JORF n°0053 du 4 mars 2010 - Texte n°96
Recommandations du 23 février 2010 relatives à la maison d’arrêt de Mulhouse (Haut-Rhin) NOR : CPLX1005437X
La maison d’arrêt de Mulhouse (Haut-Rhin) a été visitée par cinq contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté du 20 au 24 juillet 2009.
Les observations factuelles recueillies au cours du contrôle ont été communiquées à la directrice de la maison d’arrêt le 18 septembre 2009. Elles ont donné lieu à une réponse de ce chef d’établissement le 2 octobre 2009.
Le rapport complet de la visite a été communiqué pour observations à la ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et à la ministre de la santé et des sports le 30 octobre 2009. Elles ont fait connaître leurs réponses respectivement les 23 et 28 décembre 2009.
A la suite de cette procédure, conformément à la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté formule les recommandations publiques suivantes :
1. Il conviendrait impérativement de restaurer des relations sereines et apaisées dans un établissement dans lequel les dissensions internes entre la direction et les personnels placés sous son autorité ont pris une place prépondérante. Des conflits internes incessants perturbent gravement le fonctionnement de cet établissement. Les détenus ont parfaitement conscience de cette situation et savent en tirer profit pour mettre à mal l’application du règlement intérieur. Les violences habituelles entre détenus, constatées dans cette maison d’arrêt, sont l’une des conséquences de ce climat délétère et malsain. Le Contrôleur général se doit de signaler qu’il n’a jamais été confronté, dans un établissement pénitentiaire, à une situation aussi dégradée depuis le début de sa mission. Il relève toutefois qu’un audit a été très opportunément commandé par la direction interrégionale des services pénitentiaires sur le fonctionnement de cet établissement.
2. Les conditions de vie imposées aux détenus sont indignes : les locaux sont vétustes, le sol dégradé, les peintures écaillées, le mobilier des cellules en mauvais état ; les toilettes sont d’une telle exiguïté qu’il est impossible à la plupart des personnes de s’y asseoir correctement. L’hygiène souffre de la présence de nombreux « nuisibles » (cafards, rats). Les douches, disponibles à l’étage et non dans chaque cellule, sont mal équipées et une mauvaise aération est responsable de l’apparition de nombreuses traces de moisissure aux murs et de cloques sur les peintures. Le réseau électrique, comme la plomberie, est en très mauvais état. Des travaux d’importance devraient être rapidement réalisés pour que les personnes détenues puissent vivre de façon décente. Il est pris acte de ceux engagés depuis la visite, notamment l’installation d’une ventilation mécanique contrôlée dans chacune des douches, le changement progressif des fenêtres dans le cadre d’un plan pluriannuel et la rénovation du réseau électrique. Il est toutefois à craindre que la progressivité dans le temps de cette remise à niveau, s’agissant en particulier des cellules dont la réfection est réalisée en fonction de leur inoccupation, ne conduise à maintenir cette situation indigne encore trop longtemps.
3. La situation des personnes à mobilité réduite devrait être mieux prise en compte car, dans cet établissement comme dans de nombreux autres, rien n’est adapté. Le seul aménagement est une rampe mobile confectionnée localement, rails montés puis démontés par les surveillants à chaque entrée ou sortie d’un seul des bâtiments de la détention. Cette situation conduit à l’isolement de ces personnes qui n’ont pas accès aux différentes activités.
4. Les cellules d’attente situées en sous-sol du bâtiment administratif, qui servent au transit des détenus lors de leur arrivée ou de leur départ, sont, compte tenu de leur état, particulièrement indignes et il ne devrait pas être admis d’y laisser séjourner des détenus, fût-ce pour un temps très bref. Les circuits de circulation des détenus devraient être revus et ces cellules interdites d’emploi. L’existence même de ces cellules est d’ailleurs de nature à accroître le « choc carcéral » alors qu’au contraire tout devrait être fait pour l’atténuer.
5. Les parloirs, sous forme d’une grande salle collective sans séparations, ne sont pas propices à un maintien satisfaisant des liens familiaux. Il est en effet impossible aux familles, confrontées à un brouhaha indescriptible, d’échanger sereinement avec leurs proches détenus.
6. La gestion des requêtes formulées par les personnes détenues devrait faire l’objet d’une attention toute particulière, l’absence de réponse trop souvent observée, ici comme dans de nombreux autres établissements, constituant une source de ressentiment qui dégrade inéluctablement les relations entre les détenus et les personnels pénitentiaires.
7. Le contrôle général a relevé avec intérêt qu’il existait en théorie un dispositif d’astreinte médicale mis en place par le centre hospitalier, par conséquent plus développé que ce qui existe dans la majorité des établissements pénitentiaires de cette taille. Encore faut-il qu’il soit véritablement en mesure de traiter toutes les situations nécessitant la présence d’un médecin. Dans la pratique, il semble que ce ne soit pas toujours le cas. L’enquête à laquelle vont procéder les services de l’agence régionale de l’hospitalisation, annoncée par la ministre de la santé et des sports, devrait notamment être attentive aux cas qui ont mis en évidence, lors de la visite, un défaut d’intervention médicale suffisante.
8. L’accès aux soins psychiatriques devrait tenir compte du degré d’urgence. En effet, le système rencontré sur place lors de la visite relève d’une gestion purement administrative de « stocks », dans laquelle les demandes sont traitées par ordre d’arrivée des courriers. Cette organisation défaillante peut conduire à différer l’examen d’un patient en crise et entraîner de lourdes conséquences.
9. Il est observé avec satisfaction la volonté de rechercher des entreprises pour fournir du travail dans les ateliers malgré les difficultés économiques actuelles. De même, l’engagement des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse au sein du quartier des mineurs et la distribution gratuite d’un journal de la presse quotidienne régionale sont des actions positives qui doivent être soulignées.
10. La situation de l’établissement paraît à ce point dégradée qu’il conviendrait de s’orienter vers la construction d’un nouvel établissement pénitentiaire de dimensions raisonnables.
J.-M. Delarue