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Décret du 21 mars 2006 relatif à l’isolement des détenus

Mise en ligne : 28 mars 2006

Dernière modification : 9 août 2010

Texte de l'article :

J.O n° 70 du 23 mars 2006 page 4349
texte n° 19

Décret n° 2006-338 du 21 mars 2006 modifiant le code de procédure pénale (troisième partie : Décrets) et relatif à l’isolement des détenus

NOR : JUSK0640023D

Le Premier ministre,

Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 715 et 728 ;

Vu le décret n° 97-1187 du 19 décembre 1997, modifié par le décret n° 2001-650 du 19 juillet 2001 pris pour l’application au ministère de la justice du 1° de l’article 2 du décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles ;

Vu le décret n° 2004-837 du 20 août 2004 relatif aux dispositions applicables aux condamnés en fin de peine et portant diverses dispositions de procédure pénale, notamment son article 21 ;

Après avis du Conseil d’Etat (section de l’intérieur),

Décrète :

Chapitre Ier Placement à l’isolement d’un détenu

Article 1

Le paragraphe 4 de la section V du chapitre V du titre II du livre cinquième du code de procédure pénale (troisième partie : Décrets) intitulé : « Mise à l’isolement » est remplacé par les dispositions suivantes :

« § 4. Mise à l’isolement.

« A. - Dispositions générales.

« Art. D. 283-1. - Tout détenu peut être placé à l’isolement par mesure de protection ou de sécurité, soit sur sa demande, soit d’office.

« La décision de placement à l’isolement est prise pour une durée de trois mois maximum. Elle peut être renouvelée pour la même durée.

« Il peut être mis fin à la mesure d’isolement à tout moment par l’autorité qui a pris la mesure ou qui l’a prolongée, d’office ou à la demande du détenu.

« Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures, il est tenu compte de la personnalité du détenu, de sa dangerosité particulière et de son état de santé.

« Art. D. 283-1-1. - Toute décision de placement ou de prolongation d’isolement est communiquée par le chef d’établissement au juge de l’application des peines s’il s’agit d’un condamné ou au magistrat saisi du dossier de l’information s’il s’agit d’un prévenu.

« Lorsque l’isolement est prolongé au-delà d’un an, le chef d’établissement, préalablement à la décision, sollicite l’avis du juge de l’application des peines s’il s’agit d’un condamné ou du magistrat saisi du dossier de l’information s’il s’agit d’un prévenu.

« Le détenu peut faire parvenir au juge de l’application des peines ou au magistrat saisi du dossier de l’information toutes observations concernant la décision prise à son égard.

« Au moins une fois par trimestre le chef d’établissement rend compte à la commission de l’application des peines du nombre et de l’identité des détenus placés à l’isolement et de la durée de celui-ci pour chacun d’eux.

« B. - Régime de détention à l’isolement.

« Art. D. 283-1-2. - La mise à l’isolement ne constitue pas une mesure disciplinaire.

« Le détenu placé à l’isolement est seul en cellule.

« Il conserve ses droits à l’information, aux visites, à la correspondance, à l’exercice du culte.

« Il ne peut participer aux promenades et activités collectives auxquelles peuvent prétendre les détenus soumis au régime de détention ordinaire sauf s’il y a été autorisé pour une activité spécifique par le chef d’établissement.

« Il bénéficie de la promenade quotidienne prévue à l’article D. 359 du code de procédure pénale.

« Toutefois, le chef d’établissement organise, dans toute la mesure du possible et en fonction de la personnalité du détenu, des activités communes aux détenus placés à l’isolement.

« Art. D. 283-1-3. - La liste des détenus placés à l’isolement est communiquée quotidiennement à l’équipe médicale. Ces détenus font l’objet d’un examen médical dans les conditions prévues à l’article D. 381. Le médecin, chaque fois qu’il l’estime utile au regard de l’état de santé du détenu, émet un avis sur l’opportunité de mettre fin à l’isolement.

« Art. D. 283-1-4. - Toute décision de placement, prolongation ou levée de l’isolement est consignée dans une fiche versée au dossier individuel du détenu.

« Il est tenu un registre des mesures d’isolement sous la responsabilité du chef d’établissement. Ce registre est visé par les autorités administratives et judiciaires lors de leurs visites de contrôle et d’inspection.

« C. - Autorité compétente pour décider de l’isolement.

« Art. D. 283-1-5. - Le chef d’établissement décide de la mise à l’isolement. Il peut renouveler la mesure une fois.

« Il rend compte de sa décision au directeur régional.

« Art. D. 283-1-6. - A l’issue du renouvellement de la mesure, le directeur régional des services pénitentiaires peut prolonger l’isolement.

« La décision est prise sur rapport motivé du chef d’établissement.

« Cette décision peut être renouvelée une fois.

« Art. D. 283-1-7. - Lorsque le détenu est à l’isolement depuis un an à compter de la décision initiale, le ministre de la justice peut, par dérogation à l’article D. 283-1, décider de prolonger l’isolement pour une durée de quatre mois renouvelable.

« La décision est prise sur rapport motivé du directeur régional qui recueille préalablement les observations du chef d’établissement et l’avis écrit du médecin intervenant à l’établissement.

« L’isolement ne peut être prolongé au-delà de deux ans sauf, à titre exceptionnel, si le placement à l’isolement constitue l’unique moyen d’assurer la sécurité des personnes ou de l’établissement.

« Dans ce cas, la décision de prolongation doit être spécialement motivée.

« Art. D. 283-1-8. - Pour l’application des articles D. 283-1-5 à D. 283-1-7, lorsque le détenu a déjà été placé à l’isolement, la durée de l’isolement antérieur s’impute sur la durée de la nouvelle mesure si l’interruption de l’isolement est inférieure à un an.

« Si l’interruption est supérieure à un an, il est fait application de l’article D. 283-1-5.

« Art. D. 283-1-9. - Lorsque le détenu faisant l’objet d’une mesure d’isolement d’office est transféré, le placement à l’isolement est maintenu provisoirement à l’arrivée du détenu dans le nouvel établissement.

« A l’issue d’un délai de quinze jours, si aucune décision d’isolement n’a été prise, il est mis fin à l’isolement.

« Art. D. 283-1-10. - L’hospitalisation du détenu ou son placement en cellule disciplinaire sont sans effet sur le terme de l’isolement antérieurement décidé.

« D. - Isolement à la demande d’un détenu.

« Art. D. 283-2. - Le détenu qui demande son placement à l’isolement ou la prolongation de son isolement adresse au chef d’établissement une demande écrite et motivée. Si le détenu est dans l’impossibilité de présenter une requête écrite, sa demande fait l’objet d’un compte rendu écrit.

« Lorsque la décision relève de la compétence du directeur régional des services pénitentiaires ou du ministre de la justice, le chef d’établissement transmet dans les meilleurs délais la demande du détenu et un rapport motivé au directeur régional.

« Art. D. 283-2-1. - Par dérogation à l’article D. 283-1, l’isolement est levé par le chef d’établissement dès que le détenu en fait la demande.

« Lorsque l’autorité qui a pris la décision envisage de lever l’isolement sans l’accord du détenu, la décision est prise dans les conditions des articles D. 283-2-2 et D. 283-2-3.

« E. - Isolement d’office d’un détenu.

« Art. D. 283-2-2. - Lorsqu’une décision d’isolement d’office ou de prolongation est envisagée, le détenu est informé, par écrit, des motifs invoqués par l’administration, du déroulement de la procédure et du délai dont il dispose pour préparer ses observations.

« Si le détenu ne comprend pas la langue française, ces informations sont présentées par l’intermédiaire d’un interprète désigné par le chef de l’établissement. Il en est de même de ses observations, s’il n’est pas en mesure de s’exprimer en langue française.

« Les observations du détenu et, le cas échéant, celles de son avocat ou du mandataire agréé sont jointes au dossier de la procédure. Si le détenu présente des observations orales, elles font l’objet d’un compte rendu écrit.

« Le chef d’établissement transmet le dossier de la procédure au directeur régional des services pénitentiaires lorsque la décision relève de la compétence de celui-ci ou du ministre de la justice.

« Art. D. 283-2-3. - La décision est motivée. Elle est notifiée sans délai au détenu par le chef d’établissement.

« Art. D. 283-2-4. - En cas d’urgence, le détenu peut être placé à l’isolement provisoire dans les conditions prévues à l’article R. 57-9-10.

« A l’issue d’un délai de cinq jours, si aucune décision de placement à l’isolement prise dans les conditions des articles D. 283-2-2 et D. 283-2-3 n’est intervenue, il est mis fin à l’isolement.

« La durée du placement provisoire à l’isolement s’impute sur la durée totale de l’isolement. »

Article 2

Au c de l’article D. 381 du même code, les mots : « au quartier d’isolement » sont remplacés par les mots : « aux détenus placés à l’isolement » et les mots : « l’article D. 283-1 » sont remplacés par les mots : « l’article D. 283-1-3 ».

Article 3

I. - A l’article D. 56 du même code, les mots : « de l’article D. 55 » sont remplacés par les mots : « des articles D. 56-1 et D. 56-2 » et les mots : « le juge de l’instruction » sont remplacés par les mots : « le magistrat saisi du dossier de l’information ».

II. - Il est inséré, après l’article D. 56 du même code, deux articles D. 56-1 et D. 56-2 ainsi rédigés :

« Art. D. 56-1. - Lorsque le magistrat saisi du dossier de l’information ordonne la mise à l’isolement d’une personne placée en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention en raison des nécessités de l’information, il en précise la durée, qui ne peut excéder celle du titre de détention. A défaut de précision, cette durée est celle du titre de détention. Ces instructions sont précisées dans la notice prévue par l’article D. 32-1 ou, si la mesure est décidée ultérieurement, dans tout autre document transmis au chef d’établissement.

« Le magistrat saisi du dossier de l’information peut ordonner le maintien de l’isolement à chaque prolongation de la détention provisoire.

« Le magistrat saisi du dossier de l’information peut mettre fin à la mesure d’isolement à tout moment, d’office, sur réquisitions du procureur de la République, à la requête du chef d’établissement pénitentiaire ou à la demande du détenu.

« Le détenu placé à l’isolement par le magistrat saisi du dossier de l’information est soumis au régime de détention prévu par les articles D. 283-1-2 à D. 283-1-4.

« Art. D. 56-2. - Lorsque le magistrat saisi du dossier de l’information ordonne la séparation des détenus en raison des nécessités de l’information, ses instructions sont précisées dans la notice individuelle prévue à l’article D. 32-1 ou, si la mesure est décidée ultérieurement, dans tout autre document transmis au chef d’établissement. »

Chapitre II Dispositions diverses

Article 4

I. - Le troisième alinéa de l’article D. 285 du code de procédure pénale est ainsi complété :

« Lorsque le détenu est mineur, cet entretien peut être réalisé par un éducateur des services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. »

II. - L’article D. 518 du même code est ainsi rédigé :

« Art. D. 518. - Les éducateurs et les assistants du service social des services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse sont habilités à suivre les mineurs détenus dans les mêmes conditions que les travailleurs sociaux du service pénitentiaire d’insertion et de probation. »

Article 5

Le présent décret est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie sous réserve des dispositions suivantes :

I. - L’article 22 du décret du 20 août 2004 susvisé est ainsi complété :

« Les dispositions de l’article 21 du présent décret sont applicables dans les îles Wallis et Futuna. »

II. - Les références, modifications ou suppressions relatifs aux articles D. 32-1, D. 55, D. 56, D. 56-1, D. 56-2, D. 283-1 à D. 283-2-4, D. 285 et D. 518 du code de procédure pénale sont respectivement applicables aux articles DT. 32-1, DWF 55, DPF. 55, DNC. 55, DWF 56, DPF. 56, DNC. 56, DWF 56-1, DPF. 56-1, DNC. 56-1, DWF 56-2, DPF. 56-2, DNC. 56-2, DWF 283-1 à DWF 283-2-4, DPF 283-1 à DPF 283-2-4, DNC. 283-1-4 à DNC. 283-2-4, DP. 285 et DP. 518 du code de procédure pénale.

III. - Dans la section V du chapitre V du titre II du livre V bis du code de procédure pénale applicable en Nouvelle-Calédonie et dans la section V du chapitre V du titre II du livre V ter du code de procédure pénale applicable en Polynésie française, il est créé, après les articles DNC 283 et DP 283, un paragraphe 4 ainsi intitulé :

« § 4. - La mise à l’isolement ».

IV. - L’intitulé de la section II du chapitre III du titre II du livre V bis du code de procédure pénale applicable en Nouvelle-Calédonie et l’intitulé de la section II du chapitre III du titre II du livre V ter du code de procédure pénale applicable en Polynésie française est ainsi rédigé : « De la punition de cellule et des moyens de contrainte ».

V. - Pour l’application de l’article 1er du présent décret, la référence à l’article D. 381 est remplacée en Polynésie française par la référence à l’article DP. 375 et en Nouvelle-Calédonie par la référence à l’article DNC. 375.

VI. - Au 3° de l’article DP. 375 du code de procédure pénale, la référence à l’article DP. 170 est remplacée par la référence à l’article DP. 283-1-2 et au 3° de l’article DNC. 375 du code de procédure pénale, la référence à l’article DNC. 170 est remplacée par la référence à l’article DNC. 283-1-2.

VII. - Le paragraphe 2 intitulé : « Mise à l’isolement » de la section II du chapitre III du titre II du livre V bis du code de procédure pénale applicable en Nouvelle-Calédonie et les articles DNC. 170 et DNC. 171 ainsi que le paragraphe 2 intitulé : « Mise à l’isolement » de la section II du chapitre III du titre II du livre V ter du code de procédure pénale applicable en Polynésie française et les articles DP. 170 et DP. 171 du code de procédure pénale sont abrogés.

VIII. - Le troisième alinéa de l’article DNC. 285 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque le détenu est mineur, cet entretien peut être réalisé par un éducateur du service territorial compétent en matière de protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse. »

IX. - L’article DNC. 518 du même code est ainsi rédigé :

« Art. DNC. 518. - Les agents du service territorial compétent en matière de protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse sont habilités à suivre les mineurs détenus dans les mêmes conditions que les travailleurs sociaux du service pénitentiaire d’insertion et de probation. »

Article 6

Le présent décret entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel.

Les dispositions de l’article 1er s’appliquent aux décisions de renouvellement de placement à l’isolement en cours à la date d’entrée en vigueur du présent décret.

Article 7

Le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de la santé et des solidarités et le ministre de l’outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 21 mars 2006.

Dominique de Villepin

Par le Premier ministre :

Le garde des sceaux, ministre de la justice, Pascal Clément
Le ministre de la santé et des solidarités, Xavier Bertrand
Le ministre de l’outre-mer, François Baroin

Source : Légifrance