L’Observatoire International des Prisons (OIP) sollicitait ici l’annulation de la décision du directeur du Centre de Détention (CD) d’Oermingen instituant un régime de fouilles corporelles intégrales systématiques à l’égard des personnes détenues à l’issue des parloirs.
Le Ministre de la Justice, dans son mémoire en défense, ne niait pas l’existence d’une telle décision et indiquait qu’elle se justifiait au regard du risque d’entrée d’objets prohibés ou dangereux et de ce que, “sur les 250 personnes détenues, en dix mois, près de 33 % des personnes détenues se sont fait connaître pour des fautes disciplinaires ; qu’il serait vain de cibler des personnes soupçonnées d’agissements d’introduction de substances ou d’objets prohibés sans favoriser des violences et pressions sur les plus faibles contraints par les autres détenus de servir de mules pour l’introduction d’objets”.
Après avoir rappelé les dispositions légales en vigueur, et notamment l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009 qui prohibe le recours aux fouilles intégrales systématiques, le Tribunal Administratif de Strasbourg (TA) a relevé qu’en l’espèce, la mesure était “à portée générale et sans limitation de durée”.
Il a conclu qu’en “décidant par principe de soumettre à priori tous les détenus ayant accès au parloir à des fouilles à nu systématiques, en dehors de toute circonstances exceptionnelles, sans envisager un examen particulier de la situation du détenu, le directeur du centre de détention d’Oermingen méconnaît les dispositions susmentionnées de l’article 57 de la loi susvisée du 24 novembre 2009”.
Il a ajouté que « la circonstance, à la supposer établie et invoquée par le Garde des Sceaux de ce que 94 incidents ont été commis par 83 personnes détenues différentes dans un intervalle de 10 mois ne peut, en elle-même, dispenser l’autorité administrative pénitentiaire de mettre en œuvre un examen individuel dans les conditions de l’article 57 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 ».
Le TA a donc annulé la décision du directeur d’établissement.
La décision avait par la suite été confirmée par la Cour administrative d’appel de Nancy, statuant sur appel du Garde des sceaux.
***
A noter : En amont, l’OIP avait demandé au juge des référés de suspendre cette décision mais sa demande avait été rejetée, le juge ayant estimé que l’OIP ne justifiait pas de l’urgence à stopper une telle situation. En effet, il avait considéré qu’il résultait des pièces du dossier et des débats à l’audience que « l’atteinte grave et immédiate à la situation des détenus n’est pas établie, compte tenu du double fait que la fouille est effectuée de manière la moins agressive possible et qu’elle n’intervient qu’une fois par quinzaine lorsque les détenus sont autorisés à rencontrer leur famille ou amis au parloir ».
Autrement dit pour le juge des référés, une fouille à corps qui n’a lieu « que » tous les quinze jours et qui est faite de la manière « la moins agressive possible », ne constitue pas une atteinte grave et immédiate à la situation des personnes détenues !
Le Conseil d’Etat avait alors été saisi mais n’avait pu rendre une décision avant qu’il ne soit statué sur le fond…