine d’amende plutôt que d’une peine d’emprisonnement de moins de six mois avec ou sans sursis, et ensuite, de peines d’emprisonnement avec sursis plutôt que de peines d’emprisonnement ferme de moins d’un an. Le non-respect de cette hiérarchie ne peut être décidé que pour des raisons définies par la loi. En Grèce, l’article 82 du code pénal prévoit que le juge doit convertir toutes les peines privatives de liberté allant jusqu’à six mois en sanctions pécuniaires, s’il ne décide pas que pour des raisons particulières, l’exécution de la peine privative de liberté soit nécessaire afin de dissuader le condamné à commettre d’autres infractions. Les peines allant entre six mois et deux ans pourraient être converties d’une façon similaire ; dans ce cas, le juge doit justifier que l’exécution de la peine privative de liberté n’est pas appropriée. A la demande du condamné, ou avec son consentement, une peine allant jusqu’à six mois d’emprisonnement peut être convertie en une sanction appliquée dans la communauté. En Turquie (article 29 du Code pénal), il existe un certain nombre de facteurs mentionnés expressément dont le juge doit tenir compte (par exemple, la gravité du préjudice ou du danger, les raisons pour lesquelles l’infraction a été commise, les antécédents du délinquant, etc.). En raison des changements intervenus récemment en Europe centrale et en Europe de l’Est, plusieurs pays de cette région ont modifié leur législation en matière de prononcé des peines. En Hongrie, la peine de mort a été déclarée inconstitutionnelle en 1990 et le Parlement hongrois est en train d’étudier des propositions en vue de créer des peines d’intérêt général et d’élargir les possibilités de recours à la mise à l’épreuve.
10. Le comité a été encouragé dans ses travaux par les termes du projet de Résolution VIII du 8e Congrès des Nations Unies sur la prévention de la criminalité et le traitement des délinquants (La Havane, 1990), qui recommande, entre autres, l’instauration et la mise en œuvre de “politiques équitables et cohérentes en matière de prononcé des peines”. En recommandant en outre que “l’emprisonnement soit une sanction employée en dernier recours”, cette résolution a aussi renforcé l’opinion du comité selon laquelle il faut veiller particulièrement aux disparités dans les peines privatives de liberté. Ce n’est pas que les charges imposées par les peines non privatives de liberté soient légères : de fait, le développement de nouvelles mesures d’intérêt général dans plusieurs Etats membres a conduit le comité à consacrer aussi son attention sur ces peines-là. Néanmoins, il est largement reconnu que les peines qui entraînent une privation de liberté nécessitent la plus grande justification, aussi faut-il déployer les efforts les plus acharnés pour diminuer les disparités dans ce domaine. Il n’y a aucune raison pour qu’une plus grande cohérence aboutisse à une plus grande sévérité dans le prononcé des peines, tant que l’on respecte le principe de la modération dans le recours à l’incarcération.
11. En examinant des méthodes permettant d’améliorer la cohérence et l’harmonie du prononcé des peines, le comité a veillé constamment au respect du principe de l’indépendance du judiciaire. Il a étudié attentivement la manière dont différents Etats membres, ainsi que d’autres pays, s’efforcent d’accroître la cohérence tout en préservant l’indépendance du judiciaire. Ses recommandations peuvent se réduire à cinq principes clés :
i. chaque Etat devrait essayer de définir des principes de base pour le prononcé des peines. S’ils en retiennent plus d’un, les Etats devraient s’efforcer d’élaborer un ensemble cohérent de principes de base du prononcé des peines ;
ii. dans chaque cas considéré, la peine ne devrait pas être disproportionnée par rapport à la gravité de l’infraction ;
iii. les Etats devraient envisager, dans le respect de leurs traditions légales et constitutionnelles, d’instaurer des techniques d’orientation pour structurer l’exercice du pouvoir discrétionnaire de prononcé des peines, tout en permettant au tribunal de tenir compte de circonstances particulières ;
iv. il devrait y avoir des garanties procédurales adéquates dans le prononcé des peines ;
v. il devrait y avoir une information accrue des juges, clairement présentée et solidement fondée sur des recherches, avec de plus grandes possibilités de formation judiciaire et d’échanges européens d’informations. Les recommandations détaillées du comité suivent ces principes généraux et s’efforcent de les appliquer aux questions essentielles (telles que l’aggravation et l’atténuation, les condamnations antérieures, les délinquants multiples, etc.) qui se posent dans la pratique du prononcé des peines. On a aussi gardé ce contexte à l’esprit : bien que le comité ne soit pas allé jusqu’à formuler des recommandations sur des questions telles que l’indemnisation des victimes et la libération conditionnelle, leur pertinence dans le cadre du prononcé des peines n’a pas été négligée. On a inclus quelques recommandations concernant le rôle du procureur, à cause de l’influence parfois grande que peuvent exercer les procureurs sur le prononcé des peines.
12. Quels que soient le ou les principes de base déclarés du prononcé des peines, il faut tenir compte des principes de justice qui exigent que l’équité soit respectée tant sur le plan de la procédure que sur celui du fond. Il y a ici de grandes analogies avec les dispositions de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. C’est ainsi que l’article 3 interdit les “peines ou traitements inhumains ou dégradants” ; l’article 5 restreint les conditions dans lesquelles une personne peut être privée de liberté et exige des procédures permettant de vérifier la régularité de la détention ; et l’article 6 énonce les droits minimaux en matière de procédure et exige une audience équitable et publique. Ainsi, par exemple, il serait injuste de tenir compte de circonstances aggravantes pour prononcer une peine sans disposer de procédures adéquates pour en apporter la preuve. Une peine hors de proportion avec la gravité de l’infraction, bien qu’en deçà de la limite maximale, pourrait être considérée comme inique à l’égard du délinquant en question.
13. Ces considérations, jointes à la preuve de disparités injustifiées, ont conduit le comité à examiner diverses méthodes permettant d’orienter mieux et plus en détail le prononcé des peines. Dans la plupart des Etats membres, les tribunaux ne disposent guère d’orientations, en dehors des peines maximales (et parfois des peines minimales) prévues par la loi. Pourtant, des orientations pourraient jouer un rôle considérable dans la réduction des disparités et, comme il ne s’agirait que d’orientations, elles n’empêcheraient pas un tribunal de tenir compte des circonstances diverses qui entourent les infractions et des situations personnelles diverses des contrevenants. Cette remarque revêt une importance particulière. Le Conseil de l’Europe s’est intéressé particulièrement à la réhabilitation et à la situation personnelle du prévenu (voir par exemple, la Résolution (76) 10 sur les peines alternatives à l’emprisonnement et la Recommandation no R (84) 10 sur le casier judiciaire et la réhabilitation des condamnés). Le comité n’a pas préconisé des “lignes directrices” (guidelines) comme celles qui fonctionnent dans certaines juridictions aux Etats-Unis d’Amérique. Au lieu de cela, il a montré une préférence pour la mise au point d’autres techniques convenant mieux aux traditions juridiques européennes. Le but réside dans la cohérence de la démarche plutôt que dans la cohérence arithmétique des résultats.
14. Le comité, qui comprenait plusieurs juges, a cherché à formuler des propositions pratiques pour augmenter la cohérence dans le prononcé des peines tout en respectant le principe fondamental de l’indépendance du judiciaire. Ces propositions suggèrent des approches qui seront nouvelles pour certains Etats membres et qui sont détaillées à l’annexe. Conscient des principes constitutionnels et traditions juridiques différents des Etats membres, le comité est parvenu à la conclusion que la meilleure voie à suivre consisterait à recommander aux Etats membres de prendre des mesures appropriées pour promouvoir les principes et recommandations énoncés à l’annexe, où se trouvent les détails. Cela devrait permettre à chaque Etat membre d’adopter des mesures pour éviter toute disparité injustifiée dans le prononcé des peines, dans le cadre convenant le mieux à sa constitution, à ses législateurs et à ses magistrats.
III. Commentaires concernant les recommandations figurant à l’annexe
A. Principes de base du prononcé des peines
1. Le comité a étudié longuement les différents principes de base du prononcé des peines, tels que la dissuasion, la réadaptation et la réinsertion sociale, l’individualisation, le châtiment et la juste rétribution (just deserts), et la mise hors d’état de nuire en tant que mesure de sûreté. La conclusion a été que, pour qu’il y ait cohérence dans la manière d’aborder le prononcé des peines au sein d’un Etat membre, les principes de base du prononcé des peines devraient être exprimés de manière à ne pas laisser subsister de grandes incertitudes ni de conflits importants concernant le principe de base qui doit s’appliquer dans un cas particulier. Certains ont contesté qu’il puisse y avoir une approche cohérente du prononcé des peines dans un système qui, par exemple, permet aux tribunaux de choisir de fonder la peine qu’ils prononcent sur l’un quelconque des principes de base mentionnés ci-dessus. En revanche, cela ne signifie pas que la meilleure méthode consiste, pour chaque Etat, à proclamer un principe de base unique du prononcé des peines : la possibilité d’avoir deux principes de base ou plus est étudiée en A.2 et A.3 ci-dessous. Selon le comité, si le législateur ou toute autre autorité compétente de chaque Etat membre, dans la mesure où les principes constitutionnels et traditions juridiques de celui-ci le permettent, déclarait quels sont les principes de base du prononcé des peines dans ce pays, cela constituerait un pas fondamental vers une plus grande cohérence dans le prononcé des peines.
2. Nombreux sont les Etats membres qui estiment que plusieurs principes de base sont pertinents en matière de prononcé des peines. Si les tribunaux sont autorisés à choisir librement entre plusieurs principes de base cela risque de produire inévitablement des incohérences à un niveau fondamental. Ainsi, si l’on reconnaît plusieurs principes de base pour le prononcé des peines, le droit devrait s’efforcer d’indiquer comment résoudre tout conflit entre eux. A titre d’exemple, si à la fois le châtiment (proportionnalité) et la réadaptation sont déclarés comme étant les principes de base du prononcé des peines, il faut indiquer clairement l’approche à suivre lorsque ces principes de base sont en conflit l’un avec l’autre. Un tel conflit se présente par exemple lorsque le tribunal est informé du fait qu’il faudrait deux ans pour qu’un traitement réussisse, mais qu’il s’agirait là d’une privation de liberté disproportionnée par rapport à l’infraction commise. Un conflit semblable se présente quand une longue peine d’emprisonnement correspond à la gravité de l’infraction alors que les exigences concrètes du traitement médical ou social s’opposent à une longue incarcération.
3. Pour essayer différemment d’assurer une cohérence maximale tout en permettant de recourir à différents principes de base du prononcé des peines, le droit peut indiquer les types de cas dans lesquels les tribunaux pourraient (ou devraient) s’écarter du principe de base énoncé. On peut trouver des exemples de cette méthode dans les systèmes de prononcé des peines de la Suède et de l’Angleterre, qui déclarent tous deux que la proportionnalité (la juste rétribution) constitue le principe de base essentiel. Le droit suédois prévoit expressément que les tribunaux doivent viser le principe de base qui est la réadaptation lorsqu’ils ont à choisir entre la mise à l’épreuve et une peine assortie du sursis ; le droit anglais prévoit expressément que les tribunaux doivent viser le principe de base qui est la mise hors d’état de nuire lorsqu’ils condamnent certains délinquants pour des infractions sexuelles ou violentes. De telles méthodes permettent de reconnaître un principe de base essentiel et de tracer les contours du champ d’application d’autres principes de base dont on pense qu’ils ont une place, en augmentant par là même la cohérence de la démarche.
4. Il y a une limite générale qu’il faut respecter quel(s) que puisse(nt) être le ou les autres principes de base déclarés du prononcé des peines. Il s’agit de la limite imposée par le principe de proportionnalité entre la gravité de l’infraction considérée et la sévérité de la peine infligée. Selon un principe dicté par la justice, nul ne saurait être condamné à une peine d’une sévérité excédant la limite de proportionnalité prévue pour les faits constitutifs de l’infraction ou des infractions dont il a été reconnu coupable. C’est lorsque des peines d’emprisonnement sont en jeu qu’une injustice a les répercussions les plus graves. Cela peut se produire, par exemple, dans des Etats membres qui définissent les infractions de façon large avec des peines maximales élevées (voir recommandation B.2 ci-dessous). Quels que soient les principes et les politiques du système juridique, il convient de respecter cette limite.
5. Le comité est resté conscient, pendant toutes ses discussions, de la nécessité d’une réévaluation constante des principes de base et des politiques à mettre en œuvre dans le prononcé des peines. Des principes qui sont établis à une certaine époque doivent être réexaminés de temps à autre, à la lumière des nouvelles connaissances criminologiques et de l’évolution des idées dans le domaine moral et le domaine social. En outre, l’idée d’établir des principes de base uniformes et des priorités à un niveau européen devrait être sérieusement envisagée. Certains Etats membres ont révisé ces dernières années leur politique en matière de prononcé des peines, alors que dans d’autres les principes officiels n’ont pas fait l’objet d’un examen sérieux depuis longtemps. Il faudrait notamment réexaminer de temps à autre le degré de sévérité des pratiques suivies en matière de prononcé des peines. Ce qui est particulièrement préoccupant, ce sont les politiques de prononcé des peines qui impliquent de longues peines privatives de liberté et des peines d’emprisonnement à perpétuité. Il faudrait les revoir afin de déterminer si elles sont à l’origine d’une sévérité excessive.
6. Ce ne sont pas seulement les principes de base du prononcé des peines mais aussi d’autres politiques pertinentes qui nécessitent une réévaluation constante. Lorsqu’on adopte le principe de la modération dans le recours à l’emprisonnement (voir ci-dessous, B.5), il faut veiller au niveau global de sévérité des peines infligées selon qu’on a à l’esprit des principes de base tels que la proportionnalité, ou la dissuasion, ou la mise hors d’état de nuire. On peut chercher à satisfaire chacun de ces principes de base avec des degrés différents de sévérité : si le principe de la modération dans le recours à l’emprisonnement est pris au sérieux, chaque Etat membre devrait se demander si le niveau existant des condamnations est nécessaire et si l’on ne pourrait pas abaisser quelque peu ce niveau. En particulier, le Conseil de l’Europe promeut une large application des mesures et sanctions dans la communauté, telles qu’énoncées par les Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté (1992). De même, la politique de décriminalisation des infractions mineures a été recommandée par le rapport sur la décriminalisation en 1980 et adoptée aussi dans la Recommandation no R (87) 18 concernant la simplification de la justice pénale, paragraphe II.a. Cela reste pertinent pour la politique à suivre en matière de prononcé des peines. Un autre principe auquel le Conseil de l’Europe a donné la prééminence ces dernières années est celui selon lequel les délinquants devraient (autant que possible) indemniser leurs victimes : Recommandation no R (85) 11 sur la position de la victime dans le cadre du droit pénal et de la procédure pénale, paragraphe 9. Les Etats membres devraient veiller à ce que ce principe soit reconnu dans le cadre du système de prononcé des peines, et notamment à ce qu’il soit possible de résoudre les conflits entre le principe de réparation et des principes de base énoncés concernant le prononcé des peines – par exemple, lorsque le délinquant n’a pas assez d’argent pour à la fois verser une réparation et payer une amende. On rappellera aussi que l’exposé des motifs de la Recommandation no R (85) 11 insistait sur le fait que, bien que la bonne volonté du délinquant, s’agissant de réparer, puisse être prise en compte dans le cadre du prononcé de la peine, cela ne devrait pas jouer au profit des délinquants aisés qui peuvent facilement verser une réparation. Dans certains Etats membres, la médiation victime-délinquant s’est développée. Les détails des systèmes diffèrent mais, en règle générale, ils invitent la victime à participer à certaines discussions avec le délinquant (soit face à face soit par le biais d’un intermédiaire) et peuvent aboutir à des excuses ou à une promesse de réparation. De tels systèmes offrent des avantages possibles pour les victimes et pour les délinquants et, bien qu’il n’y ait pas eu d’évaluation approfondie de leurs effets, ils peuvent être importants aussi pour réduire le recours à la sanction pénale et pour apporter une réparation à la victime.
7. Si les principes de base du prononcé des peines sont déclarés par la loi et appliqués consciencieusement, il ne devrait guère y avoir de place pour des condamnations fondées sur des avis discriminatoires. Néanmoins, le principe de non-discrimination est si fondamental qu’il y a tout lieu – tant pour rafraîchir la mémoire des juges que pour faire une déclaration publique du principe – de recommander expressément que les peines ne soient pas aggravées à l’encontre de certains délinquants en raison de la race, de la couleur, du sexe, de la nationalité, du statut social, de la religion ou des convictions politiques. Il est admis que les tribunaux puissent souhaiter tenir compte des circonstances particulières de l’infraction et de la personnalité du contrevenant lorsqu’ils se prononcent sur la peine, mais ce processus ne devrait pas aboutir à ce que des facteurs tels que le chômage ou la condition culturelle ou sociale du délinquant soient considérés comme pouvant augmenter la sévérité de la peine. Ainsi, par exemple, lorsque la réinsertion sociale est considérée comme un principe de base essentiel du prononcé des peines, il serait discriminatoire que des peines impliquant de plus grandes restrictions de liberté soient infligées à des délinquants simplement parce qu’ils sont au chômage.
8. Ainsi que les juges qui siègent au comité le savent bien, des peines analogues peuvent avoir des répercussions très différentes sur certains délinquants. Il est donc important de préciser qu’il faut tenir compte d’une sévérité inhabituelle lorsqu’il apparaît qu’une peine aura des répercussions particulières sur un certain délinquant et pourra peut-être compromettre sa réinsertion. Cela concerne, par exemple, les personnes âgées, les malades, les très jeunes, etc.
9. Le comité s’est montré spécialement inquiet des effets des retards sur le prononcé des peines. Ces retards peuvent être dus à toutes sortes de causes, et parfois au prévenu. Ils rendent plus difficile la tâche qui consiste à prononcer des peines, surtout lorsque le délinquant est jeune et a pu changer de personnalité entre le moment de l’infraction et celui de la condamnation. Le principe à suivre est celui selon lequel la justice doit être saisie sans délai abusif, en tenant compte de la complexité de l’affaire, mais pas rapidement au point d’empêcher une bonne préparation de la défense. Ce principe est proclamé à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, et il a été souligné à nouveau dans la Recommandation no R (87) 18 du Comité des Ministres concernant la simplification de la justice pénale. Lorsque, dans la pratique, des retards abusifs se produisent, et dans la mesure où ils ne sont pas dus au prévenu, les tribunaux devraient en tenir compte dans le prononcé de peine.
B. Structures des peines
1. Dans tous les Etats membres, la structure de base du prononcé des peines est établie par le législateur, qui assigne des peines maximales aux infractions. Certains Etats membres sont allés plus loin et ont aussi prévu des peines minimales pour certaines infractions. Pour parvenir à la cohérence dans le prononcé des peines, il est indispensable de réviser de temps à autre au moins les peines maximales applicables à toutes les infractions, de façon à veiller à ce qu’elles forment une structure cohérente. En l’absence de révisions fréquentes, il y a un grand risque de voir les peines maximales prévues par le législateur devenir sans objet pour le prononcé des peines dans la pratique et laisser les tribunaux démunis de toute indication concernant la gravité relative des infractions. Cela pourrait être à l’origine de disparités entre les tribunaux.
2. Or, pour certaines infractions dans certains Etats, le lien entre les peines maximales et les décisions prises quotidiennement en matière de prononcé des peines est assez vague. Cela risque de se produire lorsque le législateur a approuvé une peine maximale élevée, afin de tenir compte des pires cas envisageables, alors même que la grande majorité des cas est beaucoup moins grave. Il en résulte que la peine maximale n’a aucun rapport avec la plupart des cas et qu’elle ne donne donc d’informations ni aux tribunaux ni aux citoyens. La peine maximale n’exerce aucune influence sur le prononcé des peines. Il serait préférable que des infractions de ce genre soient réparties en deux degrés ou plus, chacun donnant lieu à des peines maximales distinctes, afin d’améliorer la cohérence et l’intelligibilité. Lorsqu’il existe des peines minimales, le comité craint qu’elles ne produisent une sorte de cohérence arithmétique du prononcé des peines, sans favoriser la véritable cohérence qui consiste à traiter de manière analogue des cas analogues et de manière différente des cas différents. En d’autres termes, des peines minimales pourraient obliger les tribunaux à ne pas tenir compte, dans des cas particuliers, de certains facteurs indiquant, par exemple, une culpabilité considérablement réduite. C’est pourquoi il est recommandé que, lorsqu’un Etat membre a effectivement une peine minimale pour une certaine infraction, cela n’empêche cependant pas le tribunal de diminuer la peine pour la faire passer au-dessous du minimum dans des circonstances particulières.
3. Même lorsque les peines maximales ne sont pas élevées au point de n’avoir guère de rapports avec le prononcé des peines au quotidien, et même lorsqu’un Etat a, par exemple, gradué les infractions de vol en plusieurs degrés de gravité avec des peines maximales différentes, il y a inévitablement une variété considérable de peines envisageables pour chaque infraction. La législation laisse souvent une grande marge d’appréciation aux tribunaux, au-dessous de la peine maximale. Après avoir examiné certains des systèmes de prononcé des peines aux Etats-Unis d’Amérique, qui s’efforcent de supprimer ou de réduire considérablement la marge d’appréciation du judiciaire, le comité est parvenu à la conclusion qu’il était important de veiller à ce que les tribunaux disposent, dans la plupart des cas, d’une marge d’appréciation importante au stade du prononcé de la peine – la nuance “dans la plupart des cas” reconnaissant que presque tous les Etats membres ont une peine impérative pour le meurtre et peut-être pour quelques autres infractions abominables. En dehors de ces infractions, le tribunal devrait en général être autorisé à modifier la peine, au-dessous du maximum prévu par la loi, de façon à traduire les facteurs aggravants ou atténuants qui existent dans le cas particulier. Néanmoins, pour accroître la cohérence dans le prononcé des peines, de solides arguments militent pour que certaines indications soient données aux juges. Le but serait de garantir que, dans des types de cas analogues, ceux qui prononcent la peine partent du même fondement pour s’acquitter de leur mission. Dans ses premières discussions, le comité a employé l’expression “lignes directrices” (guidelines) pour décrire une méthode envisageable afin de structurer le pouvoir d’appréciation des juges, mais il l’a abandonnée parce que l’on présumait trop souvent qu’elle faisait référence aux systèmes rigides de prononcé des peines qui existent aux Etats-Unis. Pour l’Europe, le comité est parvenu à la conclusion selon laquelle deux méthodes envisageables pourraient être particulièrement utiles. L’une est l’idée de ce que l’on pourrait appeler des “orientations pour le prononcé des peines”, le choix de cette expression étant destiné à préciser que les orientations guident simplement les juges vers une manière commune d’envisager les choses et n’imposent pas telle ou telle peine. Un ensemble caractéristique d’orientations pour le prononcé des peines pourrait indiquer par exemple que, pour une infraction donnée, les affaires dans lesquelles il existe certaines circonstances aggravantes relèveraient normalement d’une gamme de peines allant d’une à deux années d’emprisonnement, tandis que d’autres variétés de l’infraction en question seraient normalement sanctionnées par une peine de trois à douze mois d’emprisonnement. Les orientations pourraient aussi indiquer certains des autres facteurs aggravants et atténuants pertinents pour l’infraction considérée. Le juge conserverait le pouvoir discrétionnaire de tenir compte de la combinaison particulière de faits dans chaque cas. Les orientations ne seraient là que pour le guider. Une deuxième technique de structuration de la marge d’appréciation du judiciaire réside dans un ensemble de “points de départ”. Selon plusieurs juges, il existe en pratique des peines normales pour des cas typiques, et l’idée des “points de départ” est analogue. Par exemple, le point de départ pour prononcer une peine dans un cas de vol pourrait être X, pour le vol de sommes supérieures à une certaine limite financière, il serait de X + 1, et pour vol avec armes à feu X + 2 ; les orientations pourraient alors indiquer d’autres facteurs aggravants ou atténuants que le tribunal pourrait employer pour monter ou descendre à partir du point de départ pertinent. Là encore, il s’agit de points de départ et non pas de points d’arrivée : ils sont destinés à assurer la cohérence de l’approche, tout en permettant aux tribunaux de tenir compte de la combinaison particulière de facteurs dans chaque cas.
4. Les recommandations en faveur d’une révision des peines maximales prévues par la loi (voir B.1 et B.2) devraient prévoir des paramètres plus clairs pour le prononcé des peines. Eu égard au fait que, dans la pratique, le prononcé des peines se fait pour l’essentiel au-dessous des maxima, il est souhaitable aussi de favoriser la cohérence en structurant la marge d’appréciation du judiciaire. Deux méthodes principales viennent d’être décrites, les orientations pour le prononcé des peines et les points de départ. Les Etats membres peuvent envisager d’introduire l’une ou l’autre dans leur système de prononcé des peines, peut-être pour quelques infractions seulement dans un premier temps. Cela pourrait convenir à certaines infractions fréquentes. Cette approche “graduelle” permettrait à la juridiction de tirer profit de son expérience et d’élaborer des orientations ou des points de départ sous la forme le plus adéquate. La forme adéquate dépend de la constitution ou de la tradition juridique du pays. En Angleterre, où il existe de telles indications pour quelques infractions, certaines orientations (lignes directrices) ont été élaborées par les juges de la Court of Appeal et elles figurent dans les décisions concernant certains recours contre des peines. Elles acquièrent leur autorité par le système des précédents judiciaires contraignants. Dans de nombreux Etats membres, les décisions de justice n’ont pas force contraignante, mais il peut y avoir d’autres moyens envisageables pour dégager des orientations. La législation serait l’un d’entre eux, bien qu’elle puisse se révéler trop rigide dans les premières phases de mise au point. Dans certains Etats membres, une circulaire ministérielle serait une méthode appropriée pour édicter des orientations ou des points de départ, alors que dans de nombreux autres de telles circulaires n’ont aucune autorité. Dans quelques Etats, une stratégie efficace consisterait à adresser les orientations aux procureurs. On pourrait aussi créer une commission indépendante chargée de concevoir et de formuler de telles orientations. Selon le comité, il importe plus que les orientations ou les points de départ soient acceptés et appliqués en pratique plutôt que consacrés par une forme particulière.
5. Il y a un domaine particulier du prononcé des peines dans lequel l’intervention du législateur pourrait être opportune : il s’agit du prononcé des peines d’emprisonnement. La cohérence ici est une question de liberté publique, et le comité garde à l’esprit la politique déclarée du Conseil de l’Europe qui vise à encourager le recours à des sanctions non privatives de liberté et, en conséquence, à réserver les peines privatives de liberté à la catégorie des infractions les plus graves : Résolution (76) 10 du Comité des Ministres sur certaines mesures pénales de substitution aux peines privatives de liberté. De fait, nombreux sont les Etats représentés au comité qui ont déjà adopté des mesures tendant à une politique de modération dans le recours à l’emprisonnement. Le comité unanime a approuvé le principe énoncé dans le projet de Résolution VIII du 8e Congrès des Nations Unies sur la prévention de la criminalité et le traitement des délinquants (1990), paragraphe 5.e, selon lequel “l’emprisonnement devrait être une sanction employée en dernier recours”. On a cependant jugé souhaitable d’adopter une formulation plus spécifique de la politique à suivre : cela viserait à garantir qu’une peine privative de liberté ne soit infligée que lorsque, compte tenu de la gravité de l’infraction et des circonstances dans lesquelles elle a été commise, toute autre peine serait manifestement inadéquate. Cela créerait un “obstacle” ou une “barrière” que le tribunal serait tenu de franchir dans chaque cas où il entendrait prononcer une peine d’emprisonnement. Cette politique devrait aussi revêtir un deuxième aspect : même lorsque le tribunal est convaincu qu’aucune autre peine que l’emprisonnement ne serait adéquate dans le cas considéré, la peine ne doit pas être plus longue que ne le justifient la ou les infractions dont l’intéressé a été reconnu coupable. Etant donné que le Conseil de l’Europe a clairement adopté la politique de modération dans le recours à l’emprisonnement, il pourrait s’agir là d’un sujet méritant que le législateur impose des restrictions à ceux qui prononcent les peines. Néanmoins, quelle que soit la méthode employée pour mettre en œuvre la politique en question, elle devrait être associée à des orientations plus détaillées pour les juges. Afin d’assurer des réponses cohérentes à la question “quelles variétés d’infractions sont trop graves pour des sanctions non privatives de liberté ?”, il faudrait envisager d’élaborer des critères. Certains points pourraient se régler sans grande difficulté, par exemple le fait que des peines privatives de liberté soient rarement nécessaires pour des infractions n’impliquant qu’une perte financière inférieure à un certain montant, sauf s’il y a aussi abus de position dominante ou un autre facteur aggravant. Il pourrait être nécessaire de dégager d’autres critères à la lumière de l’expérience. Ces critères pourraient alors être intégrés aux orientations ou aux points de départ étudiés au paragraphe B.4 ci-dessus. Il y a une autre approche que le comité a jugée digne d’intérêt : c’est celle selon laquelle les Etats membres devraient reconsidérer leur méthode conventionnelle qui consiste simplement à fixer une peine maximale, surtout lorsqu’ils instaurent une nouvelle infraction. Au lieu de cela, la loi nouvelle pourrait à la fois fixer une peine maximale et indiquer une présomption en faveur de peines non privatives de liberté pour l’infraction en question, lorsque cela est opportun. Cela diminuerait la tendance des textes de lois à ne faire référence qu’à l’emprisonnement, et cela pourrait favoriser quelque peu une plus grande cohérence et un recours moins fréquent à l’incarcération.
6. La majorité des peines infligées par les tribunaux dans la plupart des Etats membres ne sont pas privatives de liberté et, ces dernières années, des efforts ont été faits aux niveaux national et international pour encourager le développement et l’application de mesures et sanctions appliquées dans la communauté et autres peines non privatives de liberté. Les résultats n’ont pas toujours été une réussite absolue. Lorsqu’une nouvelle mesure d’intérêt général est instaurée en tant que “peine de substitution à l’emprisonnement”, les tribunaux ont parfois tendance à l’employer en tant que peine de substitution à d’autres mesures non privatives de liberté en certaines occasions : autrement dit, plutôt que d’être une solution de remplacement constructive pour des gens qui, à défaut, auraient été envoyés en prison, la nouvelle peine devient aussi une solution de remplacement plus dure pour des délinquants qui, à défaut, se seraient vu infliger une autre peine non privative de liberté. Ceci constitue ce que l’on désigne parfois par le terme “cancérisation” (net-widening), et des mesures devraient être prises afin d’éviter ce risque lorsque de nouvelles peines non privatives de liberté sont introduites. Le comité sait bien qu’il est important de permettre aux tribunaux d’individualiser les peines, mais l’on ne parviendra pas à une cohérence d’approche si l’on ne peut pas lier les diverses peines non privatives de liberté (tout comme la durée des peines privatives de liberté) à la gravité de l’infraction et aux circonstances dans lesquelles elle a été commise. Il est donc souhaitable que les Etats membres envisagent de graduer leurs peines non privatives de liberté en fonction de leur sévérité relative. Il ne s’agit pas là d’une tâche aisée, car il y a des sanctions dont la sévérité peut varier considérablement (par exemple, une amende peut être élevée ou faible, une peine d’intérêt général peut être longue ou brève). Il devrait néanmoins être possible de parvenir à une classification approximative des peines existantes, peut-être en les divisant en trois catégories de sévérité relative, chacune contenant différentes sanctions (par exemple, une amende élevée et une courte peine d’intérêt général pourraient se trouver dans la même catégorie de sévérité). La valeur de cet exercice, du point de vue de la cohérence, réside dans le fait qu’une classification officielle des peines non privatives de liberté permettrait au tribunal à la fois d’individualiser la peine et de préserver la proportionnalité, tout d’abord en décidant de la sévérité de la sanction (par référence à la gravité de l’affaire), puis en sélectionnant la peine le plus appropriée dans la catégorie de peines se situant à ce niveau de sévérité.
7. Il existe une autre situation dans laquelle il peut y avoir incohérence du prononcé des peines et abus de l’incarcération : c’est lorsqu’un contrevenant enfreint les conditions d’une peine non privative de liberté. Lorsque ce manquement revêt la forme d’une infraction ultérieure, il s’agit là d’une question distincte qui est traitée au paragraphe 8 ci-dessous. Lorsque ce manquement consiste en une autre forme d’absence de respect des conditions (par exemple, si le contrevenant ne se rend pas à son travail d’intérêt général ou à des réunions avec un agent des services de probation), il est potentiellement injuste de prononcer l’emprisonnement alors que l’infraction initiale n’a pas été jugée suffisamment grave pour rendre l’incarcération inévitable. Bien des choses dépendent des faits de l’espèce, mais le comité a été préoccupé de voir que l’emprisonnement pouvait parfois être employé pour manquement à une peine non privative de liberté alors que le comportement répréhensible était relativement mineur, ou alors que l’on n’avait pas essayé d’autres moyens permettant d’assurer le respect des conditions prescrites, ou alors que le contrevenant était, pour une raison quelconque, dans l’incapacité de respecter la décision initiale. Le problème se pose avec acuité en ce qui concerne les amendes. La décision que prend un tribunal d’infliger une amende signifie généralement que l’affaire est bien inférieure au degré de gravité nécessaire à une peine privative de liberté ; or, dans certains Etats, l’emprisonnement est employé dans de nombreux cas chaque année à titre de sanction pour défaut de paiement d’amendes. Selon le comité, cela devrait autant que possible être évité lorsque le condamné est incapable de payer. L’une des méthodes permettant de diminuer le champ d’application d’une telle sanction consiste à veiller à ce que les amendes infligées soient à la mesure des moyens financiers des contrevenants : des systèmes de “jours-amendes” du genre de ceux qui fonctionnent dans des pays tels que l’Autriche, la Finlande, la Hongrie, le Portugal, la Suède, l’Allemagne et la France sont destinés à garantir cela. Il faudrait aussi souligner, et il faudrait que les autorités judiciaires compétentes gardent à l’esprit, le fait que l’infraction initiale n’était pas assez grave pour justifier une peine d’emprisonnement, ou qu’une telle peine a été jugée inopportune pour d’autres raisons. Néanmoins, c’est au gouvernement de chaque Etat membre qu’incombe avant tout la responsabilité d’étudier attentivement la possibilité de concevoir des méthodes de recouvrement des amendes sans recours à l’emprisonnement, y compris les délais de paiement ou l’aménagement de la peine.
8. L’emprisonnement avec sursis est fréquemment employé dans de nombreux Etats membres, mais il s’agit d’une peine qui peut être à l’origine de difficultés. Cette peine ne devrait pas être la seule peine non carcérale mise à la disposition du juge avec l’amende. Dans la plupart des Etats, l’élément clé de la peine avec sursis est la menace d’emprisonnement si une autre infraction est commise pendant le sursis, et pourtant la mise à exécution automatique des peines avec sursis pour toute infraction ultérieure (aussi vénielle soit-elle, ou quelles que puissent être les autres circonstances) peut être source d’injustice. La mise à exécution automatique produit une cohérence apparente, mais cela cache l’incohérence réelle qui consiste à traiter de la même manière des cas différents. Tant la cohérence dans le prononcé des peines que la modération dans le recours à l’emprisonnement y gagneraient si l’application des peines avec sursis relevait toujours d’une décision de justice (et non pas d’une décision administrative) et si le tribunal disposait d’une certaine latitude prévue par la loi pour mettre en œuvre la peine avec sursis intégralement ou partiellement ou pour adopter une autre mesure. Il faudrait aussi fournir des orientations concernant l’exercice de cette latitude, peut-être par les voies proposées au paragraphe B.4 ci-dessus, de façon à garantir la cohérence d’approche dans le traitement des affaires où, par exemple, la nouvelle infraction est vénielle ou assortie de fortes circonstances atténuantes, ou est d’un type différent de l’infraction initiale.
C. Facteurs aggravants et atténuants
1. Dans la plupart des Etats membres, de nombreux facteurs aggravants et atténuants dans le prononcé des peines sont bien établis soit dans le droit soit dans la pratique. Il y a toutefois largement place pour des disparités d’approche à ce sujet. En effet, les tribunaux peuvent avoir des divergences, s’agissant de savoir si certains autres facteurs devraient avoir un effet aggravant ou atténuant. Selon le comité, le principe général devrait être que les facteurs pris en compte pour l’aggravation ou l’atténuation devraient être guidés par le ou les principes de base déclarés du prononcé des peines ainsi que par toute politique déclarée. Cela augmentera la cohérence d’approche.
2. Parmi ces facteurs que l’on a coutume de qualifier d’aggravants ou d’atténuants, certains concernent exclusivement l’infraction (par exemple, le fait que seule une faible somme d’argent ait été volée ou que seule une faible dose de violence ait été employée) et d’autres concernent exclusivement le contrevenant (par exemple, le fait qu’il s’agisse d’une première infraction). Pour parvenir à une cohérence d’approche, chaque Etat membre devrait tendre à la clarification des principaux facteurs aggravants et atténuants, soit dans le droit soit dans la pratique. S’il n’y a aucun accord sur ces questions, il risque d’en résulter une disparité subjective entre les juges. Pour la même raison, il faudrait s’efforcer d’identifier des facteurs qui ne devraient pas être considérés comme pertinents pour le prononcé des peines en ce qui concerne certaines infractions, lorsqu’il y a ou lorsqu’il y a eu des doutes à ce sujet. Par exemple, en Angleterre et en Suède, il a été déclaré qu’un tribunal qui condamne l’auteur d’un viol ne devrait considérer comme un facteur atténuant ni l’expérience sexuelle antérieure de la victime ni l’imprudence possible de celle-ci (par exemple, le fait qu’elle ait accepté de monter dans la voiture d’un inconnu). Il est bien sûr difficile d’exclure un facteur précis puisqu’un juge est normalement appelé à faire une évaluation globale des faits et du contexte dans lequel ils ont été commis. Sur toutes ces questions, il n’est pas réaliste de proposer l’établissement de listes exhaustives, mais il est parfaitement sensé de faire des efforts pour identifier les facteurs principaux ainsi que les éléments éventuels qui sont à l’origine de controverses ou de divergences connues d’opinions.
3. Bien qu’il soit largement reconnu que les facteurs aggravants et atténuants devraient exercer une influence considérable sur la peine, il arrive souvent que ces facteurs ne soient pas précisés dans la définition de l’infraction, et il se peut donc qu’il n’aient pas été prouvés en fonction des mêmes critères que les éléments précisés dans la définition. Cela pourrait se produire lorsque le prévenu plaide coupable relativement à l’infraction dont il est accusé, mais soutient que les faits lui sont plus favorables qu’on ne le prétend. L’équité exige que les facteurs qui ont un effet important sur la peine soient établis, si le prévenu les conteste, en fonction des mêmes critères que les éléments de l’infraction elle-même. Il y a là une claire analogie avec l’article 6, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. Certains Etats membres ont conçu des procédures spéciales pour résoudre de tels problèmes : en Angleterre, par exemple, le juge doit tenir une audience préalable au prononcé de la peine (pre-sentence hearing) s’il y a des faits contestés de ce genre. Il y a, en Allemagne, une procédure analogue et, en France, une “enquête rapide”. Néanmoins, quelle que soit l’approche procédurale, il est indispensable que les facteurs qui sont défavorables au prévenu et qui sont contestés soient établis en fonction des critères adéquats. De même, si un tribunal refuse de tenir compte d’un facteur invoqué comme circonstance atténuante, il ne devrait le faire que s’il est convaincu de l’inexistence de ce facteur, après avoir enquêté et/ou donné au contrevenant la possibilité de produire des preuves à ce sujet.
D. Condamnations antérieures
1. Les débats au sein du comité n’ont pas tardé à établir que les raisons pour lesquelles les délinquants persistent à récidiver diffèrent, tout comme les circonstances des infractions préalables, et qu’il serait injuste de considérer la récidive comme étant en soi un indicateur sûr de culpabilité accrue. Certes, dans tous les Etats membres, les récidivistes sont en général condamnés plus sévèrement que les primo-délinquants, mais cela ne devrait pas constituer une réaction automatique et les tribunaux devraient toujours examiner la question plus en détail. De fait, cette remarque ne se limite pas aux tribunaux : les condamnations antérieures peuvent jouer un rôle dans les décisions prises à différents stades de la procédure pénale, que ce soit par la police, le procureur, le juge d’instruction ou l’autorité chargée des libérations conditionnelles ; et le fait qu’une personne ait un casier judiciaire ne devrait à aucun stade jouer systématiquement à son encontre.
2. Les principes de base du prononcé des peines évoqués au paragraphe A.1 ci-dessus aboutissent presque tous à la proposition selon laquelle les récidivistes devraient, en général, se voir infliger des peines plus sévères que les primo-délinquants. Par exemple, il peut falloir au récidiviste un moyen de dissuasion plus fort contre les violations de la loi (prévention individuelle) ; des mesures de protection sociale peuvent être encore plus nécessaires contre les récidivistes (mesures de sûreté) ; et les primo-délinquants méritent qu’on leur donne la chance de montrer comment ils réagissent à des sanctions modérées avant que la peine prévue ne leur soit infligée dans sa totalité pour des infractions ultérieures (théorie du châtiment mérité ou de la juste rétribution). Pourtant, il serait injuste d’en venir à considérer la récidive comme plus importante aux fins du prononcé de la peine que l’infraction qui vient d’être commise. C’est pourquoi le comité a conclu que le casier judiciaire du délinquant devrait généralement se voir accorder moins de poids que la gravité de la ou des infractions actuelles. Cette conclusion va aussi dans le sens du principe de modération dans le recours à l’emprisonnement (B.5 ci-dessus).
3. Bien qu’en général la plupart des principes de base du prononcé des peines puissent justifier des peines plus lourdes pour les prévenus antérieurement condamnés que pour les primo-délinquants, il faut tenir compte des caractéristiques particulières du casier judiciaire du délinquant. Au cours de ses discussions, le comité a mis en évidence quatre catégories de cas dans lesquels les circonstances devraient avoir pour effet de diminuer, voire de supprimer, l’incidence du casier judiciaire sur la peine. En premier lieu, lorsqu’il s’est écoulé un laps de temps important entre des infractions antérieures et l’infraction jugée, le prévenu devrait être traité plus comme un primo-délinquant que comme un délinquant condamné antérieurement. En deuxième lieu, le casier judiciaire devrait avoir moins d’influence lorsque les infractions antérieures étaient mineures ou lorsque l’infraction actuelle est mineure. Le comité a discuté s’il y avait lieu de tenir compte des infractions d’une nature différente commises antérieurement, mais n’est arrivé à aucune conclusion sur ce point. En troisième lieu, le casier judiciaire devrait avoir une incidence réduite sur la peine si le délinquant est encore jeune. Le comité a également discuté de la question de savoir si les tribunaux devraient être conscients de la possibilité que la récidive soit le reflet de l’origine sociale ou des conditions de privation qu’a connues le délinquant. Si un tel processus de privation sociale était établi, le tribunal agirait (sans le savoir) à l’encontre du principe de non-discrimination (A.7 ci-dessus) en considérant les condamnations antérieures comme un facteur jouant à l’encontre du délinquant.
4. Il y aurait aussi plus de cohérence si les Etats membres avaient des politiques claires concernant la pertinence de certains types de condamnations antérieures. Il y a un problème de plus en plus aigu qui est celui des condamnations prononcées dans d’autres pays ; d’autres difficultés pourraient naître des infractions suivies d’une grâce ou d’une amnistie ainsi que des infractions soumises à prescription. Il faudrait déclarer une politique cohérente en ce qui concerne la pertinence de ces infractions antérieures pour des procédures pénales ultérieures.
5. Un problème connexe mais différent se pose dans les cas où un tribunal doit condamner un contrevenant en une seule fois pour plusieurs infractions. Le comité a reconnu qu’il ne serait pas satisfaisant d’adopter comme approche fondamentale des infractions multiples le principe qui consisterait simplement à cumuler les peines, en en ajoutant une pour chaque infraction distincte. Etant donné que le nombre d’infractions contenues dans l’inculpation ou la condamnation peut relever de la faculté d’appréciation du juge ou du ministère public (par exemple, s’agissant d’accuser le prévenu de plusieurs vols distincts ou d’un vol unique) on ne peut pas toujours tirer du nombre d’infractions dont le contrevenant est accusé des déductions bien nettes concernant l’étendue de la violation de la loi. Les principes applicables à la condamnation de délinquants multiples diffèrent considérablement selon les Etats membres : en France, par exemple, le tribunal peut seulement condamner à une peine unique un délinquant multiple (généralement pour la plus grave des infractions). Ce qui importe le plus c’est que la ou les peines infligées traduisent la gravité de l’ensemble des crimes ou délits considérés. Certes, les tribunaux tiennent compte sans aucun doute de la multiplicité d’infractions, mais il serait tout de même inacceptable qu’un délinquant condamné pour une série de dix vols simples se retrouve en prison pendant aussi longtemps qu’une personne qui a été condamnée pour homicide volontaire qualifié, par exemple.
E. Obligation de motiver des peines
1. Il ne saurait y avoir de décision de justice digne de ce nom sans motivation. Celle-ci a des fonctions importantes : pour le juge, en garantissant que la décision résulte d’une bonne application de la loi et de la marge d’appréciation dont il dispose ; pour le contrevenant, en expliquant le fondement de la peine prononcée ; à la fois pour le procureur et le contrevenant, s’agissant de décider de faire appel ou non ; pour la juridiction de recours, s’agissant de déterminer si la juridiction de première instance a ou non exercé correctement sa marge d’appréciation ; et pour le grand public, en l’informant des principes sur lesquels les tribunaux s’appuient pour agir. Par conséquent, en principe, le tribunal devrait toujours indiquer les raisons pour lesquelles il prononce telle ou telle peine. Néanmoins, en pratique, les exigences peuvent varier. Il est possible que des motifs moins précis soient exigés dans les cas les moins graves et les plus fréquents : ainsi que l’a reconnu la Recommandation no R (87) 18, il faudrait simplifier les procédures dans les cas d’infractions relativement mineures. Il peut aussi y avoir une distinction entre les motifs formels nécessaires pour se conformer à une certaine législation et les motifs afférents aux faits particuliers de la cause. Il peut être nécessaire de motiver plus complètement lorsque c’est la sévérité de la peine qui est en jeu. Lorsqu’on instaure des orientations ou des points de départ, il faut que les motifs s’y rattachent. Si le tribunal suit les orientations parce qu’il s’agit d’une affaire normale, il doit expliquer sur quoi il se fonde pour adopter une telle conclusion. Si un tribunal s’écarte des orientations, généralement en raison d’une certaine particularité de l’affaire, il est spécialement important que la peine s’accompagne des motifs concrets de cet écart. Conformément au principe de modération dans le recours à l’emprisonnement, il faudrait aussi exiger que l’on motive le choix d’une peine privative de liberté, sauf dans les cas les plus graves le justifiant logiquement, et en tout état de cause sa durée.
2. Ce qui devrait compter comme “motifs” de la peine n’est parfois pas clair. Il ne suffit pas, pour étayer une certaine peine, d’affirmer que le crime était “odieux” ou “terrible” ou constituait “un outrage à la société”. En Allemagne, il est contraire à la loi pour un juge d’alourdir une peine en invoquant les mêmes faits généraux que la loi elle-même utilise dans la définition de l’infraction (Doppelverwertung). Par exemple, s’il entre dans la qualification de l’infraction qu’elle consiste en des actes sexuels commis par un tuteur à l’égard de la personne sous tutelle, le juge ne peut pas invoquer le statut de tuteur de l’accusé comme facteur aggravant. Les motivations doivent être concrètes, c’est-à-dire qu’elles doivent établir un lien entre, d’une part, la peine en question et, d’autre part, soit la peine normale pour ce type de crime ou de délit, soit les principes de base et politiques déclarés du prononcé des peines. Les motifs devraient donc mettre en évidence toutes circonstances aggravantes ou atténuantes et indiquer dans quelle mesure elles ont influé sur la peine. Lorsqu’il s’agit d’un recours contre une peine, l’obligation qui incombe à la juridiction de recours de motiver sa décision devrait être particulièrement forte car les motifs fourniront des informations aux juges et aux avocats pour d’autres affaires. Lorsque le droit prévoit une peine minimale pour l’infraction et que le tribunal va en deçà, les motifs devraient expliquer pourquoi le tribunal a agi ainsi (comme cela est exigé en Finlande et à Malte pour certains types d’infractions). Lorsque le procureur a le pouvoir de recommander une peine (comme c’est le cas aux Pays-Bas) et que le tribunal va au-delà de la peine recommandée, la décision devrait être motivée. Toujours aux Pays-Bas, le tribunal doit motiver sa décision s’il refuse d’accepter la proposition du délinquant d’effectuer un travail d’intérêt général au lieu d’une courte peine d’emprisonnement. En conséquence, l’application de l’obligation de motiver les peines peut différer d’un pays à un autre, mais c’est le principe de l’obligation régulière de donner des motifs concrets qui est important.
F. Interdiction de la reformatio in pejus
1. En examinant les recours contre les peines, le comité était conscient des différences considérables dans les droits de recours selon les Etats membres. Néanmoins, sur le plan des principes, il est parvenu à la conclusion qu’il est en général injuste que la juridiction de recours prononce une peine plus sévère lorsqu’il y a eu seulement un appel interjeté au nom de la défense (dans certains Etats, le procureur est légalement habilité à interjeter appel pour la défense). Tel est le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus. L’injustice provient non seulement de l’élément de surprise, dans les cas où un appel principal ou incident du ministère public n’a pas été jugé opportun, mais plus généralement du fait que cela a pour effet de décourager les prévenus d’exercer leur droit de recours (voir le Protocole no 7 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et les Libertés fondamentales). Si, du point de vue du prévenu, l’issue peut paraître plus sévère, cela peut avoir pour effet de dissuader les intéressés d’exercer leurs droits.
2. Dans certains Etats membres, le procureur a le pouvoir de former un appel principal ou incident contre la peine. Cela devrait généralement être réservé aux cas où il y a lieu de croire que la peine sort de la fourchette appropriée. Le comité estime qu’il n’est pas souhaitable que l’usage de ce pouvoir devienne une habitude, car cela pourrait aussi avoir pour effet de décourager les prévenus d’exercer leur droit de recours. Quoi qu’il en soit, il reconnaît que l’ordre dans lequel les recours sont interjetés par le ministère public et par la défense peut être une question de hasard dans certains cas. De fait, en France, il existe des délais rigides pour les appels principaux et incidents. Le paragraphe D.2 envisage des Etats dans lesquels le procureur dispose d’un pouvoir accessoire d’interjeter appel (appel incident), c’est-à-dire d’un pouvoir qui n’existe qu’une fois que le prévenu a interjeté appel et qui dépend de ce dernier appel ; il faudrait en faire usage avec une modération analogue. Le comité a formulé ces recommandations en sachant que les appels formés par le ministère public contribuent effectivement à la cohérence du prononcé des peines, car ils permettent de corriger des peines exagérément clémentes tout comme des peines exagérément sévères, mais il a estimé que le conflit entre le soutien des droits du ministère public et le soutien des droits de la défense devrait généralement se résoudre en faveur de ces derniers, compte tenu de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et les Libertés fondamentales.
G. Temps passé en détention
Le comité est parvenu rapidement à l’unanimité sur le principe selon lequel le temps passé en détention dans l’attente du jugement ou de l’appel doit en général être décompté de la peine prononcée. Lorsqu’un système juridique permet à la juridiction de recours de ne pas tenir compte de tout ou partie du temps passé en détention, au motif que le recours est injustifié ou abusif, ce pouvoir devrait être limité à des cas exceptionnels. A défaut, il pourrait aller à l’encontre du Protocole no 7 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et les Libertés fondamentales, en décourageant les prévenus d’exercer leur droit de recours. Le temps passé en détention à l’étranger devrait aussi être décompté de toute peine infligée par la suite. L’on peut estimer qu’il convient d’opérer des déductions proportionnellement plus importantes pour le temps passé dans les prisons de certains pays où les conditions de détention sont particulièrement pénibles, et il pourrait être envisagé de tenir compte du temps passé en détention à domicile ou d’autres formes de semi-détention. Il est parfois difficile en pratique de déterminer avec exactitude combien de temps l’intéressé a passé en détention à l’étranger, mais il s’agit là d’une question de preuve et non pas de principe.
H. Le rôle du procureur
Au cours de ses discussions, le comité est toujours resté conscient de l’influence que les procureurs, entre autres acteurs du système de justice pénale, peuvent exercer sur la pratique suivie en matière de prononcé des peines. Certes, les pouvoirs des procureurs varient d’un Etat à un autre mais, dans tous les Etats membres, ils semblent avoir une certaine influence, directe ou indirecte, sur le prononcé des peines. Par exemple, les procureurs ont souvent pour tâche de déterminer quelle est ou quelles sont les infractions dont doit être accusé l’intéressé ; des pratiques de ce genre en matière de poursuites ont un effet, au moins indirectement, sur la détermination des pouvoirs du tribunal en matière de prononcé des peines. On peut dire la même chose en ce qui concerne les décisions des procureurs relativement au degré de juridiction auquel doit être jugée l’infraction. Dans certains Etats membres, il est d’usage que les procureurs présentent un réquisitoire au tribunal et qu’ils réclament ou préconisent une certaine peine. Cela a manifestement une influence sur la manière dont le tribunal choisit la peine, influence renforcée dans des Etats comme les Pays-Bas où il est rare que le juge aille au-delà de la peine réclamée par le procureur. Leur influence peut aussi jouer lorsque les procureurs ont le pouvoir de former un appel contre la peine, bien que ce pouvoir ne doive pas s’exercer dans le seul but d’accroître la cohérence. L’influence des procureurs est particulièrement grande en ce qui concerne les sanctions pécuniaires. On peut trouver dans les Etats membres essentiellement deux manières de procéder. La première, adoptée en Finlande et en Suède, est celle où les tribunaux sont censés calculer des jours-amendes selon les principes adoptés par les procureurs. La seconde est celle où le procureur a le pouvoir d’inviter le prévenu à payer une amende au lieu d’être poursuivi. Aux Pays-Bas, le procureur peut proposer une “transaction” ; en Allemagne, un versement d’argent à une œuvre de bienfaisance, en Ecosse, une “amende fiscale”. De tels systèmes ont été approuvés par le Comité des Ministres dans la Recommandation no R (87) 18 concernant la simplification de la justice pénale. L’essentiel est de souligner leurs liens étroits avec le prononcé des peines et leurs répercussions sur celui-ci. Si l’on traitait la cohérence dans le prononcé des peines comme s’il s’agissait simplement d’une question relevant des tribunaux, on négligerait cet aspect. Il s’ensuit donc qu’il faut faire des efforts pour s’assurer que les pratiques suivies en matière de poursuites favorisent la cohérence globale du prononcé des peines. Ainsi, par exemple, si les procureurs ont le pouvoir de recommander une peine au tribunal, il serait souhaitable que les procureurs et les tribunaux abordent la question de la même manière. Aux Pays-Bas, par exemple, il existe des lignes directrices pour les procureurs sur la question du prononcé des peines. Si les procureurs ont le pouvoir de proposer des amendes, leurs pratiques devraient être harmonisées avec celles suivies par les tribunaux lorsque ceux-ci prononcent des peines pour des infractions mineures. Bien qu’aux Pays-Bas un juge ne soit pas lié par les réquisitions de peine du ministère public, en pratique, celles-ci lui servent le plus souvent de “plafond”. Le juge tiendra compte ensuite d’autres facteurs dans l’affaire, y compris les facteurs atténuants, et il sera obligé de motiver concrètement sa décision. L’examen de l’ensemble de ces décisions peut alors conduire le ministère public à modifier les lignes directrices. Ceci démontre comment l’interaction entre le ministère public et les juges peut conduire à améliorer la cohérence dans le prononcé des peines. Lorsque les pouvoirs des procureurs n’ont qu’un effet indirect sur le prononcé des peines, par le choix des chefs d’accusation, le mode de jugement ou même le plea bargaining (négociation concernant les chefs d’accusations), il faudrait néanmoins veiller à ne pas perdre de vue le lien entre ces pratiques et le prononcé des peines. Certains Etats membres ont adopté une approche qui fait que les juges et les procureurs disposent de cours et de séminaires identiques ou analogues (voir I.2 ci-dessous). Une autre approche consisterait à assurer l’harmonisation de toutes les orientations destinées aux juges et aux procureurs. Par “politique de prononcé de peine ” dans la recommandation, le comité entend les politiques adoptées sous B.4 ci-dessus.
I. Etudes et information en matière de prononcé des peines
1. L’effet que les pratiques suivies par les procureurs peuvent avoir sur les comportements en matière de prononcé des peines dans les tribunaux est un bon exemple de l’interdépendance des différentes phases du système de justice pénale. Les juges devraient être régulièrement informés du fonctionnement de l’ensemble du système, y compris de questions telles que les modifications de la politique en matière de poursuites, l’état des prisons, les modifications concernant la libération anticipée de détenus, etc. Cela fournirait le cadre des informations spécifiques sur le prononcé des peines préconisées au paragraphe J.1 ci-dessous, qu’il faudrait aussi communiquer régulièrement aux juges.
2. Les questions qui ont un lien avec le prononcé des peines sont si vastes que les juges devraient disposer à ce sujet de cours, de conférences et de séminaires. Dans l’idéal, ceux-ci devraient être organisés régulièrement par un établissement public dirigé par un comité composé notamment de juges et de hauts fonctionnaires. Certains Etats membres ont déjà une structure institutionnelle qui assure à la fois la formation initiale et la formation permanente : il y a, par exemple, l’Ecole nationale de la magistrature en France, le Centro de Estudos Judiciarios au Portugal et le Judicial Studies Board en Angleterre et au pays de Galles. Selon le comité, les séminaires devraient avoir pour fonctions
(i) de réunir des juges pour faciliter l’étude de leurs problèmes communs,
(ii) d’expliquer les finalités des orientations ou points de départ éventuellement prescrits et
(iii) de démontrer les liens entre le prononcé des peines et d’autres décisions adoptées à l’intérieur du système de justice pénale.
Des séminaires de ce genre pourraient favoriser grandement la cohérence dans la manière d’aborder le prononcé des peines. Les juges devraient également être encouragés à élargir leurs contacts. Une possibilité est de leur fournir l’opportunité de discuter du prononcé des peines dans le cadre universitaire. Une autre possibilité étant que les juges pourraient prendre connaissance, sur le terrain, du traitement des délinquants et des problèmes sociaux en général. En France, les juges sont présents dans certains organes (conseils communaux et départementaux de prévention de la délinquance), constitués d’élus, d’associations et de représentants des administrations. Le juge peut alors dans de telles institutions faire valoir les besoins des prévenus ou condamnés, par exemple en ce qui concerne les questions de logement, de formation professionnelle, etc. On a constaté avec intérêt qu’il existait différents moyens pour mettre des informations comparatives à la disposition de ceux qui prononcent les peines. Certains Etats membres, tels les Pays-Bas et la Suède, collectent et collationnent des informations sur les comportements en matière de prononcé des peines. En Finlande, les statistiques en la matière sont informatisées. Certaines provinces d’Australie et du Canada sont allées plus loin et ont mis à la disposition des tribunaux des “systèmes d’information sur le prononcé des peines”. Il s’agit de systèmes informatiques qui peuvent comprendre des données concernant les peines maximales, les décisions de justice et les pratiques suivies en matière de prononcé des peines. Les juges peuvent se rendre à un terminal informatique installé dans le tribunal, introduire les détails fondamentaux d’une affaire et recevoir ensuite des informations comparatives qui peuvent les aider dans le choix des peines. Il semble que ces possibilités, qui n’existent que depuis trois ou quatre ans, aient reçu un accueil mitigé.
J. Statistiques et recherches
1. Il ne fait aucun doute qu’il est nécessaire de collecter et de publier régulièrement des statistiques sur le prononcé des peines pour pouvoir mesurer les comportements et la cohérence en la matière. Sur le plan des statistiques, cela peut nécessiter des techniques complexes, en raison de la multiplicité de facteurs en jeu dans les décisions de condamnation. Néanmoins, pour que les statistiques puissent servir d’informations aux juges et aux autres personnes qui exercent leurs activités au sein du système de justice pénale, il est indispensable qu’elles soient présentées sous une forme telle qu’on puisse les assimiler facilement et qu’elles ne soient pas potentiellement trompeuses. Par exemple, dans certains pays, il y a de nombreuses infractions qui font l’objet d’une définition large et qui englobent toute une gamme de comportements criminels ou délictueux (voir B.2. ci-dessus). Des statistiques indiquant la fourchette des peines appliquées pour une telle infraction ne seraient probablement d’aucune utilité, à moins d’être subdivisées en fonction d’autres facteurs non précisés par la loi. Ainsi, en Angleterre, il y a une infraction unique et large de vol, mais les statistiques opèrent une distinction entre différentes formes de vol, telles que le vol à l’étalage, le vol à la tire, le vol de parcmètres, le vol commis par un salarié, etc. Les statistiques en matière de prononcé des peines fourniraient encore plus d’informations si elles pouvaient différencier, selon le degré de criminalité, les infractions qui ont des éléments objectivement quantifiables : par exemple, les statistiques pour conduite en état d’ivresse pourraient être subdivisées en fonction de la quantité d’alcool, ou les statistiques concernant les différentes infractions contre les biens pourraient être subdivisées en fonction de la valeur des biens volés ou du coût du préjudice. Etant donné que la production d’informations à l’intention de ceux qui prononcent les peines a pour objectif d’aider ces derniers, il faut déployer des efforts pour assurer un niveau élevé de clarté dans la communication et un niveau élevé de pertinence dans ce qui est communiqué.
2. L’emploi de statistiques pour mettre en évidence et mesurer les incohérences exige une précision scientifique considérable. Il faut tenir compte de la vaste gamme de facteurs qui jouent un rôle dans les décisions de condamnation, pour pouvoir faire la démonstration convaincante de toute variation en la matière. Certaines de ces variations peuvent être considérables, car il peut y avoir des variations non seulement entre les types de peines prononcées (par exemple, emprisonnement, liberté surveillée, amende) mais aussi dans l’ampleur de la peine en question (par exemple, peines d’emprisonnement de durée courte, moyenne ou longue, amendes faibles ou élevées). Les statistiques devraient fournir ces détails dans la mesure du possible.
3. Même si les statistiques sont suffisamment fines pour rendre compte de ces facteurs, elles ne font qu’établir des variations. La question suivante est celle de savoir si les variations sont justifiables ou injustifiables, car seules des variations injustifiables constituent des disparités dans le prononcé des peines. Le cadre fondamental de la distinction entre variations justifiables et variations injustifiables devrait ressortir des recommandations A, B, C et D ci-dessus, qui établissent des principes généraux pour les décisions en ce qui concerne la gravité relative des infractions, la sévérité relative des peines (B.6), les facteurs aggravants et atténuants pertinents (C.2), etc. Il conviendrait de mener régulièrement des recherches pour mesurer les liens entre les variations dans le prononcé des peines et les différents types d’infractions, les types de personnes condamnées et les procédures employées. De telles recherches sont particulièrement importantes lorsqu’on adopte des orientations ou une autre réforme en matière de prononcé des peines, afin que l’on puisse contrôler et évaluer leurs effets.
4. Il est peu probable que des recherches purement quantitatives permettent une compréhension suffisante du processus de prononcé des peines et des raisons qui conduisent les tribunaux à telle ou telle décision. Il est donc nécessaire de disposer de recherches qualitatives, faisant intervenir des entretiens avec des juges et l’observation de leur travail, de façon à permettre de mieux comprendre comment le judiciaire aborde le prononcé des peines et à faciliter la mise en évidence des sources de disparités. Ces recherches devraient notamment permettre de découvrir si et dans quelle mesure certains facteurs extérieurs, tels que les médias, les attitudes du public ou la situation locale, peuvent influer sur le prononcé des peines.
5. Tant en compilant des statistiques qu’en menant des recherches quantitatives et qualitatives, on doit se rappeler que le prononcé des peines n’est que l’une des phases du système de justice pénale (voir H.1 ci-dessus). Aussi, les recherches devraient-elles placer le prononcé des peines dans le contexte qui est le sien, et ne pas l’étudier comme un phénomène isolé.
K. Coopération européenne en ce qui concerne l’information sur le prononcé des peines
1. L’un des aspects importants des travaux du comité réside dans l’accumulation et l’échange de connaissances concernant les pratiques et les politiques suivies dans les différents Etats membres en matière de prononcé des peines. Les membres du comité ont tiré des avantages certains de l’étude de façons différentes d’aborder des problèmes analogues, ce qui a conduit à recommander l’instauration d’une méthode d’échanges permanents de telles informations. A une époque où de nombreux Etats ont à traiter des problèmes analogues en matière de prononcé des peines, des informations concernant les innovations intervenues en la matière dans d’autres Etats sur le plan du droit, de la politique et de la pratique pourraient apporter une aide considérable. Cela pourra être de plus en plus utile en ce qui concerne l’Europe centrale et l’Europe de l’Est, et pourra contribuer à la promotion des politiques et des pratiques harmonisées à l’échelle européenne ( voir A.5 ci-dessus ).
2. Plus particulièrement, deux innovations seraient dignes d’intérêt. En premier lieu, on pourrait créer un bulletin européen sur le prononcé des peines. En second lieu, il faudrait mettre sur pied un forum pour des réunions régulières de juges et d’autres personnes qui jouent un rôle dans les systèmes de justice pénale des Etats membres, de façon à susciter une plus grande prise de conscience de problèmes communs et de solutions envisageables.