14600 articles - 12260 brèves

TGI Toulon,13 octobre 2005 - principe d’interprétation stricte de la loi pénale écarté lorsque loi obscure

Mise en ligne : 26 octobre 2005

Dernière modification : 9 août 2010

Ci-dessous un jugement du TGI de Toulon qui fera date : il affirme que le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale ne s’applique pas lorsque la loi est obscure. Le tribunal ne s’arrête pas là : il déclare obscure une loi dont la rédaction est, de toute évidence, parfaitement claire. [1]

Texte de l'article :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de TOULON
JUGEMENT SUR REQUÊTE

JUGEMENT CORRECTIONNEL DU : 13 OCTOBRE 2005
N° de Jugement : D3477/05
N° de Parquet : 050132

A l’audience du TRIBUNAL CORRECTIONNEL, au Palais de Justice de TOULON, le TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE CINQ et en Chambre du Conseil,

composé de
Monsieur François GUYON, Vice-Président, faisant fonction de Président,
Madame Joëlle TORMOS, Juge assesseur,
Madame Sandrine LADEGAILLERIE, Juge assesseur,

assistés de Madame Isabelle BRISSAUD, Greffier,

en présence de Monsieur Gérard DEMORY, Vice-Procureur de la République,

a été rendu le jugement ci-après :

A LA REQUETE DE

NOM : xxxx [...]
Déjà condamné, détenu au Centre Pénitentiaire de TOULON-LA FARLEDE ;
Comparant et assisté de M°SERVEL, avocat au barreau de TOULON ;

A l’appel de la cause, le Président a constaté l’identité du requérant, et a donné connaissance de la requête qui a saisi le Tribunal ;
Le greffier a tenu note du déroulement des débats ;
Le ministère Public a été entendu en ses réquisitions ;
M°SERVEL, avocat du requérant dépose des conclusions visées ;
Le requérant, assisté de son conseil, M°SERVEL, avocat, ont présenté leurs moyens de défense, ayant eu la parole en dernier ;

Le Tribunal, après délibéré, a rendu en audience publique le jugement suivant dont lecture a été faite par le Président :

Attendu que le 26 septembre 2005 le Procureur de la République a saisi le Tribunal d’une requête en difficulté d’exécution, suivant les dispositions des articles 710 et 721 du Code de Procédure Pénale ;

Qu’il expose :

"Monsieur xxxx a été condamné le 10 juin 2005 par le Tribunal Correctionnel de TOULON à une peine de 5 années d’emprisonnement pour abus de confiance, vol avec violence ayant entraîné une ITT inférieure à 8 jours.
Monsieur xxxx purge actuellement ses peines au centre pénitentiaire de LA FARLEDE (83).

Au 19 septembre 2005 selon les calculs effectués par l’administration pénitentiaire sous le contrôle du parquet (en application de l’article D115 du Code de Procédure Pénale), l’incarcération de Monsieur xxxxx s’achèverait le 8 novembre 2007, sauf aménagement de peine ou décision particulière (décret de grâce, mesure individuelle) pouvant raccourcir ce délai.

Par courrier en date du 22 août 2005, Monsieur xxxx conteste le calcul du crédit de réduction de peine prévu par l’article 721 du Code de Procédure Pénale et plus particulièrement son alinéa 1°. Pour l’essentiel il considère devoir bénéficier, en sus du crédit qui lui a été alloué et notifié, d’un crédit de 7 jours par mois de détention à effectuer à compter du 1er janvier 2005 jusqu’au terme théorique de sa peine (8 avril 2009).

De par le lieu de détention de l’intéressé, votre tribunal apparaît compétent pour examiner la requête en difficulté d’exécution de peine, conformément à l’article 710 du Code de Procédure Pénale.

Attendu qu’il a été régulièrement notifié le 28 septembre 2005 par le Directeur de la Maison d’Arrêt de TOULON-LA FARLEDE à xxxx que sa requête serait examinée à l’audience de ce jour ;
Attendu que xxxx, actuellement détenu, a été conduit devant le Tribunal et a comparu ;
Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard ;

Attendu que l’article 721 du Code de Procédure Pénale, applicable depuis le 1er janvier 2005, dispose que : "chaque condamné bénéficie d’un crédit de réduction de peine" ... "à hauteur de 3 mois pour la 1ère année, de 2 mois pour les années suivantes, et de 7 jours par mois" ;

Que le début du texte tel qu’il est rédigé, laisse penser que le législateur a entendu limiter la durée maximale de la réduction d’une peine (à 3 mois pour la 1ère année, à 2 mois pour les éventuelles années suivantes) alors que la fin pourrait laisser penser que viendrait se rajouter une durée supplémentaire à cette durée pourtant limitée ;

Que ladite disposition telle qu’elle est rédigée pose d’évidentes difficultés d’interprétation, en raison de la disparition au cours des débats parlementaires de l’expression "pour une durée d’incarcération moindre" ;

Attendu que le condamné, invoquant le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale, soutient qu’il peut bénéficier cumulativement d’un crédit de réduction de peines de 3 mois pour la 1ère année, 2 mois pour les années suivantes, auxquels s’ajoutent 7 jours par mois chaque année ;

Que, cependant, ce principe général du droit ne peut s’appliquer en l’espèce en raison de l’obscurité exposée ci-dessus de la loi ;

Attendu qu’il est de jurisprudence constante que, face à une imprécision de la loi pénale, il convient de l’interpréter à la lueur des principes généraux du droit des débats parlementaires qui ont précédé le vote ;

Attendu qu’en l’espèce la volonté du législateur, telle qu’elle résulte des débats parlementaires exposés dans les réquisitions écrites du Procureur de la République, est clairement de ne pas cumuler les réduction de 3 mois ou de 2 mois prévus pour une année entière, et les réductions de 7 jours par mois ;

Attendu que le texte doit donc s’interpréter ainsi :

- le crédit de réduction de peine "à hauteur de 3 mois pour la 1ère année" se comprend comme s’appliquant forcément aux peines au moins égales à 1 an, sinon il n’aurait pas de sens,

- le crédit de réduction de peine "de 2 mois pour les années suivantes" se comprend comme s’appliquant aux peines au moins égales à 2 ans et se calculant sur chaque année pleine,

  • reste l’expression "7 jours par mois" qui s’applique uniquement, d’une part, aux peines inférieures à un an, et d’autre part, aux durées de peine qui ne sont pas des années pleines ;

Que par conséquent, il convient de rejeter la requête du condamné ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant en chambre du conseil, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

Vu les articles L.151-1 du Code de l’Organisation judiciaire, 710, 711, 721, 706-64 à 706-70 du code de Procédure Pénale,

Rejette la requête en difficulté d’exécution ;

Dit que la présente décision n’est pas assujettie à un droit fixe de procédure.

Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.

Source : LDH Toulon

Il faut lire et relire 1984 !

Notes:

[1] [1] Les juges toulonnais s’avèrent des adeptes du novlangue de George Orwell : « la guerre c’est la paix », « la liberté c’est l’esclavage », « l’ignorance c’est la force »...