Les faits :
Le requérant fut placé en détention provisoire du 15 janvier 2003 au 30 mars 2006, date à laquelle il fut placé sous surveillance électronique dans l’attente de son jugement. Le 24 mai 2006, il fut condamné à 8 ans d’emprisonnement pour meurtre et immédiatement incarcéré à la maison d’arrêt Charles III de Nancy.
A noter, cette prison qui avait été construite en 1857 ferma définitivement ses portes en 2009 en raison de son extrême vétusté.
Durant son séjour en prison, le requérant partagea une cellule de 9m² avec un codétenu.
Le 13 juin 2006, à l’occasion d’une fouille de leur cellule, leur balai leur fut confisqué.
Deux jours plus tard, il adressa à la directrice de l’établissement pénitentiaire et au surveillant-chef une demande écrite aux fins d’installation d’une porte aux toilettes de la cellule, de réparation de ces toilettes en raison d’une fuite et d’un manque de pression de la chasse d’eau et enfin de réparation de prises électriques situées à proximité du lavabo. Il ne reçut alors aucune réponse, malgré une relance orale et écrite en date du 06 juillet 2006, effectuée auprès des surveillants d’étage.
La procédure devant les juridictions françaises :
Le 25 juillet 2006, il déposa plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d’instruction du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Nancy dans le but de contester ses conditions d’incarcération.
Par une ordonnance du 31 octobre 2006, le doyen des juges d’instruction rendit une ordonnance d’irrecevabilité, au motif qu’à la supposer établie, l’infraction devait être reprochée à l’administration pénitentiaire et était donc du ressort de la juridiction administrative. Le requérant interjeta appel de cette ordonnance et fut transféré au centre détention d’Ecrouves le 22 novembre 2006.
Par un arrêt du 1er mars 2007, la cour d’appel de Nancy estima que le juge d’instruction était compétent pour connaître des faits qui lui avaient été mentionnés dans la plainte.
Le 12 février 2008, la vice-présidente du TGI délivra une commission rogatoire au service régional de police judiciaire de Nancy mais avant que la procédure n’ait eu le temps d’aboutir, la chambre criminelle de la Cour de cassation par un arrêt rendu le 20 janvier 2009, à propos du dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile pour des faits relatifs à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine pendant la détention en maison d’arrêt, est venue indiquer que ces faits n’entraient pas dans la prévision de l’article 225-14 du code pénal et ne pouvaient admettre aucune qualification pénale.
Le requérant invoqua alors devant la CEDH une violation des articles 3 (pour ses conditions de détention) et 13 (pour son manque de recours effectif) de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Le raisonnement de la Cour EDH :
Si elle relève que l’espace individuel dont disposait le requérant était de 4,5m², soit un peu plus que le minimum selon le Comité de Protection contre la Torture et les traitements inhumains et dégradants, elle insiste pour souligner que l’espace dont le requérant disposait était réduit par les installations sanitaires (lavabo et toilettes) ainsi que par la présence de meubles (une table, un lit superposé et deux chaises).
Si le manque d’espace à lui seul ne pouvait justifier une violation de l’article 3, la Cour relève que la situation a été aggravée par le fait que le requérant ne disposait que d’une heure de promenade le matin ou l’après-midi, dans une Cour de seulement 50m², et que lorsqu’il se trouvait dans sa cellule, les conditions d’hygiène n’étaient pas remplies, l’absence de cloison aux toilettes étant notamment pointée du doigt.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, “la Cour considère que l’effet cumulé de la promiscuité et des manquements relevés aux règles d’hygiène ont provoqué chez le requérant des sentiments de désespoir et d’infériorité propres à l’humilier et à le rabaisser. Dès lors, la Cour estime que ces conditions de détention s’analysent en un traitement dégradant au sens de l’article 3 de la Convention. Partant, il y a eu violation de cette disposition.”