- Un peu d’Histoire
- Comment en est-on arrivé jusque-là
- Mode de calcul
- L’absence de moyens : un faux prétexte (...)
- Des solutions ?
- Les RPE : Règles pénitentiaires Européennes
- La Jurisprudence de la CEDH
- Jurisprudence Française
- Une évolution du parc pénitentiaire à (...)
- Nécessité d’une réflexion architecturale (...)
- Ne pas oublier que l’’encellulement (...)
- Un dernier moratoire
- L’Objectif
Un peu d’Histoire :
Le principe d’un numérus clausus appliqué dans les Établissements pour Peine date de 1976.
Encellulement individuel : Principe inscrit dans la loi depuis 1875 (Loi Bérenger du 5 juin 1875).
En 1945, une commission de réforme des institutions pénitentiaires énonce 14 principes parmi lesquels le principe de l’encellulement individuel pour les personnes placées en emprisonnement préventif, et pour les condamnés à une peine d’un an maximum.
Le Principe est inscrit dans le code de procédure pénale de 1958.
Repoussé à trois reprises ces quatorze dernières années :
- Loi du 15 juin 2000 fixe un délai de 3 ans pour la mise en œuvre du principe
- Loi du 12 juin 2003 reporte de 5 ans l’entrée en vigueur du principe
- Loi du 24 novembre 2009 a repoussé son application à 5 ans (soit le 24 novembre 2014)
L’Avis du CGLPL du 24 mars 2014 préconise une application par étapes.
Comment en est-on arrivé jusque-là :
Jusqu’en juin 2006, la surpopulation était gérée par l’adoption, chaque année d’un décret de grâce. 6 000 personnes étaient ainsi libérées chaque été. Cette pratique a cessé à l’élection présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, étant précisé que la réforme constitutionnelle de 2008 est venue retirer au Président de la République le droit de prendre des décrets de grâce collective. Aucun autre mécanisme satisfaisant n’a été mis en place depuis.
Conséquences de la surpopulation :
Atteinte à la dignité, mauvaises conditions de détention, atteinte à l’efficacité de la prison, racket et trafics divers facilités, violences, renforcement de la loi du plus fort en détention et abandon des détenus les plus fragiles.
Le nombre de personnes détenues a presque doublé en 30 ans : 37 000 personnes en 1980, 67 000 en 2014.
Difficultés liée à la fois à la surpopulation carcérale et à l’architecture :
Sur les 58 054 places répertoriées au 1er octobre 2014 :
• 40 857 cellules à une place (-11m²)
• 6 553 cellules à deux places (de 11 à 14m² inclus)
• 2 271 cellules collectives (+14m²)
o 1302 cellules de 3 places (de 14 à 19m² inclus)
o 755 cellules de 4 places (de 19 à 24m² inclus)
o 213 dortoirs de plus de 5 places (de 24 à 54m² inclus)
o 1 cellule de plus de 20 places (+94m²)
L’administration pénitentiaire n’est pas seule responsable :
Elle est tributaire du flux de détenus adressé par la justice, qu’elle ne peut ni refuser, ni réguler. « La surpopulation est ainsi un symptôme du dysfonctionnement de la pénitentiaire seule, mais de la chaîne pénale dans son ensemble. »
L’Utilisation trop limitée des QPA/QSL/aménagements de peine :
Au 1er Octobre 2014, MA = densité carcérale globale de 131,5% à l’échelle de toute la France
CPA = densité de 64% soit à peine supérieure à la moyenne !!
Outre-mer, Île de France et région PACA plus touchée par la surpopulation.
En octobre 2014, sur les 66522 personnes détenues, 26341 étaient seules en cellule dont 7389 en MA (28,05%) et 18952 en EP (71,95%), soit 39,65% de la population pénale détenue.
Mode de calcul :
La circulaire de l’administration pénitentiaire du 17 mars 1988 fixe le mode de calcul de la capacité d’hébergement des établissements pénitentiaires. Calculée par rapport à la surface au plancher -> jusqu’à 11m² = 1 seule place.
Il existe une différence entre capacité théorique et capacité opérationnelle (places temporairement indisponibles du fait de travaux par exemple).
Taux d’occupation = Nombre de personnes hébergées /capacité opérationnelle de l’établissement.
Les places des quartiers arrivants sont comptabilisées dans le calcul de la capacité opérationnelle.
/ !\ Un taux d’occupation inférieur à 100% ne permet pas de conclure au respect de l’encellulement individuel !
Exemple avec la Maison d’Arrêt d’Epinal qui dispose de 140 cellules réparties comme suit :
• 20 cellules individuelles (- de 11m²) = 20 places
• 120 cellules de 12,5m² (cellules de deux places) = 240 places
• 6 cellules de 17m² (cellules de 3 places) = 18 places
• 4 cellules de 22m² (cellules de 4 places) = 16 places
= Une capacité de 294 places. Au 1er octobre 2014, 246 détenus donc densité carcérale de 83,7% mais au maximum, 20 personnes détenues peuvent bénéficier d’une cellule individuelle.
L’absence de moyens : un faux prétexte :
L’Etat perd plus d’argent en ce moment qu’elle ne perdrait à allouer de vrais moyens à la justice : La mise en cause de la responsabilité de l’Etat, à raison des conditions de détention, a connu une forte augmentation à compter de la fin des années 2000.
• En 2009, coût du contentieux des conditions de détention : 48 954€
• 2010 : 149 950€
• 2011 : 401 180€
• 2012 : 346 053€
• Octobre 2014 : 188 180€
Des solutions ?
Prendre exemple sur l’Allemagne et les Pays-Bas qui en septembre 2012 avaient des densités carcérales inférieures à 100% (89 et 86%).
Allemagne passe d’un taux d’incarcération de 96 pour 100 000 en 2003 à 85 pour 100 000 en 2012. Les Pays-Bas de 87 à 68. La France passe de 92 à 117 sur la même période.
Pourquoi ?
Les durées moyennes d’incarcération sont largement inférieures à celles observées en France.
L’Italie, souffrait comme nous de surpopulation, s’est fait condamnée par CEDH (Arrêt Torregiari) car 3 détenus partageaient une cellule de 9m². La Cour a donné un an à l’Italie pour instaurer une procédure de recours de droit interne permettant aux détenus de voir cesser ou réparer ce type d’atteinte fondamentale à leurs droits. (Puis nouveau sursis d’un an pour poursuivre les efforts entrepris : Favoriser le recours à la détention domiciliaire pour purger jusqu’à 18 mois de détention, possibilité pour le JAP de prévoir une mise à l’épreuve pour peines allant jusqu’à 4 ans d’emprisonnement, Remises de peines exceptionnelles)
Ces mesures ont permis de diminuer le nombre de détenus de 69 000 en 2010 à 58 861 au 31 mai 2014.
Les RPE : Règles pénitentiaires Européennes :
Elles posent le principe de l’encellulement individuel. Aux termes de la règle 18.5, « chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus » étant précisé qu’une « cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter ».
Les RPE renvoient à la recommandation n°R (99) 22 concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, règle 1, qui traite de la surpopulation pénale et pose à cet égard un certain nombre de principes. La privation de liberté doit être considérée comme une « mesure de dernier recours » et l’extension du parc pénitentiaire comme une « mesure exceptionnelle ». Il est recommandé de prévoir un « ensemble approprié » de sanctions alternatives à l’emprisonnement s’effectuant dans la communauté et « d’inciter les procureurs et les juges à y recourir le plus largement possible » (règle 3). De plus, les États membres sont invités à « examiner l’opportunité de décriminaliser certains types de délits ou de les requalifier de façon à éviter qu’ils n’appellent des peines privatives de liberté » (règle 4). Les Etats sont également invités à mener « une analyse détaillée des principaux facteurs contribuant au phénomène de surpopulation afin de concevoir une action cohérente contre le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale. » (règle 5) Il est préconisé de fixer une capacité maximale pour les établissements pénitentiaires (règle 6). Concernant les peines, il est recommandé de recourir autant que possible à des « régimes de semi-liberté et des régimes ouverts » (règle 9)
La Jurisprudence de la CEDH :
Le principe de l’encellulement individuel ne se trouve pas en tant que tel dans la jurisprudence de la Cour Européenne mais elle l’inclut dans le contrôle des conditions de détention telles que protégées par l’article 3 de la Convention.
Question de la surpopulation Arrêt 2013 : Condamnation de la France pour conditions de détention à la MA de Nancy-Charles III. -> Violation Article 3 (voir arrêt Nouméa)
Cf CEDH Yengo c/ France n°50494/12 et Jodar et autres c/ France n°2871/11
La CEDH déduit du seul manque d’espace une atteinte au principe de la dignité humaine : Arrêt 6/07/2009 Sulejmanovic c/ Italie n°22635/03
Le seul critère de surpopulation suffit à emporter la condamnation de l’Etat (espèces où les détenus disposaient de -3m² chacun
Elle confère un effet contraignant aux RPE auxquels elle se réfère dans les 4 arrêts pilotes rendus depuis 2009 : CEDH 22/10/2009 Norbert Sikorski c/ Pologne, Orchowski c/ Pologne n°17885/04, 10/01/2012 Ananyev et autres c/ Russie n°42525/07 et 60800/08 ; 8/01/2013 Torregiani c/ Italie n°43517/09, 46882/09, 55400/09, 57875/09, 61535/09, 35315/10 37818/10.
Dans ces arrêts, elle invite l’Etat qui ne peut garantir des conditions de détention conformes aux exigences de l’article 3 « à réduire le nombre de personnes incarcérées, notamment en appliquant davantage des mesures punitives non privatives de liberté et en réduisant au minimum le recours à la détention provisoire » (Sikorski et Torregiani)
Jurisprudence Française :
Le juge administratif admet, depuis le jugement rendu par le TA de Rouen, le 27 mars 2008 que les conditions de détention contraires à la dignité des personnes incarcérées sont de nature à engager la responsabilité de l’administration pénitentiaire. Le JA a ainsi indiqué que « si l’administration pénitentiaire peut déroger au principe de l’encellulement individuel […] elle ne peut le faire que dans le respect de conditions satisfaisantes d’hygiène et de salubrité et le respect de la dignité inhérente à la personne humaine » (TA Rouen, 27 mars 2008, n°0602590)
Une évolution du parc pénitentiaire à venir :
Le 17 novembre 2014, le Garde des sceaux a annoncé que le financement d’un parc pénitentiaire de 63500 places était provisionné : 35800 places en MA et 27700 places en EP. + un nouveau programme de 3200 places également en cours.
Nécessité d’une réflexion architecturale :
Penser la prison comme un lieu de passage et de transition, rester en phase avec les évolutions de la société : faire des nécessités de demain les standards d’aujourd’hui (téléphonie en cellule, écran interactif en cellule)…
80% de places individuelles, le seuil à partir duquel l’exercice du droit à l’encellulement individuel apparaît possible
Cf rapport d’information n°2388 de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Ne pas oublier que l’’encellulement individuel est un droit et non une obligation :
Enquête de l’OIP de 2006 : 16% des détenus interrogés ne souhaitaient pas être seuls en cellule.
Autre exemple : Juin 2009, ouverture du CP de Nancy-Maxéville (692 places dont 80% en cellules individuelles) et fermeture de la MA Charles III de Nancy (252 places en cellules collectives), le choix avait été donné aux 284 personnes détenues transférées et 30% ont demandé à être affectées dans une cellule double avec un codétenu de leur choix.
Un dernier moratoire :
Les 3 étapes :
- Recensements d’informations doivent être effectués en juin 2016
- Point d’avancement effectué en juin 2019
- Octobre 2022 : le strict respect de l’encellulement individuel devrait pouvoir être atteint
La Nécessité d’un double contrôle :
- CGLPL
- Débat annuel devant le Parlement sur la politique pénale
L’Objectif :
80% de places individuelles mais attention, en + de la construction de cellules individuelles, cela implique donc de remplacer intégralement les 2271 cellules multiples d’aujourd’hui par des cellules simples pour les 6254 places qu’elles représentent.
Ne jamais accepter l’inacceptable :
Poursuivre l’expérimentation en cours dans la région PACA, visant à dégager des critères d’alerte en matière de surpopulation, établissement par établissement puisque le caractère insupportable de la surpopulation peut varier d’un établissement à un autre.
S’assurer du plein déploiement des acquis de la loi du 15 Août 2014.